Dans une rue de Carcassonne, le bâtiment de la "Maison des Mémoires" abrite le Centre d'études cathares. Celui-ci s'affirme depuis plusieurs années comme un pôle de la recherche sur le catharisme et, plus généralement, sur les hérésies du Moyen-Age. Le Centre organise des réunions, publie Heresis. Revue semestrielle d'histoire des dissidences médiévales et offre aux chercheurs – dans un cadre acueillant – une excellente bibliothèque et documentation.
Pour faire le tour de l'étonnante postérité du "catharisme après le catharisme", Religioscope a rencontré Nicolas Gouzy, bibliothécaire et documentaliste, directeur administratif et technique de l'Association depuis 1991, et Charles Peytavie, historien et médiateur culturel du Centre d'études cathares depuis 2001.
Religioscope – En se fondant sur les travaux effectués ces dernières années dans le domaine du catharisme, comment peut-on définir ce dernier? Existe-t-il un catharisme ou au contraire plusieurs?
Charles Peytavie - Le catharisme est un phénomène religieux qui concerne l'ensemble de l'Europe occidentale. De l'avis des spécialistes universitaires qui travaillent sur ce sujet, ce mouvement religieux se développe dans l'Occident chrétien médiéval et appartient à ce cadre précis, c'est-à-dire post-réforme grégorienne. Le catharisme est une autre manière d'envisager la lecture de la Bible ainsi qu'un christianisme différent de celui prôné par le catholicisme romain du XII ème siècle. Il se fonde sur une interprétation des Saintes Ecritures et plus particulièrement sur l'Evangile de Saint-Jean.
Comme le démontre Pilar Jimenez, la directrice scientifique de l'association, dans sa thèse à paraître aux éditions Beauchesne fin 2004, le phénomène cathare, issu probablement de la réforme grégorienne et des écoles au sein desquelles se développe une nouvelle manière de lire la Bible, apparaît d'abord, non pas en Languedoc, mais dans la région de Cologne et en Rhénanie, autour des années 1130. Mouvement dissident, le catharisme va se retrouver en contradiction avec le dogme tel que défini à l'époque par l'Eglise catholique qui le considérera comme une hérésie. A partir du XIIème siècle, il essaime à travers toute l'Europe: on trouve des traces du catharisme en Rhénanie, en Flandre, en Languedoc, en Italie du Nord, etc. L'origine du catharisme est donc probablement exclusivement occidentale. En effet, les chercheurs n'envisagent plus aujourd'hui le catharisme comme un phénomène lié à une hérésie qui se poursuivrait depuis l'Antiquité de l'Orient jusqu'en Occident.
Religioscope - Les origines manichéennes ou bogomiles du catharisme sont donc mises en doute?
Nicolas Gouzy - Ces hypothèses sont totalement abandonnées par les universitaires qui travaillent sur ce sujet. Depuis longtemps, nous ne parlons plus de bogomilisme, de manichéisme ou de filiation avec le zoroastrisme à propos du catharisme. Tous ces qualificatifs ne sont en réalité que des reprises de vocabulaires utilisés par l'Eglise du XIème siècle pour condamner le catharisme et le rapprocher des hérésies de l'Antiquité. Le terme cathare lui-même – c'est une découverte récente – est une reprise d'une dénomination antique: catharos , cathari ou encore cathaphrygien . La prudence est de mise quant à un rapprochement avec des hérésies antiques ou orientales.
Religioscope – Quant à la dimension du dualisme, de la coéternité de deux principes, souvent associé au catharisme, s'agit-il également d'une idée à remettre en question au regard des recherches récentes?
Nicolas Gouzy - Il est vrai que jusqu'à présent, jusque dans la littérature spécialisée consacrée à ce sujet, une présentation simplifiée du catharisme amenait à le définir comme un mouvement dualiste. Néanmoins, les études les plus récentes ont montré qu'il était nécessaire de se montrer prudent quant à ce dualisme. Notamment au travers des travaux de Pilar Jiménez, directrice scientifique du Centre d'études cathares, on découvre que les premiers cathares, qui apparaissent entre les années 1130-1140, ne sont probablement pas dualistes. Ce dualisme que l'on retrouvera au début du XIIIème et encore plus accentué à l'aube du XIVème relève d'un processus qui les amène à se radicaliser dans leur lecture propre de la Bible. La thèse de Pilar Jiménez démontre qu'il conviendrait plutôt de parler du catharisme au pluriel, c'est-à-dire de catharismes appartenant à des régions géographiques et s'inscrivant dans des chronologies particulières.
Religioscope - On peut dire que le catharisme disparaît au début du XIV ème siècle. En revanche, apparaît par la suite un “mythe cathare”. Le catharisme fascine à l'instar d'autres phénomène historiques ayant connu des destins tragiques, tels que les Templiers. A partir de quel moment le cathare, considéré par l'histoire de l'Eglise catholique comme hérétique, devient-il un héros? Est-ce le fruit des Lumières?
