Le livre du P. Lang, Se tourner vers le Seigneur, vient de paraître en traduction française à l'initiative de l'éditeur suisse Ad Solem, après avoir déjà retenu l'attention lors de la parution de l'édition anglaise en 2004. La préface est signée par le cardinal Joseph Ratzinger, devenu le pape Benoît XVI. Elle n'est pas étrangère à l'intérêt suscité par cet ouvrage, à l'heure où circulent des rumeurs de plus en plus insistantes sur de possibles initiatives du Souverain Pontife en vue d'amorcer la "réforme de la réforme" liturgique instaurée dans le sillage du concile Vatican II.
Dans sa préface (datée de 2003), celui qui était encore un influent cardinal soulignait que les deux aspects qui frappèrent le plus dans les réformes liturgiques furent l'abandon du latin et l'autel tourné vers le peuple dans les églises catholiques romaines. Or, écrivait Ratzinger, aucun de ces deux points n'est prescrit par les documents conciliaires, le document Sacrosanctum Concilum indiquant même (36, § 1) que le latin demeurait la forme normative, tout en autorisant l'usage de la langue vernaculaire.
Rappelons que, jusqu'au tournant marqué par le concile Vatican II, le prêtre célébrant la messe le faisait dans la plupart des cas face à l'autel, en tournant le dos aux fidèles; cet autel était d'ailleurs généralement adossé au mur et ne permettait que cette orientation liturgique. Dans les années suivant Vatican II, dans la majorité des églises catholiques romaines de rite latin, l'autel fut déplacé de façon à permettre au prêtre de faire face aux fidèles ou – quand cela n'était pas possible, par exemple pour des raisons de protection d'une monument historique – un nouvel autel (parfois une simple table), non adossé à un mur et permettant de faire face au "peuple", fut ajouté. Rappelons que, dans les Eglises orthodoxes et dans la plupart des Eglises catholiques de rite oriental, la règle reste de célébrer tourné vers l'Orient (puisque c'est en général la direction de l'église), tournant donc le dos aux fidèles.
"On nous change la religion": dans les réactions qui ont suivi Vatican II et l'introduction d'un nouveau rite de la messe par Paul VI (ainsi que différents expériences liturgiques ayant souvent suscité la perplexité de fidèles), les transformations de la façon de célébrer la messe ont joué un rôle certainement plus important et plus mobilisateur que les questions doctrinales, même si celles-ci sont soulignées tout autant dans les cercles théologiques des courants traditionalistes.
Un colloque parisien sur les réformes liturgiques
La question de la réforme liturgique et de ses conséquences était au cœur d'une première rencontre universitaire "Foi et raison", organisée le 2 décembre 2006 à Paris à l'initiative de l'Institut du Bon Pasteur, fondé à Rome le 8 septembre 2006 avec l'approbation de la Commission Ecclesia Dei pour accueillir un groupe de prêtres catholiques traditionalistes réintégrés officiellement par les autorités catholiques romaines et très actifs. Cet Institut du Bon Pasteur comprend notamment l'église Saint-Eloi à Bordeaux.
Outre plusieurs de ces prêtres, la rencontre rassemblait également d'autres intervenants, dont le P. Uwe Michael Lang. D'un point de vue historique, plusieurs conférenciers ont montré que des réformes liturgiques traditionnellement associées aux conséquences de Vatican II avaient en fait été déjà largement amorcées au cours des années précédentes dans le contexte français – un contexte dont on sait qu'il joua un rôle capital dans l'émergence du mouvement catholique traditionaliste autour de l'archevêque Marcel Lefebvre (1905-1991).
Certaines des réformes liturgiques furent justifiées par le désir affiché de revenir à des pratiques de l'Eglise des cinq premiers siècles. Plusieurs interventions au cours du colloque montrèrent cependant que des préoccupations pastorales jouèrent aussi un rôle important dans ces démarches, face au sentiment que la pratique liturgique devenait de plus en plus étrangère à l'homme moderne. Ce sont cette prétention d'adapter la liturgie aux goûts supposés de l'époque et l'"horizontalisation" de la liturgie que mettent notamment en cause les traditionalistes, même s'il faut noter qu'ils n'étaient pas opposés systématiquement à certaines réformes à l'origine: Mgr Lefebvre lui-même, rappela-t-on lors du colloque, s'était montré dans son diocèse favorable à la possibilité d'un usage large de la langue vernaculaire pour la célébration de sacrements.
