Ce texte a été présenté pour la première fois comme conférence pour l'ouverture de l'année académique 1998-1999 à l'Université de Fribourg le 28 octobre 1998. Il a également été publié par l'unité de science des religions de la même université sous forme de brochure au début de l'année 1999. Nous le publions ici sous sa forme d'origine, sans révisions ou mises à jour, à l'occasion du début du cours sur "Les nouveaux mouvements religieux - perspective historique" donné par l'auteur durant le semestre d'été 2003 à l'Université de Fribourg (24.03.2003).
L’expansion occidentale et la découverte d’autres cultures – et donc d’autres approches des dimensions transcendantes – ne furent pas étrangères à la naissance à l’étude comparée des religions. Cette démarche scientifique apparaît aujourd’hui comme plus nécessaire encore: nos sociétés ne se trouvent plus seulement confrontées aux interrogations intellectuelles et spirituelles posées par l’existence de grandes traditions religieuses appartenant à des mondes pour nous exotiques, mais à leur présence sur le sol européen; en outre, il ne s’agit plus de séjours temporaires, mais d’un établissement définitif. Cette situation religieuse plurielle dans l’espace occidental se manifeste également à travers le foisonnement de mouvements religieux nouveaux issus de «grandes traditions» ou indépendants de celles-ci. C’est ce qu’on appelle souvent aujourd’hui les «nouveaux mouvements religieux» (NMR).
Il y a toujours eu des mouvements religieux nouveaux, à toutes les époques, mais jamais les circonstances n’ont été aussi favorables à leur diffusion mondiale. Pour illustrer ce contexte historiquement sans précédent, j’aime citer une petite anecdote: en 1993, lors d’un passage à Mount Abu, au Rajasthan, un habitant du lieu me proposa de me conduire à la grotte d’un ermite, dans la montagne. Après un moment de marche, nous atteignîmes le site; j’eus alors la surprise de voir sortir de la grotte un aimable disciple québecois de l’ermite, qui nous expliqua que celui-ci n’était pas là, parce qu’il avait pris l’avion pour aller rendre visite à des disciples en Autriche! Anciennes ou nouvelles, les religions vivent aussi à l’heure du «village global». Nous ne sommes pas encore en mesurer de deviner quelles conséquences la mondialisation (globalization) aura sur les structures, sur les croyances et sur les pratiques des religions, mais le chercheur japonais Nobutaka Inoue suggère que l’un des effets en sera le développement de tendances au «néo-syncrétisme», c’est-à-dire l’amalgame délibéré entre des éléments d’origines culturelles et religieuses diverses, sans qu’il soit nécessairement la conséquence d’un contact réel avec les traditions auxquelles sont faites ces emprunts[1].
Le développement contemporain de NMR n’est pas limité à l’Occident: cette floraison se retrouve sous toutes les latitudes ou presque. Même d’un pays comme la Chine, qui s’efforce de garder sous contrôle étatique les manifestations de croyances religieuses, nous parviennent des informations sur des groupes «sauvages», aussi bien importés qu’autochtones; il n’y a guère que quelques zones musulmanes, comme l’Arabie saoudite, où les mouvements extérieurs à l’islam n’arrivent pratiquement pas à prendre pied. En Afrique, si le nombre d’adhérents aux religions traditionnelles a connu un spectaculaire déclin au XXe siècle (58,1% de la population du continent en 1900, 13,9% en 1980), le principal bénéficiaire en étant le christianisme (et l’islam dans des proportions moindres)[2], nombre de mouvements religieux en dehors des grandes Eglises et religions se développent: à la fois des mouvements indigènes, c’est-à-dire ce qu’on a coutume d’appeler les Eglises indépendantes africaines, et des mouvements importés, d’origine tant occidentale qu’orientale. La lecture de l’étude de Rosalind Hackett sur la vie religieuse dans la ville nigériane de Calabar au début des années 1980 permet de se rendre compte de cette diversité[3]. Elle n’a certainement pas décru depuis.
Il ne faut donc pas considérer la multiplication de NMR comme des transferts à sens unique: en effet, des mouvements orientaux prennent pied en Occident, des mouvements occidentaux s’exportent en Orient; certains groupes restent limités à un cadre culturel particulier, d’autres s’internationalisent; des mouvements nés en Occident incorporent des concepts provenant d’autres cultures, tandis que des mouvements d’origine extra-occidentale intègrent des données extérieures à leurs traditions autochtones. Un passionnant ouvrage examine la multiplication de «maîtres spirituels» occidentaux se référant à des traditions orientales; l’auteur remarque que la plupart d’entre eux ne sont pas simplement des «copies» de maîtres orientaux, mais réinterprètent la tradition dont ils se réclament et créent entre lignées spirituelles différentes des ponts et combinaisons s’inscrivant dans des démarches «transtraditionnelles»[4]. Le simple fait que différentes traditions orientales se retrouvent simultanément en Occident entraîne des questions nouvelles et des transformations ainsi que l’émergence de nouvelles subdivisions au sein de ces traditions.
Dans l’autre sens, comme le soulignait un article dans un récent numéro du magazine semestriel de science des religions allemand Spirita, le «New Age» est aussi populaire au Japon qu’en Occident, les best-sellers d’auteurs américains de ce courant y sont traduits et y trouvent de nombreux lecteurs, tandis que circulent dans les librairies de Tokyo les livres de Swedenborg et la littérature théosophique ou anthroposophique[5]. Au Japon comme en Occident et ailleurs, on va chercher, de façon éclectique, des éléments de réponse aussi bien dans des cultures exotiques (dont on reprendra des éléments isolés de leur contexte) que dans son propre héritage.
L’attente d’une nouvelle ère se combine curieusement avec l’évocation idéalisée d’un passé très ancien, ce qui peut aller jusqu’à la tentative de recréer des pratiques religieuses depuis longtemps disparues, avec lesquelles on tentera de renouer en allant célébrer des rituels à Stonehenge, à Carnac ou aux Externsteine[6]. Plusieurs études ont été publiées ces dernières années sur les courants néo-païens, aussi bien dans le monde anglo-saxon[7] que dans l’aire germanophone[8]. Dans les années à venir, la réemergence de croyances païennes[9] ou l’invention de pratiques néo-païennes dans certaines régions des pays post-soviétiques mériteront certainement aussi de plus en plus l’attention des chercheurs.
A côté de groupes religieux structurés proprement dits, on ne saurait négliger une nébuleuse de pratiques et croyances qu’on hésiterait souvent à définir comme «religieuses» au sens strict, et dont le développement est pourtant associé au contexte plus large de ce que je qualifie en français de «religiosité parallèle» (alternative Religiosität en allemand). Nous y reviendrons. Enfin, même si l’on a de bonnes raisons de prévoir pour le siècle prochain un écart encore plus profond entre spiritualité personnelle et institutions religieuses[10], il ne faut pas oublier le dynamisme que conservent certains secteurs des religions traditionnelles: dans une société comme la nôtre, les Eglises dominantes continuent à rassembler un pourcentage statistiquement beaucoup plus élevé de fidèles que tous les NMR réunis, même si l’on ne prend en compte que les fidèles réellement convaincus et pratiquants. Plusieurs études s’intéressent au retour d’adultes à des formes traditionnelles de christianisme[11]; l’on devine, bien sûr, que ce retour à la tradition n’est pas une simple reproduction du passé, car la nature de ces démarches est inévitablement différente de celle des générations précédentes, ne serait-ce qu’en raison du contexte de privatisation accrue, de dérégulation des croyances, dans lequel il s’inscrit. Ce retour à des expressions traditionnelles (voire traditionalistes) du christianisme par des hommes et des femmes parfois passés par d’autres expériences spirituelles sera le fruit d’une adhésion de libre choix, et pas la simple reprise d’un héritage familial.
Ceux qui se sentent la vocation d’étudier les phénomènes religieux pourraient donc se réjouir de ce riche matériel qui s’offre à leurs observations. Mais encore faut-il commencer par définir de quoi nous nous occupons: ce champ offre-t-il un terrain de recherche cohérent? pouvons-nous présenter ces mouvements comme «religieux»? Il se trouve des membres de la communauté scientifique pour critiquer l’usage trop rapide, à leur sens, de l’adjectif «religieux» sans analyse préalable[12].
