Dans le grand public, le nom de l'Eglise catholique-apostolique ne dit pas grand chose, un bref rappel préliminaire s'impose donc. Le choc causé par les événements de la Révolution française suscita une vague de spéculations millénaristes dans le monde chrétien: plus d'un auteur se demanda si ces turbulences étaient annonciatrices de transformations bien plus radicales. On se demanda aussi si l'on ne pouvait trouver trace de l'annonce de certains des événements dans les livres bibliques, ce qui permettrait d'identifier des étapes d'un scénario prophétique en cours.
Eglise catholique-apostolique: un bref rappel historique
Tel fut notamment le cas dans des cercles chrétiens des Iles britanniques. Parmi ceux qui s'intéressèrent alors aux prophéties figurait le riche aristocrate et banquier Henry Drummond (1786-1860), chrétien convaincu, qui avait fondé en 1819 une Continental Society for the Diffusion of Religious Knowledge, afin de prêcher l'Evangile sur le continent européen et de distribuer des Bibles et traités religieux, mais sans essayer de créer des communautés religieuses séparées. A partir de 1826, Drummond réunit dans sa demeure d'Albury plusieurs conférences prophétiques, rassemblant aussi bien des anglicans que des membres d'Eglises protestantes dissidentes. L'un des participants était le pasteur presbytérien Edward Irving (1792-1834), brillant prédicateur de l'église de Regent Square.
Les chrétiens rassemblées à Albury aboutirent à plusieurs conclusions, dont la suivante:
"Qu'une grande période de 1260 ans a commencé au moment du règne de Justinien et s'est achevée avec la Révolution française; et que les coupes de l'Apocalypse ont commencé à être versées [Apocalypse, chapitre XVI]; que notre Seigneur béni apparaîtra bientôt et que c'est donc le devoir de tous ceux qui croient ainsi de porter ces considérations à l'attention de tous les hommes."
Un autre apport allait rapidement se conjoindre au premier. Au début des années 1820, le pasteur anglican James Haldane Stewart (1776-1854) avait publié deux écrits très largement diffusés dans lequel il suggérait de tenir des assemblées de prière afin de demander une effusion du Saint-Esprit. En Ecosse, dans un groupe de croyants gagnés à ces vues, des manifestations charismatiques se produisirent près de Glasgow dès 1827: guérisons miraculeuses, parler en langue, prophéties - plusieurs composantes essentielles de ce qui devait devenir au début du XXe siècle le pentecôtisme. Un climat d'attente messianique n'était pas étranger à ces cercles.
Les croyants d'Albury eurent bientôt connaissance de ce qui se passait en Ecosse. L'avocat londonien John Bate Cardale (1802-1877) alla lui-même se renseigner en 1830; il fut suffisamment impressionné pour réunir à son tour dans son domicile londonien des réunions de prière pour demander l'effusion de l'Esprit, laquelle se produisit finalement en 1831, lors d'une réunion au cours de laquelle l'épouse de Cardale elle-même aurait commencé à prophétiser l'imminente venue du Christ. Très vite, la paroisse d'Irving fut à son tour gagnée par les manifestations charismatiques.
Ces développements ne furent cependant pas du goût de tous les membres de la paroisse d'Irving. Il finit lui-même par se trouver exclu de l'Eglise presbytérienne d'Ecosse en 1833. Il n'était pas le seul à rencontrer de l'opposition. Nos passionnés de prophéties commencèrent donc à former leurs propres communautés. Mais, tout inspirés qu'ils fussent, ils étaient également des hommes d'ordre. Il n'était pas question d'établir des ministères arbitrairement, le pouvoir d'ordonner un clergé devait venir d'en haut. Ce fut ainsi, en 1832, que Cardale se trouva appelé par une parole prophétique à devenir apôtre; d'autres suivirent et, en 1835, le collège de douze apôtres était au complet. – Le millénarisme inclut souvent une dimension "récapitulatrice": ce qui était au début se retrouve à la fin, le rétablissement du collège apostolique tel qu'il existait dans la première génération de l'Eglise s'inscrit dans cette dynamique.
