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« Je n’ai pas honte du ridicule, de la moquerie, des insultes… » Avec une longue liste qui sonne comme un défi aux quolibets, le présentateur ouvre la Conférence internationale de la Terre plate, encouragé par de vigoureux applaudissements. Les 15 et 16 novembre 2018, plusieurs centaines de personnes s’étaient réunies dans un centre de convention proche de l’aéroport de Denver (Colorado)[1]. Si le présentateur ne se faisait pas faute de souligner la dimension scientifique de l’approche « platiste »[2], l’atmosphère n’était pas celle d’un colloque académique. Il s’agissait plutôt d’échanger et de s’encourager pour « apporter le message » au monde.
Aucune des personnes présentes à la deuxième Flat Earth International Conference (FEIC) n’était née platiste : pour autant qu’on puisse en juger, tous les participants étaient des convertis à la Terre plate — et, qui plus est, des convertis récents. Celles et ceux avec qui nous avons pu nous entretenir avaient pour la plupart embrassé la thèse platiste autour de 2015 ou plus tard. Il en allait de même des conférenciers, parmi ceux qui ont mentionné le point de départ de leur intérêt.
Tout convaincus qu’ils sont que le mouvement connaît une croissance irrésistible, les croyants à la Terre plate ne cessent de faire l’expérience du rejet et des sarcasmes et ont parfaitement conscience que leurs convictions suscitent l’incrédulité : après tout, ils réagissaient eux-mêmes de telle façon à l’idée de la Terre plate il y a quelques années encore. Beaucoup d’entre eux se retrouvent donc assez isolés dans leurs croyances, malgré des efforts pour réunir des groupes de rencontre là où cela est possible. Comme nous le confiait un couple venu de l’Idaho, retrouver d’autres personnes ayant les mêmes intérêts était leur principal motif pour assister à cette réunion.
C’était aussi l’occasion de découvrir livres, produits et projets dans des stands, à l’entrée de la grande salle de conférence. On pouvait aussi y rencontrer des artistes ou « Mad » Mike Hughes, un trompe-la-mort qui teste lui-même des fusées avec lesquelles il espère atteindre une altitude assez élevée pour constater de ses propres yeux que la Terre est plate, puisqu’il ne fait bien entendu aucune confiance aux agences spatiales. La croyance à la Terre plate s’accompagne nécessairement de thèses complotistes pour expliquer comment les autorités empêchent l’humanité de connaître la vérité. La Terre plate, suggère Rajiv Golla, représente peut-être « le complot ultime », puisque cacher ce fait suppose une énorme entreprise pour tromper l’humanité[3]. Nous y reviendrons plus loin.
À côté des convaincus ou des indécis intéressés par la thèse de la Terre plate, mais hésitants, on rencontrait dans les réunions et les couloirs du centre de congrès un bon nombre de journalistes, intrigués par un sujet insolite, ou un producteur de scénarios de films, venu chercher la pâte humaine pour un nouveau projet en observant et écoutant les participants. Tout récemment a même été présenté ce qui est probablement le premier documentaire (en anglais) sur l’actuel courant de la Terre plate : Behind the Curve, un film de Daniel J. Clark.
L’article proposé ici n’a pas pour but de traiter le sujet sous un angle ironique : Religioscope a pour principe d’aborder avec respect les différents types de croyances et leurs représentants. Deux jours d’immersion dans le monde de la croyance à la Terre plate convainquent que le sujet dépasse l’anecdote : comme cela a été signalé plus haut, il s’agit d’un phénomène en essor et récent, même si les raisons de cette émergence rapide sur un temps court demandent plus ample examen. Après cette introduction préliminaire, nous proposons de continuer à nous intéresser à ce thème dans ses déclinaisons variées.
Même si la croyance à la Terre plate est loin de toujours représenter une croyance religieuse, et bien qu’il existe aussi des platistes sécularistes ou athées, une nette majorité des personnes présentes à Denver étaient convaincues de l’harmonie entre la croyance à la Terre plate et le message biblique : nous nous y intéresserons donc plus spécialement. Ce n’est pas représentatif de l’ensemble des milieux platistes : plusieurs interlocuteurs rencontrés à Denver estimaient que les croyants bibliques représentaient probablement la moitié du milieu environ, mais d’autres estimations suggèrent que le pourcentage est supérieur. Comme il ne s’agit pas d’une organisation structurée, personne ne le sait avec certitude. La surreprésentation chrétienne lors de la Flat Earth International Conference 2018 résultait peut-être en partie des orientations personnelles et du choix des intervenants par les organisateurs du congrès. Mais il faudrait explorer les interactions avec d’autres thèmes des sociétés contemporaines : on pouvait croiser au congrès de Denver un jeune homme arborant ses convictions de platistes véganes ; nous avons découvert par la suite que d’autres Flat Earthers avaient également embrassé le véganisme. Peut-être ne faut-il y voir rien de plus qu’une ouverture particulière à des approches non conventionnelles, combinées de façon plus ou moins aléatoire selon les individus, mais cela dessine de possibles subdivisions.
Les chrétiens platistes constituent donc plusieurs segments du courant. Maisa parmi les auteurs qui ont contribué à l’actuel essor de la thèse de la Terre plate, on trouve aussi Eric Dubay, avec son livre The Flat-Earth Conspiracy (2014) et sa chaîne YouTube. Un croyant biblique peut se retrouver dans The Flat-Earth Conspiracy, qui recycle en partie des thèses platistes du XIXe siècle et cite des auteurs chrétiens à l’appui de la démonstration ; en revanche le même lecteur chrétien sera choqué en explorant le site de Dubay, où celui-ci propose d’autres thèses, par exemple celle selon laquelle Jésus n’aurait jamais existé et son histoire ne serait que la recomposition de mythes anciens[4]. On trouve des groupes Facebook chrétiens platistes qui bannissent la référence à Eric Dubay ou à d’autres croyances platistes non chrétiennes dans leurs pages.