La question de la "direction sacrée" dans le culte catholique
Pourquoi donc l'importance accordée à l'orientation de la prière liturgique? Elle représente bien sûr un symbole, comme le soulignait le cardinal Ratzinger dans sa préface, mais elle a également des implications théologiques plus profondes. En raison de l'invocation de modèles antiques pour justifier la mise en œuvre de certaines réformes liturgiques, il n'est en outre pas sans importance de déterminer dans quelle mesure la prière "face au peuple" peut se réclamer d'origines anciennes.
Les rédacteurs de Religioscope n'ont pas compétence pour évaluer des arguments d'histoire liturgique. La question de la direction du célébrant et de l'aménagement des églises antiques fait l'objet de débats parmi les spécialistes, d'autant plus qu'il y eut différents modèles dans la pratique chrétienne des premiers siècles, en raison également d'impératifs pratiques dans certains cas (utilisation d'édifices déjà existants). Selon l'ouvrage du P. Lang, qui expose également les autres points de vue, la majorité des témoignages antiques iraient dans le sens d'une célébration face à l'Orient. Même là où il y a eu d'autres aménagements dans l'Antiquité, notamment dans des basiliques romaines, cela était motivé par d'autres raisons que la celebratio versus populum: ce serait donc un anachronisme d'aller en chercher des prototypes dans des pratiques liturgiques des premiers siècles (Se tourner vers le Seigneur, p. 80). Le P. Lang, dans la ligne de remarques du cardinal Ratzinger, critique "la curieuse ambivalence d'un purisme liturgique qui oscille entre une tendance à l'archaïsation et une démangeaison de nouveautés sans contrôle" (p. 86).
"[...] nous devons prier en regardant vers l'Orient, qui est le symbole de l'âme regardant vers la véritable lumière", déclarait Origène (185-254, cité par Lang, p. 40). Il ne s'agit pas, souligne le P. Lang, de tourner le dos au peuple, mais d'être tournés tous ensemble (prêtres et fidèles) vers le Seigneur, alors que "les efforts visant à donner à la liturgie un caractère plus 'communautaire' mettent paradoxalement le célébrant au centre de tout" (p. 99): le symbolisme de l'Est, associé au Christ et également à son retour (dimension eschatologique), est très présent dans le christianisme des premiers siècles, comme le montrent des textes de plusieurs des auteurs ecclésiastiques anciens. Le P. Lang reconnaît cependant que "l'orientation cosmologique et le symbolisme eschatologique qui lui est associé sont graduellement tombés dans l'oubli dans l'Eglise latine" (p. 89). Il rejette cependant le reproche de prôner ici un archaïsme, car c'était jusqu'à une époque récente la pratique tant de l'Eglise latine que des Eglises orientales.
Au terme d'une analyse dont il n'est pas possible de résumer ici tous les aspects – analyse dans laquelle il met l'accent non seulement sur la crise liturgique elle-même, mais aussi sur ses conséquences doctrinales – le P. Lang conclut qu'il est "souhaitable d'en revenir à la direction commune de la prière" (p. 120) (célébrants et fidèles dans la même direction), et suggère de recommander déjà que le prêtre prie tourné vers l'autel dans ces églises où existe un autel ancien et qui ont été édifiées selon ce critère. Il s'abstient en revanche d'entrer "dans une discussion détaillée pour voir comment cette proposition pourrait ou devrait être mise en pratique" (p. 116).
L'Institut du Bon Pasteur: un ballon d'essai?
Cela nous conduit précisément au cœur du débat actuel. Le pape Benoît XVI peut-il et veut-il une "réforme de la réforme liturgique"? Et si c'est le cas, comment? La question de la direction adoptée par le prêtre et les fidèles durant la célébration liturgique n'est qu'un sujet parmi d'autres, mais, dans ce débat très sensible, chaque question et chaque pas dans un sens ou un autre fait immédiatement l'objet de nombreuses spéculations.