L'idée n'était pas tant d'établir une Eglise exclusive qu'un témoignage pour annoncer à tout le monde chrétien le retour imminent du Christ. Les apôtres catholiques-apostoliques ne se livrèrent d'ailleurs pas à une évangélisation de terres non chrétiennes, mais s'efforcèrent de communiquer leur message aux chefs religieux et séculiers de la chrétienté. Seul le refus de ce message pressant les contraignait à créer des communautés à part, mais ce n'était pas le premier objectif de leur ministère. Certes, le cas n'est pas unique, mais moins commun est le fait que l'Eglise catholique-apostolique qui vit alors le jour a maintenu dans une large mesure au cours des générations suivantes ce sentiment de n'être pas une Eglise excluant les autres: c'est d'ailleurs l'un des points que souligne l'auteur des ouvrages que nous examinerons plus loin.
L'Eglise catholique-apostolique a parfois été qualifiée d'"irvingienne" par des observateurs extérieurs, mais ce ne fut jamais une appellation officielle du mouvement: Irving lui-même n'y exerça d'ailleurs jamais la fonction d'apôtre, mais celle d'"ange", c'est-à-dire d'évêque d'une communauté.
L'Eglise catholique-apostolique élabora également une liturgie qui s'inspira de la richesse des textes liturgiques de la tradition tant occidentale qu'orientale et constitua, à certains égards, un courant de recherche et de renouveau liturgique. Vêtements liturgiques, encens, autel, cérémonies: l'allure était plus proche de celle du catholicisme romain ou de la High Church anglicane que des formes usuelles du protestantisme.
Le mouvement s'étendit en dehors des Iles britanniques, notamment en Allemagne. Dans ces deux pays, les communautés se comptèrent par centaines à leur apogée. Mais il faut également important au Danemark et en Suisse et s'implanta aussi dans plusieurs autres pays européens (principalement de tradition protestante) et en Amérique du Nord.
Malgré ces efforts d'organisation, l'espérance de ces croyants restait évidemment celle du proche retour du Christ. Celui-ci, croyait-on d'abord, ne pouvait manquer de revenir du vivant encore des apôtres. Ce fut donc un choc lorsque trois des apôtres moururent en 1855. Fallait-il les remplacer? Les apôtres survivants résistèrent à ceux qui les pressaient d'accepter des injonctions prophétiques à cet effet (les appels au ministère se faisaient en effet par l'entremise de ceux qui exerçaient la fonction de prophètes). Cependant, tout le monde n'accepta pas cette approche, et la double source d'autorité existant dans l'Eglise catholique-apostolique (la hiérarchie des apôtres, d'une part, et les prophètes, d'autre part) fit le lit de mouvements dissidents: certes, les paroles des prophètes devaient en principe être validées par les apôtres, mais il y avait néanmoins là un potentiel de tensions. Ce fut ainsi que les inspirations reçues par un prophète allemand conduisirent des communautés à accepter le principe du remplacement des apôtres défunts par de nouveaux apôtres, ce qui conduisit à la naissance de l'Eglise néo-apostolique, un mouvement aujourd'hui important: Religioscope a récemment évoqué certaines évolutions doctrinales au sein de l'Eglise néo-apostolique. Au cours de son histoire, cette dernière a également connu quelques schismes, et la postérité de l'Eglise catholique-apostolique a donc pris des formes variées.
Mais les communautés catholiques-apostoliques proprement dites poursuivirent leur route en se tenant au refus du remplacement des apôtres défunts. Dès 1879, un seule était encore en vie. En 1901, le dernier d'entre eux quitta ce monde, à l'âge respectable de 96 ans. Il existait alors 938 communautés dans le monde, avec 200.000 membres environ.
Avec la disparition du dernier apôtre, l'ordination de nouveaux ministres du culte devenait désormais impossible, selon la compréhension du sacerdoce qu'avait développée l'Eglise catholique-apostolique. Avec de rares exceptions, de nouveaux membres ne pouvaient plus être acceptés. Les derniers membres du clergé s'éteignirent dans les années 1970. Aujourd'hui, les membres des communautés catholiques-apostoliques qui subsistent, en nombre toujours décroissant, assistent aux services d'autres Eglise et se réunissent de temps en temps pour des prières en privé ou dans les chapelles qui n'ont pas encore été vendues.
