Ces derniers mois, la communication officielle du Saint Siège a souvent été pointée du doigt pour ses disfonctionnements et sa lenteur de réaction. Si l'Église catholique dispose de nombreux moyens de communications de masse (Radio Vatican, le Centre Télévisuel du Vatican, le site internet du Vatican ou encore plus récemment un canal sur le site Youtube), la parole du pape ou de l'Église en général n'est pas tributaire des seuls services internes du Saint-Siège. Parmi les organismes romains couvrant ce domaine particulier de l'information, l'agence de presse Zenit est certainement l'une des plus connues, au moins dans le monde francophone.
600.000 courriels envoyés chaque jour. 2 millions de visites sur le site internet et plus de 20.000 médias abonnés : voilà des chiffres qui en disent long sur l'intérêt que suscitent les informations de Zenit. Cette agence de presse s'intéresse à l'information religieuse, et par conséquent elle cherche, selon la présentation de son site internet (www. zenit.org), à «informer sur les grands événements qui touchent l'Église dans le monde, les thèmes, les débats, qui intéressent particulièrement les chrétiens des cinq continents, en observant l'actualité à travers le message du Pape et du Saint-Siège». A noter le caractère indépendant de cette agence, qui ne dépend nullement des structures de l'Église catholique même si elle dispose du soutien du Conseil Pontifical pour les Communications Sociales (ndlr: le ministère de la communication du Saint Siège) et si les journalistes qui y travaillent appartiennent pour certains à diverses branches ou tendances de l'Église.
Cette agence de presse a débuté ses activités en 1997. Comme l'explique Jesús Colina, son fondateur et actuel directeur de la rédaction, c'est avec l'arrivée d'internet que tout a commencé. Journaliste vaticaniste (spécialiste du Vatican), il a senti ce qu'il nomme «un intérêt extraordinaire pour l'information religieuse» dans le monde catholique, et également au-delà. Internet se démocratisant, distribuer l'information religieuse et permettre un accès direct aux sources, c'est-à-dire aux textes pontificaux ou de la curie romaine (les ministères du Saint Siège) est devenu possible à un prix relativement abordable. C'est en espagnol (Jesús Colina est espagnol et il travaillait pour des publications espagnoles) que le service a débuté, avant de s'étendre rapidement à l'anglais puis au français, deux ans plus tard. Actuellement, les informations sont disponibles en sept langues (dont l'arabe). Pour Jesús Colina, il est en effet important que les chrétiens aient accès aux textes pontificaux : «c'est un droit des catholiques que de pouvoir lire le pape dans leur propre langue», explique-t-il pour justifier cette exigence.
Le directeur de la rédaction, qui signe encore aujourd'hui des articles même s'il exerce une fonction plus administrative, rappelle également que la diffusion numérique des articles en permet une très large diffusion. La reprise de ces informations, ainsi que la traduction en diverses langues ou le piratage - par certains sites qui ne se sont pas identifiés auprès de l'agence de presse - permettent de «répandre le message» selon les termes du journaliste. «Et ça nous fait de la bonne pub» ajoute-t-il. Ce qui explique qu'outre les chiffres précédemment cités sur les divers accès à ces informations, personne ne connaisse l'impact véritable de Zenit. Du côté du Vatican, le service rendu par cet organisme est reconnu. «Quand on demande une interview, si on met beaucoup de blocages, ça veut dire que finalement le service que l'on propose n'est pas si intéressant que ça. Et je dois dire que de plus en plus, on a des portes ouvertes, et pas seulement pour les interviews». Des partenariats sur divers points plus ou moins pratiques, comme des informations sur la liturgie pontificale par exemple, débutent peu à peu dans certaines éditions linguistiques de Zenit.
Pour la production de ces nouvelles, l'agence se repose sur un groupe d'une soixantaine de journalistes et de traducteurs. Point particulier souligné par Jesús Colina: l'agence de presse n'a pas de bureau; le fait d'avoir débuté à l'heure d'internet a permis le télétravail. Le directeur de rédaction de Zenit explique ainsi: «nous travaillons sur internet, avec des journalistes qui sont éparpillés aux quatre coins du monde. Il y a même des rédacteurs de certaines langues qui n'habitent pas Rome!». Malgré cette structure virtuelle, une fois par an, les 35 personnes qui ne résident pas dans la cité éternelle viennent se joindre à la petite équipe de journalistes romains pour une rencontre, «parce que c'est important de se retrouver face à face» résume celui qui est l'image de Zenit. Cette diversité de situations géographiques est aussi une force, car les journalistes qui résident dans le monde entier ont la possibilité d'avoir accès à des informations de première main sur la vie locale: de l'Église de leur pays ou contrée géographique. Une force pour cette petite structure!