La définition de la «religion» a donné lieu à d’interminables débats; il n’y aura certainement jamais d’accord unanime entre chercheurs[13]. Nous savons que la notion de religion est liée à l’histoire de la pensée occidentale et qu’elle a pu être considérée comme «eurocentrique» – même si, par suite de la diffusion universelle des modèles occidentaux, elle a aujourd’hui pénétré dans presque toutes les sphères culturelles[14]. Et nous savons aussi que «la religion» n’existe pas, il n’y a que «des religions», dont les démarches présentent certes des analogies justifiant leur étude commune comme domaine spécifique. Je ne crois pas qu’une définition doive devenir un carcan: il s’agit plutôt d’un instrument de travail pour essayer de délimiter un terrain, les résultats d’une recherche pouvant aussi conduire à modifier cette définition. Lorsque je parle de religion, j’utilise une définition liée au contexte occidental que j’étudie (cela pourrait être plus compliqué si je m’intéressais à des cultures «exotiques»), une définition assez classique, mais en même temps raisonnablement universelle: une religion est un ensemble de croyances, doctrines, pratiques et rites permettant à des êtres humains de définir leurs relations avec des dimensions considérées comme transcendantes ainsi que d’interpréter l’origine et la finalité de l’existence.
Je n’entre pas ici dans les distinctions, aujourd’hui très discutées, entre des concepts comme celui de «religion» et celui de «magie», même si cela soulève aussi des questions par rapport aux questions envisagées ici: depuis quelques années, en effet, le chercheur italien Massimo Introvigne propose une distinction entre NMR et «nouveaux mouvements magiques» (tout en la limitant de fait à des mouvements de l’aire occidentale)[15].
Qu’entend-on par «NMR»? Si l’on considère que l’expression s’est largement répandue parmi les chercheurs – à commencer par les sociologues s’occupant de ces questions[16] – depuis une vingtaine d’années, on est surpris de constater que la question de la définition est souvent traitée superficiellement. Au départ, on a surtout parlé de NMR pour désigner des mouvements apparus sur la scène religieuse occidentale à partir des années 1960. Le sociologue britannique James Beckford a fait remarquer que l’expression n’avait guère de sens pour désigner individuellement un mouvement particulier, mais devait être utilisée pour les qualifier collectivement: un certain nombre de groupes religieux, souvent sans liens les uns avec les autres, sont apparus durant une même période et ont donné aux observateurs le sentiment de représenter un phénomène à la fois distinct et nouveau[17]. Un autre chercheur britannique, l’éminent spécialiste de l’analyse sociologique des sectes qu’est Bryan Wilson[18], reconnaît que l’expression «NMR» est utilisée «faute d’un meilleur concept», parce que celui de «secte» ne réussissait plus à répondre aux exigences présentées par le tableau actuel[19]. A l’inverse, dans un récent ouvrage, le sociologue italien Enzo Pace propose, en revenant aux fondements posés par Weber et Troeltsch, de continuer sans complexe à utiliser le mot de «secte»[20]. Il n’est pas exclu que celui-ci ait donc encore de beaux jours devant lui, et pas seulement dans la littérature de type apologétique.
La recherche sur les phénomènes religieux ne se déroule pas en champ clos: elle s’insère, qu’elle le veuille ou non, dans un contexte social, et certains groupes y font l’objet de controverses. Or, nous savons tous que le terme de «secte» a plutôt mauvaise presse. Le développement de l’expression NMR est aussi lié à ces débats: elle permet d’éviter un mot à la connotation négative. C’est en invoquant explicitement de telles raisons que le chercheur américain James Richardson insiste pour que ses collègues renoncent à utiliser le mot cult qui, dans son acception populaire en anglais, a la même connotation négative que secte en français[21]: l’usage du mot cult, écrit-il, devrait être sévèrement limité, car il apporte, volontairement ou non, un soutien «à ceux qui utilisent le terme comme une arme sociale contre des expériences et groupes religieux nouveaux et exotiques»[22]. Certes, il n’appartient pas à des chercheurs de contribuer à jeter l’huile sur le feu; cependant, des mots comme «secte» et cultont un usage scientifique vieux déjà de plusieurs décennies dans le domaine sociologique, et l’on peut s’interroger sur l’opportunité de changer de vocabulaire simplement parce qu’un terme a mauvaise presse! Pourtant, on observe depuis quelque temps déjà une tendance à élargir l’application de l’expression NMR non seulement aux différents mouvements apparus depuis les années 1960, mais également à des groupes plus anciens, les «non-conformismes» du christianisme occidental, que tous les chercheurs qualifiaient sans difficulté de «sectes» il y a peu d’années encore. Cela revient en définitive simplement à faire de «NMR» un équivalent «codé» du mot «secte» – opération dont on perçoit mal l’intérêt et l’utilité, en dehors d’une intention «politique».
Il existe donc différents points de vue dans la communauté des chercheurs s’intéressant à ces sujets[23]. Avant de dire comment je comprends et utilise moi-même le terme NMR, je dois préciser, pour qu’il n’y ait pas de malentendu, que la recherche sur les NMR a donné naissance aussi à quelques importants travaux de réflexion sociologique: je pense par exemple à la typologie des mouvements religieux élaborée par le regretté Roy Wallis en fonction des trois orientations par rapport au monde (world-rejecting, world-affirming et world-accomodating)[24] ou aux efforts de clarification de Rodney Stark et William Bainbridge autour de la notion de cult (mot qui, dans son acception sociologique, n’est pas équivalent à sect en anglais), qui les ont conduits à distinguer entre client cults, audience cults et cult movements[25]. Je ne puis entrer ici dans une explication détaillée, mais il importe de dire que ces efforts d’élaboration sociologique nous aident à mieux analyser les courants considérés.
Ma propre définition des NMR n’est pas restée stable; je suis en train de la retravailler. Au départ, je me suis rallié à l’expression NMR par insatisfaction à l’égard du mot «secte» – pas simplement à cause de sa connotation péjorative, mais aussi parce que je doutais (et continue à douter) de son adéquation dans la situation nouvelle créée par la multiplication de mouvements qui ne sont pas issus de la tradition chrétienne. En effet, l’approche sociologique de la secte est construite autour de la dichotomie Eglise/ secte; or, les dernières décennies ont vu se développer dans nos pays de plus en plus de mouvements ne se définissant pas, ou en tout cas pas essentiellement, par rapport aux Eglises chrétiennes. Ils n’ont en commun avec les sectes d’origine chrétienne que leur état de minoritaires dans nos sociétés, sans pour autant être (comme les immigrants musulmans, par exemple, ou les convertis au bouddhisme sous ses formes variées) les représentants d’une des grandes traditions historiques de l’humanité. Y a-t-il un sens à utiliser le mot «secte», surtout à une époque où l’emprise des Eglises traditionnelles sur les sociétés occidentales a beaucoup décru? bien qu’il soit vrai que ces Eglises restent les détentrices d’une sorte de norme religieuse implicite, même au regard de beaucoup de non croyants. J’en étais donc arrivé à accepter le mot «secte» pour les groupes religieux minoritaires issus du christianisme et à utiliser, faute de mieux et sans enthousiasme, l’expression NMR pour désigner les émergences hors christianisme et également indépendantes des grandes religions traditionnelles[26].
