On trouve des croyants orthodoxes en Chine depuis le XVIIe siècle, quand, sur ordre de l'empereur Kangxi, le fort frontalier d'Albazine fut enlevé par les guerriers chinois et la garnison faite prisonnière en même temps que "son pope blanc" Maxime. C'est pratiquement avec le père Maxime que commença l'histoire de la mission spirituelle russe en Chine, instituée officiellement par Pierre Ier en 1712. Cette mission joua d'ailleurs aussi le rôle de représentation diplomatique pendant un siècle et demi. Ces locaux abritent, aujourd'hui, l'ambassade de Russie à Pékin.
Les membres de la mission ont réussi, au fil des siècles, à entretenir la foi orthodoxe parmi les descendants des cosaques d'Albazine, qui se sont mêlés aux peuples chinois et mandchou, et à convertir une partie, petite certes, de la population locale (en 1918, on comptait près de 10 000 Chinois parmi les paroissiens). Les Saintes écritures et les textes liturgiques furent traduits en chinois à leur intention.
Les missionnaires russes en Chine ont jeté les bases de la recherche orientaliste nationale et largement œuvré sur le terrain de la diplomatie. C'est en partie grâce à leurs travaux que la Russie et la Chine n'ont jamais été en guerre l'une contre l'autre. La mission a malheureusement pris fin en 1954, pour des raisons politiques. Elle comptait alors une centaine d'églises orthodoxes dans plusieurs régions du pays. La plupart d'entre elles ont été détruites lors de la révolution culturelle.
Lorsque la mission fut dissoute, le Saint Synode, à Moscou, décida d'instituer une Eglise orthodoxe chinoise autonome. Elle était dirigée par un Chinois d'origine, l'évêque Vassili (Chuan) de Pékin, ordonné en Russie en 1957. Lui et l'évêque Siméon de Shanghai sont décédés dans les années 1960. Le dernier prêtre chinois à célébrer la liturgie, le père Grigori Tchou, est mort en 2000. Il était au service de l'église de l'Intercession de Harbin, qui avait été rouverte en 1986. L'an dernier, les croyants de la capitale ont enterré le père Alexandre Dou, le dernier prêtre orthodoxe vivant à Pékin,. Quant au nombre des citoyens chinois orthodoxes, les estimations varient de 7.000 à 15.000 croyants.
Il reste 12 lieux de culte orthodoxe répartis dans diverses régions de la Chine. Trois d'entre eux (situés au Xinjiang et en Mongolie intérieure) ont été reconstruits ces dix dernières années à la place des églises détruites durant la révolution culturelle. Le financement des travaux a été assuré par le gouvernement chinois. Une autre église est toujours en construction à Tchougoutchak. Plusieurs églises ont été restaurées dans les années 90, toujours aux frais de l'Etat. A Pékin, il ne reste plus une seule église à l'exception de l'église de la Dormition, située sur le territoire de l'ambassade de Russie. Elle abrite toujours, malheureusement, le garage de l'ambassade. La salle de réception de l'ambassade a elle aussi été aménagée dans l'ancienne chapelle privée. Plusieurs fois dans l'année, un prêtre venu de Russie y célèbre un service pour les diplomates et les ressortissants russes.
A Shanghai, les deux églises, bien conservées, ont été construites par des émigrés russes dans les années qui précédèrent la Seconde guerre mondiale. L'une d'elles abrite un restaurant français, et l'autre une boîte de nuit. Nous espérons voir la situation rapidement changer: au mois de juillet 2004, en effet, l'ambassadeur de Chine en Russie a affirmé au métropolite Kirill que ces établissements de divertissement quitteraient bientôt les églises.
A Harbin, l'église est ouverte aux croyants, les paroissiens se rassemblent les jours de fête et prient comme ils le peuvent, sans prêtre. L'été dernier, un prêtre du diocèse d'Ekaterinbourg y a été envoyé avec l'accord des autorités locales; il y a célébré la liturgie pendant deux semaines. Nous espérons que cette pratique sera poursuivie.
A Labdarin (Erguna), en Mongolie intérieure, où vivent plusieurs milliers d'orthodoxes, on comptait 18 églises avant la révolution culturelle. En 1999, les autorités locales en ont fait construire une nouvelle. Elle est entièrement vide à l'intérieur et aucun service n'y est célébré. En 2000, le Saint Synode de l'Eglise orthodoxe russe a décidé d'une aide fraternelle aux croyants chinois: prendre en charge l'aménagement intérieur du bâtiment et convenir de sa bénédiction avec les autorités chinoises. Tout le nécessaire a été acheté, y compris l'iconostase. L'argent a été débloqué par le patriarche Alexis. Mais il n'a toujours pas été possible d'acheminer le mobilier en Chine: il est stocké depuis quatre ans dans la ville frontalière de Priargoun, les douaniers chinois attendant l'autorisation ad hoc de leurs supérieurs.
18 étudiants venus de plusieurs provinces chinoises font leurs études dans les écoles de théologie de l'Eglise orthodoxe russe. Certains devraient être bientôt prêts pour l'ordination. Mais nous ne savons pas encore très bien s'ils obtiendront ou non l'autorisation de mener une activité religieuse dans leur patrie. Nous espérons, bien entendu, que l'affaire sera réglée au mieux.
On observe ces derniers temps, chez les dirigeants chinois, des signes montrant qu'ils sont plus attentifs aux besoins des croyants orthodoxes. Cela a été confirmé lors de la visite qu'a effectuée, au mois d'août dernier, une délégation de l'Eglise russe conduite par l'évêque Marc (Egorievski). Des pourparlers ont eu lieu avec des représentants de l'administration chinoise en charge des affaires religieuses ainsi qu'avec le ministère chinois des Affaires étrangères.
Il a été dit que la partie chinoise ne s'opposerait pas à l'enregistrement officiel de la communauté orthodoxe des habitants de Pékin. Quant aux prêtres venant de Russie, la question demeure assez complexe du fait des particularités de la législation chinoise. Mais nous espérons toutefois que le développement positif des relations entre nos pays et pays permettra de trouver une décision provisoire acceptable, en attendant que l'Eglise orthodoxe chinoise autonome renaisse pleinement à la vie.
Archiprêtre Nikolaï Balachov
© 2004 RIA-Novosti