Le propos de cet article n’est pas de prendre parti, mais de présenter ce groupe et de résumer la controverse qui a récemment éclaté. Nous esquisserons aussi quelques observations sur le mouvement et cette affaire.
Mata Amritanandamayi et son mouvement
La vie de Mata Amritanandamayi, affectueusement appelée “Amma” (mère) par ses disciples, est l’histoire d’un étonnant succès. Née en 1953 dans une famille modeste d’un village de pêcheurs du Kerala, dans le sud de l’Inde, rien ne la prédisposait à parcourir un jour la planète, à attirer dans son ashram des chercheurs spirituels du monde entier et à mettre sur pied une importante organisation, notamment active dans le domaine de l’aide humanitaire.
Une abondante littérature produite par des dévots relate la vie de la future “Amma” dans un style hagiographique, parsemé d’événements miraculeux; à notre connaissance, il n’existe aucune biographie indépendante. Ces ouvrages révèlent que la jeune Soudhamani ne reçut qu’une formation scolaire primaire et qu’elle dut ensuite se consacrer aux tâches domestiques dans sa famille ou sa parenté, dans des conditions décrites comme dures. Sa mère, par ailleurs très pieuse, la traitait avec rudesse et la battait parfois, mais sa fille expliqua par la suite que, à travers ce comportement, sa mère avait ainsi joué d’une certaine manière pour elle le rôle de gourou, c’est-à-dire de maître: “Elle m’a inculqué diligence, dévotion et discipline. (...) j’ai réalisé que de telles expériences étaient seulement pour mon bien.” [1] Il n’est pas sans intérêt de rappeler ces expériences enfantines et adolescentes pour mettre en contexte les récentes controverses que nous évoquerons plus loin.
Ces biographies rapportent aussi de précoces expériences spirituelles de Soudhamani. L’intensité de sa dévotion à Krishna se serait manifestée très tôt et elle serait parvenue à l’identification totale avec Krishna. En 1975 se serait produite pour la première fois sa transformation extérieure en Krishna: durant ces manifestations, elle “devenait” Krishna et se comportait comme lui, “transformant ses traits et ses mouvements” en ceux de Krishna lui-même [2]. Ses parents interprétèrent d’abord cela comme des possessions, destinées à cesser tôt ou tard. Par la suite commencèrent à survenir aussi des manifestations de la Mère Divine (Devi Bhava Darshan).
Soudhamani continuait de se heurter à la méfiance de sa famille, notamment au rejet virulent de son frère aîné (qui finit par tonber malade et se suicider en 1978), mais aussi d’habitants du lieu, qui constituèrent même à cette époque un “comité pour stopper les croyances aveugles” et tentèrent à plusieurs reprises de perturber les réunions. Néanmoins, un petit noyau de premiers fidèles était en train de se former, même si ces villageois impressionnés par les spectaculaires transformations de Soudhamani n’y voyaient que de simples possessions et “ne comprenaient pas la profondeur ou la plénitude de la Réalisation divine de la Mère” [3].
Elle expliqua par la suite que, “durant le temps du Bhava Darshan, Mère ôte deux ou trois couches (layers) – des voiles, pour ainsi dire – afin que les dévots puissent entrevoir le Suprême. (...) L’intention de Mère est d’aider de quelque façon les gens à approcher Dieu. Certains sont intéressés seulement s’ils voient Mère dans le costume de Devi ou de Krishna. (...) Certains ont du mal à croire les paroles de Mère en temps ordinaire, mais si Mère dit la même chose durant le Devi Bhavan, ils le croiront.” [4]
En 1978, quelques jeunes gens venant de milieux plus aisés que celui du village furent convaincus d’avoir trouvé celle qui pourrait les guider sur la voie spirituelle. L’année suivante arrivèrent les quatre premiers disciples d’origine occidentale (mais qui vivaient tous déjà depuis quelque temps en Inde), parmi lesquels Gayatri (Gail Tredwell), dont le livre est à l’origine de la controverse actuelle.
Ainsi se constitua autour de Soudhamani le noyau d’un ashram, très modeste et pauvre au départ, grâce au don d’un lopin de terre par le père de la jeune femme. Progressivement, ses parents devinrent en effet ses disciples, malgré leur initial rejet. Le 6 mai 1981, l’embryon d’un mouvement fut constitué sous le nom de Mata Amritanandamayi Mission. Ce fut également à partir de ce moment que la jeune femme adopta officiellement le nom de Mata Amritanandamayi, “que lui donna un de ses fils-aspirants. Puisqu’elle était déjà la Mère de la félicité immortelle, ce nom lui convenait vraiment bien”, soulignait l’un de ses premiers biographes [5].
La fondation de la mission répondait à des motifs pratiques,à cause de la présence de disciples étrangers: la plupart de ceux-ci ne pouvaient obtenir une extension de leur visa au delà de la période usuelle de six mois que s’ils étaient rattachés à une institution pour des raisons d’études ou d’affaires. L’ashram avait donc besoin d’une structure légale pour obtenir un enregistrement officiel. Mais cette étape fut aussi le premier pas vers une plus forte structuration de la vie quotidienne de l’ashram, ainsi que l’explique le premier disciple occidental, qui accueillit avec plaisir cette évolution et continue aujourd’hui de suivre Mata Amritanandamayi sous le nom de Swami Paramatmananda:
“À la suite [de l’établissement d’une organisation], Ammachi estima que les dévots résidant là devaient commencer à suivre une certaine discipline. Dans ce but, elle prépara un emploi du temps obligatoire que devaient suivre tous ceux qui avaient choisi de vivre à ses côtés. Toute son attitude commença à changer à ce moment, de celle d’une mère à celle d’un guide spirituel. La même préoccupation et patience maternelle restait, mais elle commença à conseiller de tout cœur à ses dévots de suivre telle ou telle pratique spirituelle. En fait, elle commença même à dire que ceux qui ne voulaient pas se livrer à la méditation ou à d’autres pratiques spirituelles pouvaient rentrer chez eux par le prochain bus. (...) l’atmosphère commença à changer de celle d’une grande maison à celle d’un ashram, rempli d’aspirants spirituels engagés dans une vie austère et fervente.” [6]
Durant cette période, la réputation de Mata Amritanandamayi grandissait: de plus en plus de gens étaient attirée par la réputation de celle dont on commençait à parler comme une sainte vivante. La plupart de ces disciples étaient des Indiens, mais le nom de Mata Amritanandamayi commençait à se répandre aussi, de bouche à oreille, dans le milieu des chercheurs spirituels occidentaux attirés par les enseignements de l’Inde. Dès 1984, un disciple français d’Amma avait commencé à jeter les bases de l’activité de la Mission en Europe. Pour la première fois, de mai à août 1987, Mata Amritanandamayi entreprit une tournée à l’étranger, aux États-Unis et en Europe [7]; la même année, au mois de décembre, elle se rendit à Maurice et à la Réunion, où un petit centre avait été ouvert dès 1985 par une poignée de disciples d’origine indienne.
