En août 2001, les Taliban alors au pouvoir en Afghanistan arrêtaient plusieurs Occidentaux appartenant à l'association humanitaire chrétienne Shelter Now. Les personnes arrêtées ne retrouvent la liberté qu'avec l'offensive des forces américaines en novembre 2001. Deux jeunes Américaines, Dayna Curry et Heather Mercer, deviennent instantanément des figures célèbres du circuit évangélique et, devant des auditoires émus, affirment leur désir de retourner en Afghanistan
Shelter Now a repris depuis quelques mois ses activités en Afghanistan. Responsable de ce projet, Georg Taubmann a donné un entretien au magazine évangélique Christianity Today (numéro daté 21 janvier 2003). Il affirme une fois de plus que les accusations de prosélytisme étaient fausses: simplement, "quand des gens nous interrogent sur notre foi, et beaucoup le font, nous leur en parlons". Question de vocabulaire: "Je n'utilise pas beaucoup ce mot d'évangélisme, et surtout je n'utilise jamais le mot de missions." Mais cela n'empêche pas de nombreuses occasions de parler de sa foi, répète-t-il. "Vous devez simplement vivre votre vie comme un chrétien, et ceci attire des gens, et ils veulent en savoir plus sur ce que vous croyez."
L'assassinat à coups de feu de trois collaborateurs d'un hôpital missionnaire américain au Yémen à la fin du mois de décembre 2002 a mis en lumière une fois de plus les dangers qui peuvent accompagner ces activités dans différentes régions du monde. Et pourtant, souligne Paul Richter dans un article publié par le Los Angeles Times (1er janvier 2003), le nombre de missionnaires chrétiens américains, ne cesse d'augmenter, malgré les risques: ils étaient plusieurs centaines au Proche-Orient il y a dix ans, ils sont probablement quelques milliers aujourd'hui. Leur sécurité cause de sérieuses préoccupations à leur gouvernement.
Un problème auquel ces missionnaires se trouvent également confrontés est l'impact que peuvent avoir dans le monde musulman les déclarations critiques envers l'islam de la part de figures de proue du mouvement évangélique américain. Les déclarations de Jerry Falwell en octobre 2002 affirmant que le prophète Muhammad était un terroriste provoquèrent dans le sous-continent indien des émeutes qui firent plusieurs dizaines de morts.
Une lettre anonyme rédigée par plus de 25 membres de l'International Missions Board de la puissante Southern Baptist Convention circule actuellement dans le monde évangélique aux Etats-Unis. Cette lettre demande aux chrétiens américains de s'abstenir de déclarations négatives sur l'islam: non seulement cela nuit aux activités d'évangélisation, mais les conséquences pour la sécurité des missionnaires peuvent également être graves.
A vrai dire, les suspicions envers le prosélytisme chrétien sont déjà fortes, et pas seulement de la part de croyants musulmans. En décembre, Hindu Press International (un service du magazine Hinduism Today) commentait de façon critique le Mission Insiders Report du 20 décembre 2002 de Christian Aid U.S.A. , qui se réjouissait de l'écho d'activités missionnaires au Népal et dans des zones tribales de l'Inde. "Il est illégal de convertir des personnes d'une religion à une autre au Népal, mais la loi n'est pas appliquée", regrettait la rédaction de Hindu Press International.
Comme l'avait relaté Religioscope, l'Etat indien du Tamil Nadu a tenté de mettre en place un contrôle des conversions, relançant ainsi un débat qui n'a en fait jamais cessé d'agiter l'Inde au cours des dernières décennies. En signe de protestation face à cette loi anti-conversion (dont on peut lire la traduction française sur ce site), plusieurs dizaines de dalits (c'est-à-dire des membres des couches sociales les plus défavorisées de l'Inde) ont déclaré se convertir les uns au christianisme et les autres au bouddhisme lors d'un rassemblement public le 6 décembre 2002, malgré les embûches mises par les autorités à cette réunion.
Conversions au christianisme, au bouddhisme ou à l'islam revêtent un caractère de protestation et la volonté d'échapper à un statut social sans issue. Dans beaucoup de cas, les convertis "ne connaissent quasiment rien de leur nouvelle religion, mais, comme le souligne l'un d'eux, 'il s'agit avant tout d'un geste symbolique'." (Libération, 26 décembre 2002)
Indépendamment des problèmes sociaux évoqués par les convertis, les adhésions d'Indiens à d'autres religions sont perçues par les milieux hindous militants comme une grave menace potentielle pour l'identité du pays, bien que ces changements de religion ne représentent qu'un infime pourcentage de la population indienne.
Dans différentes régions du pays, des représentants de la communauté hindoue sonnent l'alarme depuis des années. Les activités missionnaires dans les zones tribales sont l'une des causes de préoccupation.
Au milieu du mois de décembre, le Northest India Tribal Faith and Culture Forum a tenu une conférence de deux jours à Guwahati (Assam) pour élaborer des stratégies afin de combattre les conversions et de préserver les croyances indigènes dans la région, rapporte l'Indo-Asian News Service (IANS, 15 décembre 2002). Les organisateurs de la conférence estiment que "les religions agressives comme le christianisme" menacent la survie des traditions indigènes. 20% au moins des 32 millions d'habitants de la région du Nord-Est de l'Inde sont chrétiens; la population chrétienne est majoritaire dans les Etats du Mizoram, du Nagaland et du Meghalaya.
Dans le contexte simultané de la mondialisation et des réaffirmations identitaires, sans parler de la rapidité de diffusion d'informations grâce à des technologies telles que le réseau Internet, tout laisse penser que les frictions liées aux activités de prosélytisme et à la mobilité religieuse vont s'accroître au cours des années à venir dans plusieurs zones du globe. (JFM)
© 2003 Religioscope