Alors que la santé du patriarche Alexis de Moscou décline, de grandes manoeuvres sont en cours dans l'Eglise orthodoxe russe afin de préparer le terrain pour la succession.
Dans le cadre de ces remaniements, selon une décision prise lors de sa séance du 7 mai par le Saint-Synode de l'Eglise russe, une importante figure ecclésiastique, le métropolite Méthode (Nemtsov) de Voronezh (né en 1949, évêque de cette ville depuis 1982), sera déplacé pour prendre la charge de la métropole nouvellement créée d'Astana et Alma Ata, qui réunira tous les diocèses orthodoxes du Kazakhstan.
Le métropolite Méthode était considéré comme un candidat possible au trône patriarcal: plusieurs observateurs estiment que son déplacement vise aussi à l'en éloigner. Mais cette nouvelle fonction incite également les observateurs de la situation religieuse dans les pays post-soviétiques à s'intéresser de plus près à ce qui se passe au Kazakhstan, comme le montre la lecture de plusieurs articles récents de la presse russe.
Le site d'information religieuse Portal-Credo.ru a résumé les statistiques sur la situation religieuse au Kazakhstan. Selon les estimations proposées par le site, 38% des habitants du Kazakhstan seraient musulmans, 12% orthodoxes, 2% catholiques et 1% protestants.
Les statiques d'enregistrement des groupes religieux révèlent tout d'abord le réveil de la vie musulmane dans le pays. En 1989, 46 associations religieuses musulmanes (c'est-à-dire essentiellement des associations locales) étaient enregistrées. En 2001, ce nombre était monté à 1282, quasiment toutes d'obédience sunnite, même si l'on trouve également une association chiite et trois associations relevant du mouvement Ahmadiyya.
Le nombre d'associations orthodoxes a progressé également, mais pas dans les mêmes proportions: les 62 associations de 1989 avaient plus que doublé en 1993, pour atteindre le chiffre de 218 en 2001. Ces chiffres comprennent trois paroisses liées à l'Eglise russe hors-frontières et onze paroisses de vieux-croyants.
Même nombre d'associations baptistes (218), mais avec une progression bien plus modeste, puisqu'elles étaient déjà au nombre de 168 en 1989. Progression modeste aussi des catholiques romains (de 42 associations en 1989 à 66 en 2001) et légèrement plus forte des adventistes du septième jour (de 36 à 62).
Progression nettement plus marquée, en revanche, des Témoins de Jéhovah (de 27 à 120) et surtout d'une catégorie générale protestante qui regroupe des communautés aux orientations en réalité assez différentes (de 13 à 370). Dans cette catégorie presque entièrement nouvelle, nous observons une forte présence presbytérienne (229 communautés) et néo-apostolique (40 associations) ainsi que de l'Eglise de la Nouvelle Vie (41 associations).
En revanche, les pentecôtistes ont baissé (de 42 à 32) et les luthériens ont connu un effondrement (de 171 à 36), bien entendu attribuable à l'émigration de populations d'origine allemande.
Parmi les associations non chrétiennes et non islamiques, relevons - à côté des 11 associations juives enregistrées - une présence bahá'íe (25 associations), des dévots de Krishna (14 associations) et des scientologues (5 associations).
Bien sûr, une association peut rassembler un nombre de membres très variable: le nombre de fidèles qui se reconnaîtront dans une association locale musulmane ou orthodoxe est en général beaucoup plus grand que le nombre de fidèles adhérant à une association locale bahá'íe, par exemple. Il n'y aurait qu'un peu plus de 600 bahá'ís et un peu plus de 2.500 membres de l'Eglise néo-apostolique, par exemple. Les chiffres des associations enregistrées doivent être mis en perspective, mais fournissent au moins quelques indications sur des présences et tendances.
Certains observateurs estiment que, indépendamment des manoeuvres dans le cadre de la préparation de la succession patriarcale, la nomination du dynamique métropolite Méthode au Kazakhstan peut y avoir une effet positif sur la situation des orthodoxes. Dans cette perspective, l'objectif "théopolitique" de cette décision serait de renforcer la position de l'Eglise orthodoxe au Kazakhstan et d'y affirmer sa place de seconde religion après l'islam. Elle pourrait par la suite acquérir un statut d'Eglise autonome et rassembler autour d'elles les autres diocèses d'Asie centrale afin d'y revigorer l'orthodoxie.
La décision de transfert du métropolite Méthode répond certainement aussi à la récente transformation des administrations apostoliques catholiques romaines d'Alma Ata et d'Astana respectivement en un archevêché et en un évêché, mesures accueillies avec irritation par le Patriarcat de Moscou, qui les a a interprétées comme un signe de la mise en place d'une structure administrative catholique romaine centralisée au Kazakhstan et comme une preuve de la volonté d'expansion du Vatican.
Les traductions d'articles de la presse russe nous ont été fournies par l'excellent service Russia Religion News, constamment alimenté et mis à jour grâce au travail du professeur Paul Steeves (Stetson University, Floride).