Le Concile épiscopal de l'Eglise orthodoxe russe (EOR) est - d'après ses statuts - l'organe suprême de l'Eglise russe et se penche sur les problèmes essentiels de la vie ecclésiastique. Il est convoqué tous les quatre ans.
Cette année, il s'est réuni solennellement le 3 octobre 2004 à Moscou, dans la Salle des congrès de la Cathédrale du Christ Sauveur, et a poursuivi ses travaux jusqu'au 8 octobre. Le Concile a clôturé ses travaux à la Laure de la Trinité Saint-Serge, le principal monastère de Russie.
La marche vers la réconciliation de deux communautés orthodoxes opposées jusqu'à une période récente - l'Eglise orthodoxe ousse et l'Eglise orthodoxe russe hors frontières - aura été l'événement marquant du Concile.
L'origine de cette hostilité coïncide avec la révolution, qui fut suivie de persécutions sans précédent pour une grande partie de l'Eglise russe; l'autre partie, qui se trouvait géographiquement à l'étranger, resta préservée et assuma le rôle de successeur de fait du géant déchu.
L'Eglise russe hors frontière n'accepta pas de voir l'EOR s'engager, contrainte et forcée, dans une politique de collaboration avec le pouvoir athée: elle se fit le critique sévère de la métropole. Il s'ensuivit une irritation réciproque et des querelles entre les deux branches de l'orthodoxie russe. Seule la chute du système soviétique et la désintégration de l'URSS ont permis de sortir de l'impasse.
L'initiative de la réconciliation appartient au Patriarche de Moscou et de toutes les Russies Alexis II. Le 17 octobre 1991, il écrivit une lettre ouverte aux hiérarques de l'Eglise russe hors frontière pour dire: les chaînes sont tombées, nous sommes libres, ce qui est un préalable au dialogue.
Le métropolite Laure, chef actuel de l'Eglise russe hors frontières, a également choisi la voie du dialogue.
Pendant une visite effectuée à New York en 2002, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a rencontré le métropolite Laure et l'a invité à se rendre en visite en Russie. L'invitation a été acceptée avec reconnaissance.
Ainsi, au printemps 2004, les hiérarques de l'Eglise russe hors frontières, conduits par le métropolite Laure, ont effectué leur première visite officielle à Moscou. Des pourparlers fructueux ont eu lieu dans la résidence du Patriarche. Un office de grande importance symbolique a été célébré sur in lieu d'exécutions massives, à Boutovo. Plusieurs rencontres se sont déroulées entre les délégations des deux Eglises à Moscou et à Munich, les pierres d'achoppement ont été identifiées.
Dans son rapport au Concile, le métropolite Kirill de Smolensk et de Kaliningrad, président du Département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou chargé des rapports avec l'Eglise russe hors frontières, a brossé un tableau détaillé de ces rapports complexes.
Les attentes de l'EOR envers l'Eglise russe hors frontières portent sur la résolution des problèmes suivants: parmi les prêtres qui célèbrent au sein de l'Eglise russe hors frontières, certains avaient fait l'objet de sanctions ecclésiastiques de l'EOR pour diverses raisons; de plus, des structures ecclésiastiques parallèles ont été crées par l'Eglise hors frontières sur le territoire contrôlé par l'EOR.
Les demandes de l'Eglise hors frontières étaient plus nombreuses. Premièrement, elle exigeait la condamnation du message adressé en 1927 par le métropolite Serge, dans lequel ce dernier adopte une politique de compromis incessants avec le pouvoir impie. Deuxièmement, les hiérarques étrangers estimaient que l'EOR s'était trop engagée dans l'oecuménisme. A leur avis, c'est une voie pernicieuse. Troisièmement, ils exigeaient la canonisation de milliers de nouveaux martyrs parmi ceux qui avaient été tués par le pouvoir athée.
Une partie des réponses à ces questions ont été données au Concile précédent qui s'est tenu en 2000. Voici, en bref, les idées et les actions de l'EOR, en réponse aux critiques émises par l'Eglise russe hors frontières.
L'EOR estime que le message du métropolite Serge n'est qu'un document historique, le fruit de la violence employée à l'encontre de l'Eglise, une décision prise sous la contrainte des circonstances, et que l'Eglise ne respecte plus depuis longtemps ni dans l'esprit, ni dans les actes.
La ligne œcuménique a été sévèrement condamnée, les martyrs ont été canonisés, y compris le dernier empereur et toute la famille impériale.
Selon la déclaration du Concile, il n'existerait donc plus de divergences empêchant la réunification des deux branches de l'orthodoxie sous l'égide du Patriarcat de Moscou: l'unité canonique serait désormais rétablie, l'Eglise russe hors frontières conservant son autonomie.
Une seule chose, dans ce tableau de la réconciliation, peut mettre la société russe sur ses gardes. Il a été décidé de ne plus donner de publicité aux litiges entre l'EOR et l'Eglise russe hors frontières, qui seraient désormais réglés à huis clos. Cela change sensiblement l'atmosphère dans laquelle baignait la communauté religieuse russe. Les critiques émises à l'étranger permettaient d'influer sur la politique de l'Eglise et de la changer. Désormais, il en sera autrement.
Certes, la prière commune sera plus forte, ce qui est décisif pour la foi. Mais, pour la communauté des croyants, la situation sera un peu différente. La rigueur de l'Eglise hors frontières, l'orthodoxie de ses approches, pourraient freiner, après la fusion, l'établissement de liens directs avec le monde des croyants dans son ensemble, orientation que privilégie officiellement l'Eglise orthodoxe russe.
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