Le déclic fut la situation en Indochine: boat people, réfugiés venus du Cambodge, posèrent aux bouddhistes japonais une défi humanitaire. Dans la société japonaise, de plus en plus nombreuses étaient les voix qui dénonçaient le bouddhisme comme coupé des préoccupations sociales. Ceux des prêtres actifs dans le domaine humanitaire eurent en outre un choc en visitant les zones de crise: l'essentiel de l'aide provenant de milieux religieux était le fait de chrétiens occidentaux, tandis que les bouddhistes étaient largement absents.
Cette prise de conscience et la volonté de démontrer à la société japonaise la pertinence du bouddhisme pour le monde moderne et ses préoccupations conduisirent à la création d'organisations non gouvernementales (ONG), nous explique Jonathan S. Watts (Jodo Shu Research Institute, Tokyo) dans un rapport publié par le Japanese Journal of Religious Studies dans son dernier numéro de l'année 2004.
Le concept d'ONG au Japon n'est pas exactement le même qu'en Occident, rapporte l'auteur: il se réfère à des organisations engagées dans des activités de coopération internationale, et non dans des activités domestiques. Cependant, après l'impulsion initiale de la crise indochinoise, Watts distingue un deuxième tournant dans le développement des ONG bouddhistes au Japon qui correspond bel et bien à un événement domestique: le tremblement de terre de Hanshin, en 1995. Le manque d'efficacité de l'action gouvernementale conduisit à un fort engagement privé, y compris de la part des ONG bouddhistes en principe orientées vers l'action en dehors du Japon.
En 1998, troisième tournant: une nouvelle législation permit de déductions fiscales pour les donations de contribuables à des fins humanitaires. Cela ouvrit aux ONG - religieuses ou non - de nouvelles possibilités de financement, et en incita également certaines à adopter de nouvelles stratégies pour s'adresser à un public plus large.
Lui-même animateur d'un think tank de "bouddhistes socialement engagés", Think Sangha, Watts note que les ONG bouddhistes ont souvent tendu à opérer dans un certain isolement: c'est en partie afin d'y pallier qu'a été créé en 2002 un Buddhist NGO Network. L'auteur s'interroge sur l'impact des événements du 11 septembre et de la crise en Irak, qui a donné au thème de la paix dans le monde une nouvelle actualité au Japon: selon lui, les ONG bouddhistes se montrent sensibles à ces préoccupations, mais elles suivent plus une tendance générale qu'elles ne guident la société japonaise, dans laquelle le degré de crédibilité des organisations religieuses n'est pas très élevé.
L'article se termine par une informative liste commentée de quelques-unes des ONG bouddhistes japonaises, avec leurs adresses, leurs effectifs, un historique et une description de leurs principaux champs d'action.
Jonathan S. Watts, “A Brief Overview of Buddhist NGOs in Japan”, Japanese Journal of Religious Studies, 31/2, 2004, pp. 417-428.
Adresse: Japanese Journal of Religious Studies, Nanzan Institute for Religion and Culture, 18 Yamazato-cho, Showa-ku, Nagoya 466-8673, Japan.
Site web: www.nanzan-uc.ac.jp/SHUBUNKEN/publications/jjrs