L'édition originale italienne de cet ouvrage était parue en 1994, sous le titre Storia del New Age 1962-1992, rééditée par la suite comme New Age & Next Age (2000). Plus de dix années ont donc passé avant une édition française: Le New Age des origines à nos jours. Courants, mouvements, personnalités (Dervy, 2005), augmenté d'une introduction pour mettre à jour la présentation. Mais cette histoire du New Age est plus qu'un récit chronologique: elle s'intéresse également aux définitions et contient un résumé des principaux concepts de ce courant.
A vrai dire, le livre vient après la grande vogue du "Nouvel Age". C'est une question qu'aborde d'ailleurs Introvigne dans son introduction à l'édition française: dès le début des années 1990, on parla d'une "crise du New Age", car la transformation imminente, la mutation planétaire attendue, ne paraissait pas s'amorcer à l'horizon. Cependant, remarque l'auteur, si cette déception a conduit certains participants à s'éloigner, à se tourner vers des mouvements plus structurés ou à revenir occasionnellement aux croyances traditionnelles, le New Age n'a pas disparu corps et biens, mais a donné naissance à une étape suivante, ce que l'on appelle – notamment en Italie – le Next Age, qui peut être décrit comme le passage "de la troisième à la première personne du singulier" (p. 19). L'accent est mis sur la transformation individuelle, sur le bien-être et la satisfaction personnelle, sur un "âge d'or privé". L'idéologie du Nouvel Age reprenait des thèmes déjà présents dans la "religiosité parallèle" occidentale: ses apports sont à leur tour intégrés dans de nouvelles propositions. Même si l'ouvrage aura sans doute moins de succès qu'au moment où tous les grands magazines publiaient des dossiers sur le New Age, sa parution en français reste opportune.
Il n'existe de plus en français aucune volume équivalent par l'approche à la fois panoramique, documentée et distanciée qu'il offre. Ceux qui ont lu d'autres livres de Massimo Introvigne seront un peu surpris au premier abord – et l'auteur s'en explique d'emblée – de le voir traiter le sujet non de façon strictement "neutre", mais en incluant des jugements de valeur d'un point de vue catholique. Introvigne est surtout connu comme directeur du CESNUR (Centre d'études sur les nouvelles religions), mais il ne cache pas par ailleurs ses propres convictions catholiques: ce livre s'adressait à l'origine d'abord à un public catholique et était paru en italien à l'enseigne de maisons d'édition catholiques, même s'il voit le jour dans sa version française chez un éditeur qui n'a pas une telle étiquette.
Le livre contient donc des évaluations théologiques; son dernier chapitre est spécifiquement consacré au défi pour la foi chrétienne. Le New Age intéressera par conséquent des lecteurs chrétiens en quête de points de repère. Cependant, il offre aussi une information historique et doctrinale solide, que des lecteurs francophones trouveraient difficilement ailleurs, et il attirera sans doute aussi un public non chrétien, y compris des personnes elles-mêmes engagées dans des courants New Age.
Si le New Age – l'auteur utilise systématiquement la désignation anglaise – recycle nombre d'éléments déjà présents antérieurement, il n'apparaît pas avant les années 1960 comme phénomène spécifique. Des figures comme Alice Bailey et son Ecole Arcane – qui utilisent l'expression New Age – doivent être vus comme des précurseurs, pas comme points de départ du New Age proprement dit.
Celui-ci se caractérise par des réseaux sans hiérarchie et sans centralisation. Introvigne souligne que ceux qui veulent y voir une organisation pyramidale – c'est entre autres le fait de certains critiques chrétiens virulents – se trompent entièrement sur la nature d'un phénomène dans lequel ce qui apparente des groupes est un simple "air de famille". Cela rend quasiment impossible tout dénombrement des adeptes. Il est revanche possible d'identifier les "courants et tendances" du New Age ainsi que leurs sources, comme le fait Introvigne dans un chapitre autour de trois pôles: les spiritualités alternatives (intérêt pour les religions non chrétiennes, christianisme ésotérique, spiritisme, occultisme, néo-paganisme, extraterrestres, astrologie); les thérapies alternatives (médecine holistique, mouvement végétarien, psychologies alternatives, mouvement du recovery); les organisations sociales alternatives (mouvement des communes, écologie profonde et nouvelle science, nouvelle politique).
Le New Age n'a pas non plus une doctrine structurée, mais ceux qui se reconnaissent dans cette vision du monde sont attachés à certaines idées fondamentales, sur fond de relativisme: le monde connaît d'infinis niveaux différents de réalité, et chacun peut donc créer sa propre réalité. Cela remet en cause les autorités tant religieuses que scientifiques, mais n'empêche pas de reconnaître – "en faisant appel au tribunal de l'expérience" (p. 140) – que les idées générales propres au New Age revêtent une validité que n'ont pas les idées opposées. Il est ainsi possible d'esquisser, sur ce fond de relativisme évolutioniste, les contours d'une vision du monde du New Age, qui préfère la notion de "spiritualité" à celle de "religion" (rejetant l'aspect dogmatique et hiérarchique des religions"), qui "correspond au panthéisme selon toutes les définitions courantes de ce terme" (p. 152) et qui entend transformer les consciences individuelles vers une "conscience planétaire".
Le livre présente également quelques mythes et figures du New Age, un choix inévitablement subjectif si l'on s'efforce de cerner une mouvance de ce genre.
Le New Age des origines à nos jours offre ainsi une synthèse bienvenue pour mettre un peu d'ordre sur un sujet où règne généralement le flou, même si la dimension théologique de l'analyse surprendra vraisemblablement une partie des lecteurs.
Massimo Introvigne, Le New Age des origines à nos jours. Courants, mouvements, personnalités (trad. Philipppe Baillet), Paris, Dervy, 2005 (302 p.).