Cela fait longtemps que le Mouvement Ahmadiyya est considéré avec suspicion dans le monde musulman. Originaire du Pendjab, le fondateur du mouvement, Mirza Ghulam Ahmad (1835-1908), avait en effet déclaré en 1891 être le Messie promis et mahdi. Les ahmadis admettent la qualité de "sceau des prophètes" de Muhammad, mais ne comprennent pas ce statut comme interdisant l'apparition de nouveaux prophètes après Muhammad: ils estiment plutôt qu'aucun prophète postérieur à Muhammad ne peut apporter de législation religieuse nouvelle.
Cela vaut aux ahmadis l'hostilité de nombreux cercles musulmans. Lors de la conférence annuelle de la Ligue musulmane mondiale (Rabita al-Alam al-islami) à La Mecque en 1974, une résolution fut unanimement adoptée pour déclarer les ahmadis non musulmans et leur interdire l'accès à La Mecque. Outre le statut prophétique attribué à leur fondateur, ils sont accusé de déformer délibérément le sens de versets du Coran et de considérer le jihad comme aboli. La résolution de 1974 recommandait la vigilance face aux activités ahmadies. Les ahmadis devaient en outre être traités comme des non musulmans (par exemple interdits d'inhumation dans des cimetières musulmans), bien que leurs rites portent extérieurement toutes les marques de l'islam.
Dans plusieurs pays musulmans, notamment au Pakistan (où les ahmadis sont nombreux), des mesures ont été prises à leur encontre en vue de les qualifier de minorité non musulmane. Une loi fut adoptée en ce sens au Pakistan dès 1974: un amendement à la Constitution précisa notamment que quiconque n'accepte pas le caractère final, absolu et non qualifié, du statut de Muhammad comme dernier des prophètes, ou reconnaît un prophète après Muhammad, ne peut être considéré comme musulman au sens de la loi. Une ordonnance de 1984 (sous le régime du général Zia-ul-Haq) renforça ces mesures, punissant par exemple de prison les ahmadis qui qualifieraient de mosquée leur lieu de culte ou procéderaient à l'appel à la prière musulman.
C'est dans la même ligne qu'un mouvement anti-ahmadi se développe depuis quelque temps au Bangladesh, pays où les ahmadis compteraient jusqu'à 150.000 fidèles. A vrai dire, même si ce mouvement semble prendre actuellement de nouvelles dimensions, des actions visant les ahmadis s'étaient déjà déroulées dans les années 1990, y compris des attentats à la bombe en 1999.
Au cours des derniers mois de l'année 2003, les agressions contre des ahmadis se sont multipliées. Des mosquées ahmadies ont été attaquées.
La plupart des publications anti-ahmadies qui circulent au Bangladesh semblent être des traductions de textes d'auteurs pakistanais.
Une organisation locale anti-ahmadie rassemble des activistes provenant de plusieurs associations islamistes, qui se retrouvent pour des actions communes, par exemple des manifestations dans les rues de la capitale, Dhaka. Les activistes demandent que les ahmadis soient déclarés non musulmans.
Un jour avant l'expiration de l'ultimatum qu'ils avaient fixé pour cette mesure, le 8 janvier 2004, le gouvernment du Bangladesh a décidé d'interdire les publications ahmadies, expliquant que le contenu de certaines de ces publications pouvait offenser les sentiments de la population musulmane. En revanche, le gouvernement disait avoir besoin de plus de temps pour examiner si les ahmadis devaient ou non être déclarés non musulmans. Manifestement, la mesure d'interdiction des publications était destinée à tenter d'apaiser l'agitation. Dans l'immédiat, elle permit en tout cas aux autorités d'obtenir l'annulation d'une grande manifestation qui était annoncée devant une mosquée ahmadie de Dhaka, où des échaufourées s'étaient produites quelque temps plus tôt.
Les mesures d'interdiction frappant les publications ahmadies ont été diversement accueillies dans le pays. Des intellectuels et juristes l'ont contestée, mettant en doute son caractère constitutionnel. Si certains groupes islamistes appuient ces mesures, le Jamaat-e-Islami, en revanche, qui est la plus importante organisation politique islamique du pays et participe à l'actuel gouvernement, essaie plutôt de se distancer officiellement de l'agitation, expliquant que l'on ne peut demander à un gouvernement séculier de décider ce qui est islamique et ce qui ne l'est pas.
De nouveaux incidents se sont produits au mois de mars. Au début du mois d'avril 2004, le comité de coordination des opposants des ahmadis a menacé de lancer un mouvement de plus grande ampleur si les ahmadis n'étaient pas déclarés non musulmans au mois de juin au plus tard. "Déclarez-les non musulmans ou payez-le aux prochaines élections générales", a menacé l'un des responsables de la campagne lors d'une conférence de presse tenue à Dhaka le 6 avril...
Il existe sur le web des sites ahmadis, y compris des sites qui documentent et dénoncent les activités à l’encontre du mouvement, ainsi que des sites anti-ahmadis, qui présentent avec force documents le point de vue des adversaires de l’Ahmadiyya.