Le ministre a dressé un portrait peu flatteur de l'enseignement dispensé dans ces écoles, affirmant qu'une conception très réductrice de l'islam et du djihad était inculquée aux élèves, dès leur plus jeune âge. A l'appui de ces dires, il a évoqué le cas de plus de 260 écoles religieuses considérées par lui comme autant de lieux de formation de militants extrémistes et de terroristes.
Selon le quotidien singapourien The Straits Times du 18 mars, le discours du ministre de l'Education devant le Parlement signale le début d'une campagne gouvernementale visant à convaincre la communauté musulmane du pays que l'arrêt du financement public des écoles coraniques est justifié. Le ministre a en effet produit comme «preuve» de la justesse de la position gouvernementale le fait que dix-neuf des vingt-cinq membres du Kumpulan Mujahidin Malaysia (KMM, Groupe des moudjahiddins de Malaisie) aujourd'hui derrière les barreaux étaient passés par des SAR, soit en tant qu'élèves soit en tant qu'enseignants. Arrêtés il y a deux ans, ces membres du KMM ont été accusés de complot visant à renverser le gouvernement et à le remplacer par un Etat islamique. «Ils ont admis que leur militantisme remontait à l'époque de leur passage dans ces écoles, qu'il leur avait été inculqué à ce moment-là et qu'ils l'avaient développé par la suite lors de séjours d'études à l'étranger», a déclaré le ministre de l'Education, qui a ajouté que les membres du KMM avaient suivi l'enseignement de Hambali, membre indonésien de la Jemaah Islamiah, aujourd'hui recherché par toutes les polices de la région.
Selon les observateurs, il n'est pas évident que le ministre de l'Education parvienne à convaincre l'opinion musulmane du pays de la justesse de ses propos. En effet, l'opposition parlementaire musulmane, le Parti Islam SeMalaysia, a pris soin ces derniers mois de présenter la décision du gouvernement d'arrêter le financement des écoles coraniques comme un choix dicté par les ennemis de l'islam pour humilier les musulmans et leur religion. Ce faisant, le PAS cherche à contrer le Premier ministre Mahathir qui, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, a redoublé d'efforts pour que les Malaisiens établissent un lien entre les extrémistes musulmans et le programme politique du PAS. Fin septembre 2001, après l'arrestation en août d'un premier groupe de dix membres du KMM, le gouvernement avait fait savoir que sept d'entre eux - dont un des fils du chef spirituel du PAS - appartenaient au PAS.
Note d'Eglises d'Asie: En Malaisie, la vaste majorité des parents envoie ses enfants dans le système éducatif national dans lequel le malais est la langue principale d'enseignement et où l'islam est au programme pour les élèves musulmans. Les parents qui ne souhaitent pas mettre leurs enfants dans ce système ont la possibilité de recourir à des écoles religieuses musulmanes, les écoles coraniques, ou bien à des écoles chinoises (où l'enseignement est dispensé en mandarin) ou bien encore à des écoles tamoules ainsi qu'à toutes sortes d'écoles privées. Jusqu'à récemment, ces écoles privées, y compris les écoles coraniques, recevaient une aide financière partielle des autorités publiques. En novembre 2002, au nom de la lutte contre l'extrémisme religieux et pour éviter le repli de chacune des communautés ethniques et religieuses qui composent la Fédération de Malaisie sur elle-même, le Premier ministre Mahathir a annoncé que les écoles publiques devaient avoir la préférence des parents et qu'un vaste programme d'évaluation des écoles coraniques privées allait être lancé afin de s'assurer que l'enseignement dispensé par elles était bien «religieux» et non «politique».
Cette information a été publiée dans le N° 372 (1er avril 2003) d’Eglises d’Asie, Agence d’Information des Missions Etrangères de Paris (128 rue du Bac, 75341 Paris Cedex 07).
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