Le 15 juillet 2002, le Conseil national de la sécurité de la Thaïlande a décidé la création d'une nouvelle force de sécurité pour les provinces méridionales du pays, à prédominance musulmane. Cette décision fait suite à plusieurs incidents violents.
Cette force comprendra à la fois des militaires, des policiers et des civils, a indiqué un porte-parole du Ministère de la Défense. Depuis le mois de décembre 2001, une série d'incidents violents - allant d'embuscades contre des policiers à une demi-douzaine d'attentats à la bombe (engins de fabrication artisanale) - ont fait plusieurs victimes. Les autorités craignent la reprise d'une activité séparatiste dans cette région (Associated Press, 16 juillet 2002).
En fait, l'incertitude règne quant à l'interprétation à donner à cette série d'actions violentes. Les autorités avaient d'abord incriminé des groupes de bandits notoirement actifs aux abords de la frontière avec la Malaisie, mais le caractère apparemment organisé de la campagne suscite maintenant des interrogations - sans qu'il soit exclu qu'elle couvre des entreprises criminelles pour le contrôle de lucratives activités illégales (Reuters, 16 juillet 2002). D'une source officielle à l'autre, les explications avancées sont contradictoires.
Cependant, note Shawn Crispin dans la Far Eastern Economic Review (numéro daté du 25 juillet 2002), "la politique et la violence se mélangent souvent dans les régions méridionales de la Thaïlande, et les actes récents paraissent avoir des racines économiques et politiques plus profondes que du simple banditisme."
Sunnites, les musulmans de Thaïlande sont largement d'origine malaise, ce qui crée des liens transfrontaliers. Majoritaires dans le Sud, les musulmans représentent 4,6% de la population totale du pays (61 millions d'habitants), selon les résultats du recensement de l'an 2000, qui montraient que le nombre de musulmans avait augmenté depuis 1990 - ils étaient 4,1% dix ans plus tôt (Eglises d'Asie, 16 juillet 2001).
Les musulmans jouissent d'une reconnaissance officielle: le gouvernement fournit des fonds pour la construction et l'entretien des mosquées, qui seraient au nombre de 2.000 dans le pays, dont une centaine à Bangkok. Dans les provinces méridionales, les règles islamiques sont applicables aux musulmans en matière de droit personnel dans les affaires relatives aux questions familiales ou d'héritage.
Cependant, des publications islamiques brossent un autre tableau de la situation et présentent la population musulmane de la Thaïlande comme menacée dans son identité par une politique de "siamisation" qui serait, affirment-elles, imposée par la majorité bouddhiste, notamment dans le cadre éducatif. Une analyse de Kazi Mahmood publiée par IslamOnline (13 mars 2002 [cet article n'est plus accessible - 27.08.2016]) prétend ainsi que la Thaïlande utiliserait le climat actuel de "guerre contre le terrorisme" pour réprimer les aspirations identitaires des musulmans des provinces méridionales. Etat malais lié dès le 16e siècle au Siam par des liens de vassalité, le Pattani a été complètement intégré politiquement au début du 20e siècle.
Jean-François Mayer
A relire: le compte rendu sur l’article de Peter Chalk sur les mouvements sépararistes de l’Asie du Sud-Est, mis en ligne le 15 janvier sur Religioscope, avec un lien vers un autre article de cet auteur (en format PDF) sur le séparatisme musulman aux Philippines et en Thaïlande:
http://www.religioscope.com/info/notes/2002_004_Asie_Sud_Est_Islam.htm