C’est par une déclaration rendue publique le 20 décembre en Salle de presse que le Saint-Siège s’est exprimé. Présentée comme une réponse à « des questions de journalistes », la déclaration s’attache tout d’abord aux ordinations, le 30 novembre à Chengdu et le 2 décembre à Xichang – deux diocèses de la province du Sichuan –, de deux évêques nommés par Rome. Ces ordinations avaient été marquées, contrairement à deux autres ordinations épiscopales qui avaient eu lieu en Chine populaire quelques semaines plus tôt, par la présence autour de l’autel de Mgr Lei Shiyin, l’un des huit évêques illégitimes de la partie « officielle » de l’Eglise en Chine. En 2011, le Saint-Siège avait publiquement fait état de l’excommunication de Mgr Lei, mais, ce 20 décembre, Greg Burke, directeur de la Salle de presse du Saint-Siège, s’est borné à relever que « sa position canonique [était] encore à l’étude de la part du Siège apostolique ».
Le point saillant de cette première partie du communiqué est le fait que la présence de Mgr Lei Shiyin aux ordinations de Chengdu et Xichang « a créé la gêne et le trouble chez les catholiques chinois » et que « le Saint-Siège comprend et partage leur douleur ». On se souvient qu’avant l’ordination à Chengdu, des catholiques avaient accroché, à l’entrée de l’église, une bannière exprimant leur refus de voir un évêque excommunié participer à l’ordination de leur nouvel évêque – bannière vite enlevée par les autorités.
Fonder son jugement sur des « faits prouvés »
S’agissant la IXe Assemblée nationale des représentants catholiques, qui, selon des informations venues de Chine, doit se réunir à Pékin du 26 au 30 décembre prochains, le Saint-Siège rappelle que, comme tout ce qui regarde les ordinations épiscopales en Chine, sa « position (…) est bien connue », et précise qu’il « réserve son jugement en se basant sur des faits prouvés ». Le communiqué se termine sur une note tout en nuance qui renvoie la balle du côté de Pékin : « En attendant, il est certain que tous les catholiques en Chine attendent avec impatience des signaux positifs, qui les aident à avoir confiance dans le dialogue entre les autorités civiles et le Saint-Siège, et à espérer en un avenir d’unité et d’harmonie. »
A l’évidence, le communiqué du 20 décembre contraste, par le ton employé, avec celui que Rome avait diffusé le 17 décembre 2010, il y a quasiment six ans jour pour jour. A l’époque, la VIIIe Assemblée nationale des représentants catholiques venait d’avoir lieu et, peu avant, un évêque non reconnu par Rome avait été ordonné pour le diocèse de Chengde, dans le Hebei. Le Saint-Siège avait alors fait part de « sa profonde douleur » face à des actes qualifiés d’« inacceptables et hostiles ». Le choix d’un évêque illégitime pour présider la Conférence épiscopale avait été qualifié de « déplorable » et celui d’un évêque légitime pour présider l’Association patriotique des catholiques chinois de « lamentable ». Le ton, on le voit, était vif et le Saint-Siège affirmait que les gestes posés par Pékin provoquaient « une grave perte de confiance » chez les catholiques chinois.
Une assemblée « souveraine »
Comment expliquer la différence de ton entre les communiqués pontificaux de 2010 et de 2016 ?
L’Assemblée nationale des représentants catholiques est un cénacle inconnu du droit de l’Eglise catholique. Le pape Benoît XVI, dans sa Lettre aux catholiques chinois de 2007, avait indiqué que cette assemblée, présentée par Pékin comme « l’instance souveraine » de l’Eglise en Chine, est « incompatible avec la doctrine catholique ». Si Pékin la réunit pour la neuvième fois du 26 au 30 décembre prochains (une période peu commode pour des responsables catholiques), sa première convocation remonte à 1957, au moment où la campagne de persécution contre l’Eglise catholique engagée par les communistes chinois pour « détacher » les catholiques chinois de l’Eglise universelle aboutissait à la mise en place de l’Association patriotique, cette instance toujours en place qui vise à contrôler l’Eglise de l’intérieur. Près de soixante ans plus tard, les statuts de l’Assemblée nationale des représentants catholiques sont toujours en vigueur : réunissant les évêques « officiels », des prêtres, des religieuses et des laïcs, l’Assemblée est placée au-dessus de la Conférence épiscopale et est présentée comme la plus haute autorité de l’Eglise catholique de Chine.
Cette année comme en 2010, l’une des tâches de l’Assemblée sera d’« élire » les organes dirigeants de la Conférence épiscopale et de l’Association patriotique, ainsi que de fixer les orientations de l’Eglise pour les années à venir. Les élections sont factices puisqu’en 2010, la liste des candidats à élire était imprimée avant le début de l’Assemblée et ces derniers siégeaient à la table de présidence dès le début de l’Assemblé, avant même leur élection. En 2010, des évêques avaient été contraints physiquement d’y siéger et le communiqué du Saint-Siège avait été clair : « La volonté persistante de contrôler la sphère la plus intime des citoyens, c’est-à-dire leur conscience, et de s’ingérer dans la vie interne de l’Eglise catholique [témoigne] d’une intolérance intransigeante » – attitude « que l’on pensait dépassée dans la Chine d’aujourd’hui ».
Cette année, le communiqué du Saint-Siège est paru avant la réunion effective de l’Assemblée nationale des représentants catholiques. Il laisse ouvert la voie à une attitude plus compréhensive de Rome vis-à-vis de cette instance, pour autant que des « faits prouvés » indiquent la bonne volonté du gouvernement chinois, en particulier que les participants n’auront pas été contraints d’agir contre leur conscience. La différence de tonalité des communiqués de 2010 et de 2016 s’explique très certainement par le fait que, contrairement à 2010 où la porte des négociations avec Pékin était fermée, aujourd’hui, Rome mène avec la Chine des négociations en vue d’une normalisation espérée de la situation de l’Eglise en Chine. (eda/ra)
Source: Eglises d’Asie, Agence d’information des Missions Etrangères de Paris.
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