On peut voir sur Internet des vidéos le montrant en train d’inciser sans anesthésie des patients. S’il n’est de loin pas le seul guérisseur brésilien, il est le plus connu internationalement : des personnes viennent du monde entier dans son centre au Brésil ou assister aux réunions organisées autour de lui lors de ses voyages dans d’autres pays. Mais si la guérison est centrale dans l’activité de ce médium guérisseur, les rites et pratiques qui accompagnent les réunions de João de Deus évoquent un cadre plus large que celui de la guérison et des références spirituelles qui s’inscrivent dans le sillage de certains courants contemporains, même si elles ne font pas l’objet d’un enseignement systématisé.
Anthropologue d’origine brésilienne et travaillant aujourd’hui dans une université australienne, Cristina Rocha enquête depuis des années sur le phénomène João de Deus et son impact international. Après avoir publié plusieurs articles dans des revues académiques au cours des dix dernières années, elle a maintenant synthétisé ses observations dans un livre en anglais : John of God : The Globalization of Brazilian Faith Healing (Oxford University Press, 2017).
Afin d’apporter des éléments de réponse documentaire aux interrogations qui surgissent régulièrement à propos de João de Deus dans le monde francophone aussi, nous résumerons ici quelques éclairages que nous offre cet ouvrage. À notre connaissance, il s’agit de la seule étude de terrain approfondie sur cette figure et ses disciples. De ce volume riche en réflexions, nous retiendrons principalement les dimensions thérapeutique et religieuse.
Le nom « civil » de João de Deus (Jean de Dieu) est João Texeira Faria, né dans un petit village de l’État brésilien de Goias en 1942. Issu d’un milieu pauvre, avec une maigre formation scolaire, il aurait eu à l’âge de 16 ans sa première vision : Sainte Rita lui aurait alors dit de se rendre dans un centre spirite kardeciste, ce qui témoigne de « la nature fortement syncrétique du champ religieux brésilien », note Rocha (p. 56). Arrivé là, il aurait perdu connaissance et aurait appris ensuite qu’il avait soigné de nombreuses personnes, en incorporant l’entité du roi Salomon. Tout en travaillant comme tailleur, il aurait poursuivi son activité de médium guérisseur et aurait même fait quelques séjours en prison en raison de l’opposition rencontrée de la part du clergé et du corps médical. Depuis 1979, il est installé dans la petite ville d’Abadiânia, à 150 kilomètres de Brasilia. Son centre s’appelle Casa de Dom Ińacio de Loyola (Maison de Saint Ignace de Loyola).
João de Deus distingue entre lui et les entités qu’il incorpore. « Je ne guéris personne, Dieu guérit. » C’est l’entité qui l’habite au moment du traitement qui procède au traitement des malades, et pas lui-même en tant que João de Deus : son corps sert d’intermédiaire. Les entités qui utilisent ce canal seraient au nombre de trente à quarante. Outre certains saints catholiques, nombre d’entités qui agissent par João de Deus sont des médecins. Ces entités sont donc des « désincarnés » : des personnes ayant vécu sur terre et agissant aujourd’hui comme esprits depuis d’autres plans. À un moment précis, João de Deus entre dans un état de transe et incorpore une entité : ce moment d’incorporation s’exprime physiquement par de brusques mouvements corporels du médium. L’identité de l’entité qui habite pour un moment le corps du médium ne se fait pas toujours connaître : durant l’incorporation, on parle donc génériquement de « l’Entité ».
Les procédures thérapeutiques de João de Deus
La Casa de Dom Ińacio est ouverte trois jours par semaine (mercredi, jeudi et vendredi), avec deux sessions de guérison par jour, auxquelles participent chaque fois un millier de personnes. Tous les visiteurs sont vêtus de blanc. Au début des sessions, explique Rocha, toutes les personnes présentes se rassemblent d’abord dans la grande salle et récitent les prières introductives (en portugais, puis en anglais et éventuellement dans les autres langues de groupes nationaux largement représentés à ce moment, souvent en français et en allemand).
