En arrivant le 30 juillet 2002 au Mexique, le pape Jean-Paul II foulera le sol du second pays catholique du monde: en nombre de fidèles, le Mexique se trouve derrière le Brésil, mais devant les Etats-Unis. Cependant, la forte prédominance catholique romaine n'empêche pas le développement récent d'autres courants religieux, notamment évangéliques.
L'Eglise catholique perd du terrain au Mexique, constate The Economist (27 juillet 2002). Les dirigeants de l'Eglise catholique paniquent, affirme un pasteur évangélique cité par l'hebdomadaire.
A en croire l'analyse de ce magazine réputé, ce propos n'est sans doute pas impartial, mais les préoccupations quant à l'avenir ne seraient pas entièrement étrangères à la visite du pontife romain. La proportion de protestants connaît une progression régulière au Mexique, particulièrement depuis les années 1970. Les protestants représentent aujourd'hui 7,3% de la population; 5% des Mexicains se considèrent comme évangéliques. L'Etat du Chiapas, où les turbulences dans le secteur religieux sont les plus fortes, atteint 14% de protestants.
Sur la base des données fournies par l'Institut national de statistique, de géographie et d'informatique (INEGI), le service espagnol de l'agence de presse catholique Zenit (28 juillet 2002) le confirme: il y a au Mexique plus de 75 millions de catholiques âgés de plus de 5 ans, mais si le nombre en chiffres absolus a certes progressé en dix ans, le pourcentage des catholiques est en revanche passé de 91% à 87% de la population mexicaine. Sur 84,8 millions d'habitants de plus de 5 ans, près de 3 millions affirmeraient en outre n'avoir aucune appartenance religieuse.
Le succès d'autres groupes religieux semble particulièrement marqué parmi les populations d'origine indienne (importantes au Chiapas). Dans un article de 1997, Jean-Pierre Bastian, spécialiste de la situation religieuse dans les pays latino-américains, soulignait que "c'est précisément dans des communes indiennes du Chiapas que se trouvent des taux de non-catholiques supérieurs à 50%". La dérégulation religieuse apparaît la plus manifeste "sur le terrain ethnique", selon les observations du sociologue.
Une récente note de Religioscope évoquait même la présence d'une mission musulmane au Chiapas, avec quelques centaines de convertis. Des frictions opposent également depuis de longues années les autorités municipales de San Juan Chamula à la fois aux groupes évangéliques et au diocèse catholique, au nom de la défense de pratiques traditionnelles mélangeant croyances mayas et foi catholique; après une réconciliation avec le diocèse en juin 2001, une nouvelle crise s'est produite en avril 2002 et a entraîné l'expulsion du clergé catholique de la ville (Associated Press, 30 avril 2002).
Malgré la présence d'autres acteurs et problèmes, le sociologue de la religion mexicain Roberto Blancarte - cité par l'Economist - estime que c'est aujourd'hui la montée du protestantisme qui constitue la principale source de préoccupation pour l'Eglise romaine.
Jean-François Mayer
Pour en savoir plus sur l'arrière-plan:
Jean-Pierre Bastian, "La dérégulation religieuse de l'Amérique latine", in Problèmes d'Amérique latine, N° 24, janvier-mars 1997, pp. 3-16.
Jean-Pierre Bastian, "Violence, ethnicité et religion chez les Mayas du Chiapas au Mexique", in Histoire et Anthropologie, N° 12, janvier-juin 1996, pp. 47-53.