Pourquoi les événements espérés ne s'étaient-ils pas produits? C'est dans les livres prophétiques que les fidèles catholiques-apostoliques vont trouver la réponse: l'Apocalypse ne prédisait-elle pas, en effet, après l'ouverture du septième sceau, "un silence dans le ciel" (VIII, 1)? Une courte pause avant le grand dénouement : telle est la situation de l'Eglise de la fin, privée de ses apôtres dans l'attente du Christ. Les apôtres ont adressé à l'Eglise chrétienne un message, mais celui-ci a été refusé. Comme l'écrivait un membre d'une famille catholique-apostolique à un périodique ecclésiastique anglais il y a quelques années:
"Le fait que Notre Seigneur ne revint pas comme prévu fut perçu [par ces croyants] comme la conséquence de leur échec à préparer adéquatement l'Eglise. Le 'temps de silence' est un temps d'humilité, et non d'embarras, et c'est dans cet esprit que les membres continuent, dans la prière et la piété, à attendre que Notre Seigneur dévoile ses desseins plus clairement." (Church Times, Londres, 11 juin 1993)
Ce "temps du silence" marque donc logiquement le retrait de l'Eglise catholique-apostolique de la scène publique.
Les livres de Jean Pütze sur le mouvement catholique-apostolique
Telle fut, de façon très sommaire et simplifiée, l'histoire de l'Eglise catholique-apostolique. Celle-ci n'ayant guère été encline à ouvrir aux chercheurs ses portes ou ses archives, les études récentes à son sujet ne sont pas nombreuses. Au cours des dernières décennies, quelques livres ont été publiés en anglais et en allemand, souvent d'ailleurs par des auteurs liés (au moins par leurs origines familiales) au mouvement catholique-apostolique.
En Europe francophone, l'Eglise catholique-apostolique avait aussi une présence: l'église qu'elle avait construite à Paris (rue François-Bonvin) existe toujours, mais est aujourd'hui utilisée par une autre communauté religieuse. Tel est également le cas d'autres lieux de culte qu'elle avait édifiée. Sur le plan des publications, le lecteur francophone n'avait cependant guère de ressources, en dehors de passages assez généraux sur l'Eglise catholique-apostolique dans des ouvrages déjà anciens consacrés aux "sectes" (un terme que le mouvement catholique-apostolique aurait lui-même repoussé avec énergie, l'on verra pourquoi plus loin).
Cependant, depuis quelques années, il est possible aux personnes intéressées de trouver des volumes détaillés et en français sur l'histoire de l'Eglise catholique-apostolique. Ces volumes ne sont pas dans le commerce, mais peuvent être commandés directement à l'auteur, Jean Pütze. Celui-ci ne s'explique pas sur ses liens avec le mouvement catholique-apostolique, mais ses ouvrages sont manifestement les écrits d'une personne convaincue de la valeur de ce témoignage chrétien. Jean Pütze nous indique simplement être né en 1949, avoir fait des études de théologie et être membre de l'Eglise protestante du Luxembourg.
Il ne s'agit pas pour l'auteur de fournir une analyse historique détachée, mais de faire connaître à ses lecteurs la doctrine et l'histoire de l'Eglise catholique-apostolique telle que cette dernière les perçoit. Jean Pütze ayant accès aux documents internes de l'Eglise catholique-apostolique, il livre une somme documentaire très riche, ce qui suffit à justifier l'existence de ces livres. Certes, ils ne sont pas destinés à de simples curieux qui voudraient obtenir une information concise: mais pour ceux qui ont un sérieux intérêt historique ou théologique pour ce mouvement, ils constitueront une information appréciée, complétant également ce qui existe en langue allemande ou anglaise.