Nous avions assisté à plusieurs réunions autour de Mata Amritanandamayi lors de son second passage en Suisse en 1988. À cette époque, le public était encore peu nombreux. Mais Mata Amritanandamayi avait déjà un style qui la distinguait de la plupart des gourous hindous: le contact physique qu’elle offrait à tous ceux qui venaient la voir et l’écouter, en les serrant dans ses bras, ce qui lui a valu le surnom de hugging saint dans le monde anglophone. Voici quelques extraits de nos notes d’observation de juillet 1988, décrivant cette pratique à une époque où c’était encore une nouveauté:
“Cela ne ressemble en rien à ce que j’ai vu dans d’autres groupes. On pourrait dire que le gourou y exprime un amour maternel. Installée sur un siège, Mata Amritanandamayi accueille tous ceux qui le désirent, venus s’asseoir tout en avant autour d’elle. Il y a là, par terre, plusieurs dizaines de personnes. Elle fait signe de la main à une personne – parfois à deux – pour l’inviter à s’approcher. La personne se prosterne devant Amma, puis, à genoux, pose la tête contre le buste ou dans le giron d’Amritanandamayi, tout en enserrant des bras le bas de son buste. Avec le sourire, Amma tient dans ses mains le haut du corps de celui ou celle qui est agenouillé devant elle, en lui caressant le dos d’une main, comme une mère le ferait avec son enfant. Puis elle trace un petit point rituel (tilak) au centre du front et étreint la personne dans une accolade, tête contre tête. Cela ne l’empêche pas, s’il y a lieu, d’échanger quelques mots avec le traducteur qui a une question à lui poser. Elle éparpille ensuite sur la tête de la personne quelques pétales de fleurs et des gouttes d’eau, puis lui pose la main sur le sommet du crâne durant quelques instants. Elle porte enfin sa main vers le sommet de son front et vers son cœur. Elle n’appelle pas les gens dans l’ordre d’arrivée. Pendant ce temps, avec accompagnement d’un petit harmonium indien, l’assistance chante ‘Om Namah Shivaya’ – tout cela dans une atmosphère détendue: des gens parlent, circulent, sortent et rentrent.”
“Plusieurs personnes ne peuvent retenir leurs larmes. Lorsque cela se produit alors que la personne a sa tête sur les genoux de la sainte, c’est elle-même qui, avec un mouchoir en papier, lui essuie les larmes.” [8]
À cette époque, les visites d’Amma en Occident se déroulaient dans un cadre qui semble maintenant presque intime, avec quelques dizaines ou quelques centaines de visiteurs. Aujourd’hui, ceux-ci viennent par milliers, et les accolades de la sainte durent des heures, la soumettant à un rythme harassant; les files d’attente sont organisées. Mata Amritanandamayi est devenue une célébrité.
Le modeste ashram des débuts s’est transformé en petite ville dans la cocoteraie, entouré par d’imposants bâtiments de plusieurs étages. Les groupes de “tourisme spirituel” en Inde ne manquent pas de faire halte à l’ashram: lors d’une visite à celui-ci, nous avons vu arriver un car de touristes arborant pour certains des t-shirts à l’effigie de Sathya Sai Baba, dont ils avaient auparavant visité le centre. En permanence, rapporte l’Indo-Asian News Service, 700 étrangers résideraient à l’ashram de façon temporaire au passagère [9].
Le succès de Mata Amritanandamayi s’est accompagné de la mise sur pied de nombreuses initiatives soutenues par le mouvement dans le domaine de l'éducation, du développement ou de l’aide humanitaire: enseignement (dont une université), santé, développement social, protection de la nature et écologie, aide en cas de catastrophes (par exemple après le dévastateur tsunami de décembre 2004). Ces projets sont actuellement menés sous l’égide d’une ONG dénommée Embracing the World: ils correspondent à l’image que les dévots se font d’Amma comme avatara (descente du Divin) venu soulager les souffrances du monde. Quand on se reporte aux débuts des activités de la future Mata Amritanandamayi, parlant seulement malayalam et avec une formation limitée à l’école primaire, tout cela représente de spectaculaires réalisations, entièrement liées au charisme d’Amma, qui dit d’elle-même: “Un flux ininterrompu d’amour s’écoule de moi à tous les êtres du cosmos. Cela est ma nature innée.” [10]
Cela a contribué à la réputation d’Amma, en Inde comme sur le plan international. Hommes politiques, chefs d’entreprise et autres personnalités viennent rendre hommage à Amma. Elle trouve en outre des soutiens naturels dans les milieux du nationalisme hindou, favorables à la fois à tout ce qui peut contribuer à renforcer le rayonnement de l’héritage hindou et à des entreprises d’action sociale d’inspiration hindoue [11].
Le livre de Gail Tredwell: un récit de vie et une dénonciation
La récente publication du livre de Gail Tredwell vient cependant brouiller l’image de Mata Amritanandamayi et de son mouvement. Depuis 2012, de petits cercles d’anciens disciples déçus d’Amma, qui communiquent dans le cadre du groupe Ex-Amma sur Yahoo, savaient que Gail Tredwell préparait un livre-témoignage et l’attendaient avec impatience, en raison de la grande proximité de celle-ci avec Amma et le cercle des premiers disciples durant une vingtaine d’années.
Ce n’est pas le premier livre de témoignage d’une ex-dévote: l’Américaine Jovan Jones avait publié une trilogie, intitulée Descent Series (Chasing the Avatar, Dancing with the Avatar et Bound by the Avatar), mais elle avait passé beaucoup moins de temps que Gail Tredwell dans les cercles de dévots d’Amma et plus tardivement (de 1995 à 1997). Ses livres utilisent des noms fictifs; de plus, elle est devenue une chrétienne évangélique convaincue, ce qui donne à ses écrits une empreinte spécifique. Ils n’ont guère retenu l’attention.
Tout autre est le cas du livre de Gail Tredwell. Publié à l’enseigne d’une maison d’édition fondée pour cela, en dehors de tous les grands réseaux de distribution de librairie, ce livre a bénéficié de l’existence d’Amazon comme canal de diffusion; il se trouvait au 1225e rang des ventes d’Amazon.com le 9 mars 2013. Il est également disponible sous forme de livre électronique auprès d’autres services de vente. Dans chaque cas, une guerre des commentaires de lecteurs – favorables ou hostiles – suit la présentation du livre.
Comme tout récit autobiographique, ce livre est une réinterprétation du passé et un choix de certains éléments, puisqu’on ne saurait raconter toute une vie en un peu plus de 300 pages. Sur un sujet tel que celui-ci, le choix d’une grille de lecture est important aussi pour l’approche interprétative: il s’agit de donner un sens et une cohérence à l’expérience relatée, surtout quand celle-ci présente une dimension traumatique. Gail Tredwell reconnaît sa dette envers le livre de Joel Kramer et Diana Alstad, The Guru Papers: Masks of Authoritarian Power (Berkeley, Frog, 1993). Comme d’autres ex-disciples de gourous, elle entend donc mettre en lumière la nature manipulatrice de la relation entre son ancienne guide spirituelle et ses disciples.
Intitulé Holy Hell: A Memoir of Faith, Devotion, and Pure Madness (Maui [Hawaï], Wattle Treee Press, 2013), le livre commence de façon assez convenue par le moment où Gail/Gayatri vient de s’échapper du groupe, alors qu’elle accompagne Amma dans une tournée en Californie. Elle se retrouve seule, dans un appartement qui lui a été prêté: elle y reste pendant quelques jours, jusqu’au moment où elle sera sûre que Mata Amritadanandamayi et tous les autres résidents de l’ashram seront repartis. Notons au passage que Gayatri a été aidée par des personnes qui appartiennent au groupe, et qu’elle a informé quelques personnes très proches de son projet, déjà échafaudé avant son départ vers l’Amérique. Il s’agit donc de personnes qui, tout en étant critiques, continuent de participer à certaines activités du groupe: cela nous rappelle comment différentes personnes développent différents modes d’appartenance à un groupe, et comment l’appartenance peut évoluer et se transformer au fil des ans, sans qu’une attitude critique ou désabusée conduise toujours et automatiquement à la rupture. D’ailleurs, comme le rappelle Gail elle-même, elle continua pendant quelque temps après sa rupture à fréquenter surtout des dévots ou ex-dévots d’Amma: “À cette époque, les dévots d’Amma étaient pour ainsi dire les seules personnes que je connaissais.” (p. 319 – les numéros de page entre parenthèses dans cette section de l'article renvoient au livre de Gail Tredwell).
