La Fédération pour la paix universelle (FPU)
La FPU, une ONG dotée d'un statut consultatif spécial auprès de l'ECOSOC (Conseil économique et social de l'ONU), chapeaute une vingtaine d'organisations, telles que la Coalition internationale pour la liberté religieuse, la Fédération des femmes pour la paix mondiale, l'Académie des professeurs pour la paix mondiale, la Fédération des familles pour la paix mondiale, pour n'en citer que quelques-unes. Toutes ont un site Internet en anglais et un logo inscrit dans un cercle.
A Jérusalem, la FPU est installée en plein centre ville, sur la rue King George, derrière l'enseigne discrète d'un journal japonais. Dans le bureau - un appartement de plusieurs pièces -, l'atmosphère et sereine et diligente : des jeunes gens s'affairent, soit en groupe, organisant des activités, soit seuls, derrière leurs ordinateurs.
Parmi eux, Constance Gabb, une Américaine d'origine catholique, mariée à un Britannique d'origine protestante que lui a présenté le révérend Moon il y a vingt ans. Non, ce n'était pas un mariage d'amour, confie-t-elle. Mais son objectif était d'épouser "un homme au service de Dieu qui ferait un bon père", et ce but a été atteint. En Israël depuis deux semaines seulement, elle travaille comme volontaire pour la FPU. Elle est habituellement professeur d'anglais en Corée.
Arrive le professeur Eliezer Glaubach-Gal. Autrefois conseiller spécial de Teddy Kollek à la mairie de Jérusalem, il est l'auteur de trois ouvrages sur le processus de paix au Moyen-Orient. Glaubach-Gal, qui se définit comme un "pluraliste", est l'un des deux principaux porte-parole de la FPU en Israël. L'autre est Hod Ben Zvi, un Israélien originaire du village des artistes Ein Hod (d'où son nom), marié à une Japonaise et père de deux adolescents israélo-japonais: Coréel et Libael. "Notre but est de créer des ponts entre les différentes confessions et religions, car nous formons tous une seule et même famille sous Dieu", résume Glaubach-Gal.
De l'Eglise de l'unification à la Fédération pour la paix universelle
Selon le professeur Glaubach, les moonistes ont beaucoup évolué depuis la naissance de leur mouvement dans les années 1950. Il a le sentiment que leur réputation s'est améliorée, et il en veut pour preuve la récente levée de l'interdiction d'entrée de Sun Myung Moon dans les pays de l'espace de Schengen.
Sun Myung Moon, Coréen d'obédience chrétienne (pentecôtiste), emprisonné en Corée du Nord dans les années 50, a entrepris, à sa sortie de prison, de combattre le communisme et d'unifier les chrétiens des différentes dénominations (même si les grandes Eglises chrétiennes se montrent très réticentes à considérer le moonisme comme une forme de christianisme). C'est l'époque "unificationiste", qui s'étend sur une période de vingt ans. Ce qui s'appelle alors l'Eglise de l'Unification se fonde sur les "Principes divins" (ou "le Principe"), doctrine religieuse traduite en plusieurs langues. Moon lui-même est la figure messianique aux yeux de ses fidèles.
La Fédération des familles pour la paix mondiale est l'organisation qui a succédé directement à l'Eglise de l'unification, en 1996. Mais la Fédération pour la paix universelle est décrite comme "l'organisation la plus centrale du révérend Moon" sur le site de ce dernier, permettant au mouvement d'élargir son action, et ouverte à des personnes de toutes croyances. Aujourd'hui, pour rejoindre la FPU, s'il est certes préférable d'être croyant, il suffit de vouloir œuvrer pour la paix dans le monde et de donner de sa personne par des activités de bénévolat. Il n'est pas nécessaire de tout sacrifier pour y entrer: les membres de la FPU le sont à des degrés divers, et beaucoup continuent de mener une vie normale en parallèle à leurs activités au sein du mouvement.
Le professeur Glaubach-Gal, lui-même issu d'une famille juive religieuse, affirme avoir été séduit par le fait que Moon réalise, selon lui, les prophéties d'Isaïe. Pour lui, Moon n'est toutefois pas le "Messie", mais un "grand leader de l'humanité".
Etendue de la nébuleuse mooniste
L'Eglise de l'Unification s'est développée surtout au Japon, d'où elle tire le plus gros de ses ressources. Car c'est aussi une multinationale, dont le chiffre d'affaires se mesure en milliards de dollars. Elle dispose d'un puissant réseau politique et médiatique aux Etats-Unis, où des prix Nobel comme Eugène Wigner (père de la bombe atomique) ou des acteurs comme Charlton Heston (farouche opposant au communisme) lui ont apporté leur caution.