Charles Peytavie - Ce mythe se développe avant même l'époque des Lumières. En Languedoc, nous datons la fin du catharisme historique en 1321, c'est-à-dire la date du bûcher où fut brûlé le dernier "parfait" cathare, Guilhem Bélibaste, et en Italie, vers la même époque, zone où le catharisme est demeuré sans doute le plus vivace le plus longtemps. Les "bons hommes", c'est-à-dire le clergé cathare, ne sont plus là pour transmettre le "sacrement" cathare, le consolamentum . C'est également au début du XIVème siècle que le travail combiné de l'Inquisition et des Ordres mendiants parvient à bout de ce mouvement.
Le souvenir du catharisme survit à la disparition totale du mouvement. Ce seront les protestants, au XVIème siècle, au moment des guerres de religion, qui se souviendront de l'existence des cathares pour y puiser un parallèle avec les persécutions qu'ils subissent. Le tournant des guerres de religion correspond à une production de livres protestants reprenant l'histoire des cathares et perpétuant ainsi le souvenir du catharisme.
A l'opposé, la Contre-Réforme va amorcer la republication d'ouvrages du XIIème siècle pour s'opposer aux arguments des protestants. Au XVIIème et XVIIIème siècle, il existe toute une production qui se répond et entretient le souvenir du catharisme. C'est une des voies importantes de transmission du souvenir cathare. On observe d'ailleurs que, parmi les premiers historiens du catharisme au XIXème siècle, on retrouve des protestants.
A partir du XVIIème , XVIIIème et début XIXème siècle, on découvre d'autres types de mémoires, plus locales, faites d'érudits locaux qui redécouvrent l'histoire des cités et envisagent de ce point de vue la Croisade albigeoise. Le souvenir des cathares et de l'hérésie est ainsi perpétué. On assiste également à la production d'ouvrages historiques concernant l'hérésie cathare assimilée au souvenir des Vaudois. La mémoire de ces derniers se mélanger à l'histoire cathare.
Ainsi, au tout début du XIXème siècle, on constate en Languedoc que le souvenir de la Croisade ne s'est pas complètement atténué, demeurant au sein d'une culture populaire dont s'empare les initiateurs de la tradition romantique. Il est remarquable que le premier roman consacré au catharisme ait été écrit par un anglais, Maturin, auteur de romans d'épouvante. Nous n'assistons pas seulement à une redécouverte historique du sujet cathare, mais une mise en lumière par le biais de la mémoire populaire, à l'exemple des trois romans de l'écrivain Frédéric Soulié, Le comte de Toulouse , Le vicomte de Béziers et Le comte de Foix , un ensemble qui entretient le souvenir d'une histoire essentiellement événementielle dans le style des Trois mousquetaires et d'autres romans d'aventure de cette époque.
C'est toutefois au cours du XIXème siècle que l'on observe également la redécouverte des textes et sources de la Croisade albigeoise par des historiens locaux, dont la lecture est pro-occitaniste, ou des historiens nationaux qui porteront un regard différent.
Ce milieu du XIXème correspond aussi à une période de redécouverte par les élites régionales de l'histoire cathare au travers de l'histoire des villes. Par exemple, au moment où se joue l'opéra Simon de Montfort à Carcassonne et Toulouse (1860 et 1862), qui connaît à l'époque un grand succès, les villes du Languedoc vont jusqu'à se disputer de fausses pierres tombales de Simon de Montfort. Le héros de l'opéra est en fait Trencavel, un héros qui porte l'histoire cathare et le souvenir de la Croisade albigeoise.
On observe donc que la culture porte le souvenir cathare avant même le grand tournant historiographique qui survient entre les années 1870 et 1880 avec le personnage de Napoléon Peyrat, lequel amorce une nouvelle manière d'aborder le sujet.
Religioscope - Cette nouvelle manière de lire le sujet est-elle liée également à une prise de conscience régionaliste de type occitan qui associerait les cathares à la résistance de l'Occitanie face aux envahisseurs du Nord?
Charles Peytavie - Cela se passe dans les deux dernières décennies du XIXème siècle et coïncide avec l'apparition de L'histoire des Albigeois de Napoléon Peyrat (1809-1881), personnage complexe, pasteur protestant, qui nourrissait le projet global de faire non pas une histoire des cathares au sens strict, mais une histoire des religions chrétiennes non-catholiques. A ses yeux, les cathares sont un instrument pour montrer qu'il y a bien eu au Moyen-Age la formation d'une église non catholique fondée sur la lecture de l'Evangile de Saint-Jean. Historien un peu marginal, n'appartenant pas au milieu des universités, il commence à rédiger son étude dans les années 1860 et va être publié à une période où la mode des “grandes histoires” selon le modèle de Michelet disparaît peu à peu.