Pendant que des volontaires donnent des explications ou que sont présentés des témoignages de guérison, ceux qui doivent être opérés se mettent en ligne selon leur statut (ceux qui viennent pour la première fois, ceux qui ont déjà reçu des soins, ceux qui ont été invités à venir pour une révision). Ils sont alors introduits dans une première chambre, la Salle du Courant, dans laquelle les énergies « lourdes » sont consumées et harmonisées grâce à l’énergie produite par la chaîne de lumière des personnes qui méditent dans cette salle, assises, les yeux fermés, pour renforcer l’énergie des entités.
« Les personnes assises dans le Courant donnent en fait leur énergie aux entités tout en recevant la guérison. On pense que, si ceux qui sont assis dans le Courant ouvrent les yeux, croisent les bras ou les jambes ou perdent leur concentration, le courant s’affaiblit. Cela peut causer de la douleur pour les personnes qui sont opérées, pour les médiums de la Casa qui assistent les sessions ou pour le guérisseur lui-même. » (pp. 78-79)
Dans une deuxième salle du Courant, la Chambre de l’Entité, sont assis des médiums de la Casa ou des personnes qui ont été invitées par l’Entité. Selon un site consacré à João de Deus :
« C’est là que Jean de Dieu incorporé par l’Entité reçoit et aide ceux qui en sont venus consulter les entités. […] Souvent, l’Entité invite les gens à s’asseoir dans sa chambre, quand ils ont passé devant lui dans le cadre de leur traitement, où ils sont à la fois ‘assainis’ et reçoivent leurs traitements. Beaucoup de gens ont déclaré avoir été opérés alors qu’ils étaient assis dans cette salle. Pendant qu’une entité travaille à travers le corps de Jean de Dieu, il y a des centaines d’autres dans les chambres (et partout dans le complexe de Casa, d’ailleurs) qui travaillent et qui aident. »
L’Entité n’est pas simplement consultée pour des questions de santé, mais pour d’autres problèmes de la vie également. Selon la proximité avec le centre, les conseils reçus sont suivis de façon plus ou moins stricte (pp. 58-59).
La troisième chambre est la salle d’opération. Les patients y reçoivent notamment des prescriptions d’herbes médicinales données par l’Entité. Les visiteurs de la salle d’opération peuvent recevoir une chirurgie invisible — ou demander une chirurgie visible (qui peut également être recommandée par l’Entité). Cette chirurgie visible peut se dérouler sur l’estrade de la grande salle, au vu de tous : on retrouve ici l’idée spirite de démonstration physique de réalités spirituelles.
Seule une minorité des patients passe par la spectaculaire chirurgie visible. La personne opérée se tient debout, sans calmant ou anesthésique. Les patients peuvent avoir « la chair incisée avec un scalpel, leurs yeux grattés avec un couteau de cuisine ou des ciseaux chirurgicaux introduits dans leurs narines. […] Une opération dans une zone du corps peut avoir pour objectif de bénéficier à une autre zone. » (p. 79)
Des recommandations sont données pour le comportement après l’opération (repos, etc.), et le patient revient huit jours après pour une « révision ». Les guérisons à distance, avec la photographie et l’indication du nom, de la date de naissance et de la maladie à traiter, sont également possibles.
Des adjuvants sont également utilisés : de l’eau bénite aux qualités thérapeutiques, énergétisée par les entités, de la soupe bénite par les entités, des lits de cristaux (une sorte de chromothérapie) et une cascade miraculeuse.
Un certain nombre de visiteurs pratiquent d’autres techniques de guérison ou sont eux-mêmes des médiums. Mais le recours à d’autres techniques est interdit dans le cadre de la Casa, et la visite à d’autres guérisseurs (qui ne manquent pas au Brésil) est déconseillée, pour éviter de « mélanger les énergies ». De même, seul João de Deus est habilité à incorporer les entités (p. 127).
