Il a notamment consacré de longues recherches à une Eglise africaine, la Celestial Church of Christ, sur laquelle il a publié plusieurs articles et un livre, Celestial Church of Christ: The Politics of Cultural Identity in a West African Prophetic-Charismatic Movement, Francfort, Peter Lang, 1999, X+252 p.
Religioscope – Commençons par une question de terminologie. Certains auteurs parlent d'Eglises africaines indigènes, d'autres d'Eglises indépendantes africaines, ou encore l'expression anglaise African-initiated (ou instituted) Churches… Quel est donc le meilleur terme?
Afe Adogame – Il n'y a vraiment pas de consensus sur le terme le plus adéquat! Les chercheurs de la période antérieure, tels que Harold Turner, parlaient d'Eglises indépendantes africaines. Ils les définissaient comme des Eglises fondées par des Africains, en Afrique, pour des Africains.
Mais cette définition ne dit pas tout. Beaucoup de choses se sont produites depuis. Ces Eglises se sont transformées. Aujourd'hui, elles restent certes des religions fondées par des Africains – mais pas toujours en Afrique et pour des Africains. Elles ont pris un visage plus international.
Personnellement, je préfère utiliser d'autres expressions qu'Eglises indépendantes africaines. Ces Eglises ont été désignées comme indépendantes parce que, souvent, leurs fondateurs avaient rompu avec les Eglises missionnaires. Mais cela a aussi changé. La Celestial Church of Christ est un exemple d'Eglise qui n'est pas issue d'une séparation d'une Eglise missionnaire.
Bien entendu, les autres expressions présentent également des problèmes. Mais je préfère les utiliser. L'essentiel est qu'il s'agit d'Eglises dirigées par des Africains. La majorité d'entre elles sont également financées par des Africains: elles ne dépendent pas de ressources financières extérieures.
Certains chercheurs étendent l'étiquette: par exemple, Gerrie ter Haar conserve le "i", mais parle d'Eglises africaines internationales. Elle explique qu'il s'agit maintenant d'Eglises internationales parce qu'elles s'inscrivent dans des réseaux globaux: beaucoup d'entre elles sont présentes en Europe.
Religioscope – Avant de nous pencher sur la présence de ces Eglises en Occident, quelques mots sur la situation en Afrique. Trouvons-nous ces Eglises dans toutes les zones de l'Afrique subsaharienne ou principalement dans quelques régions?
Afe Adogame – Les Eglises d'origine africaine sont présentes en Afrique occidentale, en Afrique méridionale, en Afrique orientale, en Afrique centrale… pas, bien sûr, dans l'Afrique du Nord. Il y a des concentrations particulièrement dans l'Ouest et dans le Sud.
Je pense notamment aux groupes appartenant à la famille des Eglises aladura. Ce courant a vu le jour dans la partie occidentale du Nigeria. Dans le Sud de l'Afrique, nous trouvons particulièrement les Eglises de type dit "sioniste". Oui, il y a des concentrations dans certaines zones, mais cela ne signifie pas que de telles Eglises n'existent pas dans les autres régions de l'Afrique.
Religioscope – De quelle partie de l'Afrique ces Eglises commencèrent-elles à émigrer hors du continent africain? Quand observons-nous les premiers signes de cette émigration et l'apparition de groupes outre-mer?
Afe Adogame – Cela commença probablement par l'Afrique occidentale. Pour l'Afrique du Sud, le développement est récent.
Je crois que les premiers efforts concertés d'implantation en dehors de l'Afrique remontent aux années 1960. Si nous prenons le cas de l'Europe, cela commença par Londres. La Celestial Church of Christ, la Church of the Lord Aladura, les Chérubins et Séprahins, la Christ Apostolic Church… tous ces groupes prirent pied à Londres dans les années 1960.
A partir du Royaume-Uni, elles atteignirent ensuite l'Europe continentale: l'Allemagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas. En Suisse, la Celestial Church of Christ eut sa première branche établie à Berne dès le milieu des années 1960.
Religioscope – S'agissait-il d'Africains membres de ces Eglises qui émigraient vers l'étranger, ou d'Africains vivant déjà en Europe et qui, déçus par les Eglises chrétiennes européennes, décidèrent d'importer des Eglises africaines?
Afe Adogame – Au départ, je pense que ce furent des Africains qui vivaient déjà en Europe. Dans les années 1960, les noyaux de ces groupes furent constitués par des étudiants et des diplomates qui venaient en Europe et provenaient parfois des Eglises missionnaires.