Auteur très éclectique, maniant de nombreuses sources et se rendant sur le terrain, il développe déjà les idées d'un Midi mis à sac par le Nord, d'une société courtoise occitane disparaissant avec la Croisade albigeoise. Dans son interprétation du catharisme, on retrouve des influences qui le pousseront à favoriser le mythe d'un catharisme provenant de l'Orient. Sous la plume de Peyrat, Montségur devient une sorte de temple cathare. Ce sont les lectures que différentes personnes ou écoles vont faire de Napoléon Peyrat qui construiront les divers visages du mythe, car cet auteur peut être lu aussi bien par les occitanistes qui le voient comme le héraut d'une Occitanie victime de la Croisade albigeoise, que par les partisans d'une lecture plus ésotérique ou spirituelle du mouvement cathare dans leur dessein de recréer un néo-catharisme.
Religioscope - Peut-on dire aujourd'hui que l'héritage cathare est intégré à l'identité occitane ou n'est-ce qu'un thème touristique?
Nicolas Gouzy - Parmi les mythes cathares – je parle à dessein de "mythe" et non de "mystification" - , le plus fécond et le plus permanent est effectivement celui porté par l'économie touristique régionale. On peut aussi déterminer d'autres espaces imaginaires, anhistoriques, contenus dans ce mot-valise “cathare”, qui n'intéressent que des cercles d'érudits et/ou de spiritualistes. Si les années 1960 incarnent une date clé du développement de l'économie touristique en France, l'engouement populaire pour le catharisme est bien antérieur à cette période. Cependant, entre les années 1960 et 1980, les institutions et notamment celles qui ont en charge la gestion des territoires dans le cadre des lois de la décentralisation, vont chercher des "matières premières" supplémentaires pour développer une économie touristique. Elles se précipitent dans une "ruée vers l'or patrimonial et historique", qui laisse d'ailleurs elle-aussi derrière elle des villes-fantômes quelquefois, en imaginant que le patrimoine historique, symbolique ou bâti, est aisément commercialisable. La connexion entre l'attractivité particulière du mot “cathare”, la qualité poétique des terroirs touristiques et de leurs fabuleux châteaux et les motivations politiques locales provoquent la naissance et l'entretien de ce ou de ces mythes cathares.
On peut bien sûr remettre en question la pertinence historique de ce mythe ou s'interroger sur la justesse éthique de la mise en économie d'un moment d'histoire fortement symbolique. Les outils du tourisme local – offices départementaux et syndicats d'initiative – font flèche de tout bois, recherchant au plus près de leurs territoires des manières de le faire consommer, plus ou moins intelligemment, par le plus grand public possible. Il y a ainsi une évolution qui touche tout le tourisme national français, une mutation du tourisme de masse parqué dans des "zones prioritaires" de tourisme vers des tourismes plus discrets et plus culturels, sans que l'économie globale du secteur en pâtisse .
Dans les années 1980, la région du Languedoc-Roussillon, sous l'égide de Monsieur Capdeville, président du Conseil général de l'Aude et de la Région Languedoc-Roussillon, ne peut que constater qu'il existe une masse de touristes qui se rendent chaque été sur les plages du golfe du Lion, que le cordon littoral régional atteint un niveau économique confortable grâce à ce tourisme saisonnier, et qu'il existe à l'opposé un espace intérieur – territoire en déshérence nommé à l'époque péjorativement “arrière-pays” – où la démographie s'étiole peu à peu et où la paupérisation fait son chemin. Il y a donc une nécessité pour l'élu "développeur" de redynamiser ces régions stagnantes. C'est là qu'est forgé dans les années 1980 un projet de développement touristique qui va trouver dans ces territoires déshérités les ressources nouvelles utiles à un développement contrôlé, intelligent, et utilisant au mieux une zone de chalandise proche. L'idée est de conduire une partie du flux touristique littoral vers cet “arrière-pays”. Parmi les sujets susceptibles d'être exploités par l'industrie du tourisme, on identifie l'histoire médiévale méridionale et le catharisme comme des arguments fédérateurs et attractifs, capables de provoquer cette mutation des pratiques touristiques : du "bronzer idiot" au "promener cultivé".
Religioscope - Cela signifie-t-il qu'il existe, au sein de la population locale, une fierté d'être les descendants des cathares?
Nicolas Gouzy - L'expression “population locale” me gêne. Il n'existe pas au sens global ni au sens strict de "population locale" consciente d'une culture historique dont elle serait la dépositaire ou l'héritière. Nous nous rendons plutôt compte que nous sommes en permanence face à de nouveaux acteurs de développement qui ont choisi de s'installer dans ces territoires, territoires dont la mémoire peut être exploitée certes, et qui le revendiquent. Mais ces revendications ne présentent pas ou plus, sauf anecdotes, de caractère intime; il ne s'agit pas de revendications d'appartenance à un pays, sur les bases d'une fidélité dynastique, familiale, que l'on devrait à un passé.
Je ne pense pas non plus qu'il y ait aujourd'hui une conscience occitane politique d'origine cathare, sauf résiduelle des débats politiques des années soixante. Au moment des débats politiques régionalistes sur les libertés culturelles, politiques ou administratives des régions à face à l'Etat centralisateur, il est certain que l'histoire locale a servi de pierre de touche à des acteurs politiques locaux qui ont fait de leurs savoirs historiques personnels des preuves de leur légitimité politique à développer un discours à tendance régionaliste; la petite touche historique sur l'histoire cathare faisait immanquablement mouche sur un auditoire convaincu d'avance.
