Dans la lignée des travaux de Leïla Babès et Jocelyne Cesari en France, de Felice Dassetto en Belgique et Jorgen Nielsen au Royaume-Uni, Lathion apporte sa contribution aux études consacrées à l’islam en Europe en soulignant «l’évolution qui s’est produite depuis le début des années quatre-vingt-dix et qui voit les nouvelles générations de musulmans se prendre en charge et se substituer aux anciennes pour penser et résoudre les problèmes liés à leur présence en Europe» (p. 24).
Un point novateur de l’étude de Lathion réside dans le choix des musulmans sur lesquels il s’est penché, les «musulmans engagés». Est un «musulman engagé» le musulman qui répond aux critères suivants (p. 26):
1. être actif dans la communauté locale des pratiquants,
2. avoir un discours qui soit de portée nationale, cela même si l’action se contente d’un effet local,
3. avoir une conception de l’engagement islamique qui soit une conception sociale (et pas uniquement une conception verticale et transcendantale) et finalement,
4. tenir un discours qui soit européen, c’est à dire un discours qui prenne en compte le contexte dans lequel il apparaît.
Pour définir précisément ce qu’il entend par «musulman engagé», Stéphane Lathion a recours à une approche pluridisciplinaire alliant islamologie, sociologie et science politique. Son étude est divisée en quatre parties majeures. Dans la première partie, l’auteur a recours à l’islamologie pour présenter les fondements réformistes salafi du discours de ses sujets. Dans une seconde partie sociologique, il développe le concept pluriel d’identité (identité personnelle, collective, sociale, islamique). Dans le cas des «musulmans engagés» tiraillés entre leur religion, leur culture parentale et le contexte européen, l’auteur introduit le concept particulièrement approprié d’«identité syncrétique» (p. 87). Dans une troisième partie s’inspirant davantage de science politique, c’est à la définition de la citoyenneté que Stéphane Lathion introduit son lecteur. Il privilégie une définition dynamique de la citoyenneté ne consistant pas seulement «en un statut légal défini par un ensemble de droits et de responsabilité, mais aussi en une conscience d’appartenance à une société» (p.110). La dernière partie de l’ouvrage est consacré à l’empirie. Lathion s’attache à effectuer une analyse du discours que tienent les «musulmans engagés» tout en se basant sur la terminologie précédemment développée.
Cet ouvrage est intéressant sous différents points de vue:
1. Une méthode qui se distance des analyses thématiques de contenu pour privilégier une analyse du discours.
2. Une approche pluridisciplinaire qui insiste sur la complexité de l’installation d’une minorité religieuse dans une Europe sécularisée.
3. Finalement, l’aire géographique concernée. En effet, à l’encontre d’études montrant les ‘différents islams’ que l’on peut trouver dans un même pays, Stéphane Lathion s’est attaché à montrer qu’une même tendance engagée et intégrationniste est à l’œuvre en Europe occidentale en général.
Mallory Schneuwly Purdie
Les précédents ouvrages de l’auteur étaient: De Cordoue à Vaulx-en-Velin. Les musulmans en Europe et les défis de la coexistence. Genève, Georg, 1999; Islam et Musulmans en Europe. La transformation d’une présence. Paris, La Médina, 2003.
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Musulmans d'Europe. L'émergence d'une identité citoyenne
De Cordoue à Vaulx-en-Velin. Les musulmans d'Europe et les défis de la coexistence