Inquiets de l'influence croissante de groupes salafistes dans la province d'Aceh (sur l'île de Sumatra) depuis le tremblement de terre et tsunami de 2004, les oulémas musulmans traditionnels s'efforcent de renforcer leur poids politique pour contrer les courants salafistes et modernistes et d'obtenir un statut officiel pour leurs critères de l'orthodoxie islamique, nous apprend un rapport de l'Institute for Policy Analysis of Conflict (IPAC). Cela se déroule sur l'arrière-plan des élections locales de 2017 : un candidat au poste de gouverneur apporte son soutien aux « traditionalistes » afin d'élargir sa base politique. Les conflits entre « traditionalistes » et « modernistes » ne sont pas nouveaux à Aceh : ils remontent aux années 1920 et ont été enchevêtrés avec les turbulences politiques indonésiennes au fil des décennies. L'actuelle campagne antisalafiste aurait des causes au moins autant économiques et politiques que doctrinales. Jouissant d'une large base de soutien dans les zones rurales, les dirigeants religieux traditionnels se sentent sous-représentés dans les services gouvernementaux et dans la bureaucratie religieuse. Certaines mosquées dont ils essaient de prendre le contrôle pour y imposer l'adhésion à l'école juridique chafiite sont des points cruciaux de cette rivalité. Ces oulémas s'opposent tant aux salafistes qu'à l'important mouvement moderniste Muhammadiyah, également critique de certaines pratiques traditionnelles dont il prône la purification (mais avec lequel les salafistes se trouvent aussi en concurrence). En septembre 2014, le Conseil des oulémas d'Aceh a condamné le salafisme comme déviant. Des heurts se sont produits à plusieurs reprises. Des salafistes en lien avec des centres au Yémen sont particulièrement visés. Les initiatives financées par des fonds d'origine saoudienne et qatarie sont considérés avec suspicion. Le rapport note que les efforts pour renforcer l'islamisation d'Aceh et y imposer le respect de la sharia sont en revanche soutenus tant par les oulémas traditionnels que par les salafistes, en dépit de leurs divergences doctrinales.
Source: The Anti-Salafi Campaign in Aceh, IPAC Report N° 32, 6 octobre 2016 (24 p.).
Fondé en 2013, l’IPAC part du principe qu’une analyse exacte de la situation est la première étape pour prévenir des conflits. Sa directrice est Sydney Jones, qui avait travaillé de 2002 à 2013 pour l’International Crisis Group.