Les platistes se retrouvent sur la croyance à la Terre plate et à des complots plus ou moins vastes pour imposer les thèses globistes, mais ils peuvent diverger notablement sur d’autres thèmes auxquels se retrouvera éventuellement associée la thèse platiste. Des points de vue théologiques variés ont pointé durant les interventions[5]. Sans oublier les rivalités entre courants platistes : on a pu entendre des intervenants critiquer la Flat Earth Society, groupe qui a essayé de reprendre le manteau d’un groupe actif sous ce nom au XXe siècle, mais qui n’était nullement associé à la FEIC. Les organisateurs du congrès eux-mêmes, sur leur site, tenaient à souligner qu’ils n’avaient rien à voir avec la Flat Earth Society[6].
Un journaliste rencontré à la réunion nous a demandé si l’on pouvait parler d’une secte. Le terme est inadéquat, dans tous les sens du mot. Il n’existe aucune structure d’organisation stable, mais seulement des figures individuelles avec leurs sites et de petites initiatives personnelles de diffusion de livres ou d’autres produits. En outre, la diversité des vues est constitutive de ce qu’on peut qualifier de courant ou de milieu sans frontières définies et propice à de multiples interactions. Pour l’instant, il ne semble y avoir aucun mouvement religieux en tant que tel qui adhère aux théories de la Terre plate. Les stands de la réunion de Denver étaient tous tenus par des groupes relevant d’initiatives quasi familiales, dirigées par une personne assistée de quelques proches. Rob Skiba, sur lequel nous reviendrons, parle d’un « mouvement de chercheurs indépendants sans chef (leaderless) ».
Avant de relater ce que nous avons observé à Denver, il faut résumer l’histoire des thèses contemporaines de la Terre plate, depuis le XIXe siècle. En effet, il y a eu plusieurs vagues d’intérêt pour le sujet au cours des deux cents dernières années. Les principales publications du XIXe siècle sont rééditées aujourd’hui et contribuent à alimenter les croyances platistes, même s’il n’y a guère de liens généalogiques avec ces groupes antérieurs[7].
La Terre plate aux XIXe et XXe siècles
Pour résumer cette histoire en quelques paragraphes, nous disposons de l’étude d’une historienne des sciences britannique, Christine Garwood, Flat Earth : The History of an Infamous Idea[8]. Cette histoire s’achève à la fin du XXe siècle, avec la fin d’une société de la Terre plate dont on aurait pu penser qu’elle marquerait l’extinction du platisme sous forme organisée. Contre toute attente, cependant, la relance de la Flat Earth Society dans la seconde moitié de la première décennie de notre siècle, puis l’expansion rapide d’une nébuleuse de croyants à la Terre plate depuis le milieu des années 2010 environ, allaient donner un nouvel élan à ces thèses.
Garwood rappelle que le Moyen-Âge était loin de cultiver la croyance à la Terre plate, contrairement à une idée reçue. Dans le monde occidental, c’est déjà l’Antiquité grecque qui voit apparaître la conviction de la sphéricité de la Terre. Il est vrai que certains auteurs de la période patristique étaient convaincus que la Terre était plate et rejetaient la sphéricité comme croyance païenne, mais ce n’était nullement une doctrine généralement admise. De même, c’est une légende que de dire que Christophe Colomb frisait l’hérésie en croyant pouvoir faire le tour du globe. Garwood retrace la formation d’une légende noire à ce sujet, créée à l’époque moderne par des philosophes et hommes de science critiques de l’Église.
Dans les racines de la croyance contemporaine à la Terre plate, Garwood note l’émergence de l’interprétation littérale des Saintes Écritures dans certains courants protestants ainsi que l’exacerbation du conflit entre religion chrétienne et nouvelles théories scientifiques au XIXe siècle. Ces racines sont partagées avec le créationnisme chrétien, même si Garwood souligne le refus des groupes créationnistes d’intégrer les convictions platistes. Cela leur vaut d’ailleurs de se trouver, à leur tour, critiqués par les platistes comme n’allant pas jusqu’au bout de leur démarche.
Selon l’histoire reconstituée par Garwood, la croyance moderne à la Terre plate s’articule dans le Royaume-Uni au XIXe siècle, avec la curieuse figure de Parallax, pseudonyme de Samuel Rowbotham (1816-1884), qui n’utilisa pas moins de huit identités au cours de sa vie. Rowbotham mena une carrière originale, allant de la participation à des milieux socialistes utopiques (dans le cadre d’une communauté owenite) jusqu’à des inventions « médicales » supposées prolonger considérablement la vie humaine. L’homme était en tout cas un habile débatteur, capable de soutenir ses théories sans se laisser démonter, et calmement — ce qui ne fut de loin pas le cas de tous ceux qui marchèrent sur ses traces, comme le raconte Garwood. « Parallax » se livra à différentes expériences destinées à prouver la platitude de la Terre et écrivit des textes à ce sujet, en particulier l’ouvrage Zetetic Astronomy : Earth Not a Globe, dont il y eut plusieurs éditions successives, chaque fois augmentées. Il conclut à l’absurdité de la théorie copernicienne ou newtonienne. Selon lui, la Terre est plane, immobile, avec le pôle Nord au centre, et se trouve bordée sur tous les côtés par un mur de glace. Les références bibliques sont présentes dans les démonstrations de Parallax, à côté de ses tentatives pour fournir des démonstrations scientifiques : la Terre plate apporterait la preuve de la vérité de la Bible, car « tout ce qu’enseignent les Écritures à propos du monde matériel est littéralement vrai ».
Garwood se demande si Rowbotham n’aurait pas été durant toute sa vie un exploiteur de la crédulité publique ? C’était aussi l’accusation lancée par plusieurs de ses contemporains qui avaient découvert l’identité réelle de « Parallax ». Cependant, en lisant le livre de Garwood, on pourrait penser aussi à une typique figure des milieux enclins aux croyances scientifiques et religieuses parallèles, qui aurait réellement embrassé plusieurs théories successives avec une sincérité plus ou moins forte, mêlant l’adhésion à des théories non conventionnelles avec un opportunisme matériel.