A Londres, certains des Nigérians qui arrivèrent étaient des Anglicans et allèrent donc tout naturellement vers des paroisses anglicanes. Mais ils se heurtèrent à des obstacles, ils n'eurent pas le sentiment d'être les bienvenus. Cela conduisit un certain nombre d'entre eux à réfléchir et à se demander où ils pourraient faire l'expérience de leur propre spiritualité.
Il y a donc des cas d'anglicans, et même de membres du clergé anglican, que leurs expériences avec l'Eglise anglicane à Londres conduisirent à quitter celle-ci et à former des Eglises africaines ou à se joindre à de telles Eglises.
Un exemple typique est celui du pasteur Adegoke, à Birmingham, qui lança l'Aladura Church International. Il était à l'origine prêtre anglican. Mais il eut une très mauvaise expérience avec l'Eglise anglicane à Londres: le prêtre qui officiait lui suggéra, à la fin du service religieux, d'aller ailleurs! Et il était lui-même prêtre anglican!
Religioscope – Il y eut donc dès le départ des Eglises africaines fondées en Europe, et pas simplement l'importation d'Eglises qui existaient déjà en Afrique?
Afe Adogame – Oui. Nous pouvons observer les deux phénomènes: des branches d'Eglises déjà existantes en Afrique, d'une part, et les Eglises qui ont été fondées en Europe, d'autre part. Il s'agissait d'Africains qui se retrouvaient ensemble pour prier et créaient une communauté ou se structuraient en branche d'une Eglise africaine existante.
Ce furent les premières implantations. Mais bien plus tard, des Eglises se lancèrent dans des efforts missionnaires planifiés. Il y a des exemples de pasteurs qui ont été envoyés en Europe avec la mission d'y établir des branches. Cela est cependant un phénomène nettement plus récent.
Religioscope – Statistiquement, disposons-nous d'évaluations – au moins pour certains pays européens – du pourcentage de la population africaine qui appartient à des communautés religieuses africaines?
Afe Adogame – C'est l'une des choses que je m'efforce de déterminer dans le cas de l'Allemagne. Mais il faut prendre en considération un fait très important. Il n'est pas difficile d'obtenir des statistiques officielles sur le nombre d'Africains vivant dans différents pays européens. Cependant, il y a aussi en Europe de nombreux migrants non officiels, illégaux, qui ne sont pas recensés dans les statistiques officielles. Dans certains pays, ces migrants "fantômes" sont peut-être plus nombreux que ceux qui sont légalement installés! Il est donc parfois difficile de savoir combien d'Africains vivent dans les pays européens, et par conséquent de déterminer le pourcentage que vous me demandez.
Cela dit, à partir de mes observations en Allemagne, je constate que de nombreux Africains sont actifs dans ces communautés. Parfois, des personnes voyagent jusqu'à 100km le dimanche pour participer à un service religieux, parce qu'il n'y a pas de communauté africaine dans leur ville.
Religioscope – Nombre de ces Eglises sont présentes au Royaume-Uni, en raison de la présence d'une importante diaspora africaine, mais voyons de plus près ce que nous révèlent vos recherches en Allemagne au cours des deux dernières années. Quelles Eglises africaines y sont-elles actives?
Afe Adogame – Aujourd'hui, nous tendons à appliquer l'étiquette d'Eglises africaines, African-initiated Churches, également à des Eglises de type charismatique, du moment qu'elles ont été fondées par des Africains.
Dans le cas de l'Allemagne, selon les données dont nous disposons, nous avons plus d'Eglises de type pentecôtiste-charismatique. Bien sûr, les premières Eglises fondées en Allemagne avaient été des Eglises de type aladura, comme la Celestial Church of Christ, qui compte aujourd'hui environ huit branches en Allemagne. Nous trouvons également la Church of the Lord Aladura, avec quatre branches dans le pays.
Il y a bien sûr, d'autres groupes aussi, comme les kimbanguistes, plutôt d'expression française, qui comptent plusieurs branches.
Les Eglises de type aladura sont certainement plus répandues au Royaume-Uni. Mais si nous nous tournons vers les Eglises de type pentecôtiste, elles sont plus nombreuses et forment la majorité.
