Selon les données statistiques tenues à jour par le ministère français de l’Intérieur, il y aurait actuellement, en moyenne, un peu plus de deux lieux de culte profanés ou dégradés par jour en France, rapporte Jacques Pezet dans la section CheckNews du quotidien Libération (26 février 2019). En raison de la forte présence de lieux de culte catholiques en France, cette confession se trouve majoritairement touchée : plusieurs médias ont fait état d'une vague de profanation d'églises en France. Certains s'émeuvent de ne pas voir ces actes plus largement couverts par les médias, même si cette retenue peut aussi s'expliquer par la crainte de créer une spirale d'imitations. Il faut y ajouter des actes touchant d'autres symboles à connotation religieuse, par exemple des tombes chrétiennes, juives ou musulmanes dans des cimetières.
En mars 2019, dans le sillage d'une manifestation de « gilets jaunes », un temple maçonnique a été saccagé à Tarbes. Si les actes de violence antimaçonnique semblent moins fréquents que ceux frappant des groupes religieux, ils ne sont pas inexistants, inspirés par différentes thèses attribuant aux francs-maçons un sinistre rôle. Plus que leur nombre, leur spécificité retient l'attention. Si l'antimaçonnisme a une histoire déjà longue, les cas récents de violence antimaçonnique semblent largement nourris par les théories du complot et rumeurs qui circulent aujourd'hui en ligne. C'est en tout cas l'impression que retire le lecteur de l'ouvrage (en anglais) Harming Hiram : The Threat of Anti-Masonic Extremism, publié cette année en auto-édition.Son auteur, Tony M. Kail, est membre d'une loge dans le Tennessee.
Ce petit livre documentaire se concentre sur les violences associées à une « culture extrémiste antimaçonnique », particulièrement aux États-Unis. Il cite non seulement des textes dans lesquels la franc-maçonnerie se trouve associée au satanisme (un thème déjà ancien), mais qui accusent aussi des loges maçonniques de commettre des abus contre des enfants. En 2002, à la suite d'émissions de radio d'un théoricien complotiste et d'une campagne contre une propriété en Californie abritant un club privé associé par ses adversaires à la franc-maçonnerie, un activiste antimaçonnique en tenue de combat et lourdement armé causa un incendie dans cette propriété, convaincu que des abus contre des enfants et des sacrifices humains s'y déroulaient régulièrement (pp. 17-19). Plus largement, les francs-maçons sont présentés comme des « agents du chaos » cherchant à créer une situation qui conduirait à brider les libertés afin d'imposer un nouvel ordre mondial (pp. 38-39). Dans certains cas, antimaçonnisme et antisémitisme restent fortement liés.
Le livre recense plusieurs dizaines d'actes de vandalisme (parfois graves et répétés) contre des loges nord-américaines, des incendies volontaires (y compris à l'aide d'engins incendiaires), des tentatives d'utilisation de bombes artisanales et, bien sûr, des graffitis antimaçonniques sur des immeubles abritant des loges. Dans certains cas, de véritables appels aux meurtres circulent en ligne. Kail admet qu'un certain nombre d'actes sont commis par des personnes manifestement perturbées mentalement (ce que le lecteur constate aisément en découvrant les brèves présentations de certains cas). La dernière partie du volume donne des conseils pratiques afin de prévenir autant que possible des incidents et de protéger adéquatement les locaux abritant des activités maçonniques. L'auteur répertorie également certains termes et certains symboles couramment associés à la propagande antimaçonnique.
Tony M. Kail, Harming Hiram : The Threat of Anti-Masonic Extremism, Symbol Intelligence Group, 2019. Diffusion : Lulu Press.