Dans son édition du 12 avril 2007, le quotidien algérien El Khabar rapporte que les autorités algériennes se montrent préoccupées par de récentes informations selon lesquelles le chiisme se répandrait dans le pays à travers des conversions. Les services de sécurité soupçonneraient même, selon le quotidien, des efforts délibérés de susciter de telles conversions et prêteraient une attention particulière aux liens entre celles-ci et certaines visites de délégations étrangères dans le cadre de réunions scientifiques et culturelles.
El Khabar interroge également Abdul Rahman Sueidi, membre dirigeant du Mouvement de la société pour la paix (MSP, autrefois Hamas algérien, considéré comme mouvement islamiste modéré), qui aurait écrit plusieurs livres à ce sujet. Il confirme avoir recueilli des informations sur plusieurs cas récents de conversion, entraînant également l'adoption de rituels typiques du chiisme iranien, et estime que la résistance chiite au Liban a été l'un des facteurs contribuant à ces développements.
Il est intéressant de noter que des rumeurs et craintes relatives à des conversions de sunnites au chiisme ne se manifestent pas seulement en Algérie, mais dans plusieurs autres pays du monde musulman, notamment en Egypte, au Soudan, en Syrie et au Liban. Il y a un peu plus d'un an, au début du mois de mars 2006, une information affirmait déjà qu'une organisation chiite avait vu le jour en Palestine.
Dans son discours du 29 janvier 2007, à la veille de l'importante commémoration chiite d'Achoura, Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a évoqué cette question dans le cadre plus large – et brûlant, au regard des développements en Irak – des relations entre chiites et sunnites et des craintes de formation d'un "croissant chiite" au Moyen-Orient. Il a fait allusion aux rumeurs selon lesquelles des plans très élaborés viseraient à convertir les sunnites à l'islam chiite – pour tourner aussitôt ces affirmations en ridicule, tout en admettant qu'un "très petit nombre de jeunes sunnites" pourraient avoir été poussés par l'atmosphère actuelle à se convertir au chiisme, de même qu'il existe en sens inverse des cas de chiites devenant sunnites. Mais, selon Nasrallah, la diffusion de ces rumeurs servirait avant tout à fomenter des divisions entre musulmans à un tournant crucial. Dans le même esprit, en Iran, le grand ayatollah Nasser Makarem Shirazi a lancé une mise en garde: la discorde et les conflits entre groupes servent les intérêts des ennemis et minent la puissance de la communauté islamique (IQNA, 10 avril 2007).
Dans un article publié en traduction française par Le Monde 2 (supplément hebdomadaire du quotidien Le Monde, 17 février 2007), Israel Elad-Altman (chercheur à l'Institut de politique et de stratégie de Herzliya) , souligne que l'importance réelle de ce mouvement de conversion est difficile à mesurer, malgré les vives polémiques qu'il suscite – et Nasrallah ne se privait pas, le 29 janvier, d'inviter les critiques à se livrer à un recensement précis des cas de conversion allégués. Selon Elad-Altman, il y aurait environ 750.000 chiites en Egypte (1% de la population) et quelques centaines de familles converties en Jordanie "sous l'influence des dizaines de milliers de chiites irakiens qui ont trouvé refuge dans le royaume". Mais ce serait surtout en Syrie, estime-t-il, que l'on enregistrerait un mouvement de conversion. Les événements survenus en 2006 au Liban jouent un rôle dans ces phénomènes.
La diplomatie religieuse iranienne se trouve manifestement en pleine action pour contrer les accusations antichiites, qu'elle place manifestement dans un contexte stratégique plus large. Le 29 mars, l'ancien président iranien Mohammad Khatami a rendu visite à l'Université d'Al Azhar au Caire afin de discuter des moyens d'activer le dialogue entre écoles de l'islam. L'un des résultats de cette visite a été la décision d'ouvrir à nouveau au Caire le Dar Al-Taqrib Bain Al-Mazahib Al-Islamiya (Maison pour la convergence entre écoles de pensée islamiques) et de republier le magazine Risalat Al-Islam, destiné en particulier à informer sur le chiisme. Cette institution avait été fondée en 1948, mais fermée à l'époque du président Gamal Abdel Nasser (1918-1970). La réouverture de Dar Al-Taqrib s'inscrit explicitement dans la perspective des efforts pour surmonter le fossé qui se creuse entre chiites et sunnites depuis le début de l'intervention américaine en Irak. Les milieux islamistes sunnites radicaux tendent souvent à développer un discours violemment antichiite.
Des cas attestés de conversions au chiisme existent dans différentes régions du monde, notamment dans certains pays d'Afrique. L'on trouve au Nigeria un Mouvement islamique d'obédience chiite, et des groupes de moindre importance dans d'autres pays de l'Afrique occidentale.
Nous rencontrons aussi des conversions au chiisme en Occident, même si cela ne semble pas être un phénomène très étudié jusqu'à maintenant et s'il n'y a guère de statistiques à ce sujet; il va sans dire que le contexte de telles conversions est très différent de celui des pays musulmans. L'existence de ces convertis vient d'être mise en lumière par l'organisation – à l'initiative de chiites – d'une conférence internationale des convertis, afin de "préparer le fondement pour le retour final de l'Imam Mahdi", qui s'est tenue cette semaine même, du 13 au 15 avril 2007, à Toronto, dans un centre chiite de cette ville.
On trouvera des liens vers de nombreux sites chiites en langue anglaise sur le site d’une association (chiite) de convertis à l’islam, la Revert Muslims Association. Le site offre également un forum, des textes, des enregistrements et des témoignages de convertis.
Correction mineure (phrase sur la Palestine, rectification de date) le 13.5.2007.