Au cours du dernier quart du XXe siècle, et particulièrement dans les années 1990, des rapports officiels sur les sectes furent publiés dans plusieurs pays européens. L'un des rapports les plus volumineux fut celui d'une commission d'enquête de la Chambre des Représentants de Belgique, Enquête parlementaire visant à élaborer une politique en vue de lutter contre les pratiques illégales des sectes et le danger qu'elles représentent pour la société et pour les personnes, particulièrement les mineurs d'âge (1997). Ses deux volumes (bilingues, français-flamand) comptaient plus de 300 pages chacun.
Le rapport de 1997 eut des conséquences pratiques: par exemple la création, par loi du 2 juin 1998, d'un Centre d'information et d'avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN), qui dispose de plusieurs collaborateurs et de ressources documentaires. Depuis 1999, le CIAOSN aurait été amené à examiner les activités de 598 mouvements (N.B.: il s'agit de groupes sur lesquels le CIAOSN a été consulté, sans qu'il les qualifie nécessairement de "nuisibles" – il faut plutôt y voir un reflet de la curiosité ou des interrogations du public sur une large palette de groupes).
Cependant, la commission de 1997 eut le sentiment que ses recommandations n'avaient pas été suffisamment suivies, ce qui entraîna en 2004 la mise sur pied d'un groupe de travail parlementaire. C'est ce groupe qui est l'auteur du rapport publié en mars 2005, intitulé Suivi des recommandations de la commission d'enquête parlementaire "sectes". Le document (bilingue) est long d'une cinquantaine de pages. Il est disponible: nous n'en proposerons pas ici une synthèse complète, mais nous résumerons brièvement quelques-uns de ses axes et quelques-unes des informations qu'il apporte.
Les auteurs du nouveau rapport disent avoir constaté "une recrudescence des activités sectaires dans le domaine de la santé, du développement personnel et de la formation". Le groupe de travail souhaite donc notamment une application plus stricte des dispositions légales dans le domaine médical et un cadre pour régir l'exercice d'activités psychothérapeutiques.
Le rapport soutient également les efforts récents de parlementaires belges pour introduire des dispositions légales contre la "contrainte psychologique". Le rapport prête une attention particulière à la loi française du 12 juin 2001 visant à "renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme" (loi About-Picard), loi qui vise notamment à protéger des personnes mises "en état de sujétion psychologique ou physique résultant de pressions graves et réitérées ou de techniques propres à altérer [leur] jugement": en effet, il existe de premiers exemples de tentatives de tribunaux d'appliquer cette loi (notamment dans le cadre de l'affaire du groupuscule Néo-Phare). Notons au passage que, depuis la présentation du rapport, le Conseil des ministres de la Belgique a approuvé, le 31 mars 2006, un avant-projet de loi visant à réprimer l'abus de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse; la prise en compte de ces aspects n'est certes pas inconnue du Code pénal belge, mais la nouvelle loi en ferait une infraction à part entière.
Sur un autre plan, le rapport belge s'intéresse à l'information et au rôle des médias. En comparant la situation belge avec celle de la France voisine, le groupe de travail estime que les médias belges jouent un rôle moins actif et semblent éprouver un moins fort intérêt pour la question des sectes.
Le rapport juge en outre que la coordination entre les services de l'Etat est insuffisante. En ce qui concerne les instances judiciaires, les services de police et la Sûreté de l'Etat, le rapport constate que "les pratiques sectaires nuisibles ne sont pas retenues comme une priorité dans le plan national de sécurité de la police fédérale", qui met plutôt l'accent – pour des raisons évidentes – sur le terrorisme. Le rapport reflète cependant une inclination à considérer les questions de sectes sous un angle criminologique, tout en posant simultanément le constat des difficultés présentées par cette approche, par exemple lorsque les auteurs notent que, "contrairement au crime organisé, le phénomène ne présente pas de paramètres clairs qui permettent de déduire presque automatiquement s'il comporte ou non des éléments d'ordre criminel".
Le rapport fournit au passage quelques intéressantes informations sur les activités des services de police et de renseignement belges envers les sectes. Dans le cadre de la Direction générale de la police judiciaire, un service central terrorisme et sectes a été mis en place au sein de la Direction de la lutte contre la criminalité dirigée contre les personnes. Cependant, ce service ne dispose en ce moment "que d'un seul spécialiste en matière sectaire", nous apprend le rapport. Son rôle semble avant tout être celui d'une coordination et centralisation des données. En outre, dans les différents arrondissements judiciaires, une collecte d'informations est opérée. Du côté de la police administrative, treize "organisations sectaires susceptibles de constituer une menace pour l'ordre public" feraient l'objet d'un suivi.
Le rapport suggère que le nouvel Organe de coordination pour l'analyse de la menace, qui devrait voir le jour prochainement, reçoive "toutes les informations utiles concernant les pratiques sectaires qui peuvent représenter une menace pour le pays".
Le rapport met aussi l'accent sur la nécessité d'une "intensification de la coopération avec les instances européennes et internationales" (Interpol, Union européenne, Conseil de l'Europe). La coopération entre la France et la Belgique est "étroite et régulière". En revanche, "la coordination entre les différents pays européens n'est pas toujours aisée vu la différence de conceptions entre le nord de l'Europe et les pays anglo-saxons, d'une part, et des pays comme l'Allemagne, la France, la Belgique, voire certains pays d'Europe de l'Est, d'autre part."
A vrai dire, la lecture de ce nouveau rapport rend une fois de plus ces différences manifestes. Mais ce document, outre l'intéressant état de situation qu'il dresse pour la Belgique, témoigne aussi que le débat autour des sectes n'a pas perdu de sa pertinence pour certains acteurs et, en fonction des développements de l'actualité, reste susceptible de refaire surface et d'occuper à nouveau des gouvernements et opinions publiques.
Le rapport belge de 1997 peut être téléchargé (format PDF) sur le site de la Chambre des Représentants de Belgique:
Première partie (3331 Ko): http://www.dekamer.be/FLWB/pdf/49/0313/49K0313007.pdf
Seconde partie (2650 Ko): http://www.dekamer.be/FLWB/pdf/49/0313/49K0313008.pdf
Il en va de même du rapport de mars 2006:
http://www.lachambre.be/kvvcr/pdf_sections/comm/sekte/51K2357001.pdf