Comme tant d’autres Occidentaux devenus disciples de gourous, l’histoire de Gail Tredwell (née en 1958) commence par un long voyage en Inde, en mars 1978, à une époque où les Australiens n’avaient pas besoin de visa pour se rendre dans ce pays et pouvaient donc y séjourner aussi longtemps qu’ils le souhaitaient. Gail Tredwell avait quitté tôt la maison familiale. Son voyage en Inde ne poursuivait pas des objectifs spirituels à l’origine. Cependant, il est difficile de ne pas rencontrer ces questions sur les routes de l’Inde: la lecture d’un livre acheté au Tamil Nadu (son premier “livre spirituel”, souligne-t-elle) amorce une réorientation de ses intérêts et une soif de réponses aux questions existentielles.
Durant un séjour de plus d’une année à Tiruvannamalai, où se trouve l’ashram de Ramana Maharshi (1879-1950) et que visitent de nombreux chercheurs spirituels, Gail Tredwell fait la connaissance de personnes qui vont être parmi les premiers disciples de la future Mata Amritanandamayi. Touchée par l’écoute d’une cassette de chants dévotionnels chantés par la jeune femme et renforcée dans ses sentiments initiaux par les récits de ceux qui étaient allés la voir, Gail Tredwell sent naître en elle le désir non seulement de rencontrer Amma, mais de vivre pour toujours auprès d’elle. Notons que, quelque temps, auparavant, Gail Tredwell a reçu l’annonce du divorce de ses parents et de la vente de la maison familiale. Même si elle ne se sent guère proche de sa famille (elle n’a plus vu ses parents depuis deux ans) et se considère comme un “esprit libre vadrouillant sans souci dans le monde, mes périples avaient toujours émané d’un petit point sur la planète: la maison. Je me sentis soudain perdue et toute seule, comme une araignée sans une toile. La tristesse resta intense durant quelques jours. mais, comme tout souvenir, celui devint progressivement moins fort et s’effaça avec le temps.” (pp. 44-45)
Gail Tredwell n’a plus un sou: mais l’Américain Neal Rosner (aujourd’hui Swami Paramatmananda), qu’elle a rencontré à Tiruvannamalai, lui offre le voyage, comme il la soutiendra par la suite durant ses premiers temps de séjour auprès d’Amma [12].
La rencontre avec Amma confirme bien sûr les attentes de la jeune Australienne, malgré les pauvres conditions de vie sans confort auxquelles il lui faudra s’adapter dans ce lieu. En revenant aujourd’hui sur ce tournant décisif, elle explique son désir de croire, sa volonté d’avoir trouvé son gourou; personne ne lui impose quoi que ce soit, c’est un mélange de ses aspirations et des circonstances qui lui donnent le sentiment d’obtenir une réponse providentielle: “Il ne me vint jamais à l’esprit d’avoir un peu de prudence, de discernement, ou d’usage raisonnable du doute. Elle devait être la bonne personne [the real deal]. Qu’allais-je faire d’autre – retourner en Australie?” (p. 68)
“Gayatri” va ainsi devenir l’assistante personnelle d’Amma, se tenant toujours à sa disposition pour des tâches diverses. Cela nous vaut un intéressant récit sur les premiers temps de la vie de ce groupe embryonnaire et aussi sur ses expériences de vie quotidienne. À 21 ans, elle obéit (presque) sans réserve à Amma. “[Amma] avait besoin d’une personne naïve, innocente et digne de confiance, avec une foi aveugle à cent pour cent. C’était moi.” (p. 108)
“Tout ce que je voulais dans la vie était connaître Dieu. Je croyais que, par la dévotion et le renoncement à moi-même comme assistante personnelle d’Amma, j’atteindrais un tel but. Afin de conserver ma position, je devais m’adapter parfaitement au moule. J’étais donc prête à tout faire et à consentir tout sacrifice.
“Ce fut une lente mort pour cette femme blanche sauvage nommée Gail. Mais elle s’abandonna finalement et devint une avec le nouveau personnage appelé Gayatri. Elle se calma et devint beaucoup plus réservée et disciplinée.” (p. 92)
Dans un tel contexte, où se mêlent expériences de vie indienne [13] et quête spirituelle, tout prend une signification: ainsi, quand Gayatri et Amma échangent leurs bracelets de cheville, “je vis cela comme un mariage de mon âme avec la sienne” (p. 79). C’est aussi une vie de travail souvent dur, à l’image de celle que mènent bien des femmes dans des villages indiens – mais en même temps une vie simple, douce, avec des moments bénis que Gayatri évoque aujourd’hui encore avec une manifeste nostalgie, par exemple les moments vespéraux de chants dévotionnels (p. 106). “Durant mes vingt années à l’ashram, mais surtout dans les premiers temps, j’ai été bénie de nombre d’expériences spirituelles inoubliables.” (p. 108) Son attachement à Amma est si fort qu’elle supporte avec peine d’être séparée d’elle. Rétrospectivement, Gail Tredwell estime que la dévotion intense envers Amma permet à celle-ci de jouer sur la compétition de ses disciples entre eux pour être le plus proche possible d’elle (p. 156).
Le livre montre aussi comment Soudhamani établit son indépendance par rapport à sa famille et prend le contrôle des opérations. En même temps, sa réputation commence à s’étendre et elle se trouve invitée chez des dévots dans la région, même si l’ashram naissant demeure la plupart du temps un endroit encore paisible et sans foule. En deux ans, huit autres huttes sont construites autour du bâtiment initial. En même temps que des dévots, des dons commencent aussi à arriver.
“Même si elle nous encourageait à la considérer comme notre mère, elle commença lentement à faire respecter l’aspect gourou. Elle commença à insister pour que nous nous prosternions devant elle et exprimions notre vénération en tout temps, spécialement en public. Elle prit soin de souligner que ce n’était pas pour elle, mais pour nous, afin d’acquérir l’humilité et la sublimation de nos egos.” (p. 147)
“Avec mon amour profond pour Amma, il y avait un degré considérable de crainte”, explique Gayatri: crainte d’être reprise ou réprimandée pour cause de comportement inadéquat – même s’il arrivait ensuite à Amma de se radoucir en déclarant: “Mère n’est pas en colère. C’est seulement à cause de son amour qu’elle ne peut s’empêcher de corriger ses enfants.” (pp. 152-153) La plupart des disciples recherchaient une mère, reconnaît Gayatri: Amma se comportait en conséquence à leur égard, non sans y trouver plaisir (p. 158) [14].
Petit à petit, Gayatri dit avoir découvert des contradictions entre la face publique et la réalité. Par exemple, ses disciples affirment et écrivent que Mata Amritanandamayi n’aurait plus été soumise aux contraintes du cycle menstruel et aurait cessé d’avoir ses règles dès le début de ses manifestations [15]. Vivant dans l’intimité d’Amma, Gayatri constate qu’il n’en est rien. Elle est d’abord choquée, mais elle passe sur cette révélation embarrassante:
“Cette découverte n’affecta pas ma foi. J’eus le sentiment d’être quelqu’un de spécial à qui l’on pouvait faire confiance. Elle avait sa menstruation chaque mois et, dès ce jour, je fis de mon mieux pour l’aider à cacher ce fait. J’ai toujours su que c’était un secret. Il ne me vint pas une seule fois à l’esprit que c’était un mensonge. (...)