Charles Peytavie - Le choix du thème cathare, au moment où s'est posée la question du développement de l'“arrière-pays”, s'est imposé assez facilement. Il convient de le replacer dans le contexte de la prise de conscience d'une singularité, dans les années 1960-1970, issue d'un processus de reconnaissance d'une histoire des cathares qui naît à l'époque de Napoléon Peyrat et dont les gens qui vont se poser les questions d'aménagement du territoire sont les héritiers. Cette période est intéressante à considérer car nous voyons progressivement, à la fin du XIX ème siècle, que le thème cathare est développé soit par des érudits ou historiens, soit par des mouvements occitanistes qui tous, peu ou prou, puisent dans l'œuvre de Peyrat.
Après la Seconde Guerre mondiale se développent dans la région divers cercles, à l'exemple de la Société du souvenir et des études cathares fondée par Déodat-Roché (1877-1978), c'est-à-dire que l'on assiste au regroupement de ces érudits. Peu à peu, les médias locaux, des écrivains ou encore des auteurs de théâtre vont s'intéresser à la question et populariser à nouveau le thème du catharisme. Arrivé à la période des années 1960, on découvre que des romanciers de stature nationale, par exemple Zoé Oldenburg (1916-2002), se penchent sur le sujet. Cela est parallèle à l'apparition du phénomène médiatique qui s'amplifie, avec la diffusion de deux émissions de Lorenzi, écrites par Alain Decaux et André Castelot, dans la série La caméra explore le temps , présentant respectivement la Croisade albigeoise et le catharisme. Ces émissions auront un double impact amplificateur d'un phénomène d'intérêt qui existe déjà dans les années 1960 sur ce sujet. Au niveau national, tout le monde regarde cette émission car il s'agit de la dernière de cette série et localement, les gens redécouvrent les moments clés de l'histoire des cathares, à savoir le bûcher, la cérémonie à Montségur des derniers Parfaits, tels que Peyrat le décrivait déjà à la fin du XIX ème siècle. Cette amplification du phénomène va interagir sur la décision des élus locaux et va les inciter à choisir le catharisme. Dans le courant des années 1970, l'idée d'un aménagement de l'“arrière-pays” à partir de ces sites fait son apparition.
Religioscope - Avant cette émission, il existe une autre catégorie de personnes dont l'imagination s'enflamme autour du catharisme: des gens engagés dans une quête spirituelle qui considèrent les cathares comme de possibles ancêtres ou modèles à suivre. A partir de quel moment apparaissent les premiers “néo-cathares”?
Charles Peytavie - Dans le sillage de Napoléon Peyrat, à la fin du XIXème siècle, un certain nombre de personnes vont intégrer leur propre recherche spirituelle dans leur redécouverte du catharisme. Je pense, par exemple, à un personnage comme Jules Doinel (1842-1902), qui fonde une Eglise gnostique et s'affuble du titre de “Patriarche de Montségur”. Doinel est une personne nourrissant une quête spirituelle qui le mènera, après de nombreux détours, vers le catharisme. Son mouvement n'aura guère d'impact, si ce n'est sa relation avec Déodat Roché dont le cheminement spirituel passe par Doinel. Déodat Roché empruntera également des éléments à Papus (Gérard Encausse, 1865-1916), aux félibres, échangera une correspondance avec Rudolf Steiner (1861-1925) et finalement recréera un espèce de catharisme à partir de ces éléments glanés ça et là. Ces personnes ignorent bien sûr nombre de documents qui seront publiés par le Père Dondaine dans les années 1930 et véritablement popularisés dans les années 1950.
Autour du catharisme, à partir des années 1930, on assiste à la cristallisation de mouvements en recherche spirituelle: Roché – qui n'a pas encore de disciples à cette époque, ce sont ses débuts - , le cercle qui se forme autour d'Antonin Gadal (1877-1962), responsable du syndicat d'initiative de Tarascon-sur-Ariège dont dépend le château de Montségur, les spirites qui se livrent à une recherche spirituelle autour de la comtesse de Pujol-Murat, c'est-à-dire la Fraternité des Polaires qui se dissoudra en 1938, et aussi à la même époque la Société du souvenir de Montségur et du Graal à laquelle participent Déodat Roché, René Nelli (1906-1982) et Gadal. Cette société ne survivra pas à la guerre, mais à partir d'elle se fondera la Société du souvenir et des études cathares à partir des années 1950.
Religioscope – Déodat Roché ne fonde pas une Eglise cathare, mais adopte la forme de la "société savante"?
Charles Peytavie - Il ne s'agit pas du modèle de la "société savante" mais celui du “cercle” qui se développe dans les années 1930, à l'image du cercle qui s'est formé autour de la comtesse Pujol-Murat ou celui de Gadal auquel va se greffer la personnalité d'Otto Rahn(1904-1939) qui recomposera un catharisme à la sauce nazie avec des publications comme La Cour de Lucifer .