Plus récemment, je tends à recourir à l’expression NMR non pas pour essayer de définir une impossible catégorie, travail pour lequel la classification en familles spirituelles ou l’analyse à l’aide de types idéaux sera plus pertinente, mais pour m’intéresser à la créativité religieuse, en plein essor en raison d’un contexte actuel qui y est propice: liberté religieuse dans les sociétés occidentales, sécularisation (qui signifie non pas la disparition de la religion, mais sa privatisation[27]), facilité des communications, rapidité des déplacements. Je m’intéresse alors à ces mouvements en prenant l’expression NMR au sens le plus littéral, pour désigner des groupes religieux apparus à l’époque contemporaine dans l’espace occidental (qui est mon champ de recherche) soit par création sur notre sol, soit par importation. J’essaie ensuite d’analyser leur «nouveauté», c’est-à-dire de comprendre s’ils s’inscrivent dans la continuité d’une tradition préexistante, s’ils rompent au contraire avec elle, ou encore s’ils aspirent à effectuer une nouvelle synthèse fondée sur plusieurs traditions? En effet, après avoir approché, plus ou moins intensivement, des dizaines de mouvements au fil des ans, je me rends compte que, même si les expressions NMR et «nouvelles religions» sont souvent utilisées (à tort) de façon interchangeable, la plus grande partie des mouvements qui naissent restent des NMR, c’est-à-dire qu’ils demeurent dans l’orbite d’une tradition préexistante en fonction de laquelle ils continuent à se définir, sans réussir à s’en différencier au point de devenir de nouvelles religions, l’amorce de traditions indépendantes. Pour prendre l’exemple de mouvements missionnaires issus de l’islam, tant la Foi bahá’íe, née en Perse au siècle dernier, que le mouvement Ahmadiyya, apparu dans le sous-continent indien, sont des mouvements considérés par l’islam majoritaire comme «non musulmans»: l’accès à La Mecque est interdit à leurs membres (sans parler d’autres conséquences pénibles pour leurs adhérents, tant en Iran qu’au Pakistan). Mais, si l’on analyse les croyances et les pratiques de ces deux mouvements, on peut dire que la Foi bahá’íe s’est tellement éloignée de l’islam (elle a ses propres livres sacrés, ses propres rites, son propre calendrier, ses propres lieux saints) qu’elle n’est plus une branche dissidente de l’islam, mais une religion indépendante, une «nouvelle religion»; en revanche, le mouvement Ahmadiyya conserve le Coran, le calendrier musulman, les pratiques musulmanes, même s’il y ajoute la croyance à son fondateur comme le «Messie promis» et Mahdi, et on peut donc dire que c’est une secte musulmane, un NMR, et non pas une religion autonome.
Je pourrais donner d’autres exemples, y compris certains pour lesquels la limite est moins facile à tracer, parce que des mouvements peuvent osciller entre la différenciation et l’attraction de la tradition dont ils sont issus: c’est un processus qu’on observe dans l’histoire du mormonisme. Lorsque je parlerai de NMR dans la suite de cet exposé, vous devez donc savoir qu’il m’arrive de les aborder dans deux perspectives différentes, l’une de nature plutôt sociologique et l’autre plutôt historique.
Pour en venir à la question de savoir si les NMR sont des mouvements «religieux», un chercheur américain qui avait étudié les disciples du flamboyant Bhagwan Shree Rajneesh dans les années 1980 faisait remarquer que la tâche d’analyse était compliquée par la nature changeante et inconsistante du mouvement: peu d’importance était accordée aux systèmes sociaux et aux identités légales, les croyances et les pratiques pouvaient changer en fonction des nécessités du moment![28] On avait donc l’impression d’un mouvement «fabriqué» (manufactured). J’observais le groupe des adeptes suisses au moment où le mouvement, sur ordre de son chef, cessa du jour au lendemain d’être une religion, en 1985; les disciples prétendaient peu de temps auparavant encore, avec plus ou moins de conviction, que le «rajneeshisme» était bien une religion, et un petit livre essayait d’expliquer que, puisque de toute façon les disciples tendent, après la mort d’un maître, à cristalliser leurs enseignements sous la forme d’une organisation religieuse, Rajneesh préférait en créer une de son vivant afin d’assurer que son enseignement ne serait pas déformé après sa disparition[29]. Rajneesh ne manquait pas d’ajouter que c’était une «religion sans religion» (religionless religion), sans dogme, culte ou croyance[30]. Du jour au lendemain, lorsque le statut de religion fut abandonné, le petit livre présentant le rajneeshisme fut brûlé!
Une capacité à modifier aussi rapidement une identité pose quelques questions: si nous nous bornions à suivre l’auto-définition de tels mouvements, cela signifierait qu’ils appartiendraient un jour à notre champ d’étude et, subitement, n’en relèveraient plus le lendemain, par suite d’un caprice de leur fondateur! Cela signifie donc que notre analyse devra tenir compte de la perception qu’un mouvement a de lui-même (à différents niveaux: pas seulement celui des déclarations officielles des dirigeants), mais qu’elle ne saurait se limiter à celle-ci. Pour tout compliquer – mais cela a aussi l’avantage de nous rappeler que la religion n’est certainement pas la catégorie bien circonscrite que nous imaginons peut-être parfois – , il y a des mouvements qui, comme le fait remarquer la sociologue française Françoise Champion (spécialiste de ce qu’elle a baptisé la «nébuleuse mystique-ésotérique»), brouillent les «frontières du religieux et du non-religieux: dans les divers groupes qui la constituent on a presque toujours, à des degrés variables, un syncrétisme des références alliant ‘spécifiquement religieux’, psychologie, science, ‘irrationnels’ divers (voyages astraux, guérison par les cristaux, maniement d’‘énergies’).»[31] Ce n’est pas pour rien que je m’étais trouvé amené, dans une vaste enquête menée de 1987 à 1990 sur la «religiosité parallèle» en Suisse, à proposer l’usage de l’expression «nouvelles voies spirituelles», qui permettait d’éviter l’adjectif «religieux» sans être pour autant, sur le fond, beaucoup plus satisfaisante que NMR[32].
Ces remarques doivent nous rendre attentifs à deux éléments:
- Tout d’abord, puisque les frontières ne sont pas toujours aussi nettes qu’on ne l’imagine, il faut s’intéresser aussi à ce que l’on appelle des «quasi-religions», dont le statut est ambigu par rapport à ce que nous percevons traditionnellement comme religion, tout en s’y rattachant par certains points[33]. Ce sont des mouvements à la frontière entre sacré et séculier, qui peuvent mettre l’accent sur l’une ou l’autre dimension – ou sur les deux en même temps… – mais ne pratiquent pas un culte au sens classique[34]. Il convient également de prêter attention à l’importante composante thérapeutique et/ou psychologique observée dans nombre de mouvements se trouvant fréquemment sur ces frontières: James Beckford avait proposé de parler de new religious and healing movements, dominés par une aspiration «holistique»[35]. Dans le cas de la «guérison pranique», un nouveau mouvement né aux Philippines, mais qui est déjà présent un peu partout à travers le monde (y compris en Suisse), Beckford constate que la pratique de guérison, qui se veut «scientifique», est associée à un arrière-plan de croyances ésotériques et qu’elle est également perçue par ceux qui l’appliquent comme un moyen de développement spirituel[36]. On pourrait faire des remarques semblables à propos du Spiritual Human Yoga (Ecole de l’Energie Universelle).
- Les mouvements religieux apparus en Occident à l’époque contemporaine s’inscrivent souvent dans un milieu plus large avec lequel ils se trouvent en interaction et dans lequel circulent des idées qui ne relèvent pas seulement des thématiques religieuses, mais plus largement de l’aspiration à trouver «autre chose», également dans des champs comme celui des pratiques thérapeutiques et du système socio-politique. Ainsi se créent des ponts entre des domaines à première vue différents: c’est ce que le sociologue britannique Colin Campbell avait baptisé, dans un article fondamental, le cultic milieu, qui fournit un support social à l’émergence de mouvements religieux nouveaux, auxquels il préexiste et dont il récupère les restes s’ils ne survivent pas[37]. Il suffit de se promener dans une librairie ésotérique ou de visiter la foire de l’ésotérisme qui se tient chaque année à Zurich pour comprendre comment peuvent se mêler intérêt pour les pyramides ou le contact avec les esprits de défunts et méditation ou astrologie, entre beaucoup d’autres choses. Et l’on comprend mieux aussi comment, sur la base d’une commune aspiration à s’éloigner des sentiers battus, se rencontrent des quêtes explicitement religieuses et d’autres qui le sont moins. Enfin, l’existence de ce milieu qui se retrouve dans les mêmes librairies, dans les mêmes foires, malgré des intérêts apparemment sans liens entre eux, justifie, dans une certaine mesure, l’approche du monde multiforme de la religiosité parallèle comme terrain cohérent.
