Obligé de respecter les conventions internationales, les traités de la Communauté européenne et la charte des droits de l'homme en matière de liberté religieuse, le gouvernement d'Ankara a fait savoir au patriarche oecuménique Bartholomée Ier qu'il pouvait rouvrir cet institut, fondé en 1844, et qui est situé dans les locaux du monastère de la Sainte-Trinité, sur une petite île proche d'Istanbul.
L'annonce de cette décision a été faite par le ministre turc de l'Éducation, Huseyin Celik, à l'issue d'une rencontre de travail avec Bartholomée Ier. L'Institut de Halki pourrait être rouvert d'ici décembre 2004, date à laquelle les dirigeants de l'Union européenne décideront s'il y a lieu d'ouvrir des négociations avec Ankara, en vue d'une adhésion de la Turquie à l'Union européenne.
Le ministre Huseyin Celik s'est exprimé en faveur d'"un libre enseignement de la théologie chrétienne" et a annoncé la création prochaine d'une commission chargée de ce dossier qui traîne depuis de longues années, rapporte l'agence de presse Anatolie. "Il n'y a pas de raison de s'opposer à un séminaire chrétien alors qu'il y a vingt-quatre facultés de théologie musulmane dans notre pays", a dit le ministre après avoir reçu le patriarche oecuménique. Ce dernier a indiqué pour sa part avoir été écouté avec compréhension. "Le ministre s'est engagé à déployer tous ses efforts pour trouver une solution à nos problèmes dans les plus brefs délais", a-t-il déclaré aux correspondants de presse.
Bartholomée Ier s'est déclaré confiant dans l'avenir, considérant que la décision de rouvrir l'Institut de Halki est "une victoire de la raison et de la justice sur l'injuste et l'irrationnel". "Nous sommes optimistes, le gouvernement semble avoir compris la nécessité et la justice d'une mesure qui ne fait que confirmer notre droit. Nous espérons qu'à partir de l'année prochaine, nous aurons notre école", a-t-il encore affirmé.
"La réouverture de l'Institut de Halki est essentielle pour le patriarcat oecuménique. Ce n'est pas, comme certains le pensent, une question de prestige, mais bien une nécessité pour permettre un renouvellement du clergé et des cadres dont ont besoin notre centre patriarcal du Phanar, les paroisses de notre ville et les diocèses de notre patriarcat à l'étranger", expliquait déjà, en février 2002, Bartholomée Ier, dans une interview au quotidien grec Athens News. À l'époque, le patriarche soulignait combien, selon lui, la Turquie aurait à gagner d'une telle décision, puisque "cela démontrerait au monde entier que la liberté religieuse et les droits des minorités y sont pleinement respectés".
Le patriarcat ne demande aucun privilège et il est prêt à ce que s'exerce, "d'une manière ou d'une autre", une "certaine forme de contrôle du ministère [turc] de l'Éducation" sur l'Institut, puisque cet établissement se trouve sur le territoire turc. "Nous voulons simplement que l'Institut puisse fonctionner comme auparavant. […] Nous avons les enseignants, clercs et laïcs. Les étudiants viendront du monde entier, comme c'était le cas avant 1971", déclarait-t-il encore.
La communauté orthodoxe grecque d'Istanbul est estimée aujourd'hui à moins de cinq mille fidèles, alors qu'elle en comptait encore plus de cent cinquante mille il y a un demi-siècle. Après les violents pogroms anti-grecs de septembre 1955 qui avaient fait de nombreuses victimes à Istanbul, le gouvernement turc avait préféré asphyxier cette communauté par des mesures administratives, dont l'exemple le plus connu est la fermeture de l'Institut de Halki, privant ainsi le patriarcat oecuménique des cadres, clercs et laïcs, dont il a besoin pour continuer sa mission à Istanbul et dans le monde, tout en fermant les yeux sur une longue série d'actes de malveillance dont ont souffert les sanctuaires, les cimetières et les bâtiments de l'Église orthodoxe. C'est ainsi qu'en septembre 1996 une attaque à la grenade contre la résidence patriarcale du Phanar avait causé des dégâts matériels. En décembre 1997, un nouvel attentat avait été perpétré suivant le même procédé. Au cours des cinq dernières années, le patriarche Bartholomée Ier est intervenu publiquement à plusieurs reprises pour demander la réouverture de Halki. Cette question a également été inscrite par le gouvernement d'Athènes à l'ordre du jour des rencontres bilatérales qui ont lieu entre les autorités grecques et turques pour régler les contentieux opposant les deux pays.
Note de Religioscope: outre les éléments soulignés dans l'article du SOP que nous reproduisons ci-dessus, l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement issu de la mouvance politique islamique en Turquie a également joué un rôle, en permettant d'amorcer une réponse à différents "blocages" dans de nombreux domaines. L'autorisation de réouverture de Halki s'inscrit dans un contexte de réformes politiques plus vastes de la part de dirigeants qui ont eux-mêmes subi la répression en raison de leurs convictions politiques et religieuses.
Cet article a été originellement publié par le SOP (Service orthodoxe de presse), N° 283, décembre 2003, pp. 6-7. Reproduit avec l’aimable autorisation de la rédaction du SOP. [Le SOP n’existe plus – 29.10.2016]
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