Roché structurera sa société à partir des années 1950 dans le but d'étudier le catharisme mais également de travailler des thèmes où l'on retrouvera des idées steineriennes. Il fera poser la stèle dédiée aux Parfaits brûlés en 1244 au pied de Montségur.
A partir des années 1960, les médias recherchent des experts sur les questions cathares et les trouvent parmi les érudits locaux intéressés par le catharisme, que l'on connaît par voisinage. C'est ainsi que Déodat Roché devient un “expert” du catharisme. C'est également la période où naissent des schismes entre ces érudits, favorisés par la reconnaissance respective du titre d'expert, reconnaissance qui engendre une concurrence, par exemple entre Nelli et Déodat Roché, Nelli adoptant une perspective plus historique.
Ces mêmes années voient la structuration de plusieurs écoles d'étude du catharisme, autour de Déodat Roché ou encore de ce qu'on pourrait appeler l'Ecole de Montségur menée par Fanita de Pierrefeu, ainsi que leurs éclatements et leurs recompositions, lesquelles ne passeront jamais par la création d'églises ou de mouvements religieux mais plutôt de "cercles" d'amis convaincus.
Religioscope - En revanche, comme vous l'avez souligné, un Déodat Roché entre en contact non seulement avec Doinel ou Steiner, mais encore avec la Fraternité blanche de Deunov en Bulgarie, par conséquent au cœur de toute une mouvance de religiosité parallèle. Des réunions ont-elles eu lieu entre ces personnes, par exemple sous la forme de rassemblements estivaux ou de cérémonies au pied de Montségur?
Nicolas Gouzy - Nous possédons bien une documentation sur des célébrations ou des commémorations solennelles, mais elle est partielle et ne reflète sans doute que les moments les plus spectaculaires pour les médias ou leurs témoins directs. Il est donc difficile de savoir si cela relève du domaine de la réécriture biographique quelquefois presque hagiographique ou du journalisme à sensation. Les camps de l'Estagnol organisés par Déodat Roché, dans les années 1950-1960, ont rassemblé des personnes motivées par une recherche spirituelle, à la manière de séminaires spiritualistes. On y faisait de l'eurythmie, de la célébration au lever du soleil, des expériences macrobiotiques, etc., c'est-à-dire tout ce qui composait la boîte à outils du bricolage spiritualiste de l'époque.
Charles Peytavie - Le seul vrai point de ralliement étant la conférence du "maître" Déodat Roché.
Nicolas Gouzy - J'ai le sentiment que ces gens créaient, et créent encore pour certains d'entre eux, des collections immatérielles dont ils troquaient entre eux certaines pièces dans des bourses d'échange, selon ce mode d'échange favori des collectionneurs. Collectionner des spiritualités n'entraîne pas nécessairement la création d'une secte ou d'une religion nouvelle, comme collectionner des boîtes de camembert ne veut pas dire qu'on les a tous mangés! Ces collectionneurs sont des érudits permanents dont les collections s'auto-alimentent et sont co-référentes ; il leur faut des lieux où leurs collections peuvent être présentées.
Autant Fanita de Pierrefeu que Déodat Roché possédaient ces sortes de cabinets de curiosités intellectuelles. Tous deux s'inscrivent à merveille dans ces démarches d'érudition, de nature humaniste, et possèdent dans leur bagage intellectuel une collection de spiritualités dans laquelle ils puisent des éléments de réponse à leurs interrogations métaphysiques. Jamais Déodat Roché n'eut l'ambition de structurer cette recherche personnelle pour lui donner une échelle collective. Il entretenait sa curiosité intellectuelle insatiable dans des directions spirituelles qui pouvaient détonner à cette époque, par référence à un "confort spirituel bourgeois". Déodat Roché possédait une conscience politique moderne - il a été magistrat (contraint de démissionner sous Vichy), maire de sa commune, élu progressiste qui fit venir le cinéma et établit des impôts particuliers pour les déshérités - et une conscience spirituelle anti-conformiste. Je crois tout simplement que Roché s'ennuyait mortellement à Arques et qu'il a eu besoin d'un hobby spirituel, d'un supplément d'âme au sein d'une démarche intellectuelle très particulière.
Charles Peytavie - Tout cela forme plusieurs sorte d'“écoles” de spiritualité cathare ou néo-cathare qui se fréquentent parfois et partagent l'impression de revivre un catharisme en réalité totalement reconstitué.
Nicolas Gouzy - Cela débouche rarement sur la pratique et reste à un niveau "philosophique".
Charles Peytavie - Ceux qui vont tenter la pratique sont ceux qui se réclameront de Gadal.
Religioscope - On observe là une conjonction entre l'action locale de Gadal et ce mouvement originaire des Pays-Bas qui est l'Ecole internationale de la Rose-Croix d'or, le Lectorium Rosicrucianum, et cette conjonction s'opère sur la base d'une référence gnostique commune.
