Durant les récentes décennies, la situation de populations chrétiennes dans plusieurs pays musulmans est devenue plus incertaine ou a connu une sérieuse dégradation. Cette évolution est liée à plusieurs facteurs: l'impact d'idéologies islamistes, l'affirmation d'identités nationales plus étroitement associées à une dimension islamique, la crise de crédibilité de régimes qui ont tenté de se créer une légitimité «islamique», les conséquences de la perception d'un «Occident» auquel les minorités chrétiennes se retrouvent souvent associées dans l'imaginaire de la population, les difficultés économiques... Dans les pays arabes, les bouleversements entraînés par les «printemps arabes» ont donné naissance à des espoirs, mais également à de nouvelles inquiétudes en raison des forces contradictoires qu'ils ont libérées. Certains se demandent si le «printemps arabe» ne risque pas de devenir un «hiver chrétien» (APIC, 14 décembre 2011). En Europe et en Amérique du Nord, de plus en plus nombreuses sont les voix qui s'inquiètent de l'avenir des chrétiens au Proche-Orient.
Ce thème était déjà traité par certains auteurs occidentaux il y une vingtaine d'années, mais avec un moindre impact dans l'opinion publique: il est vrai que l'islam suscite en Occident plus de préoccupations et de critiques aujourd'hui, en raison de différents événements bien connus et de la présence plus visible de minorités musulmanes dans des pays d'héritage culturel chrétien. Le sort des chrétiens dans des pays majoritairement musulmans commence à être plus souvent évoqué dans les médias et dans les sphères politiques.
Il y a une quinzaine d'années, quand nous avions interrogé un intellectuel musulman sur les difficultés rencontrées en Egypte par des coptes, notre interlocuteur nous avait répondu qu'il était préférable de ne pas en parler: la situation était compliquée, nous expliqua-t-il, et une agitation autour de ce thème aurait risqué d'attiser les passions. Christine Chaillot recevait de ses interlocuteurs coptes des réponses semblables: mieux valait éviter un effet boomerang en faisant état de leurs difficultés.
Depuis quelque temps, cependant, le discours est en train de changer: de plus en plus, les coptes souhaitent que soient connues les difficultés qu'ils rencontrent. C'est ce qui a décidé Christine Chaillot à écrire ce livre, Les Coptes d'Egypte: discriminations et persécutions (1970-2011) (L'Œuvre Editions), paru à l'automne 2011. Si de nouveaux faits contribuent en permanence à faire évoluer ce dossier, la documentation qu'il propose représente cependant une base d'information pour nourrir la réflexion et éclairer les développements pour les années qui viennent.
Représentant peut-être 10% de la population (entre 4 et 8 millions d'âmes selon les différentes évaluations), les coptes se trouvent dans une situation paradoxale à plus d'un égard. Ils sont les héritiers directs d'une Egypte millénaire, et ils en sont fiers; ils ont préservé leur identité après l'arrivée de l'islam. Leur Eglise est très vivante, tant en Egypte que dans la diaspora; en outre, cette Eglise a connu un renouveau spirituel remarqué depuis le milieu du XXème siècle, ce dont témoigne notamment le nombre important de moines ayant atteint un niveau de formation élevé (outre les coptes orthodoxes, il existe des groupes plus petits de coptes catholiques et de coptes protestants). Si les coptes sont répartis dans toutes les classes sociales, jusqu'aux pauvres chiffonniers du Caire, ils sont bien présents aussi dans les élites du pays: rappelons que Boutros Boutros-Ghali (né en 1922), secrétaire général de l'ONU de 1992 à 1996, est un copte. Cependant, la présence des coptes dans les emplois officiels ou publics est bien inférieure à leur représentation dans la population.
Lors des événements du «printemps arabe», on a vu des coptes et des musulmans manifester ensemble. De même, après l'attentat meurtrier du 1er janvier 2011 contre une église d'Alexandrie, des musulmans sont venus protéger des églises coptes.
Pourtant, depuis les années 1970, les attaques et persécutions contre les coptes se sont multipliées, liées à cette époque à l'essor de mouvements islamistes militants, même si des cas avaient déjà été recensés au cours des décennies précédentes. Le chapitre III du livre de Christine Chaillot offre une liste de nombreux cas de violences anti-coptes, relevant en outre que ceux-ci sont en augmentation depuis 2009. Face aux gestes de sympathie et d'unité nationale envers les chrétiens, des discours hostiles se répandent, pas seulement en Egypte, laissant entendre qu'il n'y a pas de place pour les chrétiens dans les pays arabo-musulmans; l'on recense des cas de violences survenant après un prêche anti-copte d'un imam dans une mosquée du lieu. Il ne s'agit pas simplement d'initiatives isolées de têtes brûlées: ainsi, le 30 septembre 2011, dans un village de Haute-Egypte, les imams de plusieurs mosquées de la région appelèrent leurs fidèles à détruite une église ainsi qu'à démolir et piller les demeures de coptes (Compass Direct, 30 septembre 2011).