L'intérêt de cette méthode de travail basée sur l'internet est également financier. Fondée sur la gratuité, et vivant à 95 % de dons, les frais d'agence, de fax, de photocopieuse n'existent plus (ou presque pas). Le budget (de l'ordre du million d'euros) sert principalement à payer les salaires des journalistes, traducteurs, et techniciens. La publicité (une par jour maximum), a fait depuis quelques mois son apparition sur le site de Zenit, pour équilibrer les comptes. En effet, avec la crise, les petits dons - qui constituaient la plus grande part des ressources - ont tendance à s'amenuiser, et il faut donc trouver de nouvelles ressources pour payer la soixantaine d'employés et assurer la gestion technique du site et des envois de masse.
Car l'agence de presse utilise différents moyens pour diffuser ses nouvelles. On peut trouver ces dernières sur le site internet, disponible dans les diverses langues, ou les recevoir par courriel, de manière quotidienne ou hebdomadaire, dans la langue de son choix. Pour gérer ces diffusions de masse, l'agence de presse dispose d'une infrastructure informatique dont le siège est à Baltimore et en Californie. Jesús Colina n'est pas peu fier de cet aspect technologique: «dans la distribution par e-mail, on est parmi les sociétés qui se trouvent en première ligne parce qu'il n y a pas beaucoup d'autres services qui envoient un million de messages par jour. Il y a même des services professionnels qui parfois nous contactent pour nous demander comment nous faisons pour envoyer en une demi-heure un million de messages quotidiennement».
Interrogé sur l'avenir de l'agence, Jesús Colina se veut optimiste, même s'il pressent l'obligation de s'adapter aux nouvelles formes de consommation: «On a commencé en 1997, c'est-à-dire il y a 13 ans, une durée qui est énorme sur internet. On s'est spécialisé dans les informations écrites, distribuées surtout sur internet. Mais aujourd'hui, on comprend que les gens parlent d'autres langues. Ils parlent sur Facebook, ils parlent sur Twitter, ils parlent avec l'image, ils parlent avec la vidéo. Et on se rend compte qu'il nous faut 'un coup de jeune'». Tout en s'intéressant au Web 2.0, à la vidéo, au partage de contenus, le journaliste reste lucide: «Ce n'est pas évident parce qu'il nous faut garder ce qui nous est propre, c'est-à-dire la rigueur dans l'information et pouvoir donner accès aux sources». C'est donc en lien avec les utilisateurs de Zenit qu'il veut travailler, en offrant des services pour que ces derniers les reprennent dans leurs forums, communautés et blogs. La crédibilité, qui fait la force de Zenit, serait ainsi protégée, car les journalistes continueraient de faire leur travail, et les internautes pourraient se servir des informations produites pour alimenter leurs propres réseaux.
C'est également en raison de cette évolution nécessaire vers d'autres formats que Jesús Colina, avec trois autres personnes impliquées dans le monde des communications ecclésiales, a lancé il y a plus de deux ans le service H2Onews qui produit des services d'informations sous forme de vidéos. On retrouve, dans le modèle choisi (la gratuité, la traduction en diverses langues, les recettes qui ont fait le succès de Zenit. Il y a également dans ces propositions une très belle illustration de la théorie de la communication nommée Two-Steps Flow, qui propose de se baser sur des relais d'opinion pour diffuser plus largement une information.
Car si Zenit est une agence de presse catholique qui a pour objet la vie de l'Église, la question de l'évangélisation n'est jamais très loin. La nomination de Jesús Colina en 2006 par le pape Benoît XVI comme consulteur au Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, est un peu une reconnaissance du travail de toute cette agence au service de l'Église et de sa mission d'annoncer la Bonne Nouvelle. D'ailleurs, le directeur de la rédaction de Zenit ne perd jamais de vue cette vision ecclésiale: «Finalement le monde catholique c'est une famille (...) [Et] c'est aussi une responsabilité qu'on a. Je crois que comme dans toute famille on a la responsabilité des gens qu'on aime et la responsabilité d'essayer de bien faire son propre travail».
Stéphane Lemessin
Plus d'informations sur Jesús Colina (en anglais): http://www.insidethevatican.com/newsflash/2007/newsflash-jan28-07.htm.
Stéphane Lemessin, prêtre diocésain depuis 2002, est étudiant en Communications sociales à l’Université Pontificale Grégorienne à Rome. Il collabore depuis plus de deux ans avec divers médias catholiques romains (Radio Vatican, H2onews, Zenit) ou autres (Radio Galilée à Québec, Radio Jérico à Metz,…) Il tient également un blog (http://lemessin.wordpress.com) où il analyse les questions relatives à la communication de l’Eglise catholiques et aux nouvelles technologies.