Séparément mais de manière quasi concomitante, l'Association des ordres bouddhistes de Corée et le diocèse d'Incheon ont publié des communiqués pour exprimer leurs réserves quant à ce projet, estimant qu'une télévision commerciale d'inspiration protestante était de nature à mettre en danger l'harmonie interreligieuse.
A l'origine de l'affaire se trouve la faillite de la station de télévision iTV, qui a cessé d'émettre en décembre 2004. Cinq repreneurs ont, dans un premier temps, déposé un projet de relance auprès de l'autorité de tutelle, la Commission coréenne de télédiffusion. Après le rejet par celle-ci des cinq projets, deux consortiums ont soumis de nouvelles propositions. L'un d'eux, Gyeong-In TV, est doté d'un capital de 160 milliards de wons (140 millions d'euros), réuni par divers partenaires dont le sixième partenaire, par la taille de l'investissement, est CBS, Christian Broadcasting System, avec 5 % des parts. CBS est actif dans le domaine de la télévision et de la radiodiffusion depuis plusieurs années.
Par un communiqué en date du 29 mars dernier, l'Association des ordres bouddhistes de Corée, qui réunit 27 ordres - dont l'Ordre Jogye, le plus important du pays -, estime que Gyong-In TV sera en fait dirigé par CBS, que "la station locale de télévision deviendra un moyen au service de la mission de l'Eglise qu'elle représente et que, par conséquent, un accès égal aux médias télédiffusés pour toutes les religions ne sera pas respecté - ce qui pourrait être la cause de graves tensions interreligieuses, voire de conflits".
Quelques jours auparavant, le 23 mars, le diocèse d'Incheon, situé dans la province de Gyeonggi, avait publié un communiqué déplorant qu'"une religion spécifique" mène le consortium. Mettant en avant le fait qu'une station de télévision locale doit fournir un service "général" à l'ensemble de la population vivant dans la région, le diocèse ne souhaite pas voir une station de télévision contrôlée par une religion.
Le 3 avril dernier, CBS a répondu au communiqué de l'association bouddhiste, démentant le fait qu'il aura la conduite opérationnelle de la station de télévision. "Il est impensable que CBS, sixième actionnaire, puisse contrôler le consortium dans sa globalité, simplement en niant le rôle des actionnaires plus importants que lui", pouvait-on lire dans le texte rendu public. Même si CBS a acquis une expérience dans le domaine de la télédiffusion, les programmes de la future télévision resteront "généraux". Quant à dire que CBS investit dans cette télévision à des fins missionnaires, une telle affirmation n'a pour objet que de discréditer le projet dans sa globalité, ont encore estimé les responsables de CBS.
CBS a par ailleurs mis en avant le fait que le diocèse catholique de Wonju avait lui aussi investi dans la télédiffusion, avec Wonju Munhwa Broadcasting Corporation (MBC), une entreprise commerciale de radio et de télédiffusion sur la province de Gangwon. Avec une participation de 40 % dans Wonju MBC , "nous n'avons pas entendu dire que les programmes y étaient spécifiquement 'catholiques' ", se sont défendu les dirigeants de l'entreprise protestante qui, par ailleurs, affirment que leur groupe n'a rien à avoir avec "une mission d'Eglise". Leur objectif, ont-ils mis en avant, est de produire des programmes "de bonne qualité" pour satisfaire le grand public et in fine générer des profits.
Pour le P. Joseph Lee Hak-ro, vicaire général du diocèse d'Incheon, "ce qui nous cause du souci est que, bien que CBS ne détienne que 5 % du capital du consortium, on peut s'attendre à ce que les autres investisseurs se reposent principalement sur CBS pour faire tourner la station, tout simplement du fait que CBS a acquis une expérience dans ce domaine". Selon lui, le parallèle avec le diocèse de Wonju n'a pas lieu d'être car la participation capitalistique du diocèse dans Wonju MBC remonte au début des années 1970, lorsque la station avait besoin d'argent pour commencer à émettre, et parce que le diocèse n'est pas impliqué dans la gestion ou la conduite des programmes. Si CBS a vraiment l'intention de "gérer" et d'"organiser la production des émissions", le risque existe de voir l'harmonie interreligieuse perturbée dans la région.
La Commission coréenne de télédiffusion a annoncé qu'elle rendrait son choix, quant à l'opérateur sélectionné pour reprendre iTV, avant la fin du mois d'avril 2006.
Cet article a été publié dans le N° 439 (16 avril 2006) d’Eglises d’Asie, Agence d’Information des Missions Etrangères de Paris (128 rue du Bac, 75341 Paris Cedex 07).