Au cours des dernières décennies, des communautés coptes ont en effet subi nombre d'actes de violence, touchant tant des lieux de culte que des personnes (par exemple des attaques à la sortie d'un service religieux). Parfois, il est possible que les raisons de ces actes aient été de nature personnelle (disputes, vengeances...) et non religieuse. Mais les autorités égyptiennes tendent systématiquement à voir dans ces actes des crimes individuels, en ignorant la plupart du temps leur dimension religieuse. C'est un moyen de refuser d'admettre l'existence de tensions entre communautés, mais aussi d'éviter de s'en prendre à un type de discours extrémiste répandu dans certains milieux musulmans. Les interventions souvent tardives des forces de sécurité laissent parfois soupçonner une certaine tolérance sociale pour les sentiments anti-chrétiens.
Certes, dans la plus grande partie de l'Egypte, les coptes exercent librement leur culte jusqu'à maintenant. Cependant, depuis longtemps, la construction d'églises coptes se heurte à de nombreux obstacles, voire à des réactions violentes. Les procédures d'autorisation sont longues, une distance doit être respectée par rapport aux mosquées - alors que la construction de mosquées ne rencontre aucune difficulté. La visibilité du christianisme dans l'espace public dérange certains milieux.
Les tensions des dernières décennies, conjuguées avec la multiplication de signes d'islamité dans la société égyptienne, contribue à modifier les rapports entre communautés, chaque groupe tendant à se replier sur la sienne. Le «moindre malentendu entre coptes et musulmans» peut désormais rapidement générer en actes de violence, observe Christine Chaillot (p. 247).
Rien d'étonnant si le mouvement d'émigration s'intensifie parmi les coptes, et pas seulement pour des raisons économiques, même si celles-ci ont sans doute leur part: en octobre 2011, une ONG copte affirmait que 100.000 chrétiens auraient quitté le pays depuis le mois de mars de la même année (Le Temps, 14 octobre 2011) - chiffre invérifiable, mais qui correspond bien à une réalité. Face aux incertitudes qui pèsent sur l'avenir, de plus en plus de coptes envisagent l'émigration. La diaspora copte est aujourd'hui importante: le chapitre V du livre de Christine Chaillot la mentionne, s'intéressant en particulier aux mouvements activistes pour les droits des coptes se développant dans cette diaspora, souvent sur un ton beaucoup plus virulent que celui de l'Eglise - même si celle-ci encourage de plus en plus ses fidèles à faire entendre leur voix. Il est vrai que toute critique venant de l'étranger est perçue négativement dans bien des cercles en Egypte, voire interprétée en termes de complot.
Personne ne peut dire avec certitude quelle orientation prédominera en Egypte à la faveur de la nouvelle donne politique: ce n'est pas, en effet, la référence de groupes politiques à l'islam qui nous permet à elle seule de déterminer quelle sera leur attitude envers ces chrétiens, certes minoritaires, mais qui n'ont rien d'un corps étranger dans ce pays, puisque continuateurs d'une tradition ininterrompue antérieure à l'arrivée de l'islam.
Depuis 1971, la Constitution égyptienne fait de l'islam la religion d'Etat, et des «principes de la loi islamique» «une source» de la législation et, depuis 1981, à l'initiative du président Sadate, «la source principale» de la législation. Avant le vote sur la réforme de la Constitution, en mars 2011, le patriarche Chenouda avait proposé sans succès la modification de cet article, suscitant un net refus du cheikh de l'Université Al-Azhar, qui considérait une telle modification comme portant atteinte à l'identité égyptienne. Il va sans dire que la présence d'un tel article dans la Constitution, assurément soutenu par la majorité de la population égyptienne, soulève un grave problème quant au statut et à l'identité des coptes. «Les coptes se sentent de plus en plus des citoyens de seconde zone dans leur propre pays», souligne Christine Chaillot (p. 148).
Il reste à voir si le système politique issu des bouleversements de l'année 2011 pourrait être l'occasion de nouvelles orientations en matière d'identité nationale et de citoyenneté — mais de puissants courants de fond traversent la société en sens opposé.
