A vrai dire, les megachurches ne constituent pas un phénomène uniquement américain: il en existe en Corée, au Brésil et dans quelques pays d'Afrique. Les plus grandes du monde se trouveraient en Corée: elles déclarent attirer jusqu'à 250.000 fidèles chaque dimanche, pour les plus importantes d'entre elles!
Mais c'est aux Etats-Unis qu'ont été réalisées les études les plus détaillées sur ce phénomène. Dans le cadre de ses nombreux programmes de recherche, le Hartford Institute for Religion Research a en effet mené une première recherche d'ensemble sur les megachurches en l'an 2000 et a récemment publiée les résultats d'une seconde enquête, menée en 2005, ce qui permet de proposer une approche comparative et de dessiner des évolutions. la cheville ouvrière de ces enquêtes est le professeur Scott L. Thumma, dont la thèse de doctorat – soutenue en 1996 – était déjà consacrée au développement des méga-églises.
En 1970, il existait aux Etats-Unis 16 méga-églises accueillant plus de 2.000 fidèles chaque semaine. Le développement de communautés de ce genre a pris son essor et a attiré l'attention du public à partir des années 1970. Aujourd'hui, il y en aurait 1.210, selon l'enquête du Hartford Institute for Religion Research. Les églises étudiées par Thumma et ses collègues accueillent hebdomadairement en moyenne 3.585 personnes, une nette augmentation sur le chiffre de 2.279 relevé lors de l'enquête de l'an 2000. Selon la base de données de l'Institut, la plus importante megachurch aux Etats-Unis serait la Lakewood Church, sous la direction de Joel Osteen, à Houston, avec 30.000 fidèles chaque semaine. La célèbre Willow Creek Community Church (lllinois) en rassemble pour sa part 20.000.
Ces chiffres reposent sur des efforts importants de la plupart de ces églises afin de se faire connaître et d'attirer de nouveaux fidèles, souvent par le moyen du bouche à oreille: les contacts personnels avec des membres constituent la source la plus importante de recrutement. Cela ne signifie pas que la croissance est uniforme: certaines ont en fait décliné.
Seulement 5% des méga-églises disposent d'un lieu de culte leur permettant de faire asseoir plus de 3.000 personnes: la plupart d'entre elles (97%) doivent donc organiser plusieurs services religieux afin d'accueillir tous leurs fidèles. Ces services peuvent d'ailleurs avoir des styles différents, ce qui permet de s'adapter aux attentes de différents types de fidèles. C'est donc l'importante participation hebdomadaire et non la taille du bâtiment qui fait d'une communauté une megachurch.
La plupart des méga-églises appartiennent à une confession chrétienne, une denomination (pour utiliser le vocabulaire religieux américain); 34% d'entre elles sont cependant indépendantes (nondenominational). Certaines donnent naissance à leur propre "dénomination". Comme on le sait, l'affiliation à une organisation religieuse recouvre dans une grande partie de la population protestante américaine une notion plus fluide et mobile qu'en Europe. De façon générale, 56% des méga-églises se décrivent comme "évangéliques", 16% "pentecôtistes", 8% "charismatiques", nous apprend l'étude.
Les méga-églises sont-elles de grandes structures anonymes pour simples "consommateurs" religieux de passage? A lire les résultats de l'enquête, cela ne semble pas être le cas: au contraire, à côté d'employés à plein temps, ces grandes structures semblent exiger aussi la participation d'un nombre important de volontaires, prêts à donner du temps chaque semaine pour le fonctionnement de la communauté. Et les méga-églises semblent parvenir à conserver un pourcentage élevé de leurs fidèles. D'autant plus que le visiteur n'est pas laissé à lui-même après son premier passage: 77% des méga-églises lui adressent ensuite un courrier, 70% font l'effort de lui téléphoner, 38% envoient un courrier électronique au visiteur – et 29% envoient un de leurs membres au domicile du visiteur. De même, des efforts sont déployés pour intégrer le nouveau venu dans la communauté, par exemple en participant à un petit groupe au sein de celle-ci.
Un équilibre semble ainsi s'établir entre la grosse structure des méga-églises et le besoin de se retrouver aussi au sein d'unités à taille humaine. "Les méga-églises attirent des foules et lient [entre eux] des individus", titrait le Christian Post (26 novembre 2005). L'article citait la sociologue des religions Nancy Ammermann (Boston University School of Theology), qui soulignait quelques-unes des racines du succès des méga-églises: leurs importantes ressources matérielles leur permettent de créer des services religieux très "professionnels", avec prédicateur talentueux, musiciens de qualité, utilisation des techniques les plus modernes; mais elles proposent aussi, à côté des services religieux, une grande variété d'activités spécialisées dans le cadre de sous-groupes plus petits, en fonction des intérêts particuliers.
L'influence des megachurches semble s'étendre au delà de leurs rangs: elles influencent également les autres communautés protestantes américaines, en les incitant notamment à expérimenter de nouvelles formes de culte. Elles semblent aussi s'inscrire dans une tendance à rechercher des églises plus grandes (Christian Science Monitor, 6 février 2006).
Bien sûr, à côté de ces tendances en existent aussi d'autres, contradictoires. Small is beautiful est un adage qui a aussi ses partisans dans le domaine religieux: aux megachurches, certains évangéliques préfèrent les minichurches (house churches, "églises de maison"), qui se réunissent en petits groupes dans le salon d'un fidèle et se subdivisent en nouvelles petites cellules dès qu'elles atteignent quelques dizaines de participants. Pas de loyer à payer, pas de salaire pour un pasteur: l'essentiel des offrances des participants peuvent être utilisées pour des œuvres charitables et autres projets (Time, 27 février 2006).
Megachurches ou house churches – les unes et les autres illustrent surtout la variété des formes d'organisation et de culte que connaît aujourd'hui le protestantisme, aux Etats-Unis et ailleurs.
La section du site du Hartford Institute for Religion Research sur les megachurches, avec les études disponibles à télécharger:
http://hirr.hartsem.edu/org/faith_megachurches.html