“J’ai bloqué ou complètement oublié la vérité. Sa biographie déclarait clairement qu’elle était ‘pure’. Amma savait évidemment que cela n’était pas correct. Elle permit cependant que ce fût publié.” (p. 154)
Il n’est pas simple de servir Amma, au fur et à mesure que passent les années. Gayatri essuie ses colères quand Mata Amritanandamayi n’est pas satisfaite: “Servir Amma et vivre avec elle était comme marcher sur une corde raide. Je ne pouvais jamais vraiment me relâcher, et je devais faire attention à chaque pas.” Mais le service du gourou est considéré comme une activité spirituelle, et Mata Amritanandamayi ne manque pas de rappeler alors à ses disciples que “celui qui sert un gourou n’a pas d’autre dieu que le gourou” (p. 174).
C’est durant la première tournée aux États-Unis, en 1987, que Gayatri affirme avoir découvert des signes de ce qui est aujourd’hui l’une des accusations qui suscitent la colère des disciples et les fermes dénégations du mouvement: Mata Amritanandamayi aurait entretenu des rapports intimes avec l’un de ses plus proches disciples. Gayatri réussit à “rationaliser” l’incident et de penser qu’elle s’était peut-être trompée: “Je continuai de vivre mon rêve comme l’assistante personnelle d’Amma en quête de la sagesse divine et de l’amour de Dieu. Si j’osais laisser cet incident affectuer ma foi et ma dévotion, le problème était chez moi – je n’étais pas une bonne disciple.” Quelques années plus tard, affirme-t-elle, par une fenêtre ouverte, elle aurait été cependant témoin d’une scène qui ne lui laisse aucun doute. Or, la règle de l’ashram est celle d’une stricte chasteté (pp. 190-193).
Mais les accusations ne s’arrêtent pas là: Gayatri affirme avoir été violée par ce même homme vers le milieu des années 1980, et avoir été par la suite contrainte à de multiples reprises d’entretenir des relations avec lui (pp. 244-254). Des années plus tard seulement, affirme-t-elle, elle a compris devoir se considérer comme ayant été victime d’un abus sexuel. De même que les autres accusations, le mouvement réfute celles-ci.
Gayatri soutient avoir non seulement subi des crises de colère d’une Mata Amritanandamayi très différente de la sainte souriant en public, mais avoir été à plusieurs reprises frappée ou maltraitée par elle; d’autres personnes de son entourage auraient subi le même traitement. “Je parvins à rationaliser la plus grande part de son comportement pendant quelques années de plus. (...) au fond de moi, je croyais qu’elle m’aimait. Car elle le devait! Après tout, elle était ma mère.” Quelques années plus tôt, Gayatri a même écrit sans ciller à sa mère biologique: “Amma est ma VRAIE MÈRE.” (pp. 202-203)
En même temps, Gayatri admet avoir reçu des tâches de plus en plus importantes dans le cadre de l’ashram, tant pour l’organisation que pour la supervision des jeunes résidentes indiennes (p. 227). Dans les années 1990, elle finit par être choisie pour recevoir le robe jaune des renonçants et devenir swami. C’est donc une situation assez compliquée et paradoxale, si l’on en croit son récit: en même temps, elle occupe une position enviée au sein du mouvement et elle dit avoir été victime d’abus.
Son livre soutient de plus qu’elle aurait à plusieurs reprises apporté secrètement à la famille de Mata Amritanandamayi de grosses sommes d’argent de la part de celle-ci: sur ce point également, le mouvement rejette ces accusations comme infondées (de même que la famille).
Un mélange de saturation par rapport aux sautes d’humeur d’Amma, de lassitude face aux petites querelles et rivalités au sein de l’ashram et d’épuisement après des années aux côtés d’une Mata Amritanandamayi à l’énergie inépuisable aurait finalement conduit Gayatri à quitter le mouvement et à redevenir Gail Tredwell. Non sans de longs combats intérieurs et hésitations: on ne remet pas en cause vingt années de vie sans y réfléchir à deux fois. En 1999, elle raconte avoir dit à Amma une partie de ce qu’elle avait sur le cœur – tant les humiliations que l’épuisement et une réalité des relations humaines dans l’ashram éloignée de l’idéal. Mata Amritanandamayi lui aurait répondu: “Oh, ma fille chérie Gayatri, peut-être que je ne le montre pas toujours, mais j’ai tellement d’amour pour toi dans mon cœur.” (p. 280) Ce qui n’empêche pas les problèmes de reprendre bientôt, et la décision de quitter l’ashram de prendre forme.
C’est le 21 novembre 1999 qu’elle part, durant une tournée en Californie, ainsi que nous l’avons déjà vu. Elle laisse à Amma une note dans laquelle elle lui écrit que “ma foi est complètement ruinée et tu en es responsable” (p. 315).
Comme nous l’avons vu, elle continue de fréquenter pendant quelque temps des cercles de disciples d’Amma, qui l’accueillent – et ce fait est aujourd’hui relevé par les représentants du mouvement pour contester la crédibilité de certains aspects de son récit.
Selon Gail Tredwell, elle aurait reçu en l’an 2000 l’offre de recevoir un ashram qui aurait été construit pour elle en Australie à condition de reprendre son état monastique et de rejoindre le mouvement, offre qu’elle rejeta (pp. 319-320).
En 2006, elle raconte être allée dans l’ashram de Californie, lors d’une tournée d’Amma, pour la revoir, sept ans, après son départ, afin d’achever son processus de guérison intérieure. Elle vint assister à un programme dans l’ashram, s’agenouilla devant Amma qui était “sous le choc” (utterly shocked), lui sourit, et fut invitée à prendre place sur le siège à côté d’elle:
“Aucun mot ne fut échangé. Mais le message non dit que je lui adressais était: Je vais bien, je suis en bonne santé, je suis heureuse, et tu n'as plus aucun pouvoir sur moi. Cinq heures plus tard, Amma se leva de sa chaise et je quittai la salle.” (p. 321)
La controverse et la contre-attaque des partisans de Mata Amritanandamayi
Par rapport à d’autres mouvements religieux de naissance contemporaine, la Mission Mata Amritanandamayi a connu relativement peu de controverses sur la place publique en Occident (tandis qu’il y a toujours eu des voix critiques au Kerala, comme nous le verrons). Avec la croissance du mouvement, cependant, il était inévitable que paraissent ici ou là des articles critiques. Aux États-Unis, en 2012, le magazine Rolling Stone (16 août 2012, pp. 56-61) avait publié un article de David Amsden, qui critiquait notamment la commercialisation autour de Mata Amritanandamayi; le journaliste donnait aussi la parole à Gail Tredwell, qui s’exprimait sans doute pour la première fois publiquement depuis son départ du mouvement.
La publication de Holy Hell représente pour le mouvement un défi d’une autre ampleur: ce livre pourrait sérieusement troubler l’image plutôt positive de Mata Amritanandamayi ainsi que dissuader de nouveaux disciples et encourager des défections. C’est certainement la question de l’image d’Amma, et par conséquent de l’ashram et de toute son œuvre, qui est au centre des préoccupations de ses fidèles.