Entretien avec Christine Chaillot
Religioscope - La rédaction de votre livre a été bouclé au début de l'été 2011: neuf mois après, ce que vous y écriviez se confirme-t-il, ou avez-vous observé des développements ouvrant de nouvelles perspectives?
Christine Chaillot - Dans mon livre, j'ai souligné l'importance que les Frères musulmans allaient prendre au niveau politique. C'est ce qui s'est passé. En effet, les Frères musulmans ont largement gagné les élections parlementaires en obtenant 36% de sièges au Parlement. La surprise pour tous fut l'apparition politique et la victoire (inattendue) des salafistes (25%), dont le programme est purement islamiste, et dont le but est d'appliquer la loi islamique (charia). Leurs membres continuent de menacer les chrétiens (même au quotidien). Par exemple, récemment, des islamistes ont chassé des chrétiens de leur propre village dans le Delta. Un salafiste a dit à un prêtre copte catholique qui vient d'ouvrir à Alexandrie un centre pour handicapés chrétiens et musulmans (comme cela est la coutume en Egypte) que son centre serait rasé et qu'on construirait une mosquée sur son terrain non encore bâti. Les salafistes n'étaient pas présents aux funérailles quasi nationales du patriarche Chenouda. Tout cela n'est pas très encourageant.
Religioscope - Parmi vos interlocuteurs coptes, à côté des inquiétudes qu'évoque votre livre, recueillez-vous aussi des commentaires optimistes par rapport aux changements qu'ont entraînés dans la société égyptienne les événements du début de l'année 2011?
Christine Chaillot - Il est vrai que le gouvernement de transition a fait des efforts, par exemple en reconstruisant quelques églises détruites par des islamistes, aux frais du gouvernement. Le 8 mai 2011, le ministre de la Justice fit savoir que les lois criminalisant les attaques contre les lieux et la liberté de culte ,( et prévoyant jusqu'à la peine de mort,) seraient appliquées immédiatement. Toujours le 8 mai, afin d'apaiser les manifestations des coptes contre les récentes attaques violentes à leur encontre, le Premier ministre Essam Charaf annonça quant à lui qu'on allait créer une loi unifiée pour la construction de lieux de culte dans les trente jours. Les ministres décidèrent alors également de rouvrir toutes les églises qui avaient été fermées en raison de problèmes de permis de construire. Le Premier ministre discuta également avec les autres ministres des résultats d'une enquête qui avait été lancée dans la récente vague de violence contre les chrétiens. Mais tout cela sans résultats concrets à ce jour. Et les attaques contre les coptes ont augmenté après la révolution.
Quant au grand imam d'Al-Azhar, il proposa le lancement d'un projet interreligieux positif: la formation d'un conseil appelé « The Home of the Egyptian Family » pour inclure tous les groupes chrétiens et musulmans, un projet bien accueilli par le patriarche Chénouda. Les premières sessions se tinrent en mars 2011 pour la rédaction du texte basé sur deux points principaux : la promotion des valeurs communes à l'islam et au christianisme telles que la vérité et la justice. Mais, le 20 juin 2011, le grand imam confirma son attachement à l'article 2 de la Constitution actuelle, qui fait de la charia la source principale de la législation depuis 1970.
Religioscope - Sur le plan politique, la voix des coptes réussit-elle mieux à se faire entendre dans l'Égypte post-révolutionnaire?
Christine Chaillot -La voix des coptes s'est fait entendre surtout par le biais de leurs manifestations. Mais ces manifestants n'ont pas d'impact réel sur la vie politique actuelle à proprement parler. Selon ce que m'a dit Jean Maher, secrétaire général de l'Union des organisations coptes européennes pour les droits de l'homme, les coptes ne sont (toujours) pas bien représentés ni au Parlement, ni au Sénat, ni dans la Commission pour la révision de la Constitution. Et l'exode vers l'étranger s'est accentué. Selon lui, la situation des coptes après la révolution a empiré. La voix des coptes au niveau politique reste faible. Il est difficile pour les coptes de s'impliquer politiquement après avoir été écartés et avoir été si peu acteurs depuis soixante ans. Alors que les Frères musulmans se préparaient à agir depuis 1928: après avoir surmonté de nombreuses difficultés, ils ont enfin le pouvoir préparé progressivement mais sûrement.
Les coptes se font encore davantage de souci après le décès du pape Chénouda, dont la voix les représentait auprès des plus hautes autorités égyptiennes.
