Tels sont quelques-uns des résultats d'une enquête rendue publique au début du mois d'avril par l'Institute for Social Policy and Understanding (ISPU), un think tank installé dans le Michighan, qui rassemble principalement des chercheurs d'origine musulmane et se spécialise dans les questions relatives à l'islam.
L'enquête n'a pas été menée sur l'ensemble du territoire américain, mais sur un important échantillon représentatif (1.298 personnes interrogées) de douze mosquées de la ville de Detroit (sur un total de 33 mosquées dans cette ville, dont 6 mosquées chiites). Celle-ci est considérée comme reflétant adéquatement la situation nationale, car on y trouve des musulmans de toutes origines ethniques. Des chercheurs travaillant dans d'autres régions du pays ont d'ailleurs indiqué que les résultats allaient dans le même sens que leurs propres observations.
Après les événements du 11 septembre 2001, les musulmans ont pris conscience de leur vulnérabilité dans la société américaine. Ils ont aussi fréquenté plus assidument les mosquées. En fait, résume Ihsan Bagby, professeur d'islamologie à l'Université du Kentucky, les événements de 2001 ont accéléré le développement d'un double désir, celui de "plus s'impliquer à la fois dans leurs propres communautés et dans la [société] américaine" (Chicago Tribune, 6 avril 2004).
Non seulement la pratique religieuse semble-t-elle avolir augmenté, mais un nombre croissant de femmes aurait également commencé à porter le foulard islamique. A noter que la croissance du nombre de personnes participant aux activités des mosquées serait également attribuable à la croissance des conversions; à Detroit, un peu plus de la moitié d'entre elles sont le fait d'Américains de race noire, suivis par les Euro-Américains.
En ce qui concerne les orientations théologiques, 8% des répondants adoptent une approche salafie, 28% suivent une voie musulmane traditionnelle et 38% se reconnaissant plutôt dans une approche "souple" de l'islam. Remarquons que le pourcentage de ceux qui se reconnaissent dans une approche salafie diminue en proportion de l'augmentation du revenu; à l'inverse, plus le revenu est élevé, plus est adoptée une approche "libérale" (ou "contextuelle", pour utiliser le terme adopté par l'étude).
Cela n'empêche pas 80% d'entre eux de souhaiter que la loi islamique (shari'ah) joue un plus grand rôle dans les pays musulmans (notons que le sens de cette réponse devrait être explicité: elle peut refléter une aspiration à une plus grande justice sociale et à la rectification de problèmes affligeant les sociétés d'origine).
La présence des femmes lors de la prière du vendredi est bien sûr inférieure à celle des hommes, mais néanmoins pas négligeable, surtout si elle est comparée à la quasi-absence des femmes dans certains pays musulmans: 79% des participants recensés étaient des hommes, 14% des femmes et 7% des enfants. Dans les mosquées afro-américaines, la participation féminine monte à 24%. Dans 67% des mosquées, les femmes prient derrière un rideau. Il apparaît de façon générale que, par rapport au rôle et à la participation des femmes, les communautés originaires de l'Asie du Sud se montrent les plus restrictives.
En ce qui concerne le rôle principal attribué à la mosquée, 39% placent en tête de liste la réponse "un centre d'activités", 32% "un lieu de prière", 26% "un lieu où renforcer la foi", 3% "un lieu pour apprendre".
Dans 31% des mosquées de Detroit, l'anglais est la seule langue utilisée pour la prédication du vendredi (khutbah). Dans 28% des mosquées, seule une langue étrangère est utilisée. Le reste des mosquées mêlent anglais et autres langues.
La plupart des personnes interrogées sont favorables à une participation politique des musulmans et sont enregistrés sur les listes électorales. Les immigrants récents y sont les plus enclins, tandis que les musulmans de seconde génération et les Afro-Américains se montrent plus tièdes à l'égard de l'engagement politique. Théologiquement, les plus réticents à une participation politique sont les salafis.
Le texte complet de l’étude de l’ISPU peut être déchargé sous forme de fichier PDF à partir du site de l’Institut:
www.ispu.org/wp-content/uploads/2016/08/385_Detroit-Mosque-Study-Ihsan-Bagby.pdf