Charles Peytavie – Ils reprennent en effet les écrits d'Antonin Gadal et les rééditent. Ils créent un petit musée aussi.
Nicolas Gouzy – En tout cas, je ne connais pas aujourd'hui de personnes qui se soient installées dans une pratique de vie cathare contemporaine et il est difficile de savoir pourquoi ce pas n'a jamais été franchi.
Religioscope – Contrairement à la référence templière, qui a donné naissance à des ordres néo-templiers…
Charles Peytavie - Dans les années 1980, il y a eu des tentatives de création d'ordres, par exemple celui des Chevaliers du Temple occitan à Toulon, mais ils relèvent plutôt d'une obédience templière.
Religioscope - A côté de la mythification du catharisme, il existe aujourd'hui une recherche sérieuse représentée ici par le Centre d'études cathares, installé à Carcassonne. Pourriez-vous nous expliquer à quel moment le catharisme devient un objet de recherche historique?
Charles Peytavie - Le catharisme devient un sujet d'histoire très rapidement au début du XIX ème siècle, avec Charles Schmidt qui rédige une Histoire de la secte des cathares ou albigeois (1849). Tout au long de ce siècle et jusqu'au début du XX ème , paraissent des ouvrages d'histoire consacrés à cette dissidence. Les historiens qui s'intéressent au thème du catharisme sont essentiellement catholiques, se penchant d'abord sur l'histoire de l'Inquisition, nous pouvons citer Monseigneur Douais : ils s'intéressent, à l'histoire religieuse du Midi de la France, par exemple Jean Guiraud (1866-1953), historien spécialiste de l'Inquisition, connu également comme directeur du journal La Croix , qui a publié en 1907, dans sa longue préface du cartulaire du monastère de Prouille, une étude du catharisme qui revisitait les sources disponibles pour dépoussiérer les mythes propagés par Napoléon Peyrat et analysait avec une approche relativement moderne la sociabilité cathare. L'un des grands moments d'avancée dans l'histoire du catharisme historique trouve sa source dans les travaux du Père Dondaine, dominicain qui va mettre à jour les premiers écrits cathares, les seuls que l'on possède aujourd'hui. Ces écrits, datant du XIII ème siècle, nous permettent de confronter à la fois les sources de la répressions du catharisme et les échos internes.
Le catharisme est donc essentiellement étudié par ces historiens catholiques et demeure dans ce domaine marginal jusqu'aux années 1950. Il est ensuite relayé parallèlement par des érudits, tel que Déodat Roché en qui on voit également des historiens du catharisme, même si leur méthode est à juste titre contestée.
Le second grand tournant se situe au milieu des années 1960, où nous voyons renaître cette tradition d'étude spirituelle autour du catharisme: ainsi vont être créés par le chanoine Delaruelle et le Père Marie-Humbert-Vicaire les Cahiers de Fanjeaux . Les colloques de Fanjeaux entreprennent de revisiter l'histoire religieuse du Midi de la France autour de ces historiens catholiques. On commence par Dominique, en passant par les Vaudois pour finalement parvenir aux cathares. C'est dans cette dynamique que vont naître des travaux comme ceux de Monseigneur Griffe qui consacrera plusieurs ouvrages à l'histoire des cathares et de la croisade albigeoise. Leur approche s'intéresse plutôt au catharisme compris comme un aimant de l'histoire religieuse du Midi, ne se spécialisant pas réellement sur le catharisme.
Lors du tournant des années 1970, les spécialistes du catharisme historique demeure encore des érudits ne possédant pas une formation d'historien. C'est dans ce contexte que se placent les travaux de Jean Duvernoy qui redécouvre le registre de l'inquisiteur Jacques Fournier officiant au début du XIV ème siècle et le traduit, rendant ainsi populaire les histoires de ce registre. Parallèlement au travail de Duvernoy, il faut noter les écrits dans La Dépêche du Midi du journaliste Michel Roquebert, qui raconte l'épopée cathare. Il va s'affirmer progressivement comme l'un des principaux historiens du catharisme. Citons également René Nelli, romancier, folkloriste, philosophe et poète, qui est aussi un historien du catharisme à sa manière toute particulière et brillante. Il transcrira et publiera en français les écrits cathares.
A côté de ces érudits sans formation professionnelle d'historien, la seule exception pour les années 1970 est l'universitaire Christine Thouzelier, qui entreprend l'étude notamment des rituels cathares et les publie aux Editions du Cerf, dans la collection des Sources chrétiennes . Son étude favorisera des débats avec René Nelli sur les interprétations à donner de ces textes. On en est là, dans les années 1970, quand René Nelli va proposer la création du centre d'études cathares.
