Les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni connaissent depuis une dizaine d’années un grand réveil militant progressiste, souvent identifié sous les termes de woke ou de wokisme. Ce phénomène s’articule sur une utopie égalitariste, une version de la « justice sociale » recalibrée autour des groupes dits historiquement marginalisés en raison de leur ethnicité, orientation sexuelle, religion, handicap ou genre.
C’est dans ce contexte de grand réveil militant qui place les identités de « race » et de genre au centre des dynamiques sociales et politiques que se distingue l’irruption dans le champ du débat public des questions relatives aux transidentités. Auparavant confinées à certaines disciplines universitaires et aux cercles militants, les théories du genre se sont émancipées de leurs niches surtout à partir du début des années 2010 et le langage du transgenrisme s’est propagé dans les médias de prestige, les réseaux sociaux et un certain nombre d’institutions avec une rapidité stupéfiante.
Dans cet article, le terme transgenrisme fait référence à l’effort d’ingénierie conceptuelle qui propose une révision de l’ordre normatif sexuel non plus articulée sur les propriétés biologiques ou même autour du « rôle social » développé par les philosophes féministes, mais sur la seule expérience subjective. Ce courant propose en effet un développement conceptuel supplémentaire dépassant la distinction sexe/genre et stipulant que la seule condition nécessaire et suffisante pour être une femme/femelle (ou un homme/mâle) est de s’identifier comme telle.
Le critère d’identification d’une femme, d’un homme ou d’une identité alternative repose uniquement sur l’acte performatif de l’individu, c’est-à-dire l’« affirmation » de son identité de genre par l’intermédiaire de la répétition régulière d’actes verbaux et comportementaux (habillement, maniérisme, annonce de ses pronoms tels que iel, ul et ol, ael, im et em, etc.). Si redéfinir ce qu’est un homme ou une femme à partir de l’auto-identification semble introduire une circularité incompatible avec l’objectif d’une définition (« une femme est une personne qui s’identifie comme femme »), cette révision répond en revanche à l’impératif d’inclusivité de la « justice sociale » : englober dans une même définition toutes les variations de l’« être femme » (ou respectivement de l’« être homme »).
Le second chapitre se concentre sur la réception du transgenrisme dans le champ du christianisme contemporain. Il développe, d’un côté du spectre, la manière dont les milieux chrétiens progressistes s’enrichissent de la vigueur militante de la « justice sociale » et intègrent les ressources théoriques du féminisme trans-inclusif, et à l’autre extrémité, les formes de résistance intellectuelle contre ces deux influences adoptées par les intellectuels chrétiens de sensibilité conservatrice. Nous verrons que les franges les plus progressistes du protestantisme tendent à déclarer la compatibilité du transgenrisme avec le christianisme à partir de la réinterprétation du récit biblique, tandis que leurs coreligionnaires conservateurs développent un argumentaire philosophique visant à mettre en évidence que même les formes théoriques les plus élaborées du transgenrisme débouchent sur des conclusions qui sont au contraire incompatibles avec la tradition chrétienne.
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https://religion.info/pdf/2022_09_Moos_Transgenrisme_Christianisme.pdf