Les interrogations sur la nature religieuse ou non des mouvements étudiés ne relèvent pas seulement du débat académique: le terme de «religion» a également des implications sociales. Il y a deux ans, lors d’un colloque, je rencontrai la responsable d’une association suisse de lutte contre les sectes qui, dans une lettre à un périodique alémanique, avait prétendu que j’avais décrit l’Ordre du Temple Solaire, après les événements de Cheiry et de Salvan (1994), comme un groupe inoffensif. Un peu sèchement, je lui fis part de ma surprise face à une assertion qui ne correspondait en rien à la réalité. «Mais si, me répondit-elle, des amis vous l’ont entendu dire à la radio!» Face à mes dénégations, elle précisa: «Oui, vous avez dit que c’était un petit groupe religieux!» Ce qui avait choqué cette personne était l’utilisation de l’adjectif «religieux» en parlant de l’OTS. A ses yeux, cela équivalait à un certificat de bonnes mœurs, mettant l’OTS sur le même pied de respectabilité que l’Eglise catholique romaine ou l’Eglise réformée! Or, au sens où je l’utilise, le mot «religion» est un terme neutre, descriptif, sans connotation automatiquement positive: si un groupe religieux légitime à travers sa doctrine (pour prendre un cas extrême) des meurtres ou d’autres actes répréhensibles, cela n’ôte, à mes yeux, rien à sa nature religieuse, mais signifie simplement qu’il s’agit d’un groupe religieux criminel, les deux adjectifs n’étant pas mutuellement exclusifs. Telle n’est cependant pas la manière dont le perçoivent beaucoup de gens, qui peuvent se sentir sincèrement choqués par une telle approche. La connotation valorisante de la catégorie religieuse est également ressentie par certains des groupes concernés (tandis que d’autres, pour différentes raisons, tiennent au contraire à s’en démarquer). On pourrait envisager la «religion», suggère un sociologue américain, non comme une caractéristique inhérente à certains phénomènes, mais comme une «ressource culturelle» revendiquée par des groupes (et, le cas échéant, contestée par d’autres) afin de prétendre aux privilèges associés à l’étiquette religieuse[38]; en effet, la classification comme «religieux» peut présenter, pour un groupe, des avantages concrets, par exemple des exemptions fiscales. Si des autorités administratives viennent consulter des chercheurs en science comparée des religions pour résoudre des cas difficiles, il faut être en mesure de leur fournir des éléments d’appréciation.
Un cas délicat et d’actualité est celui de l’Eglise de Scientologie. Ce mouvement – qui est en Suisse le plus controversé depuis des années, sans être représentatif de l’ensemble des NMR – s’efforce avec une grande énergie de se faire considérer comme une religion, y voyant manifestement certains avantages. Il sollicite régulièrement des chercheurs pour leur demander de rédiger des expertises attestant le caractère religieux de la Scientologie; ces expertises, qui sont payées (bien que pas pour des sommes très élevées, semble-t-il), sont ensuite publiées et largement diffusées par le mouvement[39]. Cela pose quelques sérieux problèmes déontologiques du point de vue des chercheurs[40]: pas seulement du fait qu’on reçoit un paiement du groupe étudié, mais surtout parce que l’on sait d’avance que l’expertise livrée est destinée à être instrumentalisée dans le cadre d’une bataille idéologique et qu’accepter de l’écrire revient donc, qu’on le veuille ou non, à prendre parti. En outre, s’il est exact que, sur la base de critères classiques de la sociologie religieuse, on peut argumenter, d’un point de vue théorique, que la Scientologie remplit bien les conditions pour être qualifiée de religion[41], il me semble qu’on doit aussi examiner la façon dont le groupe a fait usage de ces définitions (c’est-à-dire s’il se définit de façon cohérente comme une religion, ou s’il revendique le qualificatif en fonction des circonstances). Enfin, puisqu’il n’y a pas de définition absolue de la religion, il faut aussi admettre qu’une société puisse considérer, d’un point de vue purement administratif, un mouvement comme religieux ou non en fonction de la perception du «religieux» qu’a cette société (bien entendu sans qu’une classification administrative comme religion ou non entraîne des conséquences sur le plan de la liberté de conscience et d’action de ses membres, qui doit dans tous les cas rester entière tant qu’elle ne présente pas de danger pour la société ou pour ses membres).
Cela nous conduit aussi à un autre problème épineux, mais de plus en plus soulevé aujourd’hui: dans la mesure où, en tant que chercheurs, nous sommes aussi des hommes et des femmes ayant une responsabilité envers la société dans laquelle nous vivons, dans la mesure où ce qu’on qualifie d’«agnosticisme méthodologique» n’empêche pas que chacun de nous soit aussi attaché à des valeurs, avons-nous le droit d’émettre des évaluations critiques à l’égard des phénomènes que nous étudions, ou devons-nous même le faire dans certains cas? Cela ne se limite pas aux NMR, il s’agit d’une question plus large[42], mais elle se pose de façon particulièrement vive pour les NMR en raison des controverses qui font rage autour de certains d’entre eux, et suscitent l’attention des autorités dans plusieurs pays (rapports parlementaires en France, en Belgique, en Allemagne et en Suède, expertise dans le canton de Genève, rapport de police en Italie, rapport du canton du Tessin, etc.). En outre, des chercheurs se trouvent parfois mis en cause publiquement et accusés d’être sortis de leur statut d’observateurs indépendants pour se transformer en «apologistes» des mouvements qu’ils étudient. Bien entendu, les spécialistes des NMR eux-mêmes n’ignorent pas ces questions, qui ont fait l’objet de discussions très franches entre experts lors des conférences de la Society for the Scientific Study of Religion et de l’American Academy of Religion en 1998[43].
Sans prétendre donner de réponse absolue, je veux partager quelques réflexions sur ces questions. Je ne pense pas qu’un spécialiste de l’étude des religions soit condamné au relativisme – ni dans ses prises de position publiques ni dans ses convictions personnelles. Avec le foisonnement actuel de NMR, il est inévitable, d’un simple point de vue statistique, que s’y trouvent, parmi leurs chefs et leurs adeptes, un certain nombre de personnalités déséquilibrées, potentiellement dangereuses ou même criminelles – des cas comme celui d’Aum Shinrikyo au Japon suffisent à le démontrer[44]. Un chercheur en science comparée des religions n’idéalise pas les faits religieux: il peut certes se passionner pour des constructions doctrinales, leur évolution, leurs points de contact avec d’autres traditions, mais il sait qu’il y a, derrière tout cela, des êtres humains avec leurs faiblesses et leurs pulsions, et que celles-ci peuvent parfois s’abriter derrière de belles justifications doctrinales. Il sait que les religions sont tout autant des facteurs de conflit que de dialogue ou de coopération. S’il se trouve donc confronté à des pratiques objectivement répréhensibles, il n'y a pas de raison qu’il ne le dise pas. Lorsque j’écris sur l’affaire du Temple Solaire, dont j’ai été amené à m’occuper de près (ayant été le seul chercheur à s’être penché sur ce groupe avant les tragiques événements de 1994), je suis certes en mesure de me livrer à une analyse froide et dépassionnée, mais, au moment de tirer des conclusions, je ne saurais oublier que l’aboutissement de toute cette affaire a non seulement été une série de suicides, mais aussi plusieurs assassinats[45]. Le cas est extrême, mais doit nous inciter à la vigilance: les universitaires japonais qui avaient souligné les aspects positifs d’Aum Shinrikyo avant l’attentat au sarin dans le métro de Tokyo s’en mordent les doigts aujourd’hui…
Je crois que des principes idéologiques posent également des questions: en examinant un système tel que la Scientologie, on peut s’interroger sur certains traits analogues à ceux d’idéologies totalitaires et, d’autre part, sur des directives qui semblent à la racine de comportements problématiques adoptés par des membres du groupe[46].