La plupart de ces études se présentent sous la forme de volumes grand format (21x29,7 cm.). Quelques-uns sont uniquement destinés aux spécialistes, comme documentation complémentaire, par exemple la traduction révisée et complétée (à partir de l'allemand) d'une chronologie, L'Œuvre du Seigneur parmi les Apôtres telle qu'elle a été accomplie dans les Communautés Apostoliques-Catholiques au cours des 19e et 20e siècles. Sa naissance, son développement et sa conclusion (2002, éd. augmentée 2005, 154 p.). Les étapes importantes de l'évolution du mouvement et de nombreux noms de ses représentants apparaissent au fil des années. Dès le début du 20e siècle, c'est particulièrement l'extinction progressive du clergé catholique-apostolique qui scande cette chronologie. De manière révélatrice, la chronologie est attentive aux déclarations sur le Saint-Esprit du concile Vatican II et à la naissance des mouvements pentecôtiste et charismatique: en raison des manifestations qui marquèrent son origine, l'Eglise catholique-apostolique a été évoquée par plus d'un historien comme un courant proto-pentecôtiste. Notons aussi que l'auteur a eu l'excellente initiative d'incorporer au volume un index des noms de personnes et lieux.
Relevons aussi que les annexes de ce volume nous livrent d'intéressants aperçus sur l'interprétation de la situation présente du mouvement par les fidèles catholiques-apostoliques. Selon l'auteur, après le décès de la plupart des Apôtres, l'idée s'est de plus en plus imposée que "cette Œuvre n'était qu'un précurseur d'une Œuvre encore plus importante" (p.<127). En effet, de son temps, Jésus envoya d'abord douze apôtres, puis soixante-dix autres disciples: l'apparition de ces Soixante-Dix est donc toujours attendue – elle l'était de façon imminente à la mort du dernier apôtre en 1901, mais les événements ramenèrent les fidèles à plus de patience. Ces Soixante-Dix ne sont pas supposés provenir spécialement de l'Eglise catholique-apostolique, mais de toute la chrétienté. Ils reconnaîtront cependant l'Œuvre accomplie avant eux par les Douze (p. 128). Aucune date n'est cependant évoquée pour la venue des Soixante-Dix.
Autre point à souligner: "les communautés catholiques-apostoliques ne se considéraient pas et ne se considèrent pas comme une communauté d'église particulière ou bien comme une secte, mais se savent adjointes à l'Eglise entière de toutes les confessions." (p. 137) De même, leur liturgie se veut "modèle [...] donné à l'Eglise entière". Dans cet état d'esprit, les croyants restés fidèles au message catholique-apostolique participent aux activités des Eglises existantes, même si l'on note des attitudes différentes quant à leurs sacrements: certains recourent aux "Eglises nationales" pour les baptêmes, mariages, enterrements et la sainte scène, tandis que d'autres s'abstiennent de participer à la cène "parce qu'ils croient que la suppression de la sainte eucharistie dans leurs communautés, suite à la disparition des prêtres, est une directive favorisant l'abstinence" (p. 138). Une partie d'entre eux en tout cas se montrent critiques face à des évolutions au sein des Eglises protestantes. Quoi qu'il en soit, "les communautés catholiques-apostoliques [...] ne réclament pas le droit d'être seules, la véritable Eglise".
Parmi les livres de Jean Pütze, celui qui retiendra cependant le plus l'attention des personnes intéressées sera son Histoire des Communautés apostoliques-catholiques des 19e et 20e siècles (2004). Muni d'un index – comme le volume précédemment signalé – cet ouvrage de quelque 250 pages offre un récit historique complet, de lecture agréable (et sans les germanismes qui émaillent certains passages de l'autre volume). Outre ce récit, le volume contient, sur 60 pages, un document capital de 1836, le Testimonium ou Témoignage des Apôtres, adressé "aux Patriarches, aux Archevêques, aux Evêques et à tous ceux qui occupent le premier rang dans l'Eglise de Jésus-Christ par toute la terre, et aux Empereurs, aux Rois, aux Princes souverains et aux Gouverneurs en chef de toutes les nations baptisées". Ce document synthétise plusieurs des principes essentiels sur lequel se fonda le témoignage catholique-apostolique.
En publiant ce volume, Jean Pütze ne veut pas simplement accomplir un travail d'historien: il s'agit également, nous explique-t-il, de "souligner [...] la contribution apportée à l'œcuménisme par le mouvement exposé" et de lancer ainsi un dialogue que l'auteur voudrait fécond pour l'œcuménisme.
Il ne s'agit pas ici de résumer cette histoire: les lecteurs intéressés pourront se procurer les volumes ici présentés. Nous nous bornerons à relever certains éléments d'un intérêt plus général pour les personnes prêtant attention à l'histoire des mouvements religieux et du christianisme contemporain.
