Selon l'évaluation d'un évêque de l'Eglise ukrainienne autocéphale (la plus petite des trois juridictions orthodoxes actuellement en compétition en Ukraine), le Patriarcat de Moscou continue de recevoir le soutien de la majorité des fidèles. La diaspora joue un rôle actif dans la recherche d'une solution pour réunir le Patriarcat de Kyiv et l'Eglise ukrainienne autocéphale.
Dans son numéro de juillet-août 2002, Ukrainian Orthodox Word, organe officiel de l'Eglise orthodoxe ukrainienne aux Etats-Unis, publie la traduction d'un entretien accordé au mois de février 2002 par l'Archevêque Ihor Isichenko de Kharkiv et Poltava, l'un des prélats de l'Eglise ukrainienne autocéphale, qui a des liens privilégiés avec la diaspora ukrainienne.
"Que cela nous plaise ou non, le Patriarcat de Moscou (ou avant lui l'Eglise synodale) a été présent en Ukraine durant des siècles. Nous devons aussi reconnaître que le Patriarcat de Moscou possède aujourd'hui les trois-quarts des paroisses dans le pays", observe l'Archevêque Ihor, en soulignant qu'il parle des "véritables paroisses", et pas de celles qui existent simplement sur le papier. Cela confirme les statistiques officielles, qui révèlent également que la très grande majorité des moines et moniales orthodoxes se trouvent dans la juridiction moscovite (Glaube in der 2. Welt, déc. 2001, pp. 9-10).
Le prélat autocéphaliste, âgé de 46 ans, estime que seule la "diplomatie ecclésiastique", avec participation du Patriarcat de Constantinople, peut résoudre les divisions de l'Eglise orthodoxe en Ukraine. L'espoir placé en Constantinople semble particulièrement fort - comme contrepoids aux efforts de certains milieux ukrainiens, sympathiques au Patriarcat de Kyiv, qui voudraient simplement aboutir rapidement à la constitution d'une Eglise ukrainienne unie pour des raisons politiques, sans grand souci du cadre canonique.
L'Archevêque Ihor souligne le rôle de la diaspora dans les négociations. L'Eglise ukrainienne aux Etats-Unis, entrée en 1995 dans la juridiction du Patriarcat de Constantinople, n'est pas simplement spectatrice, mais partie prenante dans les processus de négocations. En outre, les autocéphalistes considèrent qu'elle joue à leur égard un rôle important comme intermédiaire pour les relations interreligieuses, le statut encore indéfini du mouvement autocéphaliste créant pour celui-ci des barrières.
L'entretien confirme les relations courtoises de l'Eglise ukrainienne autocéphale avec les grecs-catholiques (uniates) dans le pays: l'Archevêque Ihor a été invité à donner des conférences dans des établissements d'enseignement grecs-catholiques. Il souligne également les problèmes découlant du lourd passé soviétique: mentalité du clergé, mais aussi faiblesses des organisations orthodoxes laïques.
Enfin, il exprime le désir que soit résolu le statut de la théologie dans l'enseignement supérieur en Ukraine. A cet égard, ses voeux ont au moins en partie été réalisés entre-temps, puisque, indiquait un communiqué du service de presse de l'Académie de théologie de Lviv (institution catholique rétablie en 1994) au mois de mars, une résolution adoptée le 11 mars 2002 par un comité gouvernemental a placé la théologie dans la liste des disciplines académiques en Ukraine. Selon le Comité sur les affaires religieuses, il y avait, au début de l'année 2002, 147 institutions d'enseignement théologique en Ukraine, avec plus de 11.500 étudiants à plein temps et environ 7.000 étudiants inscrits à des cours par correspondance (il s'agit manifestement ici des chiffres incluant tant les orthodoxes que les catholiques romains). Une Université catholique ukrainienne a été inaugurée à Lviv le 29 juin 2002 et devrait se développer au cours des prochaines années - il s'agit de la première université catholique sur le territoire de l'ex-URSS.
Jean-François Mayer
Ukrainian Orthodox Word, P.O. Box 495, South Bound Brook, NJ 08880, U.S.A.