Le dernier cas en date est relaté par Brigid Schulte dans le Washington Post (8 juin 2008): à Alexandria (Virginie), le Baptist Temple, qui existe depuis un siècle, avait décidé de de remplacer "baptiste" par un autre nom. C'est notamment le déclin du nombre des fidèles qui avait conduit à envisager ce changement: le pasteur estimait que le mot "baptiste" donnait l'impression d'une communauté conservatrice ou fondamentaliste, ce qui n'est pas le cas du Baptist Temple. Le mot "temple" lui-même, dans le contexte américain, peut également suggérer un groupe bizarre.
Pour finir, afin de satisfaire des membres attachés à leur héritage baptiste, une solution de compromis a été trouvé: le Baptist Temple est devenu la Commonwealth Baptist Church.
Ce n'est pas le premier cas aux Etats-Unis, et ce ne sont pas seulement des groupes baptistes qui sont touchés. En 2001, l'Eglise réorganisée de Jésus-Christ des saints des derniers jours était devenue la Communauté du Christ. Revendiquant actuellement quelque 250.000 fidèles à travers le monde, le groupe existait depuis le XIXe siècle. Il rassemblait des croyants au message prêché par Joseph Smith (1805-1844), qui n'avaient pas suivi la branche majoritaire du mormonisme dirigée par Brigham Young 1801-1877), mais acceptent le Livre de Mormon comme une Ecriture sainte. L'orientation de l'Eglise réorganisée devenant de plus en plus libérale, avec la volonté de se rapprocher des autres communautés chrétiennes, l'appellation de "saints des derniers jours" devenait embarrassante. En outre, dans l'esprit de la plupart des gens, cela associait automatiquement les membres du mouvement aux mormons, et une présentation de l'Eglise réorganisée commençait donc presque inévitablement par une explication de la différence entre celle-ci et l'Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours (sans l'adjectif "réorganisée"). L'adoption d'un nouveau nom a résolu ce problème.
L'article du Washington Post mentionne pour sa part d'autres cas: en général des communautés qui abandonnent le qualificatif "baptiste" ou "réformé" pour choisir une appellation plus neutre ou générique (en gardant parfois le nom d'origine en petites lettres, sous la nouvelle appellation). Il existe aux Etats-Unis (et aujourd'hui aussi dans le reste du monde) un nombre croissant de communautés évangéliques qui choisissent de se présenter comme non- denominational, c'est-à-dire génériquement "chrétiennes", et non liées à un courant chrétien particulier.
Manifestement, derrière de tels changements, perce aussi le désir de pouvoir attirer un public plus large, pas lié à une tradition spécifique – même si, par rapport à d'autres régions du monde comme l'Europe, cela ne revêt pas toujours la même importance dans le choix d'une communauté par un croyant américain. Dans un environnement très "concurrentiel", où relativement nombreux sont ceux qui changent d'affiliation religieuse, des stratégies de "marketing religieux" ne sont pas étrangères à ces décisions. Les partisans des changements de nom estiment que des noms comme "baptiste", "presbytérien", luthérien", ont quelque chose de poussiéreux, et que des appellations telles que "St. Luke's Methodist Church" ou "First Presbyterian Church" communiquent une impression "ennuyeuse" et peu "attrayante": ils préfèrent "Light of Life" ou "Valley Glenn", explique Charles Austin (The Bergen Record, 12 octobre 2000).
Ce ne sont pas toujours des communautés déclinantes qui font ce choix: en l'an 2000, le Temple Baptist de Plymouth Township (Michigan), communauté de 4.000 fidèles en plein essor, a choisi de devenir la NorthRidge Church, rapportait David Crumm (Detroit Free Press, 3 avril 2000). L'objectif était d'éviter des confusions avec l'image parfois associée au baptisme dans l'esprit de certains et de n'être pas limité par un terme associé à une tradition chrétienne spécifique, alors que la NorthRidge Church entend s'adresser à tous. Bien entendu, dans ce cas aussi, l'objectif est de renforcer encore la croissance du groupe.
Le débat semble en tout cas particulièrement vif dans des groupes baptistes, comme le montrent d'assez nombreux articles parus à ce sujet au cours des dernières années. Cela semble être une conséquence de l'association dans l'esprit d'une partie de l'opinion publique entre baptistes et courants conservateurs, également sur le plan politique: le problème du mot "baptiste" serait donc l'association, dans l'esprit de beaucoup, avec des courants comme la "droite chrétienne", même si le baptisme recouvre en fait une variété bien plus large de points de vue. Un passage en revue de différents cas d'abandon du nom "baptiste" ces dernières années montre que la crainte d'une association entre baptisme et courants poltiiques conservateurs est souvent évoquée pour justifier ce choix. Il s'agit plus généralement de se dissocier aussi d'une image "fondamentaliste".
"Je n'ai pas honte d'être baptiste, mais un nom de marque peut constituer un handicap", expliquait le pasteur Roddy Clyde à Susan Montoya (Associated Press en 1999. Sa Trinity Baptist Church à Round Rock (Texas) était devenue en 1992 Fellowship of Forest Creek (Detroit News, 13 janvier 1999). Cela s'accompagne parfois d'autres changements de style dans la communauté, à commencer par les vêtements que porte le pasteur pour présider le culte et par l'introduction de nouvelles formes de musique jugées plus adaptées au contexte contemporain.
Professeur assistant d'histoire de l'Eglise au Southeastern Baptist Theological Seminary, Nathan Finn regrette de voir des églises renoncer à l'usage de "baptiste" dans leur nom, mais dit en même temps avoir de la compréhension pour la volonté d'éviter de créer des barrières pour la prédication de l'Evangile dans des environnements post-chrétiens. Dans un message posté sur son blog le 31 mai 2008, il plaide pour une approche au cas par cas: quand la dimension missionnaire est vraiment en jeu, le renoncement au mot "baptiste" peut être justifié.
Certains forums témoignent des débats autour de l'usage ou nom de "baptiste". Les uns suggèrent que "baptiste" implique en principe une claire confession de foi – mais reconnaissent en même temps qu'il existe des baptistes différentes tendances. D'autres se demandent s'il existe un seul cas démontré d'église ayant soudainement enregistré une croissance rapide grâce au simple abandon de la dénomination "baptiste". En même temps, ils n'ignorent pas les associations que peut évoquer ce mot dans certains milieux. La question ne se pose pas simplement pour un changement dans des communautés existantes, mais aussi pour le nom à adopter lors de la création d'une nouvelle communauté (church planting).
En définitive, comme le faisait remarquer un pasteur du Texas, Keith Abbott, utiliser le mot "baptiste" apporte tant des avantages que des inconvénients. Il permet d'attirer des personnes déjà baptistes qui s'installent dans la région, il indique en général qu'il ne s'agit pas d'une église charismatique et il rattache la communauté à une tradition déjà longue. Mais il tend aussi à lier le groupe aux débats spécifiques au baptisme. Et le choix d'un autre nom attirera plus facilement des fidèles qui ne sont pas d'origine baptiste: dans sa propre communauté, qui a fait le choix du changement de nom, seulement 20% des membres sont d'origine baptiste. Ces débats ne sont pas sans pertinence: le nom forge aussi ce que sera une communauté, estime-t-il (Baptist Standard, 5 février 2001).