A Pahranichny (Belarus), la police a arrêté quatre personnes qui tentaient de s'opposer à la destruction une maison et une chapelle construites sans autorisation. L'édifice avait été construit à l'initiative du P. Yan Spasyuk, un prêtre qui représente l'Eglise orthodoxe autocéphale de Belarus, que les autorités refusent de reconnaître.
Selon Radio Liberty-Radio Free Europe (29 juillet 2002), le P. Yan Spasyuk reconnaît avoir construit les immeubles sans permission officielle, mais soutient que les motifs réels de la destruction sont la crainte de voir l'Eglise autocéphale concurrencer la juridiction du Patriarcat de Moscou, organisée sous forme d'Exarchat autonome. Il y avait déjà eu dans le passé plusieurs descentes de police à Pahranichny.
L'Eglise autocéphale (Bielaruskaja Autakiefalnaja Pravasalaunaja Carkva - BAPC) trouve son origine (ou renaquit, si l'on suit l'interprétation de ses partisans) lors d'une assemblée ecclésiastique qui se tint en juillet 1922 à Minsk, dans les années turbulentes qui suivirent la révolution bolchévique. Son premier primat, le Métropolite Melchisedek, qui avait été un hiérarque du Patriarcat de Moscou, fit par la suite pénitence et rejoignit l'Eglise russe, dans laquelle il fut élevé au rang d'archevêque peu avant de périr en 1928. Dans les années 1930, l'Eglise autocéphale fut complètement anéantie.
Le mouvement ressuscita à la faveur de l'occupation allemande et choisit pour primat le Métropolite Panteleimon (également un évêque issu du Patriarcat de Moscou). Mais le retour des armées soviétiques obligea les dirigeants de l'Eglise à suivre les troupes allemandes dans leur retraite. Une fois en Occident, les hiérarques biélorusses rejoignirent le Synode russe hors-frontières.
Avec l'aide d'autocéphalistes ukrainiens, un groupe se réunit cependant à Constance en 1948 et maintint l'Eglise biélorusse en exil. Celle-ci n'est pas reconnue par les principales juridictions orthodoxes; il existe en revanche aussi aux Etats-Unis quelques paroisses biélorusses dans la juridiction du Patriarcat oecuménique.
Les autocéphaélistes biélorusses tentent de justifier canoniquement l'existence de leur Eglise entre autres en se référant à la charte d'autocéphalie accordée en 1924 par le Patriarcat oecuménique à l'Eglise orthodoxe de Pologne: ils considèrent leur situation comme analogue au regard de l'héritage historique,
L'Eglise biélorusse en exil a cependant été affaiblie par un schisme dans les années 1980. L'une des juridictions a son siège à New York, l'autre à Toronto. Chacune des deux juridictions ne regroupe que peu de paroisses.
En Belarus, la vie orthodoxe a bénéficié de la libéralisation intervenue à la fin du régime communiste. Un exarchat du Patriarcat de Moscou pour la Belarus a été créé en 1990. Il jouit d'une autonomie administrative. Sous la direction du Métropolite Philarète, cet exarchat compterait près de 1.200 paroisses. Il entretient de bonnes relations avec les autorités. Comme le note dans sonchapitre sur la Belarus le rapport 2001 sur la liberté religieuse internationale du Département d'Etat américain, depuis son élection en 1994, le président Lukashenka - qui s'est décrit comme un "orthodoxe athée" - se montre très favorable à l'Eglise orthodoxe russe.
Toute autre est la situation de l'Eglise autocéphale, qui a pris pied en Belarus, mais à laquelle l'Etat refuse l'enregistrement légal. Comme d'autres groupes religieux non reconnus, elle craint l'adoption cet automne d'une loi apparemment très restrictive sur les religions. Sa situation est déjà précaire: au mois de mars 2002, le journal Nasha Niva a ainsi reçu un avertissement des services du procureur général pour avoir publié un message de Noël du P. Yan Spasyuk et l'annonce d'un service religieux de l'Eglise autocéphale en mémoire des victimes de la période stalinienne dans ses lettres de lecteurs. Le P. Yan Spasyuk appartenait au clergé du Patriarcat de Moscou avant de rejoindre l'autocéphalisme.
Lié à la branche canadienne de l'Eglise autocéphale (dont le chef est décédé au mois de juin 2002), le mouvement autocéphaliste en Belarus même compterait jusqu'à 70 paroisses, mais il s'agit de chiffres approximatifs et non confirmés. La réalité pourrait être plus modeste. Les autocéphalistes semblent jouir de la sympathie de certains milieux nationalistes et opposés au régime du président Lukashenka.
Jean-François Mayer
Update: la chapelle a été détruite le soir du 1er août 2002.
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