Nous nous efforçons, dans le cadre de la recherche en cours, d'établir une base de données. Selon les statistiques que nous avons recueillies, pour la seule ville de Hambourg, nous comptons environ cinquante Eglises ghanéennes! Je dis bien "ghanéennes"! Ce chiffre n'inclut pas les Eglises nigérianes, congolaises, etc…
Sur ces cinquante Eglises, je crois pouvoir dire que 90% sont de type charismatique, pentecôtiste.
Religioscope – Nous tendrions à penser que cela s'inscrit dans le contexte plus large du développement du pentecôtisme. Ces groupes s'affilient-ils donc parfois à des organisations pentecôtistes allemandes existantes, ou deviennent-ils systématiquement des communautés indépendantes?
Afe Adogame – La plupart de ces groupes mènent une existence indépendante. Mais la plupart des Eglises africaines en Allemagne bénéficient de l'hospitalité d'Eglises allemandes, qui leur louent des locaux.
Mais il y a aussi des Eglises qui ont acheté leurs propres locaux. Par exemple, la Christian Church Outreach Mission, fondée par un Ghanéen à Hambourg en 1992, a acheté un bâtiment pour 1,5 million. Ils ont leur quartier général à Hambourg et douze ou treize branches à travers l'Allemagne. En outre, ils ont établi des branches en dehors de l'Allemagne: ils ont maintenant plus de soixante branches au Ghana même, j'y suis allé en mars 2002 pour observer cela. Ils ont aussi une branche aux Pays-Bas, une autre en Virginie (Etats-Unis). Ils ne se confinent donc pas à l'Allemagne.
Il existe différentes catégories d'Eglises, et certaines entretiennent des relations œcuméniques. Prenons justement l'exemple de la Christian Church Outreach Mission dont je viens de parler. Ce groupe démarra au sein d'une Eglise pentecôtiste allemande. Ce groupe d'Africains d'origine ghanéenne et nigériane se réunissaient dans le cadre de l'Eglise Elim à Hambourg. Mais ils la quittèrent pour plusieurs raisons. L'une était le problème de la langue. Certes, l'Eglise s'efforça de fournir une traduction simultanée durant les cultes. Mais les Africains n'étaient pas satisfaits: une traduction est souvent une paraphrase, vous ne recevez pas le même message. Ils s'adressèrent donc aux autorités de l'Eglise Elim et demandèrent s'ils pouvaient avoir un espace dans le bâtiment de la communauté pour tenir leurs propres cultes. L'Eglise Elim se montra coopérative et accepta. Ils organisèrent donc des cultes africains. Au départ, ils étaient une vingtaine, mais le groupe grandit de plus en plus. Il vint un moment où les locaux ne furent plus adaptés. Cela les obligea de rechercher un autre espace. Après quelques années, ils mirent donc en commun leurs ressources et cherchèrent un immeuble.
Aujourd'hui, ils ont entre 700 et 800 membres à Hambourg. A Berlin, ils ont une branche qui compte 500 à 600 membres. C'est l'une des Eglises pentecôtistes établies, qui a démarré en Europe, puis de là a commencé à essaimer en Afrique et ailleurs.
Religioscope – Les membres de ces Eglises sont-ils d'origine tant catholique romaine que protestante, ou observez-vous plus de réticence de la part des Africains catholiques romains à adhérer à ces Eglises?
Afe Adogame – La situation est complexe. Si nous examinons la typologie des communautés religieuses africaines en Europe, il y en a plusieurs catégories.
A côté des Eglises de type pentecôtiste ou aladura, nous avons également des communautés relevant des Eglises ayant exercé une activité missionnaire en Afrique. Nous avons des communautés catholiques africaines. Nous avons des communautés regroupant des gens de plusieurs Eglises (interdenominational communities). Un intéressant exemple, à nouveau à Hambourg, est celui de l'African Christian Church: elle rassemble des méthodistes, des anglicans, même des catholiques, et aussi quelques pentecôtistes. Le pasteur est un Africain qui est par ailleurs employé par l'Eglise protestante en Allemagne. Il est donc à la fois pasteur dans l'Eglise protestante officielle de la région et pasteur de sa communauté multiconfessionnelle.
Si nous nous intéressons à la composition de ces communautés, à leur structure, nous constatons que leurs adhérents sont très variés. A travers les entretiens que j'ai réalisés avec de nombreuses personnes, j'ai constaté que beaucoup de personnes appartenant à des Eglises pentecôtistes provenaient des Eglises de mission. Ils n'ont pas cherché une Eglise pnetecôtiste: ils ont cherché un endroit où ils pouvaient partager les mêmes sentiments, où ils pouvaient vivre leur spiritualité.