Une revue, The Zetetic : A Monthly Journal of Cosmographical Science, fut publiée à partir de 1872, puis d’autres périodiques. Les écrits de Parallax / Rowbotham continuent d’être republiés aujourd’hui et sont devenus aisément disponibles : on peut en trouver plusieurs rééditions sur Amazon. Il est frappant de voir que nombre d’arguments de publications actuelles répètent cet auteur du XIXe siècle, véritable père fondateur de la croyance moderne à la Terre plate.
Autour de lui apparurent d’autres figures, défendant leurs théories avec une grande énergie, dont on peut lire l’histoire dans la livre de Garwood. Ces figures historiques de la première génération du platisme étaient décédées vers la fin du XIXe siècle, mais d’autres personnages prirent alors le relais, dont une aristocrate britannique aux fortes convictions biblicistes et créationnistes — mais aussi antivivisectionnistes et anglo-israélites — Lady Elizabeth Blount (1850-1935), fondatrice de l’Universal Zetetic Society en 1892 et du magazine The Earth Not A Globe Review : A Magazine of Cosmographical Science (1893-1897). Grâce à ses relations dans les classes distinguées de la société, Lady Blount parvint même à compter parmi les premiers membres de sa Universal Zetetic Society un archevêque anglican et des personnalités distinguées de l’élite sociale anglaise. L’association fondée par Lady Blount semble cependant être devenue inactive avant la 1re guerre mondiale déjà, même si sa fondatrice ne renonça jamais à ses convictions.
De l’autre côté de de l’Atlantique apparurent aussi quelques avocats de la Terre plate dès le XIXe siècle, apparemment tous inspirés par Parallax et ceux qui gravitaient autour de lui. Dans la première moitié du XXe siècle se détacha aux États-Unis l’autoritaire figure de Wilbur Glenn Voliva (1870-1942), qui prit la succession de John Alexander Dowie (1847-1907) à la tête de la Christian Apostolic Church à Zion City (Illinois). Voliva s’illustra dans la défense de la Terre plate.
Dans la seconde moitié du XXe siècle, en Grande-Bretagne, la figure de proue du platisme fut Samuel Shelton[9] (1903-1971), à Douvres, qui fonda l’International Flat Earth Society en 1956, avec un nombre d’adhérents fluctuant, mais toujours assez modeste (sans doute rarement plus d’une centaine). Il attira périodiquement l’attention des médias, ravis d’ aborder un sujet insolite, tout en devant trouver les moyens de faire face seul à tout cet intérêt et aux questions (sincères ou ironiques) qui lui venaient du monde entier. Garwood montre comment Shenton s’épuisa à promouvoir la cause qu’il avait embrassée.
Au décès de Shenton, ses archives furent confiées à un centre de recherche sur la science-fiction. Il se trouva cependant aux États-Unis un couple de convaincus, auxquels la veuve de Shelton envoya d’ailleurs les publications restantes : Charles Kenneth Johnson (1924-2001) et son épouse Marjory, qui étaient végétariens, antivivisectionnistes — et platistes, déjà bien avant d’avoir entendu parler des efforts de Shenton. Ils s’activèrent sans relâche à maintenir la flamme, depuis la Californie. Mais leur maison brûla en 1995, avec leurs publications, leurs archives et les listes de membre. Après sa conjointe décédée en 1996, Johnson s’éteignit en 2001.
C’est là que s’arrêtait l’histoire narrée par Garwood. Mais, comme nous l’avons déjà indiqué, contre toute attente, la Flat Earth Society allait être ranimée quelques années plus tard. En outre, une nouvelle génération de platistes a émergé durant la présente décennie : la plupart des participants au rassemblement de Denver en novembre 2018 y appartiennent.
À la découverte du milieu platiste
En arrivant à l’hôtel où se tient la Flat Earth International Conference, il ne faut pas longtemps pour découvrir que la plupart des clients viennent pour la même réunion. Dans la queue des personnes descendues du bus navette de l’aéroport et attendant pour obtenir les clefs de leurs chambres, un couple venu du Michigan du Nord, dans la soixantaine, explique avoir beaucoup étudié la question tant du point de vue biblique que du point de vue scientifique, pour atteindre petit à petit la conviction de la Terre plate. Ils sont bien conscients d’appartenir à une minorité et sont venus à Denver pour saisir l’occasion de rencontrer des gens qui pensent comme eux. C’est la première fois qu’ils assistent à un rassemblement de ce genre, mais ils ont regardé beaucoup de vidéos et dévisagent les gens qui passent pour voir s’ils en reconnaissent certains. La plupart des participants vivent en Amérique du Nord, mais quelques-uns viennent d’Europe ou d’Amérique latine (une rencontre hispanophone de la Terre plate est prévue à Barcelone en janvier 2019).
L’atmosphère est chaleureuse : les gens se retrouvent, se congratulent, s’embrassent. Les platistes sont comme une famille, fera remarquer l’un des conférenciers le lendemain, en présentant des photographies de rencontres organisées ces derniers mois à travers les États-Unis (mais aussi en Corée). Il ne faut pas longtemps pour deviner qu’une part importante des participants sont des chrétiens : ici et là, on en croise en train de prier pour l’un ou pour l’autre. Certains sont venus en famille, avec leurs enfants, comme ce couple d’origine adventiste ou ce prédicateur de la Terre plate qui va porter la bonne parole dans la rue, avec sa femme et ses enfants bien éveillés qui tiennent des pancartes et distribuent des tracts pour soutenir ses thèses.