Actuellement, de nombreux coptes craignent que la nouvelle Constitution marginalise les minorités, y compris les chrétiens. En effet, le comité qui revoit et prépare cette Constitution est dominé par des islamistes qui incluent des membres du parti des Frères musulmans (Liberté et Justice) et celui des salafistes (Al Nour/La Lumière) qui lui, comme on l'a dit, réclame directement que l'Etat égyptien soit dirigé par la loi islamique (charia). En fait, l'Eglise copte et d'autres groupes se sont retirés pour protester contre cette domination islamique, et une cour de justice a fait stopper le travail de la Commission.
Comment, dans ces conditions, espérer qu'à l'avenir les coptes soient reconnus comme des citoyens égyptien ayant des droits égaux? C'est d'ailleurs sur ce concept de citoyenneté égale que tout pourrait se résoudre, comme s'efforce de le dire depuis des années le copte Samir Morcos; après les élections de novembre 2011, ce dernier a été nommé député du gouverneur du Caire, ce qui donne un certain espoir. Quant au copte Mounir abd el Nour, il fut nommé ministre du tourisme par le gouvernement de transition : une fois de plus (comme cela s'est fait pendant des décennies), on a donné à un chrétien un poste sans véritable action politique possible.
Religioscope - Si votre livre relève à juste titre des incidents graves qui ont affecté la population copte, ne croyez-vous pas avoir tracé un portrait qui présente une réalité plus dramatique que celle que vivent la majorité des coptes au quotidien, dans l'Egypte de cette année 2012?
Christine Chaillot - Les attaques violentes avec morts et blessés ne sont heureusement pas quotidiennes. Quant aux discriminations, elles sont quotidiennes. La grande majorité des coptes se plaint de souffrir de nombreux harcèlements et vexations routiniers, de marginalisations flagrantes ainsi que de discriminations systématiques: pour trouver un logement et aussi un travail, sur leurs lieux de travail, pour leurs promotions professionnelles (y compris exclusions des postes clés), pour éduquer leurs enfants de manière chrétienne, etc. On observe des cas de kidnappings, de mariages et conversions forcées de jeunes filles.
Il faut aussi tenir en compte les sentiments de frustration, d'injustice et de blasphème que subissent les coptes. Par exemple, dans la rue ou ailleurs il est très pénible pour les chrétiens coptes très croyants d'entendre leur foi bafouée en se faisant traiter de mécréants; il arrive qu'on leur crache dessus. D'autre part, il semble clair que certains musulmans très radicaux souhaitent la disparition des coptes, qu'ils se convertissent, ou qu'ils quittent le pays. En fait, aujourd'hui, c'est la peur qui domine dans les familles coptes qui ne voient pas quel avenir leurs enfants peuvent avoir en Egypte.
Ce qui suscite la peur, c'est qu'on ne sait jamais où et quand des problèmes et des violences peuvent surgir. Il suffit qu'une seule personne mette le feu aux poudres. Et les médias, télévision, chaînes satellitaires Internet chauffent les esprits en continuant d'émettre des discours contre les chrétiens. Les coptes sont mis en danger à cause des pressions d'une islamisation grandissante en Égypte où on leur laisse de moins en moins d'espace.
Religioscope - Il y a quelques années, Religioscope avait publié une analyse sur les problèmes de représentation du christianisme et des coptes dans les manuels scolaires égyptiens. Dans ce domaine ou dans d'autres, note-t-on aussi des évolutions positives, ou rien n'a-t-il changé?
Christine Chaillot - Vous faites allusion à l'enquête de Wolfram Reiss sur la représentation du christianisme dans les manuels scolaires égyptiens, manuels dans lesquels on passe presque sous silence l'histoire et la culture de la communauté copte. On y décrit un peu l'Église copte orthodoxe, mais seulement jusqu'à la conquête arabe en 640. Reiss disait alors, il y a dix ans: « Nous devons tout faire pour prévenir le choc des civilisations prédit par Samuel Huntington.» Ainsi, selon M. Sayed, «les programmes scolaires aussi sont une illustration de la discrimination». En 2010, le ministre de la Famille et de la Population, M. Mouchira Khattab, admit l'existence du problème, et proposa «des modifications des programmes scolaires d'histoire et de langue arabe, afin de renforcer le concept de citoyenneté».
Plus grave est l'islamisation qui a lieu dans les écoles à cause du curriculum obligatoire, comme l'explique Adel Guindy, un écrivain activiste copte résidant à Paris, dans son article intitulé «Talibanisation de l'éducation en Égype»; selon Guindy, ce curriculum islamisé, orienté et endoctrineur et approuvé par le gouvernement, peut générer intolérance et même extrémisme vis-à-vis des non-musulmans. L'islam y est présenté comme la seule et unique religion digne de ce nom et la seule source de morale.