Tout d'abord, l'ouvrage met en lumière les étapes de l'émergence progressive de la structure et des ministères de l'Eglise catholique-apostolique. Les premiers membres du mouvement avaient une forte conscience d'avoir besoin d'une ordination pour exercer un ministère: ce fut l'appel des apôtres (à commencer par Cardale à la fin du mois d'octobre 1832) qui permit de passer à cette étape et de mettre en place un clergé avec ses différentes fonctions.
Une étape importante fut la "séparation des Apôtres", le 14 juillet 1835: à partir de ce moment, les douze apôtres furent appelés à assumer pleinement leur rôle de direction de l'Eglise, commençant par se retirer durant un an à Albury dans l'isolement, afin d'y étudier et de se préparer à leur nouvelle tâche.
Le livre met aussi en lumière la diffusion progressive du mouvement: d'abord en Angleterre et en Ecosse, touchant tant des membres de l'Eglise d'Angleterre que de différentes communautés protestante. Mais un Français fut appelé dès février 1833 au ministère d'évangéliste et commença à prêcher en France en 1835, "chargé par la parole de la prophétie, de se rendre à Paris et dans d'autres villes désignées de façon précise" (p. 75). Ce ne fut qu'en 1848 que fut établie la première communauté catholique-apostolique en Allemagne, mais ce pays devait se révéler le terrain le plus fertile après l'Angleterre.
Le 14 juin 1836, une parole de prophétie donna lieu à un partage (territorial) de la chrétienté entre les apôtres. Les territoires couverts sont essentiellement ceux du monde chrétien de l'époque (toutes branches du christianisme comprises), ce qui montre bien que la démarche de l'Eglise catholique-apostolique s'adressait avant tout aux communautés chrétiennes existantes.
Les apôtres entreprirent aussi de voyager dans les régions qui leur avaient été assignées. L'objectif de ce premier voyage était d'étudier le caractère des peuples et la nature de leur vie religieuse. "Il leur fut également ordonné d'examiner les coutumes religieuses, cérémonies et Liturgies des différentes communautés ecclésiales, et ceci avec patience et amour afin de recueillir l'or (de la vérité) de toutes les parties de la chrétienté." (p. 81) On comprend ainsi mieux comment se constitua la riche liturgie de l'Eglise catholique-apostolique, qui se veut adaptée "à l'Eglise entière du Christ". En septembre 1842, dans la Chapelle des Apôtres à Albury, furent également introduits les vêtements liturgiques pour la célébration des offices. Le nom de Catholic Apostolic Church (Eglise apostolique-catholique, mais nous utilisons ici la dénomination plus courante d'Eglise catholique-apostolique).
Plusieurs pages sont bien entendu consacrées à la question du dilemme au moment du décès des premiers apôtres: les remplacer ou non? Comme nous l'avons déjà rappelé dans la première partie de cet article, des prophètes appelèrent de fait de nouveaux apôtres dès 1860, mais ces appels furent rejetés par les apôtres survivants, déclarant que les apôtres actuels suffiraient jusqu'à l'Avènement du Christ. Le livre met en outre en lumière l'émergence d'autres divergences doctrinales entre certains prophètes et les apôtres, qui entraînèrent dans les années suivantes des divisions au sein du mouvement en Allemagne, avec la postérité importante que nous avons déjà évoquée.
Le livre de Pütze offre un intéressant résumé (que l'on ne peut guère trouver ailleurs en français) sur les débuts de ce qui allait par la suite devenir l'Eglise néo-apostolique. Il explique également comment cette communauté naissante mit assez rapidement de côté les coutumes et rituels de l'Eglise catholique-apostolique, en raison de l'influx d'adhérents qui n'avaient pas eu cette expérience, mais provenaient de traditions protestantes. Les deux courants en arrivèrent ainsi à suivre des voies très différentes. Paradoxalement, alors que la scission avait eu pour source les paroles de prophètes, le ministère de prophète lui-même se trouva rapidement aboli dans l'Eglise néo-apostolique sous la direction de son premier "apôtre-patriarche", Fritz Krebs (1832-1905). Jean Pütze commente ces développements et – plus loin dans le volume – les épisodes suivants de l'histoire de l'Eglise néo-apostolique – avec une plume très critique: il s'agit ici pour lui de graves déviations, et il ne cacher pas ses sentiments à ce sujet. Il présente en outre les différentes scissions de l'Eglise néo-apostolique.
