Depuis le génocide de 1994, l'islam connaîtrait une forte progression au Rwanda. Alors que le pourcentage de musulmans était estimé à 1% au milieu des années 1990, il serait beaucoup plus élevé aujourd'hui, sans qu'il paraisse aisé d'avoir à ce sujet des statistiques précises.
Selon l'International Islamic News Agency (décembre 1999), l'islam aurait pénétré au Rwanda au début du 20e siècle par des marchands arabes: la première mosquée y aurait été construite en 1913 et la première école musulmane en 1957. Mais les autorités coloniales n'entendaient guère favoriser l'expansion musulmane.
Le génocide a cependant modifié l'image de l'islam dans le pays, affirment nombre d'observateurs. Alors que des clercs de nombre d'Eglises chrétiennes ont été compromis dans les massacres survenus alors, l'islam a donné une toute autre image. Des Rwandais déçus par les Eglises traditionnelles se sont donc tournés vers la religion musulmane - et d'autres groupes religieux, qui fleurissent au Rwanda depuis le génocide.
Correspondante de la Chicago Tribune, Laurie Goering vient de consacrer un article à ce phénomène (5 août 2002). Même si les chiffres allant jusqu'à 14% de musulmans dans la population qu'elle cite dans son article sont probablement exagérés (et demanderaient en tout cas confirmation d'autres sources), le succès de l'islam est indéniable. "Nous sommes partout", déclare le Sheikh Saleh Habimana, figure de proue de la communauté musulmane rwandaise.
Bien des musulmans auraient sauvé la vie à ceux qui cherchaient à échapper aux massacres, venant en aide à de parfaits inconnus, tandis que les bandes organisées qui commettaient les assassinats hésitaient à pénétrer dans les quartiers musulmans. Plusieurs des Rwandais ainsi sauvés d'une mort certaine se sont par la suite convertis à l'islam.
Le Sheikh Habimana est l'un des dirigeants de la nouvelle commission interreligieuse. Les responsables des mosquées insistent sur la fraternité entre Hutus et Tutsis musulmans.
Ces développements transforment également le statut des musulmans dans la société rwandaise, où ils avaient souvent été considérés comme "des citoyens de seconde zone, travaillant comme chauffeurs de taxis et marchands dans une société qui tient en haute estime les activités agricoles".
Certains milieux contestent cependant cette image de l'islam, qu'ils jugent trop unilatéralement positive. A la suite de la publication d'un article à ce sujet dans l'Actualité des Religions (septembre 2000), le curé (d'origine européenne) d'une paroisse rwandaise avait adressé à des correspondants une longue lettre qui reconnaissait certes l'attitude exemplaire de certains musulmans, mais estimait qu'il fallait se garder de la généraliser, en oubliant par ailleurs que des actes de solidarité semblables s'étaient également produits dans le cadre de paroisses chrétiennes et qu'il y avait également eu des musulmans impliqués dans les actes de violence de 1994.
Jean-François Mayer