Le débat a récemment connu en France un regain avec la fondation de l'Institut du Bon Pasteur, à l'origine du colloque que nous évoquions plus haut. Comme le rappelle sur le site de l'Eglise catholique en Gironde Mgr Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux (et membre de la commission Ecclesia Dei), ce qui a été accordé à l'Institut du Bon Pasteur est "un usage exclusif du rite de la messe en vigueur en 1962. Cela concerne aussi bien le missel que le rituel ou le bréviaire." Les membres de l'Institut se réservent également le droit de pratiquer une "critique sérieuse et constructive" du Concile Vatican II.
Les commentaires de Mgr Ricard dans un entretien avec Jean-Marie Guénois, publié par le quotidien La Croix (11 septembre 2006), illustrent les préoccupations qui se manifestent au sein de l'épiscopat et du clergé français face à ces développements:
"D'un côté, il faut accepter la décision du pape lui-même, c'est lui qui l'a voulu. Il a voulu faire un geste vis-à-vis de ceux qui ont suivi Mgr Lefebvre, pour leur montrer qu'ils pouvaient avoir une place dans l'Église. D'un autre côté, il faudra être très au clair par rapport au Concile et à l'héritage conciliaire. Je souhaite que puisse être réaffirmé – même s'il y a eu quelques dérives ou quelques abus – l'aspect extrêmement positif vécu par l'Église depuis le Concile. Cette Église qui a mis en oeuvre le Concile est mon Église. C'est l'Église dans laquelle j'ai fait mes études, où j'ai été ordonné prêtre, évêque. [...] Je ne souhaiterais pas qu'un accueil de fidèles traditionalistes soit pensé, soit vécu comme un reniement du Concile. Comme si les grandes intuitions du Concile qui ont alimenté, qui alimentent aujourd'hui avec mon presbytérium, notre travail pastoral, soient remises en question."
Comme le montrent ces observations, il s'agit à la fois de questions de principe et du regard rétrospectif qu'il s'agit de porter sur des années de ministère sacerdotal et épiscopal: cela explique en partie la vivacité des réactions qui ont accueilli la décision romaine de donner un statut provisoire à l'Institut du Bon Pasteur. Selon Mgr Ricard, "les différends avec les fidèles qui ont suivi Mgr Lefebvre dans son 'non' à Rome ne sont pas d'abord liturgiques, mais théologiques – autour de la liberté religieuse, de l'œcuménisme, du dialogue interreligieux – et politiques", a-t-il rappelé dans son discours de clôture du 9 novembre 2006 à la dernière assemblée plénière des évêques catholiques de France. Sur la question liturgique proprement dite, il a précisé:
"Nous souhaitons poursuivre l'accueil de ceux qui gardent un attachement à la messe dite de 'saint Pie V'. Une diversité est possible. Mais celle-ci doit être régulée. Il en va de l'unité de la liturgie et de l'unité de l'Eglise. On ne saurait livrer le choix d'une des formes du rite romain – messe de 'saint Pie V' ou messe de 'Paul VI' – à sa seule subjectivité. Une Eglise où chacun construirait sa chapelle à partir de ses goûts personnels, de sa sensibilité, de son choix de liturgie ou de ses opinions politiques ne saurait être encore l'Eglise du Christ. Il faut résister aujourd'hui à la tentation d'une 'religion à la carte'. Comme évêques, nous sommes prêts à veiller, avec le Saint-Père et sous son autorité, à l'unité et à la communion au sein de nos Eglises locales et entre nos Eglises."
Un autre aspect à prendre en considération dans les réactions qui se sont exprimées est le sentiment qu'il s'agit peut-être de la part de Rome d'un test, d'un "ballon d'essai", destiné également – outre la solution apportée concrètement à la demande faite par un groupe de prêtres issus de la Fraternité Saint Pie X) – à voir comment cette initiative serait accueillie en France. Comme l'a expliqué Mgr Ricard dans son discours d'ouverture de l'assemblée des évêques le 4 novembre 2006:
"La décision de libéraliser pour les prêtres la possibilité de dire la messe selon le missel de 1962 n'a pas encore été prise. Le Motu proprio annoncé n'a pas été signé. Son projet va faire l'objet de consultations diverses. Nous pouvons faire part, dès maintenant, de nos craintes et de nos souhaits."