Nicolas Gouzy - Le Centre national d'études cathares – de son nom de baptême – n'est pas né de la conviction qu'il y avait un travail scientifique à faire sur le sujet. L'association naît d'une commande politique tout à fait explicite, inscrite dans l'acte fondateur, le procès-verbal de l'assemblée extraordinaire de fondation de l'association qui date d'octobre 1981. Cette commande visait à créer des modes de médiation entre l'histoire érudite et le grand public dans une volonté de développement local, sur un soubassement de tourisme culturel. Les élus qui font partie de notre premier conseil d'administration ne nous ont pas fondés pour que nous devenions un outil de recherche, producteur et éditeur de savoir au travers de la revue Heresis , mais comme un outil de réflexion et de mise en perspective politique et économique des résultats de cette recherche. Notre mission initiale était de rassembler en un endroit, intellectuel ou matériel, une quantité suffisante d'intelligence pour trier le bon grain de l'ivraie, pour essayer de déterminer une voie moyenne entre le délire ésotérico-commercial des années 1980 et les récupérations partisanes qui se faisaient jour, une voie qui soit pratiquable par une institution comme le conseil général de l'Aude, soucieuse d'utiliser au mieux ses richesses proches dans une perspective de développement.
Il a fallu qu'Anne Brenon, archiviste diplômée de l'Ecole des Chartes et spécialiste des Vaudois, soit nommée directrice de l'association, afin qu'avec un petit comité scientifique de quelques sommités érudites et universitaires, on établisse le constat que la collecte d'informations n'était pas suffisante et qu'il était nécessaire d'impulser véritablement une recherche historique. Au sein du Centre national d'études cathares, cette dernière devait prendre des formes scientifiques, afin de s'opposer aux recherches de forme spiritualiste, qui avaient pu se mener ailleurs à d'autres époques; leurs acteurs étaient curieusement quelquefois les mêmes.
Charles Peytavie – Certains d'entre-eux participaient déjà, dans les années 1970, à ces fameux "cercles cathares" de Montségur et d'Arques par exemple.
Nicolas Gouzy – Oui, il est très intéressant de prendre conscience de ces facettes multiples des mêmes acteurs, toutes légitimes et toutes utiles. A partir des années 1983-1984, avec la création de la revue Heresis et la structuration d'un réseau d'historiens des religions médiévales, entretenant des relations d'amitiés avec Anne Brenon et non pas dans des perspectives de rapprochements institutionnels entre l'association et des institutions référentes (Université, CNRS…), l'association développe trois missions essentielles.
La première mission est celle d'un travail de recherche fondamentale scientifique, avec le handicap essentiel et l'ambiguïté principale de vouloir la développer sur un support d'association loi 1901, sous la tutelle d'une collectivité dont les compétences décentralisées n'intègrent ni la culture ni la recherche. Cela se fait, d'ailleurs plutôt bien, mais peut-être avec, à mon avis, la perspective un peu faussée de devoir produire un discours s'opposant aux discours ésotérique, commercial et confessionnel (catholique). Il existait donc au départ une approche au caractère très revendicatif voire vindicatif, provenant du fait que le discours historique s'installait dans un territoire qui possédait déj&aagrave; une conscience politique et un attachement affectif à l'objet "cathare" sans toutefois en bien connaître les contours. Le discours scientifique était de qualité, mais s'aventurait dans une démarche délicate de remplacement du discours existant, essentiellement de nature mémorielle.
La deuxième mission de l'association est un travail de documentation, de collecte, d'identification et d'analyse d'une masse pléthorique d'écrits. Nous conservons dans notre bibliothèque tout ce qui porte le mot “cathare”, du meilleur au pire, depuis les sources médiévales jusqu'aux bandes dessinées et aux films. Avec l'envie d'accueillir un éventail très large de public, en se donnant une mission d'éducation populaire, au bon sens du terme. Cependant, il est vrai que nous avons eu, là encore, un temps tendance à promouvoir un discours univoque, monoréférentiel, quasi scientiste en proposant uniquement notre propre vision du catharisme historique.
La troisième mission relève d'un travail de médiation, c'est-à-dire d'accompagnement de porteurs de projets publics ou privés, au sein de démarches communes de création d'espaces de médiation. Notre compétence et notre expérience s'étend désormais depuis les conférences en milieu carcéral jusqu'aux spectacles de marionnettes et depuis des émissions documentaires pour des TV européennes jusqu'à la co-édition de cédéroms encyclopédiques, en passant bien sûr par des expositions de qualité. Notre association sert également de conseil scientifique auprès de la collectivité Conseil général de l'Aude dans le cadre du programme de développement Pays cathare .
Aujourd'hui, le Centre d'études cathares est une association selon la loi 1901, sans but lucratif, forte de 630 adhérents individuels dont une centaine d'institutions abonnées à la revue Heresis (situation hiver 2003). Nous sommes six permanents, sur un budget alloué en grande partie par le conseil général de l'Aude, plus quelques autres institutions qui collaborent à des opérations ponctuelles. Nous assumons toujours les trois domaines d'activités précédemment évoqués, repensés et adaptés régulièrement en fonction de la commande politique, de l'attente de nos adhérents et des propositions de la communauté scientifique.
