Le 17 octobre dernier, l'Administration d'Etat pour la radio, la télévision et le cinéma a publié une directive en dix points demandant à tous les diffuseurs d'Etat de médias audiovisuels de produire des programmes faisant la promotion de l'athéisme et dénonçant les méfaits «des croyances déviantes». Selon la directive, l'effort des diffuseurs, qui doivent encourager la promotion d'une pensée et d'un savoir «scientifiques» doit s'orienter tout particulièrement en direction de la jeunesse. Il est donc enjoint aux radios et aux télévisions de veiller à ces objectifs dans tous leurs programmes, bulletins d'information, émissions de débats, programmes artistiques, séries dramatiques et films. Si l'effort principal porte sur la jeunesse et le peuple, les membres du Parti communiste ne sont pas oubliés, la directive indiquant que ces derniers doivent «croire au marxisme 'orthodoxe' » et « ne pas se soumettre à la superstition».
Bien qu'une telle directive ne présente pas de nouveauté sur le fond, les observateurs se sont interrogés sur les raisons de sa publication. Selon le professeur Yang Huilin, directeur de l'Institut pour l'étude de la culture chrétienne à l'Université populaire de Chine, à Pékin, le document publié par cette administration centrale ne vise pas les cinq grandes religions reconnues par le pouvoir chinois, à savoir le bouddhisme, le catholicisme, l'islam, le protestantisme et le taoïsme. Pour le professeur Yang, actuellement en visite à l'Université baptiste de Hongkong, ce que vise la directive et ce à quoi les diffuseurs sont appelés à mettre fin, c'est la diffusion sur les canaux grand public de cérémonies religieuses et d'activités religieuses, parfois liées à des questions financières, telles que la collecte de dons. En avril dernier, fait observer l'universitaire, de tels programmes se sont multipliés sur les ondes en lien avec l'épidémie de pneumopathie atypique (SRAS). La directive ordonne ainsi, souligne le professeur Yang, que les diffuseurs observent la politique du Parti communiste concernant la liberté religieuse ; les diffuseurs doivent «assurer la liberté des adeptes religieux et des non-croyants et mettre en avant le fait que les religions ne peuvent organiser leurs activités que dans les lieux prévus pour cela et que la promotion de leurs croyances doit être compatible avec le socialisme».
Pour certains observateurs de l'Eglise catholique en Chine, la directive, en insistant sur le fait que les programmes doivent introduire le concept d'athéisme et promouvoir le marxisme-léninisme, le maoïsme et les théories politiques de Deng Xiaoping et de Jiang Zemin, constitue une nouvelle affirmation de la position du gouvernement sur l'athéisme et les religions mais ne contient en elle-même rien de nouveau.
Pour Sour Beatrice Leung Kit-fun, professeur de sociologie et en sciences politiques à l'université Lingnan de Hongkong, le texte vise à resserrer l'idéologie du pouvoir. La directive trouve sa raison d'être, explique-t-elle, «dans le développement généralisé de nouvelles religions, particulièrement dans les régions rurales». Les sources idéologiques du régime communiste - Mao Zedong et Deng Xiaoping - étant disparues, «le communisme en Chine est en banqueroute et le peuple en Chine n'a pas d'idéologie à laquelle adhérer», poursuit Sour Leung. Pour combler ce vide et nourrir leur besoin de spirituel, les gens se tournent vers la religion et le gouvernement central, désireux de maintenir l'ordre social, met en avant l'athéisme, conclue-t-elle, ajoutant que l'efficacité d'une telle directive dépend de son application par les administrations provinciales et qu'en ce qui concerne l'Eglise catholique, elle n'aura que peu d'impact, le gouvernement disposant par ailleurs d'un ensemble de règlements nettement plus contraignants.
Selon Anthony Lam Sui-ki, chercheur au Centre d'études du Saint Esprit du diocèse catholique de Hongkong, la directive n'apporte rien de neuf et s'inscrit dans le droit fil de la propagande habituelle du régime chinois. Il estime que ce texte a été produit maintenant pour tenter d'encadrer la production croissante de «séries télé qui prennent pour sujet les religions populaires, telles que, récemment, les 'Dieux d'honneur'».
Un des dix points de la directive met directement en avant Falungong , mouvement spirituel inspiré d'éléments bouddhistes et taoïstes, un temps toléré, voire encouragé par les autorités avant d'être, depuis 1999, sévèrement réprimé et combattu par le pouvoir. «L'athéisme doit être promu en utilisant Falungong comme un exemple négatif», peut-on lire dans la directive. Selon Anthony Lam, cette référence à Falungong n'est peut-être pas le signal d'un renforcement de la répression menée contre ce mouvement, mais pourrait bien plutôt jouer en sa faveur, à la manière d'une «contre-publicité».
Cette information a été publiée dans le N° 385 (16 novembre 2003) d’Eglises d’Asie, Agence d’Information des Missions Etrangères de Paris (128 rue du Bac, 75341 Paris Cedex 07).
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