Le mouvement réagit suivant plusieurs axes; mais ces stratégies semblent susceptibles d’évoluer:
1) démonter les accusations portées par Gail Tredwell, mettre en doute sa crédibilité et offrir d’autres points de vue;
2) réagir à la publication d’articles ou la diffusion d’émissions donnant écho à Gail Tredwell;
3) mobiliser des figures publiques en Inde pour protester contre ces accusations.
En réagissant, cependant, le mouvement se trouve devant un dilemme: les réactions ne doivent en aucun cas suggérer que Mata Amritanandamayi serait vindicative. Les réactions viennent de disciples attristés, tandis qu’Amma elle-même continue projeter une image de sourire éclatant qui attire des foules vers elle. Ce n’est donc pas elle qui met en cause la personne de Gail Tredwell, mais des fidèles, qui soutiennent d’ailleurs que la dénonciatrice serait accueillie par Amma avec le même amour inconditionnel qu’elle manifeste envers tous les êtres.
1) Démonter les accusations portées par Gail Tredwell, mettre en doute sa crédibilité et offrir d’autres points de vue
En septembre 2012, un site avait été lancé pour répondre à des rumeurs à propos des fonds affluant vers le mouvement et à celles qui avaient suivi la mort d’un jeune homme déséquilibré qui avait tenté de s’en prendre à Amma (mort survenue alors qu’il se trouvait sous la garde de la police et non dans l’ashram). Seuls quelques articles avaient été mis en ligne sur ce site. Cependant, depuis le mois de novembre, ils se multiplient et portent presque tous sur la personne et les accusations de Gail Tredwell.
Un autre site s’efforçant de contrer les accusations avait été mis en ligne au printemps 2012. Comme le précédent, il ne contenait que quelques articles, mais ceux-ci sont devenus beaucoup plus nombreux à partir de novembre 2013.
Plusieurs disciples qui ont connu Gail Tredwell quand elle était Gayatri racontent leurs souvenirs à son sujet. Elle est présentée comme une personne peu équilibrée psychologiquement, intrigante, et ayant elle-même manifesté un comportement abusif envers d’autres disciples.
Ainsi, l’une des photographes d’Amma décrit Gail Tredwell comme souvent brusque, rarement souriante [16], manifestement malheureuse, et émet l’appréciation suivante: “elle était physiquement proche [d’Amma], mais spirituellement et psychologiquement éloignée”. La même personne déclare n’avoir jamais été témoin des scandaleuses activités évoquées dans le livre. Elle ne conteste pas que la vie avec Amma puisse être dure à de nombreux niveaux: physique, psychologique et spirituel: car le gourou doit être comme un sculpteur, qui va tirer du marbre brut (le disciple) une belle statue.
Un aspect qu’évoquent plusieurs contributions porte sur les circonstances du départ de Gail Tredwell: ses critiques l’accusent d’avoir dramatisé ce départ et affirment qu’elle aurait été soutenue par le mouvement pendant une période assez longue après son abandon. Certains disent aussi qu’elle aurait exprimé après sa rupture des sentiments de gratitude pour le haut responsable du mouvement qu’elle accuse aujourd’hui de l’avoir violée.
L’aide que lui a fournie l’une des modératrices du groupe Ex-Amma est aussi mise en cause. Cette ancienne enseignante de Méditation Transcendantale, qui utilise le pseudonyme de “Bronte Baxter” et a affirmé avoir aidé Gail à mettre en forme son livre, a un site personnel sur lequel elle fait siennes certaines thèses complotistes et exprime sa méfiance envers le Nouvel Ordre Mondial. Elle dénonce la spiritualité d’Amma comme infantilisante, mais aussi comme une expression de soutien à la propagande “globaliste” pour l’établissement d’un système orwellien sous l’égide de l’ONU.
Cette floraison en ligne d’articles soutenant que la vraie Mata Amritanandamayi n’est pas la personne décrite par son ancienne dévote Gayatri assure une présence soutenue sur le Web, afin de ne pas laisser le champ libre aux accusations. La création de sites spécifiques permet de ne pas encombrer les sites officiels du mouvement avec des réfutations. En outre, étant donné que Gail Tredwell semble être l’une des rares ex-disciples à s’exprimer publiquement pour dénoncer Mata Amritanandamayi et son mouvement, les dizaines de témoignages donnant un autre point de vue sur Amma donnent un certain poids à ces voix additionnées [17].
2) Réagir à la publication d’articles ou la diffusion d’émissions donnant écho à Gail Tredwell
À quelques exceptions, les articles sur Mata Amritanandamayi dans la presse internationale pouvaient parfois être gentiment ironiques, souvent plutôt aimables et rarement hostiles. La publication du livre de Gail Tredwell est de nature à changer cette situation, avec une possible multiplication d’articles critiques. Le mouvement s’efforce donc d’endiguer un tel flux, ce qui risque se révéler difficile: la stratégie à cet égard semble susceptible d’évoluer au fil des expériences.
L’un des premiers exemples a été la réaction face au périodique Spuren. Publié depuis 1986, ce trimestriel suisse de langue allemande est un magazine de bonne tenue sur les quêtes spirituelles et thérapeutiques contemporaines. Il aborde ces sujets avec sympathie et donne une tribune à de nombreux messages, sans parler des nombreuses annonces de réunions ou offres diverses qui parsèment ses pages, mais ses rédacteurs ne s’interdisent pas la réflexion critique. Ils avaient à plusieurs reprises publié des articles bienveillants sur Mata Amritanandamayi. Cependant, ils décidèrent de mener un entretien avec Gail Tredwell, qu’ils mirent en ligne, non sans avoir informé au préalable le mouvement en lui demandant une prise de position. Celle-ci ne vint pas, mais le magazine reçut une menace de plainte pour diffamation et préféra retirer l’entretien de son site. Les rédacteurs ont cependant l’intention de revenir sur le sujet sous une forme adéquate.
Au début du mois de février, un grand quotidien zurichois, le Tages-Anzeiger, a publié un article sur les accusations de Gail Tredwell. Un encadré signale qu’une demande de prise de position adressée au mouvement avant publication de l’article a entraîné une intervention d’un avocat américain, qui a affirmé que les principales accusations émises dans le livre étaient fausses et a mis en garde le quotidien s’il les reprenait à son compte sans s’en distancer [18].
Dans un premier temps, les médias indiens sont restés discrets sur l’affaire, mais cela change depuis la seconde quinzaine de février: plusieurs journaux et chaînes de télévision ont donné écho aux accusations émises. En Inde aussi, le mouvement a tenté de dissuader certains médias de répercuter les accusations de Gail Tredwell. Mais avec un succès limité. Au début du mois de mars, une importante chaîne de télévision du Kerala a diffusé un long entretien avec Gail Tredwell, en deux parties. Celle-ci s’y exprime en malayalam et répète ses accusations. Après la diffusion de la première partie, des dévots ont tenté de persuader les responsables de la chaîne de télévision de diffuser la seconde et les ont menacés de poursuites, mais sans succès. Ces émissions ont eu un fort impact et sont maintenant aisément accessibles en ligne.
En ce qui concerne la stratégie à l’égard des médias, le mouvement a peut-être compris qu’il n’était pas habile de les menacer de poursuite. C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre le porte-parole de l’ashram après l’intervention de dévots à l’encontre de Kairali TV, en expliquant qu’il s’agissait d’une initiative d’un groupe de disciples à Delhi, mais que Mata Amritanandamayi elle-même aurait “demandé aux dévots de s’abstenir de telles actions” (Indian Express, 8 mars 2014).