Quelle sera la prochaine étape?
C'est maintenant ce point (liberté à tout prêtre de choisir le missel de 1962, avant la réforme liturgique) qui est au centre de la discussion. D'ailleurs, le communiqué publié par la Fraternité Saint Pie X (c'est-à-dire le groupe qui reste dans la ligne de Mgr Lefebvre), qui prend acte de la réception de l'Institut du Bon Pasteur, explique clairement que la Fraternité "ne peut faire sienne une solution communautariste où la messe tridentine serait confinée dans un statut particulier. La messe de la Tradition bimillénaire doit jouir dans l'Eglise d'un droit de cité plein et entier : elle n'est pas un privilège réservé à quelques-uns, elle est un droit pour tous les prêtres et tous les fidèles de l'Eglise universelle."
Or, même si Mgr Ricard suggérait le 4 novembre que la décision d'accueillir l'Institut du Bon Pasteur exprimait avant tout "le désir de Benoît XVI de faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin au schisme lefevbriste", l'enjeu représente manifestement plus que cela, mais il n'est pas certain que ce qui adviendra ira aussi loin que les espoirs des uns et les craintes des autres.
Pour en rester à la France (dont on sait l'importance pour le mouvement catholique traditionaliste), l'abbé Claude Barthe (un prêtre d'orientation traditionaliste) a répété lors du colloque du 2 décembre 2006 sa conviction qu'une réforme du rite même de Paul VI se dessine. L'abbé Barthe a publié récemment une brochure Propositions pour une "paix de l'Eglise" (Paris, Hora Decima, 2006), dont la première partie est également parue dans le numéro de l'automne 2006 de la revue Catholica (N° 93). Il y résume la situation comme il la voit: une mouvance traditionaliste vivante, active, produisant un clergé proportionnellement nombreux – mais représentant environ 2% des quelque 2,9 millions de catholiques pratiquants en France, avec 300 lieux de culte dominicaux: "le milieu Saint-Pie-V représente l'équivalent d'un à deux diocèses français" (p. 15). 25.000 fidèles assisteraient aux messes dominicales de la Fraternité Saint Pie X en France, le nombre de ceux qui participent à une messe tridentine célébrée avec autorisation de l'évêque du lieu étant "vraisemblablement supérieur". Selon des enquêtes, en cas de libéralisation de la célébration du rite de Saint Pie V, le pourcentage pourrait atteindre 5% des catholiques pratiquants français. Ce pourcentage resterait donc assez modeste, même s'il faut, comme le suggère l'abbé Barthe, également prendre en compte le dynamisme d'un "milieu de familles pratiquantes", prêtes à un engagement fort.
Concrètement, si cette libéralisation se fait, elle pourrait avoir pour conséquence la légitimation de la coexistence généralisée (et pas simplement dans quelques enclaves plus ou moins bien acceptées selon les diocèses) de deux rites dans l'Eglise latine: le rite de Saint Pie V et celui de Paul VI. C'est là une condition sine qua non posée par la Fraternité Saint Pie X, sans qu'il soit encore certain qu'elle reçoive satisfaction.
Mais l'abbé Barthe remarque que "cette rupture entre deux ailes cultuelles du rite romaine [...] ne peut être vécue, pour les uns comme pour les autres, que comme un pis-aller provisoire" (p. 20). ll entrevoit ensuite ces perspectives possibles:
"A ce point du processus, l'union des forces vives du catholicisme pourrait être progressivement favorisée par l'aménagement de ponts ou de passages ponctuels ou permanents, et surtout par l'évolution (transmutation) concrète plus ou moins importante, dans un sens traditionnel, de la réforme de Paul VI (qui deviendrait progressivement, pourquoi pas? réforme de Benoît XVI). Certains évêques pourraient dans le même temps confier à des prêtres de rite tridentin, et qui resteraient de rite tridentin, des ministères en 'milieu Paul VI', paroisses, aumôneries (cela existe déjà pour des aumôneries d'hôpitaux), où il leur serait demandé d'aménager leurs célébrations pour ce type de fidèles par une infusion importante de français, usage du nouveau calendrier, des nouvelles lectures." (p. 21)
Toutes choses, l'abbé Barthe l'admet, qui appellent "une évolution psychologique, et pour mieux dire spirituelle, des uns et des autres". Il fonde surtout son espoir sur le clergé de moins de 45 ans, dans l'ensemble plus ouvert à des sensibilités traditionalistes que la génération précédente (génération actuellement encore en bonne partie aux leviers de commande de l'Eglise catholique en France).