Quête de guérison et cheminement spirituel
Partant des témoignages de personnes passées par les traitements thérapeutiques (visibles ou invisibles) de la Casa de Dom Ińacio, Rocha analyse la signification de ces démarches. Le premier de ces témoignages, recueilli auprès d’une femme nord-américaine ayant rarement eu des problèmes médicaux dans sa vie, est particulièrement frappant, car il montre qu’une visite à João de Deus peut être autre chose qu’une simple quête de guérison physique :
« […] j’ai décidé de le faire parce que j’avais peur. Et j’ai pensé que je devais franchir cette barrière de la peur. Et j’ai besoin de montrer ma confiance que les entités savent ce qu’elles font. Et je me suis demandé : ‘Dois-je le faire ? Est-ce important pour ma croissance [spirituelle] ?’ Et j’ai vraiment eu le sentiment que la réponse était positive. » (p. 75)
La démarche de demander une opération visible, avec du sang qui coulera du corps opéré, relève un peu d’un acte de foi. Rocha remarque qu’il y a, dans nombre de témoignages, un mélange de peur et de désir de sentir les entités travailler sur son propre corps. La visiteuse nord-américaine n’était pas malade, mais, comme beaucoup d’autres, « elle voulait une expérience radicale du sacré. » (p. 77) Il faut préciser que, dans la compréhension du groupe, une opération peut également être destinée à résoudre un problème de santé futur.
Résumant les observations tirées de ces entretiens, Rocha note des thèmes récurrents dans les propos de ses interlocuteurs : la frustration après des expériences mitigées avec la médecine conventionnelle ; le lien entre guérison et spiritualité, généralement absent de la biomédecine (les explications proposées par João de Deus donnent un sens à la maladie et permettent également de l’aborder comme une occasion de développement spirituel) ; le sentiment de regagner le contrôle sur son corps en se soumettant au pouvoir des entités et en étant ensuite protégée par elles (pp. 95-100). Même si le traitement ne produit pas de résultat et que la personne décède finalement, le sentiment est la guérison peut être spirituelle et que les énergies reçues peut aider à la transition vers d’autres plans.
« […] les pratiques de guérison de Jean de Dieu donnent un sens à la maladie en affirmant que celle-ci est due au karma, à l’obsession par des esprits inférieurs ou à des choix faits avant de venir dans la vie présente. De même que la spiritualité du New Age, cette vie devient alors une occasion d’apprendre des leçons. Dans ce sens, la guérison inclut la quête d’une transformation plus profonde et d’une croissance spirituelle. » (p. 104)
Les croyances de João de Deus
Aucun enseignement systématisé n’est promulgué, même si l’adhésion à un ensemble de croyances est aisément discernable. João de Deus affirme ne pas prêcher ou enseigner une religion, mais avoir une croyance « universelle », ce qui lui permet d’inclure une variété d’apports. Selon Rocha, l’arrière-plan spirituel de l’activité de João de Deus est triple : catholicisme, spiritisme et umbandisme.
- João de Deus se déclare catholique, des représentations de saints ornent les murs du centre et des statues sont placées à proximité du siège sur lequel João de Deus prend place quand une Entité s’incorpore en lui. Les sessions de guérison sont ouvertes par des prières collectives catholiques (Pater, Ave Maria). Rocha note que certains visiteurs étrangers, qui avaient rejeté le catholicisme, y adhèrent à nouveau à travers leur fréquentation de la Casa, mais bien entendu de façon fluide et en y intégrant des interprétations spirites (pp. 154-155).
- En même temps, cependant, João de Deus adhère à des références spirites, plus précisément kardecistes : en effet, le spiritisme français systématisé par Allan Kardec (nom de plume d’Hippolyte Léon Denizard Rivail, 1804-1869) a rencontré un grand succès au Brésil, où 3,8 millions d’habitants (2 % de la population) s’identifiaient religieusement comme spirites lors du recensement de 2010, nombre auquel il faut ajouter nombre un certain nombre de catholiques embrassant les croyances spirites. Tandis que le spiritisme français est d’inclination plutôt philosophique, le kardecisme brésilien accentue les aspects religieux et thérapeutiques (p. 50).
- Enfin, l’umbanda est la troisième composante, même si Rocha relate qu’il lui fallut du temps pour en prendre conscience (pp. 62-65). L’umbanda combine le spiritisme et des éléments issus des religions africaines, tout en s’efforçant de « blanchir » ceux-ci (on peut en trouver une brève présentation ici par des chercheurs). João de Deus s’inscrit dans une lignée umbandiste dite « orientale », influencée par des courants ésotériques occidentaux modernes et incluant des esprits associés à différents pays orientaux. Certaines pratiques de guérison de João de Deus (par exemple le recours à des herbes) rappellent l’umbanda. Mais Rocha note aussi la présence, dans des centres associés à la Casa, de représentations des « Maîtres ascensionnés » de la tradition théosophiste (pp. 155-156).