Dans le même sens paraissent aller les propos du conseiller légal de Mata Amritanandamayi, publiés le 9 mars 2014 sur un site de soutien à celle-ci: il dénonce nommément certains médias qui répercutent les accusations (dont l’un appartient à une organisation islamique, souligne-t-il) et les accuse de vouloir ainsi perturber l’harmonie sociale au Kerala. Mais il se dit confiant que les disciples d’Amma ne vont pas se laisser perturber par une telle propagande: le mieux serait donc, conclut-il, de ne pas prendre cela au sérieux et de ne pas y prêter attention.
Il reste à voir quelle approche sera finalement adoptée au fur et à mesure de nouveaux échos de presse, ou si la controverse s’éteindra après quelque temps. Pour l'instant, il semble y avoir quelques flottements et hésitations sur la bonne stratégie à adopter.
3) Mobiliser des figures publiques en Inde pour protester contre ces accusations
En Inde, Mata Amritanandamayi est une figure à laquelle des figures renommées viennent rendre hommage. Différents milieux se mobilisent donc pour prendre la défense de la dirigeante spirituelle. De grandes réunions ont eu lieu et des défilés de protestation dans plusieurs villes du Kerala le 8 mars 2013. Des sites favorables à Amma y donnent écho, mais aussi certains médias. Reste à voir si une telle agitation n’exerce pas aussi un effet amplificateur.
Dans le contexte du Kerala, cela s’accompagne d’une polarisation sur des lignes politiques. Le Kerala est l’un des États de l’Inde où le Parti communiste reste puissant. Des médias proches des milieux communistes tendent à donner crédit à Gail Tredwell, tandis que leurs adversaires la décrient.
La première partie de cet article avait évoqué de précoces réactions de rejet envers Mata Amritanandamayi, alors même qu’il n’existait aucun mouvement organisé autour de la jeune fille. Au Kerala, des critiques envers elle ont continué d’être exprimées au fil des ans, même si leur écho est resté limité en comparaison de l’impact d’Amma. Sur Internet, des dénonciations circulent depuis des années, mais sur des sites souvent obscurs.
En février 2004, à la suite de démarches en justice contre un livre publié par un auteur et militant athée, Sreeni Pattathanam, qui critiquait Mata Amritanandamayi, des dirigeants communistes avaient annoncé la constitution d’une association pour la lutte contre les superstitions afin de soutenir l’activiste rationaliste [19]. En juin 2008, des affrontements eurent lieu entre des militants de la branche de jeunesse du Parti communiste et des militants hindous appartenant au Vishva Hindu Parishad (VHP) alors que les premiers marchaient vers l’ashram de Mata Amritanandamayi pour protester contre “la commercialisation de la spiritualité et les liens entre mafia et dirigeants religieux dans l’État [du Kerala]” [20].
Il n’est donc pas étonnant d’entendre des dirigeants du Parti communiste du Kerala déclarer que les accusations de Gail Tredwell doivent être prises au sérieux.
Dans le camp opposé, des groupes nationalistes hindous soutiennent Mata Amritanandamayi. Certains d’entre eux ont demandé l’interdiction du livre en Inde, ce qui s’inscrit dans le sillage d’autres affaires récentes de campagnes pour l’interdiction d’ouvrages qui porteraient atteinte aux sentiments religieux hindous.
Des sites de soutien à Amma expliquent que “Gail Tredwell est devenue sans s’en rendre compte un pion dans les mains de groupes islamiques extrémistes qui ont rapidement vu le profit qu’ils pouvaient tirer des questions soulevées par le contenu de son livre”.
Il serait pourtant erroné de réduire la controverse autour de Mata Amritanandamayi à une opposition entre camps idéologiques: cela détermine certaines prises de position, mais pas toutes. La dimension politique constitue l’une des strates du débat, mais pas la seule.
Le 10 mars 2013, à la suite d’une plainte d’un particulier, un magistrat de Cochin a ordonné l’ouverture d’une enquête sur Gail Tredwell ainsi que sur certains médias qui ont donné écho à cette affaire – non sans susciter des commentaires s’inquiétant de possibles atteintes à la liberté d’informer. Il reste à voir ce qu’il en sortira, d’autant plus que Gail Tredwell réside aux États-Unis. De même, on peut s’interroger sur les suites qu’auront les plaintes déposées par des dévots d’Amma contre des propos critiques émis sur Facebook dans le sillage de cette affaire. Il est possible que certains de ces épisodes restent sans suite.
Quelques observations sur le mouvement de Mata Amritanandamayi et l’affaire Tredwell
La controverse bat son plein à l’heure même où sont écrites ces lignes: le recul manque pour une évaluation, mais cela n’empêche pas d’esquisser quelques observations.
Le message de Mata Amritanandamayi: entre tradition et modernité
Le cas de Mata Amritanandamayi est un remarquable exemple des expressions modernes de l’hindouisme. Bien que jamais initiée elle-même par un gourou, elle est considérée comme un maître spirituel parfait et une incarnation de la Mère divine [21]. Les chercheurs qui ont étudié ce groupe y voient une combinaison de tradition et de modernité. La dimension innovatrice est mise en évidence par l’utilisation du mot darshan, faisait remarquer Selva Raj: il devient dans ce mouvement non pas la perception visuelle du sacré (par exemple la murti, statue, de la divinité), ainsi que l’entend l’hindouisme traditionnel, mais correspond aux accolades de Mata Amritanandamayi avec les nombreux fidèles ou curieux venus la rencontrer. Cette pratique ignore en outre les normes traditionnelles hindoues en matière de pureté et de pollution, ce qui implique un rejet sous-jacent des castes. Quand on rend des fidèles attentifs à ces innovations, ils estiment que Mata Amritanandamayi peut ainsi braver la tradition en raison “de son identité ‘métareligieuse’ et ‘transcendante’ en tant que ‘Mère divine incarnée’” [22].
La pratique du darshan à la façon de Mata Amritanandamayi s’accompagne d’une forte connotation émotionnelle. Elle croit à la valeur des larmes et encourage ses disciples à pleurer en suppliant Dieu. Cette dimension émotionnelle est bien sûr présente aussi dans d’autres mouvements dévotionnels [23]. Elle n’est pas goûtée par tous: ainsi, le protodisciple Neal Rosner était plutôt sceptique sur ce point, mais Amma utilisa avec lui une “pédagogie des larmes” qui l’amena rapidement à changer d’avis [24]. Pour beaucoup de gens, en revanche, la religiosité de l’émotion (et de l’expérience) représente un message plutôt attrayant.
Le service désintéressé à l’humanité (seva) est aussi un aspect important de l’activité du mouvement. Il est conçu comme une composante indispensable de la pratique spirituelle, mais contribue en même temps à la promotion et à l’expansion du mouvement, note Maya Warrier [25]. Amma s’inscrit ici dans le sillage d’autres mouvements hindous modernes qui – depuis les appels de Swami Vivekananda (1863-1902) – voient dans l’action de service social une composante nécessaire de l’hindouisme moderne, ne serait-ce que pour ne pas en laisser l’apanage aux nombreuses initiatives humanitaires d’inspiration chrétienne.
Le fait qu’Amma soit approchable et que ses discours également soient simples, accessibles [26], séduit tant des membres de la classe moyenne indienne que des Européens ou Américains en quête d’expériences spirituelles.
De la vénération à la dénonciation du gourou
Depuis les années 1960 et 1970, nombre d’Occidentaux sont venus s’asseoir – passagèrement ou durablement – aux pieds de gourous (néo-)hindous. Nombre de ceux-ci souhaitaient prêcher leur message au delà des frontières de l’Inde ou de la diaspora hindoue: ils ont bien accueilli ces disciples, dont l’intérêt paraissait renforcer leur prestige. En outre, si certains d’entre eux arrivaient sans le sou, d’autres se montraient prêts à soutenir financièrement les projets missionnaires ou sociaux de leurs nouveaux maîtres spirituels.