Les gens ne se soucient pas de savoir s'ils sont anglicans ou presbytériens. Il y a même des cas de musulmans qui, arrivés en Allemagne, y sont devenus chrétiens.
Religioscope – Pour la plupart de ces Eglises, il n'y a donc pas au départ une question théologique, c'est plutôt la manière de prier. Mais y a-t-il des Eglises avec des affirmations théologiques très nettes?
Afe Adogame – Tout d'abord, ce serait simpliste de dire qu'ils ne se soucient pas des questions théologiques! Mais ce n'est pas le problème principal.
Bien sûr, il y en a pour qui la théologie joue un rôle important: c'est ainsi que se créent des communautés catholiques ou méthodistes, par exemple. mais à côté de cela, beaucoup de ceux qui abandonnent leur héritage religieux et s'associent à de nouvelles communautés dans un nouveau contexte ne le font pas pour des questions doctrinales. Plutôt, ils ont le sentiment d'avoir trouvé un endroit où ils se sentent à l'aise pour aller prier, chanter et danser le dimanche.
Religioscope – En Allemagne, notez-vous dans ces Eglises une sorte de sentiment panafricain? Ou les Eglises se forment-elles sur une base nationale et ethnique?
Afe Adogame – A nouveau, si nous nous intéressons à la composition sociale des Africains en Allemagne, nous y trouvons bien entendu – parmi les chrétiens – des associations ethniques. Mais à côté de cela, je crois que le facteur religieux est très important.
J'ai constaté que, à part des Eglises qui utilisent une langue locale africaine traditionnelle (par exemple telle Eglise ghanéenne qui utilise la langue ewe dans le culte, ou les communautés de langue française), la majorité des communautés utilisent l'anglais ou un mélange d'anglais et d'allemand.
Même les Eglises dites "ghanéennes" (à part celles qui utilisent une langue locale) attirent des membres d'origines variées. La Christian Church Outreach Mission à Hambourg a certes été fondée par un Ghanéen et la majorité de ses fidèles – environ 55% – sont des Ghanéens (particulièrement le noyau), mais peut-être 40% sont des Nigérians, et les autres viennent d'autres régions de l'Afrique ou sont des Allemands.
A relever également, le développement de réseaux de relations entre ces Eglises, ce qui a conduit à la création d'un organisme nommé le Council of African Christian Communities in Europe. Cet organisme regroupe non seulement des communautés charismatiques ou pentecôtistes, mais également d'autres Eglises africaines et des communautés africaines au sein d'Eglises missionnaires. Il s'efforce de parler collectivement au nom des chrétiens africains, en raison des incertitudes de la situation en Europe pour les populations africaines. Aujourd'hui, beaucoup de relations se sont donc développées entre ces communautés.
Religioscope – Vous avez mentionné tout à l'heure des membres occidentaux de ces Eglises. Puisque ces Eglises développent un esprit missionnaire, elles ne voient probablement pas cette mission comme limitée aux Africains ou à la diaspora africaine. Certaines de ces Eglises mettent-elles donc l'accent sur un prosélytisme dirigé vers la population européenne également? Ou la majorité des convertis européens sont-ils le fruit de mariages principalement?
Afe Adogame – Plusieurs de ces Eglises ont développé une double stratégie. Tout d'abord, pour développer une activité missionnaire en Europe, elles ont besoin de bras: ce sont les Africains dans ce contexte, qu'elles visent d'abord. L'idée est, ensuite, que ces Africains puissent également exercer une activité missionnaire envers des Européens. L'autre aspect, ce sont des stratégies d'évangélisation pour atteindre directement les Européens.
Mais ce n'est pas simple. Plusieurs d'entre elles n'y sont pas parvenues: les moyens d'évangélisation dont ces groupes ont l'habitude en Afrique ne peuvent pas être transposés en Europe (par exemple l'évangélisation de porte à porte, sur les marchés, dans les bus, les réunions de nuit en plein air…).
Certaines de ces Eglises utilisent des tracts – dans les gares, dans des stades, dans d'autres lieux publics. Une autre stratégie utilisée en Allemagne repose sur l'intérêt éprouvé par des Allemands pour la musique africaine. Certaines de ces Eglises ont organisé des carnavals, des concerts religieux – et à travers ces activités, certains Allemands se sont convertis. J'ai moi-même mené des entretiens avec des Allemands qui m'ont expliqué qu'ils aimaient la musique et la danse.