Je ne prône pas une science des religions «engagée», ni dans le sens d’une impossible et peu souhaitable définition des normes du «religieusement correct» ni – comme c’était le cas chez certains auteurs de la première moitié du siècle – pour promouvoir à travers elle un projet «théologique»; en revanche, je crois à une science des religions responsable. Il va sans dire que l’éventuel jugement de valeur ne saurait en aucun cas être l’objectif même de la recherche: lorsque je me trouve face à des étudiants qui me demandent conseil et m’expliquent qu’ils veulent étudier un groupe (qu’ils n’ont pas encore approché directement, mais dont ils ont entendu parler par les médias) pour en dénoncer les travers, je pense que c’est une mauvaise approche, car la grille interprétative est posée d’avance; la critique ne peut être que le résultat d’un travail, pas son présupposé! A l’inverse, lorsque des chercheurs prennent le risque de se transformer en avocats au service de groupes qu’ils étudient, on assiste à une dérive tout aussi peu souhaitable[47], que je ne confonds pas, bien entendu, avec le légitime souci de présenter une image nuancée de ces groupes, même si elle contredit celle (parfois caricaturale) que nous proposent les médias. Car les présentations stéréotypées des NMR abondent, et le chercheur se trouvera inévitablement amené à les contredire parfois, non sans certains risques: lorsque j’explique que la réalité d’un mouvement est différente de celle que lui attribuent des médias, je sais que certains commentateurs enclins à la polémique me soupçonneront aussitôt de vouloir «blanchir» ledit mouvement pour d’obscurs motifs!
C’est à chaque chercheur de trouver une ligne pour demeurer dans une démarche équilibrée et ne pas se transformer en «croisé» d’une cause ou d’une autre[48]. Mais il doit avoir conscience, en se lançant sur ce terrain de travail, qu’il se trouvera potentiellement en concurrence avec d’autres fournisseurs d’informations poursuivant des objectifs différents; il ne sera pas toujours facile d’éviter frictions ou malentendus[49]. «Individu ou société, remarque Emile Poulat, ce n’est jamais sans risque qu’on touche au vivant, dont un biologiste du début de notre siècle disait que sa première caractéristique était l’irritabilité.»[50] Il serait naïf d’imaginer que nos recherches resteront à l’abri du regard parfois très critique d’autres acteurs.
Nous devrons alors veiller à ce que l’impact médiatique des polémiques sociales n’en fasse pas pour nous le centre même de nos préoccupations. Notre objectif, en tant que chercheurs, est de comprendre et d’interpréter la dynamique de croyances et de pratiques. Notre rôle premier n’est certainement ni celui de juges ni celui d’avocats, mais celui de traducteurs, d’interprètes: c’est en remplissant pleinement ce rôle que notre discipline démontrera son utilité – et répondra également, dans le cadre de ses compétences, aux interrogations de la société à laquelle nous appartenons.
La question des sources sur lesquelles nous fonder pour accomplir notre tâche se pose lorsque nous approchons les NMR. S’il est vrai que la science comparée des religions a pu, dans certains cas, se borner à une étude des textes, il est difficile de procéder de cette manière en nous penchant sur la majorité des NMR. Lorsqu’un mouvement a moins de quelques décennies d’existence, et surtout si son fondateur est encore de ce monde, son cadre est probablement loin de se trouver fixé de façon stable: «les Etres Divins sont toujours proches [de moi], m’enseignant constamment la nouvelle information», explique à ses auditeurs Maître Luon Minh Dang, fondateur du mouvement Spiritual Human Yoga[51]. En raison de ces rapides évolutions, il n’est plus possible de porter aujourd’hui sur les NMR les plus connus des années 1970 le même regard qu’il y a vingt ans, ne serait-ce que parce que le noyau de leurs adeptes de cette période s’en est éloigné ou a mûri avec le mouvement[52]. Un récent livre d’un expert allemand sur l’Eglise de l’unification aborde celle-ci en insistant sur sa mutation[53]: si l’on décrivait l’Eglise de l’unification (même en se bornant à sa doctrine) en s’appuyant sur des documents vieux de vingt ans, on risquerait d’en donner une présentation tronquée. Même si l’on n’est ni sociologue ni ethnologue, il faudra donc examiner le mouvement sur le terrain et suivre, le cas échéant, l’évolution de la construction doctrinale, processus qui pourra aussi se trouver conditionné par des circonstances extérieures au mouvement. Certains chercheurs, en particulier Robert Ellwood, ont proposé de parler de «religions émergentes», expression qui a l’avantage d’être suggestive par le caractère non achevé qu’elle laisse supposer. Si des textes fondateurs existent, il convient cependant de se pencher attentivement sur ceux-ci: à cet égard, certaines «nouvelles révélations» offrent un matériel particulièrement digne d’intérêt. Il y aurait, par exemple, tout un travail à faire sur le corpus du mouvement allemand Vie Universelle ou sur la Révélation d’Arès en France.
Je vous rends également attentifs aux apports que peut représenter une utilisation judicieuse et critique des ressources du réseau Internet: la facilité avec laquelle des informations peuvent être répercutées instantanément nous offre des avantages considérables par rapport à la situation qui existait y a dix ans seulement. Il m’est déjà arrivé de repérer, grâce à Internet, des groupes inconnus de tous les répertoires spécialisés. Dans certains cas, c’est même plutôt l’abondance d’informations qui menace, et il importe d’apprendre à trier rapidement et à repérer les sites pertinents: un livre de plus de 300 pages consacré uniquement au recensement des sites mormons sur Internet a été publié en 1997[54], et sans doute serait-il plus épais encore aujourd’hui! Le groupe Heaven’s Gate avait placé nombre de ses textes sur Internet avant de quitter cette planète, et l’on peut encore les consulter sur plusieurs sites miroirs[55]. Des documents difficilement accessibles autrefois s’affichent sur notre écran en quelques secondes. Des articles publiés par des chercheurs dans des revues peu diffusées sont instantanément accessibles sans même quitter son bureau, ou sont rédigés spécialement pour des journaux électroniques. Des controverses internes à un mouvement deviennent subitement accessibles à l’observateur extérieur. Pour prendre un exemple actuel, l’un des principaux dirigeants des dévots de Krishna en Europe a fait défection au début de l’été 1998, ce qui suscite de vives polémiques: des sites Internet de dévots de Krishna «réformistes» publient au fur et à mesure les pièces du dossier[56], alors qu’il aurait fallu des contacts avec différents acteurs pour y avoir accès auparavant; il ne s’agit pas seulement de nouvelles fraîches, mais aussi de débats doctrinaux fondamentaux qui se trouvent ainsi propagés. Ces possibilités sans précédent de diffusion de l’information auront des conséquences internes pour ces mouvements[57]. Des groupes qui cultivaient la discrétion ou se souciaient de contrôler étroitement l’information circulant à leur sujet voient soudain des textes, même confidentiels, largement diffusés par des «dissidents». Tout cela multiplie les sources pour le chercheur: il doit veiller non seulement à ne pas s’y perdre, mais aussi à développer un sens critique aiguisé pour les évaluer. Le réseau Internet ne va pas remplacer les méthodes traditionnelles de recherche: il met à notre disposition un instrument de plus, si nous savons l’utiliser judicieusement.