Certains de ces disciples ont vécu dans le cercle des proches des gourous. Au fil du temps, tous n’ont pas continué à porter sur les maîtres et leurs messages le regard extatique des débuts; plusieurs ont fini par rompre avec le mouvement auquel ils avaient adhéré, parfois après vingt ou trente ans d’appartenance. Les uns quittent un mouvement discrètement et conservent leur expérience pour eux; d’autres témoignent publiquement, avec des sentiments semblables à ceux d’un amoureux passionné, puis déçu lorsque sonne l’heure du divorce. Car suivre un maître spirituel présente bien des parallèles avec une histoire d’amour; ceux qui s’engagent dans la voie prônée par un gourou adhèrent souvent à la personne plus qu’à une organisation. Cinquante ans après le début de la vogue des gourous de l’Inde, cela nous vaut aujourd’hui une palette de récits d’itinéraires individuels et de révélations sur des gourous approchés de près durant des périodes parfois longues [27].
Ce n’est pas chose facile que d’abandonner un mouvement après y avoir consacré des années de sa vie, et de retourner vers un avenir incertain dans un monde auquel le dévot pensait avoir tourné le dos, surtout s’il s’agissait d’un engagement entraînant la vie dans une communauté. Il n’y a pas simplement des convictions qui évoluent, ou des expériences négatives avec le gourou ou son entourage. Cela peut ainsi être le sentiment de ne plus pouvoir tenir le même rythme: dans la dernière période de sa vie à l’ashram de Mata Amritanandamayi, Gail relate des épisodes qui la montrent proche du burnout; elle semble ne pas avoir été la seule dans ce cas.
La quête qui a conduit ces disciples vers un gourou est celle d’un maître capable de les guider vers l’éveil, maître supposé proche de la perfection, si ce n’est parfait (voire incarnation divine), avec l’attente plus ou moins consciente d’une communauté proche de l’idéal. Bien entendu, la réalité y correspond rarement, comme le disciple le découvre au fil du temps. Le comportement du gourou lui-même déconcerte ou suscite des doutes. Cela entraîne des tentatives de rationalisation (du type: “oui, le maître s’est comporté d’une façon qui me choque, mais il y a certainement une bonne raison pour cela”) et/ou des déceptions (“le maître n’est pas celui que je croyais”).
Alors commencent des remises en question. Mais pas toujours, et non sans hésitations: le disciple sait que la démarche spirituelle demande obéissance et sacrifices. Il n’est pas facile de démêler entre ce qui peut légitimement faire partie d’une discipline spirituelle et ce qui relève de l’abus de pouvoir.
Dans le processus de rupture, l’interprétation se transforme: les expériences vécues ne sont plus comprises de la même manière. Ce qui passait pour épreuve accompagnant le cheminement spirituel apparaît comme manipulation. Ce qui était rationalisé devient sujet d’indignation. C’est ainsi que ce qui choque Gail Tredwell et d’autres ex-membres (ou en voie de quitter le mouvement) n’est pas compris de la même façon par ceux qui restent dans le mouvement. Sur certains points au moins: sur d’autres aspects, tels que des abus sexuels, des manquements à la chasteté ou des allégations d’irrégularités financières, la seule option est pour un dévot d’Amma de les nier, faute de quoi son adhésion serait remise en question. Tous les faits (réels ou allégués) ne se situent donc pas au même niveau et ne laissent pas la même latitude interprétative.
Gail Tredwell et d’autres ex-disciples de gourous suggèrent souvent que ce n’était pas comme cela au début et que l’intention initiale d’un maître était pure (même aujourd’hui, elle dit respecter certaines activités sociales suscitées par le charisme d’Amma). Sans évaluer des cas particuliers, il y a quelque chose de vrai: tout observateur des mouvements religieux sait combien redoutables sont les tentations qu’accompagne l’existence d’un pouvoir. Nul doute qu’il faut être... un saint pour y résister.
La démarche de Gail Tredwell rappelle que la prise de distance par rapport à un mouvement avec lequel existait un lien fort peut prendre des années: c’est une démarche de longue durée, même après la décision de faire le pas hors du mouvement. De ce point de vue, il n’est pas étonnant que ce livre vienne quinze ans après la rupture. Dans des entretiens, Gail Tredwell explique qu’il lui a fallu de longues années pour digérer son expérience.
La question des sorties de groupes (religieux ou autres) ainsi que le rôle que peuvent jouer d’ex-membres transformés en critiques publics du mouvement auquel ils avaient appartenu a retenu l’attention de sociologues et autres observateurs des sociétés contemporaines.
“La dynamique du désengagement est très différentes de la dynamique de la socialisation dans un nouveau rôle”, avait noté Helen Rose Ebaugh. Selon elle, il existe quatre étapes dans l’évolution par laquelle une personne “devient un ex” (qu’il s’agisse de religion ou d’autre chose): doute, recherche d’autres solutions, événements qui prennent une importance symbolique et montrent qu’un autre rôle devient désirable, création d’un “rôle d’ex”. De nombreux défis accompagnent cette dernière étape, tant du point de vue de la définition du nouveau rôle que des relations avec autrui [28].
Parmi les ex-membres, certains assument un rôle public de dénonciation: certains sociologues de la religion ont utilisé pour les désigner l’étiquette d’“apostats” (comme terme technique, sans y associer un jugement qualitatif) [29]. Leurs témoignages sont importants, même s’ils demandent à être corroborés si possible par d’autres sources, tant à l’extérieur du mouvement qu’au sein de celui-ci et parmi des observateurs extérieurs
En publiant son livre, Gail Tredwell est passée du simple statut d’ex-membre à celui de dénonciatrice publique du mouvement. En tant que première disciple féminine occidentale, ayant vécu dans l’intimité d’Amma durant vingt ans, elle est un témoin privilégié: cela explique les redoutables enjeux de la publication de ce livre pour le mouvement. Souvent, cependant, de tels témoins à charge viennent relayer une critique déjà existante du mouvement: tel est partiellement le cas en Inde, mais, en Occident, le témoignage de Gail Tredwell est de nature à créer une controverse plutôt qu’à alimenter un débat existant, puisque le mouvement de Mata Amritanandamayi n’y était guère critiqué. Plus généralement, tant en Inde qu’en Occident, le livre alimente les récits de scandales autour de gourous: il y a eu plusieurs cas en Inde ces dernières années.
Frappante dans l’actuelle controverse est la capacité d’une personne isolée, avec un livre auto-édité, à susciter de tels remous. Le rôle d’Internet se révèle crucial: sans Internet, il est peu probable que Gail Tredwell aurait obtenu un tel impact. Comme nous le soulignons depuis des années, Internet change les règles du jeu [30]. Le relais des médias classiques a cependant été important pour amplifier ensuite la controverse, avec un décalage, un peu plus de trois mois après la circulation du livre. De plus, si la crise déclenchée par le livre se calme dans quelque temps, l’information diffusée en ligne continuera de circuler et attirera l’attention de toute personne curieuse d’en savoir plus sur Mata Amritanandamayi sur les accusations portées à son encontre. Il y a vingt ans seulement, aucun invididu isolé ne pouvait rêver à un tel impact global.