Les moonistes dirigent le Washington Times (l'un des deux grands quotidiens de la capitale des Etats-Unis), le Middle East Times, ainsi qu'une "télévision pour la paix universelle" (www.uptv.org [ce site n'existe plus - 30.09.2016]), de nombreux sites Internet dont un en français (www.batir-la-paix.org), et celui la FPU en Israël: http://iipc.org.il/home.html [ce site n'existe plus - 30.09.2016].
Comme l'Internationale communiste au temps de sa gloire, l'internationale mooniste est au centre d'une nébuleuse d'organismes et d'associations aux finalités multiples. Elle a des projets de développement en Amérique latine, Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est, et de travaux gigantesques qui relieraient les continents, notamment l'Amérique et l'Asie par le détroit de Behring! En outre, le révérend Moon cherche à promouvoir la création d'un conseil interreligieux au sein de l'ONU.
Le MEPI, projet de paix au Moyen-Orient
Très actifs au Moyen-Orient, les moonistes ont un grand centre à Amman, en plus du centre de Jérusalem. Leur projet de paix pour le Moyen-Orient ou MEPI (Middle East Peace Initiative) s'articule autour de plusieurs activités: des publications, dont Furrows of Peace in the Middle East, d' Eliezer Glaubach-Gal, publié aux éditions de la Fédération pour la paix universelle; des rassemblements, dont une manifestation pour la paix ayant attiré 20 000 personnes au Gan Haatsmaout à Jérusalem en 2003, dont 3 000 moonistes venus de 20 pays différents - d'après les estimations de Glaubach; surtout, des activités de rapprochement entre Israéliens et Palestiniens : environ deux fois par an, la FPU organise une série de conférences à Jérusalem, dans le cadre d'une semaine de visites semi-touristiques en Israël et dans les territoires palestiniens. A ceci s'ajoutent des pèlerinages sur les lieux saints des trois religions monothéistes et des réunions d'éducateurs israéliens et palestiniens, où ceux-ci sont encouragés à retirer toute incitation à la violence de leurs programmes et manuels scolaires.
Depuis quelques années, l'Eglise de l'Unification, devenue FPU, met en jeu de gros moyens pour organiser des rencontres œcuméniques entre juifs, chrétiens et musulmans au cœur même du conflit, sur le Mont du Temple.
Lors de ces activités, les moonistes entrent en contact avec les populations locales auxquelles ils exposent l'idéologie et les objectifs de la FPU. Les interlocuteurs sont encouragés à devenir des "ambassadeurs de la paix" dans le cadre de la Fédération. Pour devenir un ambassadeur de la paix, un musulman devra renoncer au djihad et à tout élément de violence que peut comporter sa religion. Un juif, pour sa part, devra accepter de s'ouvrir au monde extérieur: "Les juifs ont réussi à préserver leur identité de génération en génération, malgré les persécutions, grâce à des pratiques très strictes les séparant des autres. Il est donc naturellement plus difficile pour un juif d'être pluraliste et de faire un mariage mixte", explique Glaubach.
Et de fait, les mariages mixtes sont l'une des spécialités de Moon : très médiatisés, ces mariages collectifs de milliers de couples sont bénis par le révérend Moon accompagné de son épouse. Rares sont les couples de même race et / ou nationalité chez les moonistes.
Les moonistes évitent toutefois de s'ingérer directement dans les affaires politiques du Moyen-Orient, maintenant une approche essentiellement spirituelle. Si on les interroge sur leurs opinions, on découvre une position volontairement consensuelle : celle du Quartet. "Ce sont certainement les plus objectifs", estime Glaubach-Gal, "Nous leur faisons donc confiance".
La 31ème initiative du MEPI s'est déroulée du 24 au 29 août 2007. Entre autres prestigieux invités se trouvaient Dani Yatom, ancien directeur du Mossad, Zvi Yehezkeli, célèbre commentateur de la 10ème chaîne, l'ancien ministre de la Défense Amir Peretz, le Professeur Moshe Amirav, conseiller pour les négociations de Camp David 2000, Ehoud Yaari, commentateur de la 2ème chaîne israélienne. Au programme, visite de l'Eglise de la Nativité et du Centre de la paix à Bethlehem, visite du camp de réfugiés Daehashie et de Yad Vashem, et des conférences bien sûr, dont une du Pr. Menachem Magidor, de l'Université hébraïque, sur le thème: "Le rêve de Martin Luther King peut-il s'appliquer au Moyen-Orient?"
Nathalie Szerman
© 2007 Nathalie Szerman – Israël Magazine