En 1984, un sociologue de renom, Rodney Stark, a publié des projections de croissance selon lesquelles l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, communément appelée Église mormone, était en passe de devenir le plus grand mouvement religieux depuis la naissance de l’islam. Il soutenait que, si l’Église mormone maintenait le même taux de croissance que celui observé à partir de 1960, à savoir plus de 50% d’augmentation de son taux de croissance par décennie, il pourrait y avoir jusqu’à 265 millions de mormons dans le monde en 2080.
Les projections de Stark ont alimenté un débat autour des statistiques touchant à l’Église mormone, poussant le sociologue à faire une mise au point quelques années plus tard pour répondre à la critique et, surtout, pour confirmer ses projections. La bataille des chiffres prend de l’ampleur au moins deux fois par an: au mois de février, avec la parution du Yearbook of American and Canadian Churches, qui classe les vingt-cinq plus grandes Églises chrétiennes d’Amérique du Nord; puis au mois d’avril, avec la conférence générale annuelle de l’ÉDJSDJ. Au cours de cette manifestation annuelle, dont l’objectif principal est de fortifier la foi de ses fidèles, l’Église mormone rend public un rapport statistique arrêté au 31 décembre. Ce dernier fait principalement état de l’implantation, de la visibilité et de la croissance de l’Église à travers le monde.
Nombreuses sont les voix qui s’élèvent, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du mouvement, pour remettre en cause les chiffres publiés chaque année. On considère qu’ils ne reflètent pas la réalité observée sur le terrain. De fait, certains s’en servent comme argument pour rejeter son classement en tant que quatrième plus grande religion chrétienne aux États-Unis selon le Yearbook de 2010, ainsi que l’affirmation qui fait de l’Église mormone une des religions à la plus forte croissance dans le monde.
Cette polémique autour des chiffres avancés par l’Église mormone est loin d’être stérile. Elle a un intérêt scientifique, car elle invite à s’interroger sur ce que recouvrent ces chiffres et incite à une réflexion de fond quant à l’approche de conversion utilisée par l’Église pour empêcher que ses nouveaux membres ne plongent dans un processus de «dé-conversion» et de «désillusion».
Cette étude de Carter Charles (Université Michel de Montaigne - Bordeaux 3) est publiée comme cinquième numéro de la série des Cahiers Religioscope. Vous pouvez lire le texte intégral ci-dessous ou le télécharger au format PDF (28 pages, 795 Ko).