Mais les Eglises africaines utilisent aussi les nouvelles technologies de communication: non seulement pour recruter des membres, mais ausssi pour atteindre la société au sens large. Par exemple, plusieurs de ces Eglises ont en Europe des programmes de télévision ou de radio. Par exemple, la Christian Church Outreach Mission a un temps d'antenne sur une chaîne de télévision de Berlin tous les quinze jours.
Mais cela est beaucoup plus développé au Royaume-Uni. A Londres, par exemple, le Kingsway International Centre est peut-être la plus grande communauté pentecôtiste de la capitale britannique. Ils ont des programmes de télévision sur une chaîne destinée aux émissions religieuses.
La plupart de ces Eglises ont également créé des sites web. Ces sites sont conçus également comme un moyen de recruter de nouveaux membres: c'est une nouvelle stratégie d'évangélisation dans le contexte européen. En effet, la plupart de ces sites ont été créés en Occident – en Afrique, les membres de ces Eglises ne savent souvent même pas que leur Eglise a un site. Je suis donc convaincu que ces Eglises voient ce moyen comme un canal pour atteindre le public occidental – un canal impersonnel, différent de l'évangélisation dont elles avaient l'habitude. Impossible évidemment de dire si cela est efficace ou non! Il est probablement trop tôt pour le déterminer. L'un des objectifs de ma recherche est d'ailleurs de déterminer si certaines de ces Eglises réussissent à recruter des membres à travers Internet.
Religioscope – Avez-vous rencontré de tels cas?
Afe Adogame – J'en ai trouvé deux – des Allemands qui affirment avoir trouvé l'Eglise par ce moyen, mais il est trop tôt pour tirer des conclusions, la recherche à ce sujet en est encore à ses débuts.
Religioscope – Enfin, jusqu'à quel point les quartiers généraux d'Eglises établies en Afriques parviennent-ils à conserver le contrôle sur les communautés en Europe? Les perceptions n'évoluent-elles pas de façon très différente en raison de la différence des contextes?
Afe Adogame – Nombre de ces Eglises ont des structures d'organisation complexes. Bien qu'elles aient des branches réparties à travers le monde, les activités de ces branches sont réglementées: il y a un lien plus ou moins direct avec le quartier général.
Dans un cas comme celui de la Celestial Church of Christ, elle a des diocèses. Cinq diocèses sont situés en Afrique. Quant au diocèse d'outre-mer, il regroupe l'Europe, l'Amérique et tout autre lieu où l'Eglise est implantée. Il y a un dirigeant en Europe qui est responsable du bon fonctionnement de ces branches. L'information est communiquée du quartier général aux branches à travers cet échelon intermédiaire.
Il est également très intéressant de constater que, dans quelques-unes de ces Eglises, des pasteurs, des missionnaires, sont envoyés directement du Nigeria, par exemple, de villes comme Lagos, pour diriger des branches nouvellement fondées en Europe. Certaines de ces Eglises continuent de payer les responsables de ces branches en Europe à partir du quartier général en Afrique: ils reçoivent leur salaire directement de l'Afrique, et non de l'Europe, contrairement à ce que l'on aurait pu imaginer.
Il y a donc un flux continu de communication. C'est ce qui permet à plusieurs de ces Eglises de maintenir leur identité, plutôt que de créer une nouvelle identité. Mais le nouvel environnement culturel a influencé certaines de ces Eglises dans le nouveau contexte. Un petit exemple: dans les Eglises de type aladura, une fois que le fidèle a revêtu la soutane blanche pour les cérémonies, il ne doit plus porter de chaussures – à Lagos, le dimanche matin, vous les voyez se rendre au culte dans leur robe blanche et sans chaussures. C'est évidemment un peu différent dans le contexte européen: la plupart d'entre eux vont donc mettre leur robe dans leur sac pour se prendre à l'église et se changer une fois parvenus au lieu de culte.
Nombre de ces Eglises ont des espaces sacrés en dehors des bâtiments pour y accomplir des rituels. En raison des problèmes de locaux en Europe, elles n'ont pas de tels espaces sacrés. Telles sont quelques-unes des adaptations auxquelles elles doivent se plier dans le contexte européen.
L'entretien avec Afe Adogame s'est déroulé à Salt Lake City en juin 2002. Les questions de Religioscope ont été posées par Jean-François Mayer, qui a également assuré la traduction de l'anglais.