Un rassemblement comme celui-ci est l’occasion ou jamais d’afficher ses convictions, ou d’attirer l’attention. Tel participant porte un t-shirt qui affirme que « la NASA ment », tandis qu’un autre se veut rassurant : Keep calm, the Earth is flat. Aux stands ouverts durant les deux journées de la réunion, plusieurs modèles de t-shirts sont en vente, par exemple celui qui affirme : Bible Says Flat Earth, avec au dos 200 références bibliques en petits caractères à l’appui de la Terre plate.
Même s’il ne rend sans doute pas riches les concepteurs de ces produits, il existe un petit marché de la Terre plate, pas seulement pour les maillots : livres, CD documentaires et autres objets. Les enregistrements de Flat Earth Man, the Conspiracy Music Guru, un chanteur d’origine britannique (dont le nom est Alex Micheal), méritent une mention spéciale. Il dénonce dans des clips musicaux de facture soignée et humoristique la théorie de la gravité ou les mensonges supposés de la conquête spatiale et des vols vers la Lune, entre autres thèmes. L’enthousiaste public de le FEIC 2018 eut d’ailleurs droit à un récital de la vedette le dernier soir. « Don’t believe in gravity… don’t believe in fantasy… » « What you’re watching is a puppet show (…) Astronauts, they are actors of course… » On peut aussi citer, parmi les « produits Terre plate », l’application pour smartphone Flat Earth Sun & Moon Clock, conçue par le Flat Earth Podcast et officiellement lancée le matin de l’ouverture de la réunion de Denver.
La Bible est-elle un livre de la Terre plate ?
Pour les croyants bibliques, qui concèdent que la croyance à la Terre plate n’est pas essentielle pour le salut, il y a aussi la conviction que la cohérence ultime atteinte par l’intégration de cette donnée renforce la crédibilité du message biblique : certains vont jusqu’à affirmer que l’affirmation de la Terre plate leur permet de convertir plus d’incroyants qu’auparavant. Nathan Roberts se fait un plaisir de citer certains commentaires des visiteurs de sa chaîne YouTube, par exemple : « J’ai trouvé Jésus grâce à la terre plate. »
Parmi les figures de proue du mouvement présentes lors de la FEIC 2019, Rob Skiba (né en 1969 au Texas) présenta la première allocution plénière : Testing the Globe : A Zetetic Investigation. Skiba est pourtant lui aussi arrivé assez récemment à la conviction que la Terre est plate : à partir de 2015, comme on peut le voir en le suivant sur l’un de ses sites, Testing the Globe, dans sa quête de vérité[10]. Selon lui : du début à la fin, la Bible est un livre de la Terre plate. Sa « conversion » à la Terre plate a entraîné dans son sillage plusieurs personnes qui suivaient ses travaux et publications. En effet, Skiba s’était déjà signalé par d’autres prises de position, mais aussi par son intérêt pour le Hebrew Roots Movement, c’est-à-dire l’idée d’un christianisme fortement lié à ses racines hébraïques également pour les chrétiens sans origines juives (utilisation du nom hébreu de Dieu et de Jésus, calendrier et fêtes bibliques/hébraïques, pratiques hébraïques, par exemple le sabbat au lieu du dimanche, respect des lois de Moïse…) ; cette approche reprend la thèse déjà soutenue par de nombreux courants religieux avant lui selon laquelle le christianisme aurait trop fortement emprunté à des pratiques païennes, déformant ainsi son message. L’inclusion de la Terre plate est cohérente dans cette démarche, puisqu’elle est perçue comme complétant une vision biblique et hébraïque du monde. Selon un proche de Skiba rencontré à Denver, la moitié peut-être des chrétiens américains qui adhèrent actuellement aux thèses platistes seraient également engagées dans l’informel Hebrew Roots Movement. Skiba n’est pas actuellement pasteur ou fidèle d’une Église instituée, mais il se réunit avec d’autres croyants dans une « église de maison », comme semblent le faire à leur tour nombre de ses correspondants.
Sur la question de la Terre plate, « nous avons tous commencé comme des sceptiques (…) nous avions tous eu le même endoctrinement que vous », souligne Skiba en s’adressant spécialement aux médias ou non convaincus présents dans la salle. Mais en s’empressant d’ajouter qu’il ne s’agit pas d’un mouvement religieux : « Nous n’étions pas à la recherche d’un club ou d’une secte à laquelle adhérer. » Cependant, « beaucoup d’entre nous, mais pas tous, y sont venus à partir d’une perspective biblique. »
« Nous ne sommes pas tous d’accord, il existe plusieurs modèles différents. Le point sur lequel nous sommes tous d’accord, c’est que la Terre n’est pas une balle qui tourne sur elle-même. »
Skiba aborde des sujets variés dans son intervention : après tout, adhérer à la thèse de la Terre plate implique des remises en cause à différents niveaux, à commencer par l’abandon du modèle copernicien. Comme tout convaincu de la Terre plate, il doit présenter argument après argument pour contrer les objections courantes ; si on lui objecte les photographies de la Terre prises en altitude, il les invalide en invoquant les distorsions produites par les objectifs photographiques utilisés. Comme plusieurs autres orateurs, des théories de complot trouvent leur place dans sa vision du monde : la NASA serait ainsi une organisation dirigée par des francs-maçons, des occultistes[11] et des nazis[12].
Le même jour, les participants entendirent Skiba une seconde fois, à la fin de la journée : un débat oppose ce chrétien born again à Robert Sungenis, un auteur catholique traditionaliste (et père de 11 enfants, souligne le présentateur), qui a écrit un livre pour démonter la théorie de la Terre plate sous le titre éloquent Flat Earth / Flat Wrong[13]. Mais Sungenis présente une particularité : s’il rejette totalement la thèse de la Terre plate, il est en revanche partisan d’une position géocentrique, et non héliocentrique. Selon Sungenis, c’est le soleil qui tourne autour de la Terre, Galilée avait tort et sa condamnation n’aurait jamais dû être levée[14]. Il est l’auteur d’un ouvrage en plusieurs volumes intitulé Galileo Was Wrong : The Church Was Right. Cette convergence avec l’approche géocentrique des platistes et le fait qu’il ait pris la peine de s’intéresser sérieusement à leurs théories, même pour les réfuter, valent à Sungenis l’estime de Skiba et d’une grande partie du public.
