L'auteur de l'article, Andreas Fincke, rappelle tout d'abord les commentaires suscités en 2004 par la réponse à un parlementaire allemand qui s'interrogeait sur les subventions étatiques accordées aux Eglises. Avec surprise, l'opinion publique avait découvert que - en proportion du nombre de ses membres - l'Humanistische Verband Deutschlands (HVD) était bien plus généreusement subventionnée que les communautés religieuses: en 1999, elle avait reçu de l'Etat des subventions équivalant à 3.018 DM par membre, tandis que les Eglises protestante et catholique n'avaient bénéficié que de 20 DM par membre et la communauté juive 1.114 DM par membre. Les proportions n'ont pas vraiment changé au cours des années suivantes: l'Humanistische Verband vit pour la plus grande part des subventions étatiques, et non des dons reçus de ses adhérents.
L'occasion était bonne pour s'intéresser à ce groupe, et plus largement à la situation des communautés "non religieuses" dans l'Allemagne d'aujourd'hui.
Fincke rappelle que le mouvement des libres penseurs - qui exigeait de ses adhérents de sortir de leur Eglise - comptait 600.000 membres en Allemagne en 1933, mais n'a jamais réussi à retrouver une importance équivalente après la 2e guerre mondiale, malgré les progrès de la sécularisation en Allemagne.
La HVD a été fondée à Berlin en janvier 1993 comme organisation faîtière de milieux éloignés des Eglises (athées, libres penseurs, etc.). Des groupes actifs tant dans l'ancienne Allemagne de l'Ouest que dans l'ancienne Allemagne de l'Est y ont adhéré: comme le rappelle l'auteur, la réunification de l'Allemagne a eu notamment pour conséquence l'intégration d'une importante population déchristianisée de l'ancienne zone communiste.
La HVD regroupe une trentaine d'associations, sans être cependant présente dans tous les Länder. Dans quelques Länder, l'association bénéficie d'un statut de corporation de droit public, comme les grandes Eglises.
Elle compterait aujourd'hui quelque 10.000 membres. Le groupe le plus important, indique Fincke, sont les "humanistes libres" du Land de Basse-Saxe, qui entretiennent également une série d'institutions sociales.
La HVD s'est efforcée d'organiser et de coordonner les milieux d'Allemands sans religion: peu nombreux sont cependant parmi eux ceux qui ressentent le besoin de s'affilier à des groupes organisés, ce qui a pour conséquence que ceux-ci sont généralement petits.
Parmi les champs d'activité les plus importants de la HVD, Fincke mentionne l'éducation scolaire aux valeurs éthiques (Lebenskundeunterricht, littéralement "enseignement de la science de vie"). C'est l'équivalent (librement choisi) de l'enseignement religieux pour écoliers sans confession: à Berlin, 37.000 écolières et écoliers prennent part à ces cours en 2004-2005. (Pour comparaison, la même année, dans la capitale allemande, 90.000 enfants reçoivent une éducation religieuse protestante et 24.000 une éducation religieuse catholique.)
La HVD offre également des rituels séculiers pour les grandes étapes de l'existence, des formations (il existe pour cela à Berlin une Académie humaniste depuis 1997), des projets sociaux (garderies, soins à domicile, etc.), l'accompagnement de personnes en fin de vie, etc.
Il ne s'agit donc pas, remarque Fincke, d'une simple organisation d'athées militants ou d'opposants aux Eglises, mais bien d'une structure qui offre avant tout une aide pratique pour différentes circonstances aux personnes sans confession. La HVD reconnaît que les religions représentent d'autres instances éthiques, avec lesquelles elle se trouve en concurrence. Elle forme à son tour une communauté de type analogue, bien que sur des bases non religieuses.
Comme la plupart des groupes athées et libres penseurs, la HVD souhaite l'abolition des privilèges des religions: mais, dans l'immédiat, elle juge plus judicieux de faire en sorte que les "humanistes" bénéficient aussi de l'aide étatique. De même, bien qu'elle exige en principe la séparation de la religion et de l'école, la HVD fait en défintive le choix - dans les circonstances présentes - d'introduire son propre enseignement, en parallèle de l'instruction religieuse organisée par les Eglises.
Fincke voit donc dans l'organisation et l'évolution de la HVD - dont le nouveau président voit le rôle plus dans le service à ceux qui sont en dehors des Eglises que dans l'encouragement à les quitter pour ceux qui appartiennent encore à celles-ci - l'indice d'une évolution importante dans le champ des groupes athées et libres-penseurs. De nouvelles structures de ce type représentent un autre modèle que celui des libres-penseurs des générations précédentes.
Site de l’Evangelische Zentralstelle für Weltanschauungsfrage, qui publie le mensuel Materialdienst, dans lequel est paru l’article d’Andreas Fincke:
www.ekd.de/ezw/ezw_index.html