Affirmant que la mosquée avait été construite au 16e siècle sur l'emplacement d'un temple marquant le lieu de naissance de Ram et rasée par les musulmans, une foule hindoue avait détruit l'édifice musulman le 6 décembre 1992, point culminant d'une longue dispute. Comme l'a déjà relaté Religioscope, les activistes hindous entendent bâtir un temple sur les lieux: tout est prêt pour sa construction, mais il manque encore un feu vert de la justice. L'agitation se trouve sans cesse relancée depuis les événements de 1992.
Agitation politico-religieuse et archéologie
Afin de déterminer si un temple occupait vraiment le site autrefois, un tribunal d'Allahabad a ordonné de procéder à des fouilles, qui doivent être achevées dans un délai d'un mois – bien que les services archéologiques tentent d'obtenir deux mois de plus. Les fouilles ne doivent cependant pas toucher la section du site sur laquelle est érigé un temple hindou de fortune, dont l'accès est étroitement contrôlé.
L'initiative de ces fouilles archéologiques a été accueillie favorablement par la Vishva Hindu Parishad (VHP), fer de lance de la campagne pour la construction du temple, qui se déclare certaine que les résultats confirmeront la légitimité de ses revendications.
A la fin du mois de février 2003, la VHP a d'ailleurs annoncé le lancement d'une campagne pour aboutir à la construction du temple d'Ayodhya à la fin de l'année 2004. Afin d'éviter le prolongement du statu quo et des procédures juridiques intermimables, la VHP souhaite une décision du Parlement et fait pression dans ce sens sur le Premier Ministre et sur le Bharatiya Janata Party (BJP), principal membre de la coalition gouvernementale.
En revanche, plusieurs observateurs craignent que cette initiative n'ouvre la voie à des revendications en cascade: en effet, si la démonstration historique de l'existence d'un temple antérieurement à la mosquée peut justifier la reconstruction du temple plusieurs siècles après – même s'il est vrai qu'Ayodhya occupe une place particulière – des exigences semblables pourraient être développées avec les mêmes arguments pour de nombreux autres sites.
La Cour suprême avait refusé en 1993 de s'aventurer sur ce terrain et déclaré vouloir se limiter à la question de la propriété d'un point de vue légal. Elle a en revanche refusé la demande de musulmans qui essayaient d'obtenir de sa part la suspension des excavations. La Cour suprême a également décidé, le 31 mars 2003, que l'interdiction des activités religieuses sur les terrains adjacents au site disputé resterait en vigueur, pour éviter des tensions, malgré la demande du gouvernement de lever cette interdiction.
Ayodhya: ni aux hindous ni aux musulmans?
En outre, bien qu'il s'agisse de développements de nature plutôt anecdotique et qui ne devraient pas avoir d'impact sur la situation autour d'Ayodhya, d'autres prétendants se sont manifestés ces dernières semaines.
Un groupe jaïn, le Jain Samatha Vahini, a déclaré le 6 mars 2003 que la mosquée avait en fait été construite sur les restes d'un temple jaïn et que la seule structure que l'on découvrirait au cours des fouilles serait celle d'un édifice jaïn du 6e siècle. "Nous voulons que le site nous soit remis si un temple jaïn y est découvert", a déclaré le secrétaire général de l'organisation (Press Trust of India, 9 mars 2003).
D'autre part, un chercheur bouddhiste installé à Londres, Krishna B. Gamre, directeur de l'Ambedkar Centenary Trust, affirme que le site est en réalité un lieu saint bouddhiste détruit par les musulmans. Et de proposer une solution irénique: la répartition du site entre bouddhistes, hindous et musulmans et la construction de trois édifices, un pour chacune de ces religions (Press Trust of India, 14mars 2003).
En revanche, un autre groupe bouddhiste, le Vishwa Budha Sangh, souhaite purement et simplement la remise du site d'Ayodhya aux bouddhistes. Le groupe annonce une action en justice dans ce sens. Une conférence de chercheurs bouddhistes devrait être réunie le 27 avril pour une discussion sur la question.
Il est hautement improbable que bouddhistes ou jaïns puissent avoir gain de cause – à supposer que leurs revendications aient quelque fondement historique. Tout au plus ces interventions inattendues peuvent-elles encore compliquer et retarder un peu plus la recherche d'une solution.
Dans le contexte actuel, il paraît cependant difficile – pour ne pas dire impossible – d'imaginer une issue négociée satisfaisante à la fois pour les organisations hindoues et musulmanes.