Sans entrer dans les détails du débat, qu’il est possible d’ailleurs de regarder intégralement en ligne[15] et qui offre un aperçu sur plusieurs des arguments bibliques de Skiba ainsi que sur les désaccords des deux hommes autour de la traduction et de l’interprétation de certains termes hébreux, l’échange révèle une divergence sur l’approche exégétique, lié aussi aux ancrages religieux différents, l’un évangélique et l’autre catholique. Skiba considère la Bible comme divinement inspirée et tend vers une interprétation littérale là où elle fait sens, suggérant qu’il faut laisser la Bible s’interpréter elle-même plutôt que d’y plaquer nos idées préconçues. Sungenis admet que la Bible doit être interprétée littéralement quand c’est possible, mais souligne en même temps qu’interpréter la Bible n’est pas si simple : c’est un livre complexe, ne serait-ce qu’en raison de son ancienneté et de la variété de ses auteurs. Dans un effort pour déduire de la Bible si elle traite cette question, Sungenis conclut qu’elle décrit un vaste univers, et pas un espace limité et mesurable, et que Dieu nous y fait simplement comprendre qu’Il est bien au-dessus de nous, mais sans nous y donner des informations cosmologiques.
Dans son livre[16] comme dans le débat à la FEIC 2018, Sungenis ne manque pas de critiquer le recours de Skiba et d’autres auteurs platistes chrétiens[17] au livre d’Enoch, alors que celui-ci n’a pas été reçu dans le canon des Écritures reconnues. Cela illustre au passage comment, même en contexte chrétien et bibliciste revendiqué, des partisans de la Terre plate sont enclins à se frotter à des thèses et références généralement laissées de côté.
Un débat de ce genre doit donner le sentiment aux auditeurs que les arguments platistes peuvent tenir face aux arguments adverses et ne sauraient craindre une discussion sérieuse. Ce débat opposait cependant deux marges religieuses par rapport aux thèses dominantes, puisque les deux débatteurs adhèrent l’un et l’autre à une interprétation géocentrique.
Faire connaître « la vérité » au monde
Nathan Thompson est le responsable du plus important groupe Facebook sur le sujet de la Terre plate, Official Flat Earth & Globe Discussion : créé en juin 2016, il se veut scientifique et sérieux, et comptait près de 115.000 membres au moment où étaient rédigées ces lignes ! Très actif, il est aussi engagé dans des projets comme la distribution de matériel sur la Terre plate dans le monde scolaire, pour encourager les élèves à former des groupes de discussion sur le sujet. Il est l’un des promoteurs d’un activisme de la Terre plate, en allant à la rencontre des passants dans la rue pour leur faire part de ses convictions. Il n’est pas le seul dans cette dynamique : un atelier sur le thème Flat Earth Activism était également au programme de la FEIC 2018. On croit sans peine Nathan Thompson quand il raconte que la Terre plate est devenue son activité à plein temps depuis trois ans. Mais sa conviction est que l’intérêt pour la Terre plate connaît un grand essor — même si cela signifie aussi, selon lui, une opposition croissante.
Comme d’autres orateurs, il rappelle que, « au départ, nous avons tous cru que la Terre plate était une plaisanterie ». Et on y viendrait à reculons, craignant d’être ridiculisé et de perdre son emploi. Mais « la vérité est la vérité ». Ceux qui y adhèrent ne regardent plus en arrière, affirme-t-il : « Il n’y a jamais eu une vraie conversion de la [croyance à la] Terre plate à la [croyance au] globe. » Il déclare être un honnête homme : s’il est convaincu de se tromper, il le reconnaîtra.
Embrasser la thèse de la Terre plate entraîne des conséquences : certains auraient perdu leurs amis ou leur emploi en affichant publiquement leurs convictions, d’autres auraient été mis à leur porte de leurs églises parce qu’ils voulaient y parler de la terre plate. La Terre plate, « dans les églises ou ailleurs, causera des dissensions », mais « la vérité est plus importante que les relations », déclare le platiste chrétien Matt Long (chaîne YouTube Flat Worth). Un homme comme Sungenis n’embrassera jamais les vues platistes, estime Weiss : il aurait trop à perdre.
Un petit sondage improvisé par l’animateur d’un des ateliers permit de voir que la grande majorité des participants avaient découvert la thèse de la Terre plate à travers les médias sociaux : peu nombreux étaient ceux qui y avaient été initiés par des amis. Le rôle de YouTube est considérable : la plupart des célébrités du milieu platiste ont d’ailleurs leur chaîne YouTube. Selon Robert Sungenis, la multiplication de vidéos sur YouTube depuis la fin de l’année 2014 aurait marqué le point de départ de l’actuelle vogue de la Terre plate[18]. Malgré l’impact manifeste de ces canaux, les activistes platistes soulignent que l’action dans la rue est nécessaire aussi pour réussir à créer une masse critique de convaincus.
Dévoiler le complot contre la Terre plate
Plus d’un intervenant lie sa conviction que la Terre est plate à différentes théories du complot[19], sans que tout le monde adhère à un seul et unique scénario, vu la grande variété du milieu platiste[20] : dans certains cas, l’adhésion à cette thèse succède à l’adoption préalable de toute une série d’autres remises en cause, qui préparent d’une certaine façon le terrain[21]. Une fois développé le soupçon sur toute une série de « faits » généralement admis, sans doute devient-il plus aisé de faire le grand pas que représente le soutien à la thèse de la Terre plate. L’une des intervenantes à Denver, Karen B. Endecott, une mère au foyer, le dit très clairement : beaucoup de gens ont commencé à avoir de sérieux doutes sur l’explication officielle des événements du 11 septembre 2001, et à partir de là d’autres doutes se sont enchaînés. Le refus d’admettre que la Terre est plate serait, ajoute-t-elle, le fondement sur lequel tous les autres mensonges ont été construits : si on nous a menti à ce propos, combien d’autres choses sont-elles alors aussi des mensonges ?
