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Canada: l’évolution du paysage religieux en chiffres

Par Religioscope, 14 mai 2003
Les statistiques sur la situation religieuse au Canada telle que nous la révèle le recensement 2001 viennent d’être rendues publiques. Catholiques romains et protestants représentent toujours – et de loin – la plus grande partie de la population canadienne, mais leur pourcentage s’érode. Le déclin et le vieillissement du protestantisme sont particulièrement marqués, tandis que de nouveaux courants migratoires contribuent à la diversification du paysage religieux canadien.

Statistique Canada vient de rendre publics les résultats du recensement 2001 relatifs à la présence des religions dans le pays. Le service canadien des statistiques fournit à la fois les résultats d’ensemble et les résultats province par province. Car il y a bien sûr des variations de l’une à l’autre.

Depuis le recensement de 1971, le nombre de catholiques dépasse le nombre de protestants. Si sept personnes sur dix, au Canada, continuent à s’identifier comme catholiques ou protestants, l’écart entre les deux grandes confessions grandit: 12,8 millions de catholiques (43% de la population) et 8,7 millions de protestants (29% de la population). En 1991, 45% des habitants du Canada étaient catholiques et 35% se disaient protestants.

L’immigration en provenance de nouvelles zones avait joué un rôle important dans la progression du catholicisme. Cela continue d’ailleurs, puisque, avec 23%, les catholiques ont représenté le contingent d’immigrants le plus important au cours de la décennie.

Mais de nouveaux courants d’immigration se développent aujourd’hui, qui n’influencent plus autant la démographie au profit du catholicisme et, en conjonction avec la montée de la non-appartenance à une religion, contribuent à l’érosion des deux confessions traditionnelles du pays.

Les chiffres massifs pour le catholicisme et le protestantisme ne doivent pas masquer une réalité: ces deux grands groupes rassemblaient 80% de la population en 1991 encore, ce pourcentage est descendu à 72% en 2001.


Principales confessions religieuses, Canada, 19911 et 2001
Source: Statistique Canada

  2001 1991 Variation
de 1991
à 2001
Nombre % Nombre %
Catholique
romaine
12 793 125 43,2 12 203 625 45,2 4,8%
Protestante 8 654 845 29,2 9 427 675 34,9 -8,2%
Chrétienne
orthodoxe
479 620 1,6 387 395 1,4 23,8%
Chrétienne,
non incluse ailleurs2
780 450 2,6 353 040 1,3 121,1%
Musulmane 579 640 2,0 253 265 0,9 128,9%
Juive 329 995 1,1 318 185 1,2 3,7%
Bouddhiste 300 345 1,0 163 415 0,6 83,8%
Hindoue 297 200 1,0 157 015 0,6 89,3%
Sikh 278 415 0,9 147 440 0,5 88,8%
Aucune
religion
4 796 325 16,2 3 333 245 12,3 43,9%
1. Pour des besoins de comparabilité, les données de 1991 sont présentées selon les limites géographiques de 2001.
2. Comprend les personnes ayant déclaré « chrétienne » de même que celles ayant indiqué «apostolique», «chrétienne regénérée» et «évangélique».

Premier facteur de transformation: les nouveaux courants migratoires. Comme le montre de façon frappante le tableau ci-dessus, l’augmentation du nombre de musulmans est considérable: près de 130% d’augmentation en dix ans! Avec une conséquence que la presse juive n’a pas manqué de noter en commentant les résultats: devenus la huitième catégorie religieuse du pays, les musulmans dépassent désormais le nombre de juifs. Cela dit, ces chiffres doivent être mis en perspective: ils ne représentent que 2% de la population du Canada, ce qui reste modeste.

De même, les bouddhistes, les juifs et les hindous progressent également de façon massive – et, là encore, l’immigration est le facteur clé. Dans les commentaires sur les résultats du recensement, Statistique Canada précise que, parmi les 1,8 millions de nouveaux immigrants arrivés au cours des années 1990, 15% étaient musulmans, près de 7% hindous, 5% bouddhistes et 5% sikhs. A noter également que ces populations sont plus jeunes que la moyenne nationale, mais aussi qu’elles sont surreprésentées dans certaines régions: “L’Ontario accueillait 73 % de la population hindoue en 2001, 61 % de tous les musulmans et 38 % de tous les sikhs. Par ailleurs, près de la moitié de la population sikh vivait en Colombie-Britannique.”

Second facteur de transformation: la croissance rapide du nombre de personnes n’ayant déclaré appartenir à aucune religion. “Avant 1971, moins de 1 % de la population canadienne déclarait n’avoir aucune religion. En 2001, ce pourcentage était passé à 16 % de l’ensemble de la population, soit un peu moins de 4,8 millions de personnes, comparativement à 3,3 millions dix ans plus tôt.”

