Alice Basarke vit dans l'Ontario et consacre un article à "La jeunesse et l'avenir du sikhisme" dans le dernier numéro (automne-hiver 2002) du Sikh Courier (Grande-Bretagne). Elle souligne que l'éloignement de la religion n'est, bien entendu, pas un problème propre aux jeunes sikhs. Mais chaque communauté religieuse peut aussi identifier des causes particulières.
Généralement, les jeunes sikhs "ne passent pas d'une religion à une autre. Ils ne sont simplement pas intéressés par la religion", déclare l'auteur, à partir de son expérience canadienne.
Premier problème: la plupart des jeunes ne comprennent le pendjabi que de façon limitée et auraient donc du mal à comprendre les services religieux dans les gurdwaras (lieux de culte sikhs). L'auteur estime que l'exemple historique des gourous sikhs devrait montrer qu'il est pourtant légitime d'utiliser la langue que les auditeurs comprennent.
En outre, beaucoup de granthis (préposés à la lecture du Guru Granth Sahib, le Livre saint des sikhs) viennent directement de l'Inde, ne parlent pas l'anglais et ne peuvent ainsi jouer le rôle d'éducateurs auquel ils seraient appelés. Quant à ceux qui parlent l'anglais, leur niveau de formation est souvent faible et, plutôt que d'avouer leur ignorance, ils préfèrent décourager les questions, remarque Alice Basarke.
Les jeunes sikhs ne reçoivent donc pas une connaissance adéquate de leur religion et seront par la suite incapables de la transmettre à leurs propres enfants. Dans les gurdwaras où une formation est assurée, celle-ci commence par l'enseignement de l'écriture gurmukhi au lieu de la découverte des principes fondamentaux de la religion et de l'héritage sikh.
Les problèmes ne s'arrêtent pas là: "il est presque impossible de trouver des livres bien écrits, intéressants et lisibles." Il faut donc non seulement des livres concis et bien rédigés, mais aussi avec un contenu qui fasse référence à l'environnement des enfants pour leur offrir des points de comparaison, et non à une Inde qu'ils ne connaissent pas: par exemple, au lieu d'établir des comparaisons entre le sikhisme et l'hindouisme, il faudrait le faire avec le judaïsme et le christianisme pour les jeunes de la diaspora.
Cependant, selon Alice Basarke, le plus complexe des problèmes est celui de traditions culturelles venues interférer avec les principes idéaux de la religion. Ainsi, le sikhisme ne connaît en principe pas de caste - et pourtant, les annonces matrimoniales dans les journaux sikhs révèlent immédiatement qu'elles sont bien présentes. L'auteur estime que le sikhisme se lie trop à des traditions culturelles hindoues, au lieu d'affirmer nettement son caractère distinct. En émettant cette critique, Alice Basarke se situe bien entendu dans la ligne de tout un courant de renouveau du sikhisme qui, depuis bientôt un siècle, insiste sur la spécificité de cette religion par rapport à son environnement hindou - tandis que, à l'inverse, les courants de renouveau de l'hindouisme préféreraient intégrer le sikhisme dans le vaste ensemble culturel hindou. Au 19e siècle, bien des observateurs avaient prédit que le sikhisme se fondrait tôt ou tard dans l'hindouisme, mais les mouvements de réveil du sikhisme ont réagi contre cette tendance et réaffirmé un particularisme sikh.
L'article évoque encore plusieurs autres problèmes dans la vie des communautés, notamment les rivalités internes et les fausses priorités qu'auraient beaucoup de responsables locaux d'associations sikhs. L'article établit un constat sévère. Qu'il soit exact ou demande des nuances, il révèle que les sikhs en Occident doivent faire face à des problèmes par rapport à la jeunesse qui sont en partie les mêmes que ceux rencontrés par d'autres religions, mais aussi à certaines difficultés propres à une diaspora.
Référence: Alice Basarke, “Youth and the Future of Sikhism”, The Sikh Courier, N° 94, automne-hiver 2002, pp. 47-49.
Adresse: The Sikh Courier International, 33 Wargrave Road, Harrow, Middlesex HA2 8LL, Royaume-Uni.