Nous fournissons toujours un travail de collecte et de mise à disposition des documents avec près de 10.000 références sur la société médiévale méridionale et sur les dissidences religieuses au sens large. Nous avons une politique de médiation ouverte avec une programmation de journées d'étude à l'adresse de nos adhérents, l'accueil de porteurs de projets et une activité de conseil auprès des collectivités publiques dans le cadre du programme Pays cathare . Nous avons également collaboré à de grand projets de réalisation d'espaces de médiation, telle que l'exposition permanente de Villerouge Termenès (Aude) et son restaurant médiéval où nous étions dans une presque position de cabinet d'ingénierie culturelle.
C'est une activité quotidienne dont nous souhaitons la pérennité et cela m'amène – en tant qu'animateur gestionnaire – à me poser des questions régulières sur la qualité d'un mariage entre une collectivité qui ne dispose pas de compétences obligatoires en matière de culture ni de recherche et une association (la nôtre) qui a impérieusement besoin de produire une recherche et un savoir de qualité, afin de réalimenter en permanence des processus de médiation auprès du grand public. Nous demeurons au sein, et peut-être en tête, d'une chaîne d'activités diverses et de qualité s'adressant à toutes et tous, depuis le producteur du savoir jusqu'au consommateur au sens le plus noble du terme. A tous les échelons et à toutes les étapes, s'installent des questions de perception par les médias actuels de nos activités, de seuils de fréquentation et de lectorat de notre revue à partir desquels nous pouvons en déduire que nous existons vraiment, de la perception que le politique au sens large a de notre activité, de l'appréciation de cette économie marchande touristique bâtie sur notre thématique essentielle et de ses prolongements symboliques, et, plus pragmatiquement, des ressources propres que l'association peut développer en complément des dotations publiques.
Le rassemblement de ces points nous permet de définir un triangle équilibré entre les trois notions de mémoire, d'histoire et de territoire. Nous demeurons conscients que si ce triangle se polarise ou s'écrase sur une de ses pointes, nous nous retrouvons dans un déséquilibre notionnel dangereux pour notre association.
Religioscope - Peut-on dire que, au-delà de l'aspect régional, le Centre d'études cathares est devenu un véritable pôle européen pour l'étude du catharisme?
Nicolas Gouzy - Nous avons cette prétention, bien que cela soit très présomptueux. Seule la pratique démontrera si cela est une réalité ou au contraire relève d'une ambition démesurée. Aujourd'hui, nous possédons les moyens de proposer à des gens intéressés par ce sujet les outils et les lieux d'une revitalisation permanente de la recherche.
Charles Peytavie - Cela d'autant plus que les recherches actuelles sur le catharisme nous poussent de plus en plus en ce sens. L'organisation, en 2001, d'un colloque à Carcassonne consacré à la croisade albigeoise traitée à l'échelle européenne, dont les actes seront publiés courant 2004, nous a permis d'identifier un réseau de jeunes chercheurs travaillant sur les cathares. Notre grande surprise lors de la recherche préliminaire à l'organisation de ce colloque fut de découvrir la richesse de la recherche actuelle sur les hérésies médiévales, la croisade albigeoise ou les cathares et la manière dont elle se développait dans de nombreux pays, en Angleterre, en Allemagne, en Espagne ou même aux Etats-Unis. Cette mise en perspective internationale de l'étude du catharisme entraîne un renouvellement de la question, porté en France par notre directrice scientifique, Pilar Jimenez, et les membres du Comité Scientifique qu'elle anime.
Religioscope - Vous avez mentionné qu'il existe une tendance à élargir l'étude du catharisme à l'étude des dissidences médiévales. Le Centre d'études cathares ne tendrait-il pas progressivement à devenir un pôle de recherche sur les dissidences médiévales, tout en conservant un point fort dans le domaine du catharisme?
Nicolas Gouzy - Absolument. Les recherches que nous avons entreprises autour de la notion générale d'hérésie, notamment par le biais d'un séminaire fondateur qui a donné lieu à la publication du numéro double 36-37 d' Heresis , " Hérétiques ou Dissidents : réflexions sur l'identité de l'hérésie au Moyen-Âge ", nous ont montré que nous avons besoin de concepts nouveaux issus de disciplines nouvelles pour circonscrire et travailler la notion d'hérésie. Il nous faut également faire se rencontrer l'histoire et la sociologie, le droit ou encore l'anthropologie, de manière pluri- et transdisciplinaire. Ces constats nous amènent progressivement à élargir également l'étude de la notion de dissidence, à observer sa permanence depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, sans toutefois abandonner, vous avez tout à fait raison de le souligner, le catharisme qui est en quelque sorte tout à la fois l'épicentre de notre démarche et de l'histoire de l'association.
Pour des raisons financières, le Centre a été contraint de fermer ses portes en 2011.
On peut consulter le site d'archives: http://cecnelli.unblog.fr/
L’entretien avec Nicolas Gouzy et Charles Peytavie s’est déroulé à Carcassonne le 28 août 2003. Le texte a été revu par eux en février 2004. Les questions de Religioscope ont été posées par Jean-François Mayer. La transcription a été effectuée par Olivier Moos.