En France, la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) est chargée de la recherche et de la centralisation des renseignements destinés à informer le gouvernement dans le domaine de la sécurité intérieure. La DCRG, qui relève de la police nationale, emploie 3.850 fonctionnaires de tous grades. Les RG (pour utiliser l'abréviation courante) ont plusieurs missions, notamment celle de surveiller les évolutions sociales pouvant présenter des défis pour le fonctionnement de l'Etat. L'une de ses quatre sous-directions s'occupe en effet"de l'analyse, de la prospective et des faits de société".
Cela comprend le suivi des phénomènes religieux: l'on se souvient par exemple que la liste de groupes figurant dans le rapport parlementaire français sur les sectes de 1995 avait pour source un document de travail établi par les RG - document à usage interne, dont l'utilisation n'avait d'ailleurs pas été très appréciée de ses auteurs, paraît-il...
A l'heure où certains pensent que devrait être mis en oeuvre un rapprochement avec le travail de la Direction de la surveillance du territoire (DST), les RG ont à leur tête depuis le mois de février un nouveau chef, le préfet Pascal Mailhos (45 ans). Celui-ci, indique le Nouvel Observateur, se propose de donner aux RG un nouveau souffle. Il serait insatisfait du "caractère hétérogène et flou des notes produites jusqu'ici par ses hommes". Il a donc réuni le 17 février 2004 les principaux responsables des RG afin de leur faire part de ce qu'il considère comme les "thèmes principaux et axes de recherche" pour l'avenir du service.
Le Nouvel Observateur s'est procuré cette note et en a publié aujourd'hui l'intégralité sur son site. La ligne générale du texte va dans le sens d'une modernisation et dynamisation, d'une part, et d'une coopération renforcée avec les partenaires des RG, notamment au sein de la Direction générale de la police nationale. La note donne également des indications sur la nature que devrait avoir la future production des RG.
Huit thèmes de travail sont mentionnés. Trois d'entre eux ont des conséquences potentielles pour des communautés religieuses.
La "lutte contre la violence antisémite, raciste et xénophobe" s'appuie jusqu'à maintenant, selon la note, uniquement sur le recensement des données des RG. "Il faut désormais se mettre en relation avec le CRIF [Conseil Représentatif des Institutions Juives de France] et le service de protection de la communauté juive pour comparer les données."
Dans plusieurs pays, les communautés juives disposent en effet de leurs propres services pour assurer non seulement la protection des communautés, mais aussi des enquêtes sur des milieux potentiellement hostiles. Dans certains pays, les relations avec les services de renseignement policier sont étroits, mais - à en croire la note - ce n'était apparemment pas le cas jusqu'à maintenant en France.
En ce qui concerne l'islam et l'islamisme, les RG auront pour mission le "suivi et [l']analyse des dérives communautaires; le port du voile (réaction après le vote de la loi, respect de la loi, conflits persistants...); la bigamie; les créneaux horaires séparés; les crèches musulmanes clandestines."
Les services de police vont également s'intéresser au "phénomène des convertis: 1737 cas recensés dans des activités de prosélytisme et dans des réseaux djihadistes."
La note suggère en outre, en référence aux groupes radicaux, de "se concentrer sur le vivier de recrutement (les sorties de prison, les anciens bosniaques, les jeunes radicaux issus de l’immigration, dans les filières salafistes...). Démanteler un réseau salafiste, c’est aussi sécuriser un quartier."
Quant aux sectes, classées dans la catégorie des "phénomènes de société", la note indique que l'observation des sectes doit évoluer, tirant manifestement quelques leçons des expériences antérieures: "Plus question de faire des listes exhaustives, mais d’observer les dérives (exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, emploi illégal de main d’œuvre, infraction fiscale)."
Cela semble confirmer également certaines évolutions récentes dans l'approche de ces phénomènes par les autorités françaises, au moins de la part de certains secteurs de l'administration et du gouvernement.