Là encore, le rôle de l’immigration est d’ailleurs capital, puisqu’un cinquième des immigrants au cours de la période considérée n’ont déclaré aucune religion: il s’agit de personnes d’origine chinoise.

Notons aussi que le nombre de ceux qui se déclarent simplement chrétiens, sans indiquer une appartenance à une confession religieuse particulière, se trouve de même en forte progression: il a fait plus que doubler, pour atteindre 2,6% de la population canadienne.

Quant aux chrétiens orthodoxes, ils connaissent une légère augmentation, puisqu’ils passent de 1,4% à 1,6% de la population.

Il convient de prêter maintenant attention d’un peu plus près aux subdivisions du protestantisme – qui constitue par ailleurs la population dont la moyenne d’âge est la plus élevée au Canada, suivie d’assez près par la communauté juive.

La catégorie protestante est, à vrai dire, comprise de façon assez extensive par les statisticiens canadiens, puisqu’elle inclut les Témoins de Jéhovah et les mormons.

Comme le montre nettement le tableau ci-dessous, non seulement les communautés protestantes chrétiennes libérales, mais également – de façon plus inattendue – les pentecôtistes se trouvent toutes en chute. Les Témoins de Jéhovah connaissent également un recul – et rappelons qu’il s’agit ici de chiffres absolus, et non pas de pourcentages de l’ensemble de la population.

En revanche, les baptistes et plusieurs communautés évangéliques sont en croissance, de même que l’Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours et l’Eglise adventiste du septième jour. Il serait particulièrement intéressant de savoir – mais les données disponibles pour l’instant ne nous le disent pas – quelle est la part de la croissance parmi les Canadiens de souche et quel est le pourcentage d’adhérents parmi les vagues plus récemment arrivées dans le pays.


Certaines confessions protestantes1, Canada, 2001 et 1991
Source: Statistique Canada

  2001 1991 Variation
de 1991 à 2001
Église unie 2 839 125 3 093 120 -8,2%
Anglicane 2 035 500 2 188 110 -7,0%
Baptiste 729 470 663 360 10,0%
Luthérienne 606 590 636 205 -4,7%
Presbytérienne 409 830 636 295 -35,6%
Pentecôtiste 369 475 436 435 -15,3%
Mennonite 191 465 207 970 -7,9%
Témoins de Jéhovah 154 745 168 375 -8,1%
Église de Jésus-Christ des saints
des derniers jours (Mormone)
104 750 100 770 3,9%
Armée du Salut 87 785 112 345 -21,9%
Église chrétienne réformée 76 665 84 685 -9,5%
Église missionnaire évangélique 66 705 44 935 48,4%
Alliance chrétienne et missionnaire 66 280 59 240 11,9%
Adventiste 62 875 52 365 20,1%
1. Confessions déclarées par 60 000 personnes ou plus en 2001.

Comme le notait le quotidien Globe and Mail (14 mai 2003), le vieillissement et le déclin du protestantisme classique méritent d’autant plus d’être notés qu’il s’agit des communautés dans lesquelles se recrutaient traditionnellement une grande partie des élites dirigeantes canadiennes.

Statistique Canada souligne à juste titre que ces statistiques ne nous disent rien en revanche sur la pratique religieuse, mais rappelle que des données sur la fréquence de participation aux services religieux sont recueillies par l’Enquête sociale générale (ESG) de Statistique Canada depuis 1986:

Selon les données de l’ESG, la participation aux services religieux a chuté partout au pays au cours des 15 dernières années. À l’échelon national, seulement le cinquième (20%) des personnes âgées de 15 ans et plus prenaient part aux services religieux de façon hebdomadaire en 2001, comparativement à 28% en 1986. En 2001,  4 adultes sur 10 (43%) ont déclaré ne pas avoir pris part à un service religieux au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête, comparativement à 26 % en 1986.”

Et puisque cet article est en langue française, mentionnons brièvement la situation au Québec, qui demeure la province comptant la plus forte proportion de catholiques romains: 83% de la population du Québec en 2001, en baisse par rapport à 86% dix ans plus tôt (mais en hausse légère en chiffres absolus). Le pourcentage de protestants a baissé de 7%, seuls les baptistes enregistrant une croissance.

Quant au nombre de résidents du Québec ne déclarant aucune appartenance religieuse, il est passé de 4% à 6%. Musulmans, bouddhistes, hindous et sikhs sont également en nette augmentation, mais ces populations se trouvent massivement concentrées dans la zone métropolitaine de Montréal.


Les données restent archivées sur le site de Statistique Canada:

http://www12.statcan.gc.ca/francais/census01/index.cfm