Le 25 avril 2010, l'ex-ministre de l'éducation, Ahmed Zaki Badr, annonça que certains enseignements religieux islamiques, qui dans certaines écoles avaient inspiré l'extrémisme, seraient modifiés au cours de l'année scolaire 2010-2011 ; le nouveau curriculum allait mettre l'accent sur la « morale ». Selon Adel Guiny, rien n'a changé à ce jour.
Religioscope - Des milieux favorables à un système politique séculier en Egypte expriment des attentes semblables à celles des coptes. Mais ces attentes rencontrent-elles aussi un écho dans certains secteurs de l'islam égyptien, selon vos interlocuteurs coptes?
Christine Chaillot - Ceux qui souhaitent un système politique séculier en Egypte l'ont fait savoir en particulier lors de la création de nouveaux partis politiques avant les élections législatives de 2011, partis favorables à un Etat égyptien civil basé sur une citoyenneté égale pour tous. Ces partis regroupent des musulmans libéraux, démocrates et d'autres Egyptiens non musulmans dont les coptes, tel le Parti égyptien démocrate (Egyptian Democratic Party) ou le Parti Égyptiens libres (Al-Masryen al-Ahrar) cofondé par l'homme d'affaire copte Naguib Sawirès; ces partis ont remporté un certain succès aux dernières élections. Par contre, le parti Wafd qui promouvait l'unité nationale, l'égalité et la laïcité depuis les années 1920 et joua un rôle important en particulier jusque dans les années 1940, a perdu de son pouvoir lors des dernières élections.
Des initiatives pour un système politique séculier sont prises. Par exemple, selon ce que m'a dit Sobhy Gress (secrétaire général de l'association Solidarité copte Europe ayant pour président Adel Guindy), en mars 2012, l'association Solidarité copte, qui est représentée aussi aux Etats-Unis, en Australie et en Egypte, a constitué un groupe « Égyptiens pour l'Etat civil », dont la majorité est formée de musulmans et de femmes, Cette association a lancé une pétition, qui remporte un certain succès dans le milieu des musulmans modérés, avec 150 signatures de personnalités. Un site Internet est en formation pour qu'on recueille encore davantage de signatures.
Solidarité copte au niveau international travaille de manière générale avec un certain nombre d'Égyptiens musulmans libéraux et pratiquants, pour un système politique «séculier», civil et démocratique basé sur le droit civil et pas religieux, sur la pleine citoyenneté ainsi que sur l'égalité pour et entre tous les citoyens en Egypte.
Mais, comme l'a dit Youssef Sidhom (le rédacteur en chef de l'hebdomadaire copte Watani publié au Caire), de nos jours, tout est religieux: les livres à l'école, les médias et aussi la politique. Et après les élections parlementaires de 2011, c'est vraiment ce courant religieux islamiste qui domine.
Reste à poser cette question fondamentale et à y répondre : peut-on vraiment désamorcer les tensions religieuses actuelles et comment? D'autre part, c'est le rôle et la responsabilité de l'État, et donc du gouvernement actuel, de faire cesser toute violence et d'appliquer les droits fondamentaux égaux pour tous ses citoyens, via des lois à faire respecter. Avant tout, il faudrait pouvoir changer ces mentalités de haine qui provoquent violences et discriminations en tous genres. Et, ce qui peut paraître paradoxal, depuis la Révolution de 2011, on constate que les violences faites aux coptes n'ont pas diminué, au contraire.
Pour le moment, les coptes sentent que tous leurs droits ne sont pas respectés. C'est au prix de la sécurité qu'on peut convaincre les chrétiens de ne pas quitter le pays de leurs ancêtres. En général, et en priorité, il faut donc promouvoir une culture de tolérance et d'égalité. Il faut analyser en profondeur les diverses raisons qui provoquent les luttes religieuses et trouver des solutions concrètes. Dans tous les cas, il faut dénoncer la culture de la haine. Mais changer certaines mentalités, cela paraît très compliqué.
Christine Chaillot, Les Coptes d’Egypte : Discriminations et persécutions (1970-2011), préfacé par Antoine Sfeir (directeur des Cahiers de l’Orient), Paris, L’Œuvre Editions, 2011, 318 p.
En mars 2011, Christine Chaillot avait publié un livre parlant, entre autres, de la spiritualité des coptes: Vie et spiritualité des Eglises orthodoxes orientales des traditions syriaque, arménienne, copte et éthiopienne, Paris, Cerf, 2011.