Si Internet est un moyen indiqué surtout pour suivre certaines mutations des NMR, l’approche de la science comparée des religions ne doit jamais perdre de vue la dimension diachronique des courants étudiés et les examiner dans une perspective historique: la «nouvelle religiosité» n’est pas toujours aussi nouvelle qu’on l’imagine! Notre recherche doit s’efforcer de replacer un mouvement dans son contexte, de voir quels sont ses liens avec d’autres traditions ou des mouvements antérieurs. Il y a quelques années, je m’étais intéressé de près, durant plusieurs mois, à la nouvelle religion japonaise Sukyo Mahikari, et j’avais même accompagné un groupe de membres suisses et français au Japon, en 1989, pour un pèlerinage à l’occasion du 30e anniversaire du mouvement. Toute une série de pratiques de Mahikari soit sont largement répandues au Japon, soit ont été reprises de nouvelles religions antérieures à Mahikari. Si l’on considère Mahikari isolément, comme si le groupe était «tombé du ciel», sans s’intéresser au contexte japonais en général et au monde des nouvelles religions du Japon en particulier, on ne pourra interpréter correctement certains faits; cela n’empêche pas de faire une recherche sur la diffusion de Mahikari dans un pays européen, par exemple, puisque les adhérents européens ne connaîtront généralement pas non plus la culture et la religiosité japonaise. En revanche, si l’on veut aller plus loin, on devra soit apprendre le japonais et étudier directement le monde religieux du Japon en s’y immergeant, soit consulter les spécialistes des religions japonaises et lire leurs travaux[58]. Il ne suffira d’ailleurs pas de s’intéresser au Japon, car on découvrira aussi que Mahikari a fait des emprunts à la religiosité parallèle occidentale. Ces interactions allant dans plusieurs directions simultanément rendent d’autant plus passionnante l’étude des religions contemporaines, mais demandent en même temps une curiosité toujours en éveil et dépassant un terrain trop circonscrit.
On veillera aussi à ne pas se contenter d’examiner des phénomènes religieux comme s’il existait quelque chose de «purement religieux». Le domaine religieux a certes ses spécificités, mais il n’est jamais totalement séparé de facteurs sociaux, politiques, économiques, etc. On peut, bien entendu, étudier l’implantation d’un groupe d’origine hindoue en Europe en s’intéressant uniquement aux motivations des convertis et à ce qu’ils nous révèlent par rapport aux quêtes religieuses de nos sociétés. C’est un travail d’enquête légitime, utile et intéressant. Mais il sera encore plus instructif, si on le peut et si cela est pertinent, d’essayer de recueillir des éléments pour voir quelle fonction joue le groupe dans sa société d’origine: comment, par exemple, des politiciens indiens courtisent Sathya Sai Baba ou des politiciens japonais vont rendre hommage aux chefs de nouvelles religions. On ne saisit qu’une partie de la nature d’un groupe d’origine exotique si l’on ne voit que sa face occidentale: je me souviens d’avoir assisté il y a plusieurs années, à Saint-Gall, à des causeries philosophiques que tenait devant quelques dizaines de personnes, très tôt le matin, feu Swami Chinmayananda; mais il n’est pas sans importance de savoir que le même swami philosophe était, dans son pays, un gourou politique étroitement lié aux efforts de milieux nationalistes indiens. Des remarques semblables pourraient être faites sur des mouvements de différentes origines.
Face à un NMR, nous allons nous livrer exactement au même travail que face à une «grande religion», ce qui signifie prendre ses doctrines au sérieux, dans la mesure où elles sont porteuses de sens pour ceux qui y adhèrent[59]. Il faudra aussi s’intéresser aux rituels, aux pratiques, à l’interaction entre les membres. On peut également choisir des angles d’approche plus particuliers: par exemple, plusieurs travaux de chercheurs anglophones s’intéressant au statut des femmes dans différents NMR ont été publiés ces dernières années[60].
Si nous sommes engagés dans une entreprise comparative, nous aurons à ordonner le matériel rassemblé, à opérer des classifications. A ce moment-là, veillons à ne pas hypertrophier un aspect du groupe, peut-être le plus frappant. Je me souviens de certains des premiers livres que, encore adolescent, j’avais lu sur les sectes: des groupes étaient classés les uns comme «sectes millénaristes», d’autres comme «sectes guérisseuses» – tout cela paraissait clair, simple, satisfaisant pour l’esprit, mais ne risquait-on pas de réduire le groupe à une seule caractéristique, en sous-estimant les autres? Je reprends le cas de Mahikari: certains auteurs ont insisté, dans des études d’ailleurs fort intéressantes, sur la dimension «magique» du mouvement[61]. D’autres ont mis l’accent sur son caractère «thaumaturgique». Mais, comme le fait observer une chercheuse française en s’intéressant à ce dernier point, la perspective de la doctrine de Mahikari est plus large, bien des enseignements n’ont «aucun rapport avec la notion de ‘guérison’»[62]. En catégorisant Mahikari comme mouvement magique, thaumaturgique ou millénariste (qualificatif pour lequel on pourrait aussi trouver de bonnes justifications), on tend à ramener le mouvement à un unique aspect, à en négliger d’autres facettes.
Il y a, dans l’approche des NMR, plusieurs perspectives possibles, et les apports de différentes disciplines sont donc les bienvenues[63]. Historiens des religions, sociologues, ethnologues, psychologues et théologiens ont tous quelque chose à apporter à notre effort de compréhension: aucune discipline ne peut prétendre détenir l’exclusivité du sujet ou offrir l’unique approche adéquate! En étudiant des mouvements nouveaux, nous ne nous intéressons pas qu’à des phénomènes un peu marginaux, mais nous recueillons des connaissances utiles à l’étude des faits religieux en général. Nul doute que beaucoup de ces mouvements s’éteindront: la concurrence est dure sur le marché du religieux! Mais, même si nous nous intéressons à un groupe éphémère, nous n’aurons pas perdu notre temps: cela nous apprendra aussi quelque chose sur les conditions du succès ou de l’échec d’un mouvement religieux émergent[64].
Il est vrai qu’il y a eu, depuis une vingtaine d’années, un nombre appréciable d’études sur des NMR, y compris en Europe[65]. Mais l’on se rend compte aussi que l’ampleur de la recherche se trouve loin d’être égale d’un pays à l’autre; en outre, malgré la longueur croissante des bibliographies, seule une petite partie du terrain a sérieusement été étudiée. Souvent, face à des demandes d’information sur des groupes particuliers, il est difficile de trouver un chercheur qui en ait une connaissance de première main. Depuis longtemps, je pense que, comme l’a récemment écrit aussi David Bromley, une attention disproportionnée a été accordée par les chercheurs à quelques-uns des NMR parmi les plus importants et les plus controversés[66]: or, n’oublions pas que, à côté de quelques mouvements dont nous entendons parler par les médias, il en existe des dizaines, des centaines d’autres, proches ou exotiques, qui n’ont encore fait l’objet d’aucune étude approfondie. «La moisson est grande, mais les ouvriers peu nombreux»: plutôt que d’arpenter des champs déjà labourés, c’est vers de tels groupes qu’il convient d’inciter à se tourner les jeunes chercheurs qu’attirent ces sujets.
© Jean-François Mayer 1999-2003
Notes
[1] Nobutaka Inoue, «The Information Age and the Globalization of Religion», in Globalization and Indigenous Culture, Tokyo, Kokukaguin University, 1997, pp.80-96 (pp.89-90).
[2] David B. Barrett (dir.), World Christian Encyclopedia, Nairobi/ Oxford/ New York, Oxford University Press, 1982, p.782.
[3] Rosalind I.J. Hackett, Religion in Calabar: The Religious Life and History of a Nigerian Town, Berlin/ New York, Mouton de Gruyter, 1989.
[4] Andrew Rawlinson, The Book of Enlightened Masters: Western Teachers in Eastern Traditions, Chicago/ LaSalle, Open Court, 1997.
[5] Inken Prohl, «Zwischen ‘Spiritualität’ und Kommerz. Einige Anmerkungen zum New Age in Japan», in Spirita. Zeitschrift für Religionswissenschaft, 11/2, mars 1998, pp.12-15.
[6] Cf. Klaus-Josef Notz, «Revitalisierungsversuche heiliger Stätten aus den vorgeschichtlichen Religionen Europas», in Udo Tworuschka (dir.), Heilige Stätten, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1994, pp.219-228.