Outre ces éléments du catholicisme populaire, du spiritisme kardeciste et de l’umbanda, Rocha relève la présence d’un discours rappelant les thèmes du New Age : en effet, les croyances et pratiques hybrides auxquelles adhère João de Deus se retrouvent en bonne partie dans les courants associés au New Age — ce qui facilite également l’internationalisation du mouvement (pp. 70-71).
Rocha note le rôle des adhérents internationaux, notamment des guides de voyage accompagnant des groupes à la Casa de Dom Ińacio, pour inculquer aux visiteurs un cadre interprétatif spirite et un vocabulaire leur permettant d’expliciter ensuite leur expérience (p. 135). « Ces guides épousent eux-mêmes des pratiques et croyances New Age. » (p. 145) João de Deus n’enseigne pas et n’écrit par de livres, mais ce sont « ces traducteurs spirituels étrangers qui glocalisent les croyances et pratiques du guérisseur pour l’adapter à la vision de ses publics étrangers » (p. 163).
La mondialisation de la figure de João de Deus
Le livre de Rocha décrit un double processus. D’une part, le « tourisme médical et spirituel », qui conduit des gens en quête de guérison ou d’expériences vers le site exotique (pour eux) d’Abadiânia, y retournant souvent de façon répétée, mêlant souvent vacances et retraite spirituelle ; un très intéressant chapitre analyse d’ailleurs la cohabitation des visiteurs internationaux (qui résident parfois durablement là) et des habitants, dans des univers en partie parallèles (un représentant de la ville a évoqué « notre banlieue internationale » en parlant de la Casa), mais avec des retombées financières appréciées pour certains secteurs de l’économie locale. D’autre part, l’internationalisation : des visiteurs retournés chez eux créent en effet ensuite des groupes locaux.
Selon les observations de Rocha, « dans un paradoxe apparent, le mouvement de Jean de Dieu réussit à grandir en dehors du Brésil parce qu’il y a une forte attirance dans l’autre direction — vers Abadiânia. » (p. 166) La Casa devient leur foyer spirituel et, quand ils se retrouvent en dehors du Brésil, leur nostalgie de ce lieu les pousse à en répliquer les rituels et pratiques ainsi qu’à rencontrer d’autres personnes partageant leur attirance. Notons que ce n’est pas un cas unique : lors d’observations dans des groupes de disciples de Sathya Sai Baba (1926-2011), il y a une vingtaine d’années, nous avions remarqué comment des disciples en Europe semblaient vivre cela comme de longues parenthèses entre deux visites au centre du mouvement à Puttaparthi (Andhra Pradesh, Inde).
Cette nostalgie de la Casa est aussi orientée vers l’avenir : « La Casa devient alors un site utopique duquel l’énergie de guérison se répand pour assister la guérison future des gens, des nations et finalement de la planète. » (p. 170)
Même si la spiritualité New Age a souvent été interprétée en termes d’individualisme et de consumérisme, Rocha insiste sur sa capacité — à travers le cas qu’elle étudie — à produire une réalité communautaire, certes fluide et poreuse (p. 180). Bien entendu, l’expression de New Age elle-même et ce qu’elle recouvre fait débat, mais une discussion à ce sujet dépasserait le cadre de ce compte rendu. Quant à la communauté, Rocha admet qu’elle n’est pas exclusive, mais se superpose souvent avec d’autres pratiques ou d’autres figures spirituelles (elle a rencontré des cas de disciples de gourous néo-hindous qui fréquentent la Casa).
L’existence d’une catégorie de visiteurs retournant régulièrement à Abadiânia signifie qu’ils y retrouveront des personnes déjà rencontrées lors de voyages précédents, ce qui renforce un sentiment de communauté, développant des sentiments de solidarité (p. 179).
