Depuis quelques années, un nouveau phénomène culturel a émergé aux États-Unis et s’est répandu, avec des intensités variables, dans l’espace anglophone occidental. Ce phénomène se caractérise par la croissante visibilité d’une ferveur militante, voire révolutionnaire, au sein de certains segments des populations de ces pays, alimentée par la conviction qu’il existe une urgence morale à se soulever contre les « injustices » produites et perpétuées par les structures, normes et valeurs mêmes de ces sociétés. Les deux termes qui sont les plus souvent utilisés pour qualifier ce phénomène sont ceux de Woke, ou Wokeness, décrivant une identité militante progressiste, et de Social Justice ou wokisme, pour qualifier un mouvement social, politique et culturel ainsi que le corpus théorique qui fournit le contenu de cette identité militante et les lignes directrices des différents agents individuels et collectifs qui dynamisent ce mouvement.
Le récent et assez soudain surgissement de ce réveil militant a surpris plus d’un observateur. Diverses tentatives d’analyse des causes et de la nature de cette rapide transformation sociétale ont été proposées. Ses thuriféraires, s’étageant de la gauche à l’extrême gauche des champs politiques, y voient un sursaut moral positif, causé par l’évidente pérennité et sévérité d’injustices raciales, sexuelles et genrées, non pas accidentelles, mais intrinsèques à la société nord-américaine. Leurs critiques, qui vont des conservateurs à la gauche libérale, y voient au contraire un mouvement révolutionnaire et antilibéral, profondément influencé par le postmodernisme, conjuguant antiréalisme et subjectivisme social .
Cet essai se divise en deux chapitres. Le premier introduit les principales caractéristiques de ce que nous appelons le wokisme et décrit la manière dont il s’articule avec toute une série d’activismes, de théories identitaires et d’innovations méthodologiques. Déterminer une structure et une cohérence de ce phénomène nous impose un développement quelque peu fastidieux, mais nécessaire, pour comprendre ce qui a amené certains intellectuels et auteurs à y voir un faire et un croire a priori social et politique, mais en réalité profondément « religieux ». C’est le sujet sur lequel se concentre le second chapitre. Parmi les militances qui composent le mouvement de la Social Justice, l’observation d’un ensemble de comportements et de croyances ordonnés autour des trois totems « race, sexe et identité » suggère en effet que nous avons affaire à un objet différent des mouvements de type « droits civiques », un objet que les seules catégories du social ou du politique ne semblent pas pouvoir capturer d’une manière satisfaisante.
Pour lire le texte intégral de l'étude d'Olivier Moos, veuillez télécharger le PDF (53 p., 3,4 Mo) en cliquant sur le lien ci-après :
https://www.religion.info/pdf/2020_12_Moos_Wokisme.pdf