[7] Cf. Graham Harvey, Listening People, Speaking Earth: Contemporary Paganism, London, Hurst, 1997. Sur la situation américaine dans les annés 1970 et 1980, une bonne enquête demeure celle qu’avait menée Margot Adler, Drawing Down the Moon: Witches, Druids, Goddess-Worshippers, and Other Pagans in America Today, éd. revue et augmentée, Boston, Beacon Press, 1986. Cf. également J. Gordon Melton, Magic, Witchcraft, and Paganism in America. A Bibliography, New York/ London. Garland, 1982.
[8] Cf. notamment: Karlheinz Weissmann, Druiden, Goden, Weise Frauen. Zurück zu Europas alten Göttern, Freiburg/ Basel/ Wien, Herder, 1991; Stefanie von Schnurbein, Göttertrost in Wendezeiten: Neugermanisches Heidentum zwischen New Age und Rechtsradikalismus, München, Claudius, 1993.
[9] Cf. par ex. Sergei Filatov et Aleksandr Shchipkov, «Religious Developments among the Volga Nations as a Model for the Russian Federation», in Religion, State & Society, 23/3, sept.1995, pp.233-248.
[10] Richard Cimino et Don Lattin, Shopping for Faith: American Religion in the New Millenium, San Francisco, Jossey-Bass, 1998, p.11.
[11] Pour un exemple d’enquête de ce type, cf. Richard P. Cimino, Against the Stream: The Adoption of Traditional Christian Faiths by Young Adults, Lanham/ New York/ London, University Press of America, 1997.
[12] Cf. Nathalie Luca et Frédéric Lenoir, Sectes: mensonges et idéaux, Paris, Bayard Editions, 1998, p.107.
[13] Pour un état de la discussion dans la perspective d’historiens des religion, cf. Ugo Bianchi (dir.), The Notion of «Religion» in Comparative Research, Roma, «L’Erma» di Bretschneider, 1994.
[14] Cf. les remarques de Kurt Rudolph, ibid., pp.138-139.
[15] Cf. J.-F. Mayer, «Note sur les ‘nouveaux mouvements magiques’», à paraître en 1999 dans le N°22 de la revue ARIES (Association pour la recherche et l’information sur l’ésotérisme, Paris).
[16] Pour une introduction aux résultats de la recherche sociologique (anglo-saxonne) des dernières décennies, on peut lire Lorne L. Dawson, Comprehending Cults: The Sociology of New Religious Movements, Toronto, Oxford University Press, 1998.
[17] James A. Beckford, Cult Controversies: The Societal Response to New Religious Movements, London/ New York, Tavistock, 1985, p.14.
[18] Bryan R. Wilson, Religious Sects, London, Weidenfeld and Nicolson, 1970 (trad. française: Les Sectes religieuses, Paris, Hachette, 1970).
[19] Cf. Bryan R. Wilson, The Social Dimensions of Sectarianism: Sects and New Religious Movements in Contemporary Society, Oxford, Clarendon Press, 1990, pp.204-205.
[20] Enzo Pace, Le sette, Bologna, Il Mulino, 1997. C’est également la position que soutient Jean-Louis Schlegel, «Pourquoi on n’en finit pas avec les sectes», in Esprit, N°233, juin 1997, pp.107-112.
[21] La polémique autour des sectes a entraîné l’introduction du mot cult dans ce sens négatif dans d’autres langues, de préférence avec un adjectif en renforçant le sens: par exemple destruktive Kulte en allemand, reprise de l’américain destructive cults.
[22] James T. Richardson, «Definitions of Cult: From Sociological-Technical to Popular Negative», in Lorne L. Dawson, Cults in Context: Readings in the Study of New Religious Movements, Toronto, Canadian Scholars’ Press, 1996, pp.29-38 (p.37) (publié précédemment dans Review of Religious Research, vol.34, 1993, pp.348-356). Cf. également Jane Dillon et James Richardson, «The ‘Cult’ Concept: A Politics of Representation Analysis», in Syzygy: Journal of Alternative Religion and Culture, 3/3-4, 1994, pp.185-197.
[23] Pour un intéressant et bref panorama de la problématique actuelle autour de l’utilisation de ces mots, cf. Reinhart Hummel, «Neue religiöse Bewegungen und ‘Sekten’», in Materialdienst der Evangelischen Zentralstelle für Weltanschauungsfragen, 61/8, août 1998, pp.225-236 (publié précédemment dans Theologische Literaturzeitung, 123/4, avril 1998).
[24] Roy Wallis, The Elementary Forms of New Religious Life, London, Routledge & Kegan Paul, 1994.
[25] Rodney Stark et William Sims Bainbridge, The Future of Religion: Secularization, Revival, and Cult Formation, Berkeley, University of California Press, 1985 (en particulier chap. 2 pour le cadre théorique).
[26] On pourrait m’objecter que la frontière est difficile à tracer dans un cadre comme celui de l’hindouisme, par exemple, mais il n’en reste pas moins que les courants néo-hindouistes qui recrutent également des adeptes occidentaux, sont, du point de vue de leur structure, des organisations religieuses modernes, comme le suggèrent déjà leurs intitulés dans de nombreux cas.
[27] Cf. Phillip E. Hammond (dir.), The Sacred in a Secular Age, Berkeley, University of California Press, 1985.
[28] Lewis F. Carter, «The ‘New Renunciates’ of the Bhagwan Shree Rajneesh: Observations and Identification of Problems of Interpreting New Religious Movements», in Journal for the Scientific Study of Religion, 26/2, 1987, pp.148-172 (p.149).
[29] Cf. Rajneeshism: An Introduction to Bhagwan Shree Rajneesh and His Religion, 2e éd. révisée, Rajneeshpuram, Rajneesh International Foundation, 1983, p.11.
[30] Ibid., p.58.
[31] Françoise Champion, «De l’hétérodoxie des nouveaux groupes mystiques et ésotériques», in Jean Baubérot, Pluralisme et minorités religieuses, Louvain/ Paris, Peeters, 1991, pp.101-108 (p.102).
[32] J.-F. Mayer, Les Nouvelles Voies spirituelles. Enquête sur la religiosité parallèle en Suisse, Lausanne, L’Age d’Homme, 1993.
[33] Pour une introduction à la problématique, cf. Arthur L. Greil, «Explorations along the Sacred Frontier: Notes on Para-Religions, Quasi-Religions, and Other Boundary Phenomena», in David G. Bromley et Jeffrey K. Hadden (dir.), Religion and the Social Order. The Handbook on Cults and Sects in America, Part A, Greenwich (Connecticut)/ London, JAI Press, 1993, pp.153-172. Cf. également Arthur L. Greil et Thomas Robbins (dir.), Religion and the Social Order. Between Sacred and Secular: Research and Theory on Quasi-Religion, Greenwich (Connecticut)/ London, JAI Press, 1994.
[34] Arthur L. Greil et David R. Rudy, «On the Margins of the Sacred», in Thomas Robbins et Dick Anthony (dir.), In Gods We Trust: New Patterns of Religious Pluralism in America, New Brunswick/ London, Transaction, 1990, pp.219-232.
[35] James A. Beckford, «The World Images of New Religious and Healing Movements», in R. Kenneth Jones (dir.), Sickness and Sectarianism: Exploratory Studies in Medical and Religious Sectarianism, Aldershot (Hampshire)/ Brookfield (Vermont), Gower, 1985, pp.72-93.
[36] James A. Beckford et Araceli Suzara, «A New Religious and Healing Movement in the Philippines», in Religion, 24/2, April 1994, pp.117-141.
[37] Cf. Colin Campbell, «The Cult, the Cultic Milieu and Secularization», in A Sociological Yearbook of Religion in Britain – 5, London, SCM Press, pp.119-136.
[38] Arthur L. Greil, «Sacred Claims: The ‘Cult Controversy’ as a Struggle over the Right to the Religious Label», in Lewis F. Carter (dir.), Religion and the Social Order. The Issue of Authenticity in the Study of Religions, Greenwich (Connecticut)/ London, JAI Press, 1996, pp.47-63 (p.49).
[39] Cf. Les experts étudient la Scientologie, tomeI, Paris, Association Spirituelle de l’Eglise de Scientologie d’Ile-de-France, s.d. (1996?), et surtout, pour une argumentation complète accompagnée d’évaluations d’experts, Scientology: Theory and Practice of a Contemporary Religion, Los Angeles, Bridge Publications, 1998.