L'auteur nous explique aussi longuement comment les communautés de l'Eglise catholique-apostolique réagirent à la disparition de l'apostolat, avec les limitations qu'elles s'imposèrent et l'appel à la pénitence qu'elles virent dans cette situation imprévue. A vrai dire, nous révèle Pütze, sur le plan pratique, les réactions ne furent pas uniformes:
"Alors qu'après le décès de leurs derniers détenteurs de ministères, les communautés apostoliques-catholiques de la région anglophone – hormis quelques rares exceptions – renoncèrent volontairement à continuer d'exister, cédèrent leurs bâtiments d'Eglise à des communautés d'autres dénominations (généralement contre une taxe de location symbolique) et que leurs membres se rallièrent en plus grande partie à l'Eglise anglicane, les communautés d'Allemagne, d'Autriche, de Suisse, de France, de Belgique, des Pays-Bas et de la Scandinavie ne suivirent pas ce chemin. Ici, le ministère auxiliaire de Sous-Diacre et l'Office par des Assistants laïques (qui pouvaient tous deux être installés par le ministère d'Ange) gagnèrent de plus en plus en importance." (p. 145)
Mais cela ne faisait que retarder une situation inéluctable, puisque la disparition des détenteurs de ministère devait mettre un terme également à ces fonctions.
Faute de réponse adéquate, les apôtres ont pu ériger un modèle, conclut Pütze, mais pas aboutir à "une rénovation spirituelle de la chrétienté entière" (p. 152). L'auteur se déclare cependant convaincu que, aujourd'hui, "beaucoup d'individus demandent et cherchent maintenant la vérité que les Apôtres annonçaient" (p. 153). C'est manifestement dans cette perspective qu'il lui a paru judicieux de présenter ses écrits au public.
Indépendamment de ces objectifs, Jean Pütze a ainsi livré aux historiens du christianisme contemporain et autres personnes intéressées par ces faits religieux une utile documentation sur un mouvement rarement étudié en langue française. Il s'agit d'un labeur de foi autant que d'une démarche d'historien, mais de telles approches ont leur place, et plus encore sur des mouvements restés hors de la ligne de mire de la plupart des chercheurs.
Les livres de Jean Pütze peuvent être commandés directement à l’auteur: Sinzerstrasse 4, 66706 Perl-Nennig, Allemagne.
Si l’intérêt pour l’Eglise catholique-apostolique est presque inexistant en français, il en va autrement en anglais et en allemand, ce qui est d’ailleurs assez logique en raison de l’impact qu’avait eu le message catholique-apostolique dans ces deux aires linguistiques. Parmi les livres parus ces dernières années sur l’Eglise catholique-apostolique, signalons en anglais l’étude de Columba Graham Flegg, “Gathered Under Apostles”: A Study of the Catholic Apostolic Church, Oxford, Clarendon Press, 1992, qui porte une attention particulière à l’ecclésiologie, à l’eschatologie et à la liturgie du mouvement. Sur l’histoire en Allemagne: Johannes Albrecht Schröter, Die Katholisch-apostolischen Gemeinden in Deutschland und der “Fall Geyer”, 2e éd. revue, Marburg, Tectum Verlag, 1998. Le même auteur a publié une édition bilingue (allemand-anglais) d’un recueil relié de photographies sur l’Eglise catholique-apostolique: Bilder zur Geschichte der Katholisch-apostolischen Gemeinden – Images of the History of the Catholic Apostolic Church, Iéna, Glaux Verlag Christine Jäger KG, 2001. Enfin, certains livres un peu plus anciens et épuisés, mais que l’on peut parfois trouver chez des bouquinistes conservent leur intérêt, par exemple le livre de Rowland A. Davenport, Albury Apostles: The Story of the Body Known as the Catholic Apostolic Church (Sometimes Called “The Irvingites”), 2e éd., Londres, Neillgo Publications, 1974.