Est-ce réaliste? Difficile de le savoir sans disposer d'enquêtes de terrain indépendantes. En outre, il s'agit de décisions qui n'auront pas d'effet uniquement en France, mais dans le monde entier: il ne suffit pas de prêter attention à ce qui se passe dans les couloirs du Vatican et dans les diocèses français; il faudrait avoir une idée plus claire de la situation sur plusieurs continents. Il n'est pas non plus certain que les prêtres formés dans le cadre de la Fraternité Saint Pie X soient tous prêts à faire un tel pas.
Les observateurs du fait religieux s'accordent pour estimer que le pape Benoît XVI souhaite au moins des "retouches" de la réforme liturgique et considère d'un regard bienveillant les demandes des prêtres et fidèles qui souhaitent assister à des messes célébrées selon le missel de 1962. Selon un article de Paul Badde dans le mensuel Inside the Vatican (novembre 2006), on peut s'attendre pour le printemps 2007 à un document de Benoît XVI autorisant sans restriction la célébration selon l'ancien rite. Il n'y aurait qu'un seul rite pour l'Eglise latine, le rite romain, mais sous deux formes placées sur pied d'égalité, la forme nouvelle et la forme ancienne. Il faut cependant attendre pour voir si ce document verra réellement le jour et quelles seront ses dispositions: Inside the Vatican est certes un magazine bien informé, mais qui n'est pas infaillible dans ses prévisions...
L'erreur serait aujourd'hui de voir simplement tous ceux qui célèbrent selon le rite de 1969, d'un côté, et les traditionalistes utilisant l'ancien rite, de l'autre côté. L'impact "symbolique" d'une autorisation sans restriction de la célébration du rite de Saint Pie V serait fort, mais rien n'indique qu'il conduirait un large nombre de prêtres à l'adopter ni que de nombreux prêtres utilisant le rite de 1969 se sentir
aient aussitôt inclinés à célébrer celui-ci "dos au peuple", pour ne considérer que la question traitée par le livre du P. Lang. Les communautés nouvelles et courants de sensibilité liturgique et doctrinale plutôt "conservatrice", mais acceptant sans réserve le concile Vatican II et utilisant le rite de 1969, pourraient jouer un rôle bien plus large dans l'évolution globale (également liturgique) parmi les catholiques de rite latin.
Nous ne sommes plus, en effet, dans le contexte des années 1960, et le paysage catholique a vu le développement de nouveaux acteurs qui ne se situent pas sur les mêmes "lignes de faille" que les générations précédentes. L'abbé Barthe a probablement assez bien évalué la situation dans un article du quotidien Présent (12 avril 2006): "l'extension [de la liturgie traditionnelle] sera un moyen de peser sur la situation générale. [...] Qu'on le veuille ou non, quarante ans de liturgie paroissiale nouvelle sont un fait avec lequel il faut désormais compter."
Le vrai point d'interrogation est de savoir ce qu'il s'agit pour Benoît XVI d'atteindre dans la longue durée, et jusqu'à quel point pourra aller pratiquement une éventuelle "réforme de la réforme liturgique". A supposer qu'un tel effort soit mis en œuvre, par des canaux variés, encore faudra-t-il qu'il jouisse d'appuis forts également chez les papes qui succéderont à l'actuel pour avoir un effet en profondeur. Beaucoup de questions en suspens, surtout si l'on considère – une fois encore – non seulement la France, mais l'ensemble du monde catholique de rite latin.