L’émergence d’une communauté internationale autour de João de Deus est renforcée par des initiatives de la Casa, « à travers l’institution de nouveaux rituels de passage, tels que baptêmes et mariages » (p. 181). Lors de sa première visite à Abadiânia en 2004, raconte Rocha, de telles pratiques étaient rares. Aujourd’hui, elles sont devenues fréquentes et ont lieu sur l’estrade de la grande salle : les officiants sont des membres du personnel de la Casa ou des volontaires. L’Entité doit donner au préalable sa permission et signe un certificat immédiatement après la cérémonie. Les personnes recourant à ces rites expliquent « avoir voulu être baptisées pour être plus proches des entités afin d’être toujours protégées par elles, ou pour démontrer leur engagement envers elles » (p. 181). Les rites n’ont donc pas la même signification que leurs équivalents chrétiens : Rocha cite d’ailleurs une Américaine qui parle de baptême « dans la religion spirite ».
Rocha décrit des « sessions de Courant » auxquelles elle a assisté en Australie. À l’instar de ce que feraient des migrants en situation de diaspora, ils s’efforcent de recréer une atmosphère aussi proche que possible de celle de la Casa (par la nourriture, le recours à des éléments de langue portugaise et les pratiques). Sur fond de musique de la Casa, après les prières, l’invocation d’entités et la longue méditation guidée, la partie informelle permet aux participants d’évoquer les souvenirs de leurs expériences à Abadiânia, construisant ainsi une communauté. Dans certains groupes, les participants s’habillent en blanc, comme à la Casa. Chaque groupe local doit obtenir l’autorisation de João de Deus (pp. 185-189).
L’avenir du mouvement
La description de Rocha démontre que la Casa de Dom Ińacio est devenue plus qu’un centre thérapeutique et qu’une sorte de mouvement (poreux et avec des degrés d’engagement variables) se constitue autour des expériences vécues à Abadiânia, permettant à certains visiteurs de trouver espoir, expérience du sacré et communauté (p. 223). La question se pose donc de savoir si un tel mouvement peut connaître un avenir le jour où aura disparu la figure charismatique de João de Deus ? En 2015, le septuagénaire a été atteint d’un cancer de l’estomac. Une opération, suivie de plusieurs mois de chimiothérapie, semble lui avoir permis de retrouver la santé. Mais ses disciples savent que la figure qui les inspire ne sera pas toujours là. (La visite de João de Deus en Scandinavie prévue pour juin 2017 a été annulée, même si les organisateurs assurent que cela n'est pas lié à la santé de leur invité.)
Rocha reconnaît la part d’instabilité de l’autorité charismatique et la crise de la succession quand la figure centrale n’est plus. De plus, comme nous l’avons déjà noté, João de Deus n’a pas structuré des enseignements sous forme écrite. Une possibilité est que certains autres guérisseurs brésiliens, aux pratiques et références en partie semblables, deviennent un jour des substituts de João de Deus pour celles et ceux qui sont fortement liés à lui (p. 232). Sans parler de l’éventualité qu’un autre médium guérisseur puisse poursuivre l’activité, bien qu’aucun successeur potentiel n’ait été désigné pour le moment.
Peut-être le fait que beaucoup de visiteurs conservent un intérêt pour d’autres enseignements, et donc une multiplicité de références, permettra-t-il assez aisément à une bonne partie d’entre eux de trouver d’autres ancrages. La capacité des milieux de la religiosité parallèle à malaxer constamment les apports de mouvements déclinants tout en voyant émerger de nouveaux courants est bien connue. En outre, nombre d’éléments rencontrés dans le mouvement sont présents aussi dans ces milieux plus larges, comme l’a bien remarqué Rocha.
Il n’est pas impossible aussi que la Casa de Dom Ińacio devienne un lieu de pèlerinage, insistant sur la poursuite de la circulation d’énergies de guérison (certes sans opérations visibles). Il y a d’autres cas de guérisseurs qui continuent d’avoir des cercles de fidèles après leur mort, largement fondés sur la littérature produite par des disciples du guérisseur : on peut par exemple penser aux cercles de guérison par voie spirituelle selon l’enseignement de Bruno Gröning (1906-1959).
Pour l’instant, tout cela relève de la spéculation : si João de Deus reste en santé durant plusieurs années encore, le mouvement pourrait connaître d’autres inflexions encore, permettant de préparer sa pérennisation. Tout groupe dirigé par une figure charismatique est susceptible de connaître des réorientations importantes et rapides tant que cette figure est présente.
Jean-François Mayer
Cristina Rocha, John of God : The Globalization of Brazilian Faith Healing, Oxford University Press, 2017, XII+270 p.