Chez Karen B. Endecott comme chez beaucoup d’autres participants, le corollaire est la conviction d’une « corruption politique » généralisée. « Tout le monde se trouve sous [la domination du] même système institutionnel corrompu », assène Iru Landucci. Pas simplement le secteur politique, car c’est d’une corruption générale des élites, également intellectuelles, qu’il s’agit. Cela s’accompagne dans plusieurs propos d’une dévalorisation non pas de la curiosité intellectuelle et de l’esprit critique — constitutifs de la démarche zététique ou platiste, aux yeux de ses partisans — mais du système éducatif, coupable de jouer un rôle central dans la perpétuation du mythe de la terre sphérique[22] et d’étouffer la curiosité enfantine qui remettrait en cause les croyances imposées. On veut faire de nous des robots, estime David Weiss, animateur de la chaîne You Tube DITRH. Curieusement, de façon non coordonnée, plusieurs intervenants ont mentionné leurs souvenirs d’ennui pendant les années d’école, sauf pour certaines activités laissant libre cours à leur curiosité. De toute façon, déclare Weiss, « il y a plus de connaissance sur YouTube plus que dans toutes les universités et toutes les bibliothèques réunies » — ce qui révèle à la fois les sources auxquelles s’alimente le platisme et la piètre estime dans laquelle sont tenus les élites intellectuelles, scientifiques et académiques, mises en contraste avec une autre science se voulant débarrassée des dogmes du système dominant. Les scientifiques ne sont pas tous des menteurs, concède Weiss, mais ils sont « les plus endoctrinés ».
Il est vrai que le platisme peine à présenter des scientifiques ou intellectuels reconnus qui auraient embrassé ces vues. Quand des « célébrités » sont mises en avant pour légitimer la respectabilité de l’adhésion à la Terre plate, ce sont des figures de la culture populaire qui sont citées : des sportifs ou des chanteurs. L’invité surprise de la FEIC 2018 était un YouTubeur, Logan Paul (né en 1995), qui compte plus de 18,6 millions d’abonnés à sa chaîne et salua chaleureusement l’assistance extatique en déclarant être presque convaincu de la thèse de la Terre plate[23]. Manifestement, les organisateurs de la FEIC comptent sur le potentiel multiplicateur de l’adhésion à leurs thèses d’une personne ayant une audience en dehors de leurs cercles habituels ; mais on reste très loin de ce que représenterait le soutien d’une figure intellectuelle, politique ou économique.
Entre prétention scientifique et primat de l’expérience personnelle
Nous vivons dans un planetarium géant, ou un terrarium géant, explique Mark Sargent, l’un des principaux avocats américains de la Terre plate, dans la première séquence du documentaire Behind the Curve. L’Antarctique n’est pas un continent, mais un gigantesque mur de glace entourant de tous côtés le disque qu’est la Terre plate. Tous les platistes n’ont pas une image parfaitement déterminée de celle-ci : Karen B. Endecott dit ne pas savoir s’il y a un dôme au-dessus de la Terre, mais incline à croire que c’est le cas et que nous vivons dans un monde fermé ; il lui semble que, sinon, notre non-vide serait aspiré par le vide environnant. D’autres platistes voient les choses différemment.
L’empiricisme et la volonté de faire confiance à ce que nous disent nos sens et notre perception de la réalité, à ce que nous observons plutôt qu’à ce qui nous est raconté, semblent guider la démarche platiste (avec l’ajout de la référence biblique pour les chrétiens). La première fois qu’elle a entendu parler de la Terre plate, « cela a sonné juste », reconnaît Patricia Steere, avant même de trouver pour elle-même les preuves confirmant ce sentiment. Parmi les autres participantes à un atelier sur les femmes dans le mouvement de la Terre plate, Karen B. Endecott dit qu’il lui fallut « quelques jours » pour se convaincre, tandis que Cami Knodel eut besoin de deux à trois mois pour suivre son mari dans cette voie.
En toute logique, les platistes s’efforcent ensuite d’appuyer leurs convictions personnelles sur des expériences. Dans un débat entre internautes sur le site de la FEIC 2018, répondant aux objections d’un visiteur remarquant qu’il ne se trouvait aucun scientifique pour un rassemblement autour de la question scientifique de savoir si la Terre est plate ou non, un platiste rétorquait que beaucoup d’intervenants et participants étaient, au contraire, de « vrais scientifiques » :
« Comme moi, ils ont fait des expériences pour déterminer s’il y a une courbe de la Terre ou non. C’est ainsi que la plupart d’entre eux ont conclu que la Terre était plate… à travers beaucoup de recherches et leurs propres expériences. »[24]
Si l’on peut débattre de la compréhension du mot « scientifique » qui transparaît dans cette réponse, elle révèle un trait de beaucoup de platistes : même ceux qui y croient sur une base biblique recherchent avec zèle à apporter d’irréfutables démonstrations et se livrent — comme le faisaient déjà leurs prédécesseurs au XIXe siècle — à des expériences pour apporter la preuve que la Terre est plate. L’un des participants à la FEIC 2018, résidant sur une île, nous a raconté comment il se proposait, avec des membres de sa famille, de projeter un rayon laser depuis son île jusqu’à un point de terre situé à quelque 150 kilomètres pour démontrer que le rayon suivrait une ligne droite au ras de l’eau, sans courbe.
