Dans le 110e Congrès des Etats-Unis, assermenté le 4 janvier 2007, les élus de confession catholique forment le groupe religieux le plus important: ils comptent 155 députés. Ils sont suivis par les baptistes (67), les méthodistes (61), les presbytériens (44), les juifs (43), les épiscopaliens (37), les luthériens (18), les mormons (15), les membres de la United Church of Christ (7). Les orthodoxes et les scientistes chrétiens comptent chacun 5 membres du Congrès, les Assemblées de Dieu (pentecôtistes) en ont 4. Les méthodistes épiscopaux africains, les bouddhistes, les adventistes du septième jour, les disciples du Christ, les Eglises du Christ et quelques autres confessions chrétiennes en ont chacun 2. Outre plusieurs membres isolés de différentes communautés religieuses (dont 1 musulman), 6 membres du 110e Congrès n'indiquent aucune affiliation religieuse, tandis que 26 se disent "protestants" et 18 "chrétiens" sans mentionner d'appartenance à une "dénomination" (pour utiliser le vocabulaire américain, nondenominational).
Une question qui intéresse beaucoup les observateurs de la vie politique américaine, depuis l'émergence de la "nouvelle droite chrétienne" dans les années 1970, est l'évolution du vote évangélique.
Dans une analyse publiée le 18 octobre 2006, le Pew Research Center soulignait que les chrétiens évangéliques blancs étaient devenus l'une des plus importantes bases électorales du Parti républicain, représentant environ un tiers de ceux qui s'identifient à ce parti et soutiennent ses candidats. De 39% en 1999, les évangéliques s'identifiant politiquement au Parti républicain est monté à 47% en 2001 et même à 49% en 2004-2005.
Cependant, avertissaient les analystes du Pew Research Center, comme les autres électeurs, les évangéliques ont aussi été touchés par la vague de désillusions à l'égard du président Bush: s'ils restent un milieu où les républicains trouvent de nombreux soutiens, le niveau d'opinions favorables a décru: avec des variations, il est descendu de 74% d'opinions favorables après l'élection de 2004 à 54% en juillet 2006. Les facteurs qui y ont contribué peuvent tenir à des causes variées: la gestion de l'ouragan Katrina et de ses suites avait ainsi provoqué une forte baisse. Le taux d'approbation pour le président Bush a décliné de la même façon chez les évangéliques que chez les électeurs américains non évangéliques, même s'il reste plus élevé en raison d'un taux de départ très haut (78% des évangéliques blancs avaient voté pour Bush en 2004).
Mais surtout, pour un groupe attaché à des principes religieux, l'on note une baisse du pourcentage d'évangéliques qui pensent que le Parti républicain "gouverne de façon honnête et éthique" (chute de 13% entre janvier et octobre 2006; diminution dans des proportions semblables de ceux qui estiment que le Parti républicain est bien disposé envers la religion (friendly to religion). Selon certaines observations, on assisterait à une manifestation de lassitude face aux républicains, qui tiendraient le soutien évangélique pour acquis. Selon Richard Cizik, vice-président de la National Association of Evangelicals, interrogé par le site d'information Salon.com (10 novembre 2006), "les républicains ont perdu beaucoup de votes évangéliques à cause des problèmes de corruption, et à juste titre."
Même si les évangéliques restent un important réservoir d'appuis pour le Parti républicain, le déclin du pourcentage de ceux d'entre eux qui font ce choix n'est manifestement pas restée sans conséquences lors des élections de novembre 2006. Les évangéliques pro-démocrates ont été prompts à crier victoire, comme le relevait le magazine évangélique Christianity Today (8 novembre 2006) au lendemain de ces élections: il citait ainsi Jim Wallis, dirigeant du mouvement Sojourners/Call to Renewal, qui déclarait que "la domination de la droite religieuse sur les évangéliques et la politique est terminée. [...] la droite religieuse a perdu, et la gauche séculière a perdu." Ce que prévoit Wallis est donc la montée d'un courant évangélique pro-démocrate – favorable à la fois à des valeurs morales et à plus de justice sociale. Personne n'imagine vraiment que les évangéliques passeront en masse du côté démocrate, mais l'universitaire évangélique George G. Hunter (auteur de Christian, Evangelical, and... Democrat?, Abingdon Press, 2006) se réjouissait – dans la même édition de Christianity Today, de la fin d'une "alliance monogame" des courants évangéliques avec les républicains et d'une répartition plus diversifiée des évangéliques dans le champ politique, afin de remplir vraiment la vocation de "sel de la terre" à laquelle sont appelés les chrétiens.
Cela reflète peut-être des tendances plus larges au sein des courants évangéliques en général, souvent abordés – notamment dans le monde francophone – de façon simplificatrice quand il est question de leur relation avec la politique. Dans un entretien publié le 12 avril 2006 par le Pew Forum on Religion and Public Life, Donald Miller (Université de Californie du Sud) soulignait ainsi le développement d'initiatives d'action sociale de la part de pentecôtistes dans des pays en développement: même si telle n'est pas la voie choisie par tous les pentecôtistes, Miller affirmait observer l'essor de ce qu'il appelle un "pentecôtisme progressiste": "Ce mouvement au sein du pentecôtisme n'attend pas simplement le retour imminent du Christ. Au lieu de cela, des pentecôtistes agissent à partir de l'éthique de Jésus à travers des actes de compassion pour des individus dans le besoin – tant dans leurs propres rangs que dans la société." Les questions de changement structurel (justice et égalité) ne sont pas encore évoquées souvent, mais rien n'est exclu pour l'avenir d'un mouvement encore jeune.
Pour en revenir aux Etats-Unis, Richard Cimino, rédacteur en chef de Religion Watch, mettait ses lecteurs en garde contre des conclusions trop hâtives, dans le numéro de décembre 2006 de sa lettre d'information mensuelle: chaque fois que la droite chrétienne subit une revers, il est courant que ses adversaires ont annoncé sa disparition, mais, remarque-t-il, la plupart des observateurs ont été généralement plus prudents après les récentes élections, car la droite chrétienne américaine a déjà démontré par le passé sa capacité à rebondir.
Cimino note en outre que les démocrates ont vu leur soutien augmenter parmi les croyants pratiquants (46% de ceux qui vont chaque semaine dans un lieu de culte ont soutenu les démocrates), également chez les catholiques (qui auraient voté démocrate à 55%). Tout cela encourage les stratèges démocrates qui proposent de développer une approche visant les milieux religieux.
Il n'en reste pas moins que de sérieuses lignes de division traversent le courant évangélique américain autour de plusieurs thèmes, et pas seulement sur la morale en politique, ainsi qu'on l'a encore vu en 2006 dans les attitudes très divergentes adoptées face aux initiatives pour combattre le réchauffement global. Les prévisions sur l'évolution des attitudes politiques évangéliques se doivent donc de tenir compte d'une variété de paramètres.