À ce stade, il est impossible d’évaluer les conséquences à long terme. Le mouvement de Mata Amritanandamayi ne s’effondrera pas à cause d’un témoignage, si percutant soit-il, sauf si de multiples autres voix venaient se joindre à celle de Gail Tredwell ou si cette opposition avait un impact psychologique profond sur Mata Amritanandamayi elle-même. Ce scénario paraît peu probable, puisqu’elle continue de jouir du soutien de nombreux disciples et sympathisants, convaincus qu’Amma est victime d’un complot. En revanche, même si la controverse s’apaise avec le temps (les médias ayant constamment besoin de nouveautés), des traces en resteront et peuvent affecter à long terme l’image de Mata Amritanandamayi. Peut-être certaines activités publiques seront-elles réduites, au moins durant quelque temps. Dans certaines régions, selon l'essor de la controverse il n’est pas exclu que celle-ci freine l’expansion du mouvement [30] et conduise au déclin ou à la disparition de branches locales.
Jean-François Mayer
Notes
[1] Brahmachari Amritatma Chaitanya, Mata Amritanandamayi: Life & Experiences of Devotees, Vallickavu, Mata Amritanandamayi Mission Trust, 1988, pp. 41-42. Nous utilisons pour ces quelques indications biographiques des textes qui furent parmi les premières éditions de livres sur Mata Amritanandamayi et son message: nous espérons ainsi restituer le regard porté par les premiers disciples d’Amma.
[2] Balagopal, Ammatchi: la vie et l’enseignement d’une jeune mystique d’aujourd’hui (trad. Sarvâtma), Étampes, Éditions du Soleil Natal, 1987, p. 23.
[3] Brahmachari Amritatma Chaitanya, op. cit., p. 160.
[4] Ibid., p. 191.
[5] Balagopal, op. cit., p. 46.
[6] Neal Rosner, On the Road to Freedom: A Pilgrimage in India, Boulder (Colorado), Cassandra Press, 1986, pp. 188-189.
[7] Une disciple d’Amma a raconté ses voyages préparatoires pour organiser cette tournée, avec de faibles moyens à cette époque, mettant à contribution les réseaux de connaissances et visitant différents centres spirituels ou institutions que le message d’Amma pourrait intéresser.
[8] J.-F. Mayer, notes d’observation, visite de Mata Amritanandamayi à Zurich, 20 et 21 juillet 1988.
[9] M.R. Narayan Swamy, “Spiritually-hungry foreigners flock to ‘Amma’ in thousands”, Indo-Asian News Service, 2 octobre 2013.
[10] Cité in Balagopal, op. cit., p. 88.
[11] Ces groupes sont aussi très préoccupés par les activités missionnaires, en particulier chrétiennes. Gail Tredwell raconte avoir été envoyée parfois prêcher dans des localités du Kerala, où des gens quittaient l’hindouisme pour répondre aux invites de missionnaires chrétiens: “Les organisateurs locaux pensaient que, si des gens pouvaient voir une femme blanche parlant en malayalam sur les gloires d’Amma et de l’hindouisme, ils pourraient contrer l’influence chrétienne.” (Gail Tredwell, Holy Hell: A Memoir of Faith, Devotion, and Pure Madness, Maui [Hawaï], Wattle Treee Press, 2013, p. 170)
[12] Quelques années plus tard, alors qu’ils étaient tous deux disciples d’Amma, Neal Rosner évoquait en ces termes la jeune fille telle qu’il l’avait connue peu de temps avant leur rencontre avec Amma: “Gayatri avait un esprit exceptionnellement innocent et ne pouvait éprouver de mauvais sentiment envers qui que ce soit, pour quelque durée que ce soit, quoi qu’on lui fît subir. En outre, elle ne voulait pas mener une vie mondaine et s’en remettait à Dieu pour sa subsistance et pour lui montrer la voie afin de Le réaliser.” (N. Rosner, op. cit., p. 169)
[13] Elle évoque aussi les oppositions parfois violentes de certains villageois qui se moquent d’Amma et pensent qu’elle ne fait que simuler des extases dont ses parents tireraient un profit financier en exploitant la crédulité; un soir, cela devient même une véritable bagarre (G. Tredwell, op. cit., pp. 100-102).
[14] “Mes enfants, il se peut que la mère qui vous a donné le jour prenne soin de vous pour tout ce qui se rapporte à cette vie, bien que de nos jours, cela soit de moins en moins courant. Mais le but d’Amma est de vous guider de telle manière que vous puissiez jouir de la béatitude dans toutes vos vies futures.” (Paroles d’Amma. Enseignements spirituels de Mata Amritanandamayi, Amritapuri, Mata Amritanandamayi Mission Trust, 1992, p. 17)
[15] Brahmachari Amritatma Chaitanya, op. cit., p. 86.
[16] “(...) le visage derrière Amma n’arborait presque jamais de sourire; à cette époque prédigitale, que de merveilleuses photos d’Amma il m’a fallu supprimer parce qu’apparaissait au dessus de l’épaule d’Amma le visage fâché de Gail.”
[17] Gail Tredwell soutient pour sa part que nombre de personnes pourraient également livrer des informations critiques sur Amma, mais n’osent pas le faire (entretien accordé à Tehelka, 8 mars 2014).
[18] Après parution de l’article, le site des disciples suisses d’Amma a publié le 8 février 2014 une prise de position de ton assez sobre, qui réfute toutes les accusations émises.
[19] “Move to prosecute writer criticised”, The Hindu, 21 février 2004.
[20] “VHP activists clash with police”, The Hindu, 18 juin 2008.
[21] Selva J. Raj, “Ammachi, the Mother of Compassion”, in Karen Pechilis (dir.), The Graceful Guru: Hindu Female Gurus in India and the United States, New York, Oxford University Press, 2004, pp. 203-218 (pp. 210-212).
[22] Ibid., p. 214.
[23] Maya Warrier, Hindu Selves in a Modern World: Guru Faith in the Mata Amritanandamayi Mission, Londres / New York, Routledge Curzon, 2005, pp. 57-58. Outre ce livre, Maya Warrier est également auteur de quelques articles de recherche sur Mata Amritanandamayi et son mouvement.
[24] N. Rosner, op. cit., pp. 155-156.
[25] Ibid., pp. 59-60.
[26] Ces deux aspects sont soulignés par Warrier (ibid., pp. 72-73).
[27] Nous nous proposons d’écrire un jour une analyse comparative de quelques-uns de ces témoignages.
[28] Helen Rose Fuchs Ebaugh, Becoming an Ex: The Process of Role Exit, Chicago / Londres, Chicago University Press, 1988, pp. 182-185.
[29] Voir en particulier: David G. Bromley (dir.), The Politics of Religious Apostasy: The Role of Apostates in the Transformation of Religious Movements, Westport (Connecticut) / Londres, Praeger, 1998.
[30] J.-F. Mayer, "Les nouveaux mouvements religieux à l’heure d’Internet", Cahiers de Littérature orale (Paris), N° 47, 2000, pp. 127-147. Cet article peut être téléchargé au format PDF en cliquant ici (1,4 Mo).
[31] Cette semaine, le site du Centre Amritanandamayi australien a annoncé qu’Amma ne viendrait pas en tournée en Australie à Pâques. Il est impossible de savoir si cette décision est une conséquence directe de la controverse, comme en sont persuadés les critiques de Mata Amritanandamayi. Ces derniers temps, à en juger par une recherche sur la version australienne de Google News, les médias australiens ne semblent pas évoquer le sujet (Gail Tredwell ne réside pas en Australie). Cependant, une tournée de Mata Amritanandamayi entraînerait probablement la publication d’articles évoquant la controverse.