La Terre plate, une cause à servir
Entre expériences « scientifiques » et théories du complot, les platistes ont le sentiment grisant de comprendre ce qui échappe encore à une bonne partie de l’humanité, qu’il s’agit d’éduquer, ou plutôt de rééduquer, comme le soulignait un participant. Plutôt que de rester spectateur passif et d’avaler ce que lui racontent les gouvernements, les médias et les institutions d’enseignement ou de recherche, le platiste a le sentiment de reprendre le contrôle de sa vie au lieu de répéter tout ce qu’on veut lui faire croire : « Vous avez plus de respect pour vous-même en faisant confiance à votre propre jugement », explique Cami Knodel. « Vous vous sentez plus intelligent. » (You feel smarter.)
C’est aussi le sentiment de s’engager dans le combat au service d’une grande cause. « La Terre plate a apporté un but (purpose) à ma vie », confesse Patricia Steere. Entourée de gens qui parlent de choses importantes, elle a cessé de s’intéresser à des sujets triviaux ou superficiels. La Terre plate est devenue « une passion en moi », renchérit Matt Long.
Jean-François Mayer
Notes
- 650 participants selon l’article de Josiah Hesse, « Flat Earthers keep the faith at Denver conference », The Guardian, 18 novembre 2018, https://www.theguardian.com/us-news/2018/nov/18/flat-earthers-keep-the-faith-at-denver-conference. (Comme tous les autres liens dans cet article, celui-ci était fonctionnel à la date du 5 décembre 2018.) ↑
- Nous utilisons les mots « platisme » et « platiste » après avoir constaté que les personnes réunies à Denver n’avaient pas d’objection à utiliser elles-mêmes le terme Flat Earthers pour se désigner. Certains chrétiens qui croient à la Terre plate, à l’instar de Nathan Roberts (présent à la réunion de Denver), préfèrent se désigner comme Biblical Earthers, afin d’affirmer que leur conviction se fonde sur une doctrine biblique et pas simplement sur leurs observations ; les Flat Earthers et les Biblical Earthers partagent la conviction que la Terre est plate et immobile, mais pas nécessairement le reste (« I have NEVER been a Flat Earther », 11 novembre 2018, https://www.flatearthdoctrine.com/i-have-never-been-a-flat-earther/). À noter que la désignation utilisée par des générations antérieures était plutôt celle de « zététique » (construite à partir d’un mot grec désignant une personne qui cherche), pour affirmer la quête de vérité, l’esprit critique et la capacité à mettre en doute des thèses communément admises. Aujourd’hui, ce mot est surtout utilisé en français pour qualifier l’approche de scepticisme scientifique et d’analyse critique face aux phénomènes qualifiés de paranormaux, d’étranges et de surnaturels (voir https://www.zetetique.net). Mais certains auteurs platistes l’utilisent aussi. ↑
- Rajiv Golla, « Flat Earth Is the Ultimate Conspiracy », Motherboard, 2 janvier 2018, https://motherboard.vice.com/en_us/article/8xvg9a/flat-earth-is-the-ultimate-conspiracy-youtube-facebook. ↑
- Eric Dubay, « Jesus Christ Never Existed », 4 juillet 2018 (https://ericdubay.wordpress.com/2018/07/04/jesus-christ-never-existed/). ↑
- Par exemple quand une intervenante a fait allusion à sa croyance à la préexistence des âmes avant la vie terrestre. ↑
- Il existe actuellement deux groupes utilisant le nom de Flat Earth Society (FES), telle qu’elle a été ranimée dans les années 2000 par Daniel Shenton ; ce dernier dirige toujours le premier groupe, tandis que le second groupe s’est séparé en 2013. La réunification est parfois discutée, mais les dissentiments persistants (et sans doute des questions de personnes) ne semblent pas la permettre pour l’instant. Pour distinguer, nous désignerons la première branche comme FES-1 et la seconde comme FES-2. La Flat Earth Society dans ses deux branches était bien sûr informée de la conférence de Denver. L’un des participants du forum de la FES-2était d’ailleurs présent et a résumé quelques éléments de la réunion sur ledit forum (https://forum.tfes.org/index.php?topic=11184.0). L’un des éléments distinguant cette société du public majoritairement présent à Denver serait notamment une moindre inclination à embrasser une variété de thèses complotistes et un accent plus fortement mis sur la dimension scientifique. Dans un article de 2010, un quotidien britannique soulignait que les opinions de Daniel Shenton (FES-1) étaient largement mainstream sur la plupart des sujets — sauf celui de la Terre plate. Shenton n’était pas anti-darwinien, ne niait pas le réchauffement climatique et n’adhérait pas aux théories du complut sur le 11 septembre 2001 (David Adam, « The Earth is flat? What planet is he on? », The Guardian, 23 février 2010, https://www.theguardian.com/global/2010/feb/23/flat-earth-society). ↑
- Cela n’empêche pas la FES-1 de se présenter — par exemple sur sa page Facebook — comme « fondée en 1884 ». On peut trouver sur les sites des deux branches une bibliothèque en ligne avec des reproductions de littérature « zététique » des XIXe et XXe siècles (FES-1 et FES-2). ↑
- Christine Garwood, Flat Earth: The History of an Infamous Idea, Macmillan, 2007, republié par Pan Books (filiale de Macmillan), Londres, 2014. Les informations contenues dans cette section résument quelques données de ce livre de plus de 400 pages. On peut également consulter ou télécharger en ligne l’ouvrage posthume (laissé incomplet à sa mort et non publié sous forme imprimée à notre connaissance) de Robert J. Schadewald (1943-2000), The Plane Truth : A History of the Flat-Earth Movement, 2015, https://www.cantab.net/users/michael.behrend/ebooks/index.html. Nous avons eu connaissance de cette étude alors que la rédaction de cet article était déjà en cours : elle nous a permis d’ajouter quelques détails. ↑
