Selon différentes sources, les miliciens du Laskar Jihad, ces "combattants de la guerre sainte" actifs depuis plus de deux années aux Moluques et dans la région de Poso, sur l'île de Célèbes, ont commencé à quitter ces deux parties de l'archipel indonésien pour regagner Java.
Eglises d'Asie (EDA) - 1er novembre 2002 - Leur départ fait suite à l'annonce le 15 octobre dernier par leur leader, Ja'far Umar Thalib, de l'autodissolution du groupe, fondé en 2000. Alors qu'à Yogyakarta, la maison qui leur servait de quartier général fermait ses portes le jour même, près de 800 hommes du Laskar Jihad à Amboine embarquaient sur un ferry à destination de Java. Le lendemain 16 octobre, 70 autres de ces miliciens ont quitté la région de Poso. Les Laskar Jihad ont déclaré que la totalité de leurs miliciens, soit 200 hommes, présents à Poso auront quitté Célèbes au début de ce mois de novembre. Aux Moluques, plusieurs centaines de miliciens seraient sur le départ mais aucun chiffre ni indication n'a été donné quant à l'évacuation des Laskar Jihad débarqués en Papouasie occidentale.
Après tant d'appels venus des responsables chrétiens des Moluques mais également d'autres secteurs de la société indonésienne ces deux dernières années pour que les autorités gouvernementales prennent leurs responsabilités et empêchent cette milice d'envenimer une situation par ailleurs difficile à Amboine ou à Poso, les questions n'ont pas manqué concernant cette soudaine dissolution et ce retrait de ces deux zones de conflits intercommunautaires de la partie orientale de l'archipel indonésien. Selon un porte-parole des Laskar Jihad à Amboine, le retrait des Moluques obéit en premier lieu à l'appel de Ja'far Umar Thalib, relayé sur les ondes de la radio locale musulmane SPMM le jour même de l'annonce de la dissolution du mouvement. Un autre responsable du groupe a affirmé que cette dissolution n'avait rien à voir avec l'attentat de Bali du 12 octobre dernier mais qu'elle avait été prise avant cette date; elle s'explique par le fait que le gouvernement a apparemment pris la mesure du mouvement séparatiste à l'ouvre aux Moluques (1) et que l'armée et la police protègent désormais mieux les intérêts de la communauté musulmane moluquoise. Un autre responsable du groupe a encore affirmé que la dissolution des Laskar Jihad était à mettre au compte de difficultés financières.
Selon bon nombre d'analystes, indonésiens ou non, la véritable raison de la dissolution du groupe serait la perte de ses appuis dans la hiérarchie militaire. En effet, créé avec la connivence de généraux de l'armée dans l'intention de déstabiliser la présidence d'Abdurrahman Wahid, au pouvoir d'octobre 1999 à juillet 2001, les Laskar Jihad ont continué à agir une fois le président Wahid chassé du pouvoir, mais, depuis, l'actuelle présidente Megawati a opéré des changements au sein de la hiérarchie militaire et les généraux soutenant ce groupe extrémiste ont été remplacés.
A Amboine, quelles que soient les raisons de la dissolution des Laskar Jihad, une tension réelle perdure. L'explosion de plusieurs bombes artisanales, la neutralisation à temps de certaines autres laissent entrevoir une situation fragile. Selon le Centre de crise du diocèse catholique d'Amboine, une partie des musulmans locaux craignent que les partisans moluquois des Laskar Jihad se sentent abandonnés et se livrent à des actes désespérés. A Amboine, les chrétiens ne se risquent pas à traverser Batumerah et Galunggung, deux quartiers musulmans de la ville. Cependant, des responsables chrétiens estiment qu'il faut saisir l'occasion créée par le départ des miliciens extrémistes pour repartir sur des bases neuves. Le 18 octobre, le pasteur I.W.J. Hendriks, dirigeant de l'Eglise protestante moluquoise (GPM), a déclaré que le gouvernement devait agir maintenant pour restaurer la paix, les chrétiens comprenant que tous les musulmans ne sont pas des Laskar Jihad et les musulmans réalisant que tous les chrétiens ne sont pas des partisans de l'indépendance des Moluques.
(1) Le 21 octobre, un tribunal d'Amboine a condamné à des peines de prison allant de deux à cinq ans quatorze personnes reconnues coupables d'avoir hissé les couleurs de la RMS (République des Moluques du Sud) le 25 avril dernier en quatre lieux différents du chef-lieu de la province des Moluques. Ces quatorze personnes sont toutes membres du FKM, le Front de souveraineté des Moluques, dont le dirigeant est Alex Manuputty. Ce dernier et Semy Waeleruny, un autre chef de ce mouvement, sont actuellement en jugement à Djakarta où les charges retenues contre eux sont passibles de la prison à vie.
Cette information a été publiée dans le N° 362 (1er novembre 2002) d’Eglises d’Asie, Agence d’Information des Missions Etrangères de Paris (128 rue du Bac, 75341 Paris Cedex 07).