[40] Chaque fois que j’ai été sollicité, j’ai refusé de livrer de telles expertises, pour quelque mouvement que ce soit
[41] C’est ce que fait Bryan Wilson, dans le chapitre 13 de ses Social Dimensions of Sectarianism («Scientology: A Secularized Religion»): ayant établi une liste de vingt caractéristiques définissant une religion, il aboutit à la conclusion que la Scientologie remplit les conditions d’une majorité d’entre elles.
[42] Cf. Gritt Maria Klinkhammer et al., Kritik an Religionen: Religionswissenschaft und der kritische Umgang mit Religionen, Marburg, Diagonal-Verlag, 1997.
[43] On peut également lire le dossier «Academic Integrity and the Study of New Religious Movements», publié dans Nova Religio: The Journal of Alternative and Emergent Religions, 2/1, oct. 1998. Mon expérience m’a cependant enseigné que la transparence et le respect de règles déontologiques strictes ne suffisaient pas à prévenir les polémiques…
[44] Cf. Ian Reader, A Poisonous Cocktail? Aum Shinrikyo’s Path to Violence, Copenhagen, NIAS Books (Nordic Institute of Asian Studies), 1996; Martin Repp, Aum Shinrikyo: Ein Kapitel krimineller Religionsgeschichte, Marburg, Diagonal-Verlag, 1997.
[45] J.-F. Mayer, Les Mythes du Temple Solaire, Genève, Ed. Georg, 1996 (cf. l’édition allemande revue et substantiellement augmentée: Der Sonnentempel. Die Tragödie einer Sekte, Freiburg, Paulusverlag, 1998). Cf. également J.-F. Mayer, «Les Chevaliers de l’Apocalypse: l’Ordre du Temple Solaire et ses adeptes», in Françoise Champion et Martine Cohen (dir.), Sectes et Démocratie, Paris, Ed. du Seuil, 1999, pp.205-223.
[46] Cf. le rapport préparé à l’intention de la Commission consultative en matière de protection de l’Etat et à la rédaction duquel j’ai participé: La Scientologie en Suisse, Berne, Département Fédéral de Justice et Police, 1998.
[47] On en trouvera un exemple présenté par un article de Robert W. Balch et Stephan Langdon, «How the Problem of Malfeasance Gets Overlooked in Studies of New Religions: An Examination of the AWARE Study of the Church Universal and Triumphant», in Anson Shupe (dir.), Wolves within the Fold: Religious Leadership and Abuses of Power, New Brunswick (New Jersey)/ London, Rutgers University Press, 1998, pp.191-211.
[48] Cf. aussi J.-F. Mayer, Confessions d’un chasseur de sectes, Paris, Ed. du Cerf, 1990, qui fut au moment de sa rédaction une tentative de premier bilan sur une activité de recherche, et en même temps une occasion de définir publiquement certaines lignes directrices de mon travail; ma réflexion à ce sujet s’est affinée et approfondie depuis.
[49] Cf. Martin Baumann, «Channelling Information: The Stigmatization of Religious Studies as an Aspect of the Debate about the New Religious Movements in Germany», in Eileen Barker et Margit Warburg (dir.), New Religions and New Religiosity, Aarhus, Aarhus University Press, 1998, pp.204-221. Cet article recoupe en partie un autre texte du même auteur: «‘Merkwürdige Bundesgenossen’ und ‘naive Sympathisanten’. Zur Ausgrenzung der Religionswissenschaft in der bundesdeutschen Debatte um neue Religionen», in Zeitschrift für Religionswissenschaft, 3/2, 1995, pp.111-136.
[50] Emile Poulat, «Sociologues et sociologie devant le phénomène sectaire», in La Pensée, N°316, oct.-déc. 1998, pp.93-106 (p.99).
[51] «Level 5.2 Seminar (Special Spiritual), December 26-30, 1998, St. Louis, Missouri, USA» (polycopié du Spiritual Human Yoga), p.261.
[52] Cf. Eileen Barker, «Plus ça change…», in Social Compass, 42/2, juin 1995, pp.165-180.
[53] Reinhart Hummel, Vereinigungskirche– die «Moon-Sekte» im Wandel, Neukirchen-Vluyn, Friedrich Bahn Verlag, 1998. Cf. également l’entretien avec le président coréen de la Fédération des familles pour la paix mondiale, in Materialdienst der Evangelischen Zentralstelle für Weltanschauungsfragen, 62/1, janvier 1999, pp.15-22.
[54] Lauramaery Gold, Mormons on the Internet, Rocklin (California), Prima Publishing, 1997.
[55] Par ex.: http://www5.zdnet.com/yil/higher/heavensgate/index.html.
[56] Voir les sites http://www.chakra.org et http://www.vnn.org.
[57] Je me propose de présenter au colloque annuel du CESNUR à Bryn Athyn (Pennsylvanie) en juin 1999 un exposé sur le thème «New Religious Movements Facing the Challenge of the Internet».
[58] Pour une introduction générale au contexte religieux japonais (y compris les nouvelles religions), on peut lire: H. Byron Earhart, Religions of Japan: Many Traditions Within One Sacred Way, San Francisco, Harper & Row, 1984; Ian Reader, Religion in Contemporary Japan, London, Macmillan, 199; Noriyoshi Tamaru et David Reid (dir.), Religion in Japanese Culture: Where Living Traditions Meet a Changing World, Tokyo/ London/ New York, Kodansha, 1996. Au sujet de la recherche japonaise sur les nouvelles religions: Johannes Laube (dir.), Neureligionen: Stand ihrer Erforschung in Japan. Ein Handbuch, Wiesbaden, Harrasowitz Verlag, 1995. Sur leur transplantation en Occident: Peter B. Clarke et Jeffrey Sommers (dir.), Japanese New Religions in the West, Sandgate (Folkestone, Kent), Japan Library, 1994.
[59] Pour un bon exemple d’approche de ce type, cf. le livre de Mary Farrell Bednarowski, New Religions and the Theological Imagination in America, Bloomington/ Indianapolis, Indiana University Press, 1989.
[60] Elizabeth Puttick et Peter B. Clarke (dir.), Women as Teachers and Disciples in Traditional and New Religions, Lewiston/ Queenston/ Lampeter, Edwin Mellen Press, 1993; Catherine Wessinger (dir.), Women’s Leadership in Marginal Religions: Explorations Outside the Mainstream, Urbana/ Chicago, University of Illinois Press, 1993; Susan Jean Palmer, Moon Sisters, Krishna Mothers, Rajneesh Lovers: Women’s Roles in New Religions, Syracuse (New York), Syracuse University Press, 1994; Elizabeth Puttick, Women in New Religions: In Search of Community, Sexuality and Spiritual Power, London, Macmillan, 1997.
[61] Cf. Winston Davis, Dojo: Magic and Exorcism in Modern Japan, Stanford, Stanford University Press, 1980, p.209. Nous n’entrons pas ici dans la question de la légitimité de l’application de cette étiquette à des mouvements non occidentaux.
[62] Laurence Bernard-Mirtil, Sukyo Mahikari: une nouvelle religion venue du Japon, Trignac, Ed. Bell Vision, 1998, p.125.
[63] Cf. Margit Warburg (dir.), Studying New Religions, Copenhagen, Institute of History of Religions, 1995.
[64] Pour une tentative de théorisation sociologique sur cette question, cf. Rodney Stark, «Why Religious Movements Succeed or Fail: A Revised General Model», in Journal of Contemporary Religion, 11/2, mai 1996, pp.133-146.
[65] Elisabeth Arweck et Peter B. Clarke, New Religious Movements in Western Europe: An Annotated Bibliography, Westport/ London, Greenwood Press, 1997.
[66] David G. Bromley, «New Religious Movements», in William H. Swatos (dir.), Encyclopedia of Religion and Society, Walnut Creek (California), AltaMira Press, 1998, pp.328-333 (p.331).