- Sans lien de parenté avec Daniel Shenton, qui relança la société dans les années 2000. ↑
- Dans la préface d’un de ses livres, il explique que c’est la rencontre avec les arguments présentés par Mark Sargent qui lui a ouvert les yeux, en 2015 (Rob Skiba, Testing the Globe : A Zetetic Investigation, vol. 1, The Colony (TX), King’s Gate Media, 2018, p. 4). ↑
- Skiba n’est pas le seul intervenant à faire allusion à Jack Parsons (1914-1952), à la fois pionnier de la propulsion spatiale et occultiste, correspondant d’Aleister Crowley (1875-1947), en relation avec Ron Hubbard (1911-1986) et pratiquant de rites de magie sexuelle. Cf. John Carter, Sex and Rockets : The Occult World of Jack Parsons, Venice (Californie), Feral House, 1999 ; George Pendle, Strange Angel : The Otherworldly Life of Rocket Scientist John Whiteside Parsons, Londres, Weidenfeld & Nicolson, 2005. ↑
- Le destin de Wernher von Braun (1912-1977) et d’autres chercheurs allemands transférés aux États-Unis après la 2e Guerre mondiale vient bien sûr alimenter cette thèse. ↑
- Robert Sungenis, Flat Earth / Flat Wrong : An Historical, Biblical and Scientific Analysis, State Line (PA), Catholic Apologetics International Publishing, 2018. Un site a été créé pour ce livre : www.flatEarthflatWrong.com. Il est possible d’y commander ce livre de plus de 700 pages au format PDF ou sous forme imprimée. ↑
- Plusieurs sites propagent le point de vue de Sungenis et ses publications ou films à ce sujet : http://galileowaswrong.com, https://gwwdvd.com. Lors d’une brève conversation avec Sungenis après le débat, il nous expliqua ne pas être le seul catholique à soutenir la thèse géocentrique : selon lui, près d’une centaine d’universitaires et intellectuels catholiques à travers le monde partagent ce point de vue. ↑
- https://www.youtube.com/watch?v=AqbiwtRKrtg ↑
- R. Sungenis, op. cit., pp. 144-146. ↑
- Notamment Zen Garcia, également présent à Denver, qui a publié des volumes intitulés The Flat Earth as Key to Decrypt the Book of Enoch et The Collected Works of Enoch the Prophet à l’enseigne de sa maison d’édition, Sacred Word Publishing (https://sacredwordpublishing.com/). ↑
- R. Sungenis, op. cit., p. 2. ↑
- Le « sommet » du complotisme fut atteint par un intervenant argentin, Iru Landucci, âgé de 37 ans, animateur de Nur Para Todos (http://nurparatodos.com.ar/), qui s’intéresse à la Terre plate depuis quatre ans, mais enquête sur le « Nouvel Ordre Mondial » depuis treize années. Dans son schéma, les jésuites sont au cœur de la conspiration ; les francs-maçons jouent un rôle annexe, en tant que création supposée des jésuites. Quand vous cherchez qui agit dans les coulisses, « vous trouverez toujours d’abord les jésuites », soutient-il. Il ne manque pas de se référer au Monita secreta des jésuites, déplorant que ce texte soit moins connu que les Protocoles des Sages de Sion. Landucci n’est pas le seul platiste s’intéressant aux jésuites : Sacred Word Publishing de Zen Garcia a réédité les Monita. ↑
- La propension aux théories du complot alimente parfois les rivalités et querelles entre platistes : dans le documentaire Behind the Curve, Patricia Steere raconte toute les rumeurs qui circulent à son sujet. Cela illustre aussi le caractère fissipare d’une milieu tournant autour d’individus, chacun avec ses thèses, et d’une multitude de chaînes YouTube, groupes Facebook, etc. ↑
- Il n’est donc pas étonnant de voir pointer dans certaines présentations des critiques d’autres « dogmes » de la pensée dominante : nous avons par exemple entendu une critique des vaccinations. ↑
- Avec d’autres croyances, comme l’évolutionnisme, la théorie de la Terre sphérique serait imposée aux esprits par répétition constante, souligne Iru Landucci. ↑
- Cette déclaration, qu’on peut trouver en ligne, suscita à la fois les commentaires hilares d’autres YouTubeurs et, par la suite, quelques commentaires sceptiques quant à la sincérité de Logan Paul — il faut cependant souligner qu’un de ses collaborateurs est platiste depuis un certain temps déjà et que c’est apparemment par ce canal qu’il s’est intéressé à la Terre plate. La communauté platiste n’a pas été unanime à saluer l’apparente « conversion » de Logan Paul. Ainsi, Mark Sargent, l’un des platistes les plus réputés, a quitté la FEIC et a renoncé à prononcer l’intervention prévue au programme, irrité par la présence de Logan Paul pour différentes raisons et jugeant complètement surévaluée l’importance donnée au personnage ; il s’en est longuement expliqué dans un entretien audio (https://www.youtube.com/watch?v=pdIlXrL3L1U). La Flat Earth Society (FES-2) a également tenu à prendre ses distances et à faire savoir qu’elle n’avait rien à voir avec la réunion de Denver en général et —surtout — avec Logan Paul en particulier, et que celui-ci n’était pas membre. ↑
- Voir la discussion au bas de la page : http://fe2018.com/speakers/patricia-steere/. Les platistes disent ne pas être opposés à la science, bien au contraire, mais au scientisme. L’organisateur des FEIC, Robbie Davidson, est le réalisateur d’un film intitulé Scientism Exposed (2016) et d’un livre portant le même titre (2018). ↑
Outre la réunion de Barcelone prévue pour le mois de janvier 2019, d’autres réunions de convaincus de la Terre plate sont déjà agendées pour les mois à venir, sous réserve de confirmation : une conférence canadienne de la terre plate à Toronto les 1er et 2 août 2019, une convention de la Terre plate au Royaume Uni du 13 au 15 septembre 2019, la 3e Flat Earth International Conference à Dallas (Texas) les 14 et 15 novembre 2019. La 4e FEIC devrait se dérouler en 2020 à bord d’un bateau, combinée avec une croisière, au départ de la Floride.