Le 10 juillet 2002, à Rome, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié un monitum (avertissement canonique officiel) pour indiquer que les sept femmes - de nationalité autrichienne, allemande et américaine - ordonnées le 29 juin 2002 seraient excommuniées si elles ne se repentaient pas avant le 22 juillet 2002. Même dans les milieux favorables à l'ordination des femmes au sein de l'Eglise catholique romaine, les opinions sont loin d'être unanimes, notamment en raison de l'identité de l'évêque qui a procédé à l'ordination.
Au départ, douze femmes devaient être ordonnées le 29 juin 2002 à bord du MS Passau, qui naviguait sur le Danube entre l'Allemagne et l'Autriche. Pour finir, sept d'entre elles firent le pas: Christine Mayr-Lumetzberger, Adelinde Theresia Roitinger, Gisela Forster, Iris Müller, Ida Raming, Pia Brunner et Angela White. Religieuse dans le couvent de Hallein, près de Salzbourg, Soeur Adelinde Theresia Roitinger a été immédiatement exclue de sa communauté. La menace d'excommunication rendue publique le 10 juin était prévisible.
Depuis le début de l'année 2002 déjà, l'on savait que plusieurs femmes catholiques en Autriche et en Allemagne se formaient en vue d'obtenir le sacerdoce depuis 1999 et avaient l'intention de franchir le pas. Et des évêques n'avaient pas manqué d'annoncer que la célébration de la messe par des femmes entraînerait automatiquement leur excommunication (Kipa, 11 février 2002).
Cependant, avant les ordinations déjà, l'enthousiasme n'était pas unanime dans les milieux favorables en principe à l'accès des femmes au sacerdoce. Ainsi, en Autriche, le groupe "Wir sind Kirche" (en France, connu sous le nom de "Nous sommes aussi l'Eglise") expliquait que ses membres étaient partagés. et exprimait une réticence face à de sinitiatives individuelles, préférant une politique des petits pas à une action d'éclat qui ne permettrait probablement pas de changer grand chose (Wir Sind Kirche, 34/02).
Ordonnées par un évêque indépendant
Durant plusieurs mois, l'on s'interrogea sur l'évêque qui procéderait à la consécration. Tout d'abord avait été évoqué un évêque indépendant s'intitulant "vieux-catholique" en Californie, Mgr Peter Hickman (cet évêque n'appartient pas au mouvement vieux-catholique organisé au sein de l'Union d'Utrecht, dont plusieurs Eglises membres ordonnent des femmes prêtres). Les candidates à l'ordination laissaient entendre qu'elles avaient en outre trouvé un évêque catholique romain disposé à prêter son concours.
En définitive, l'ordination fut célébrée par un Argentin, Romulo Braschi, évêque indépendant, qui appartient à une Eglise catholique apostolique charismatique de Jésus Roi et a reçu son épiscopat d'un évêque de l'Eglise catholique apostolique du Brésil. Les services de l'Eglise catholique romaine chargés du suivi des sectes et mouvements religieux marginaux ne manquèrent pas de souligner que Mgr Baschi avait également certains liens avec la mouvance de la religiosité parallèle (présence à une foire de l'ésotérisme). Pour la célébration des ordinations, il fut assisté d'un ex-bénédictin, qu'il avait sacré évêque le mois précédent dans la maison d'une des sept candidates.
Même s'il retint l'attention des médias - surtout germanophones - l'événement du 29 juin 2002 perdait beaucoup de son impact, du fait qu'aucun évêque catholique romain n'avait en définitive accepté d'officier. Et cela renforça encore les réserves déjà exprimées même dans des milieux en principe sympathisants.
Partisans de l'ordination des femmes: divisés
C'est ainsi que l'Initiative Kirche von unten (IKvu), qui avait à l'origine exprimé une réaction positive, se distança de l'acte posé par les sept ordonnées. Dans un communiqué du 30 juin, l'IKvu parle d'une occasion manquée, tout en disant son "respect pour le courage des femmes" impliquées. Le communiqué mentionne explicitement "le manque de sérieux des évêques consécrateurs" ainsi que le manque de concertation "avec les groupes de réforme ecclésiale" pour justifier le retrait de son soutien. L'IKvu voit dans la démarche "une solution privée" pour les femmes concernées, mais qui ne fait pas progresser leur cause.
En revanche, les sept femmes ont reçu le soutien de la Women's Ordination Conference (WOC) des Etats-Unis, dans une prise de position du 3 juillet 2002. Tout en se disant consciente des questions soulevées par le statut des évêques consécrateurs, la WOC a choisi "de reconnaître [ces ordinations] comme un nouveau pas important dans la lutte pour l'égalité des femmes dans l'Eglise". A la suite du monitum romain, la WOC a d'ailleurs appelé le 14 juillet à des actions de soutien, suite à la demande de solidarité exprimée par Gisela Forster (porte-parole pour l'Allemagne) and Christine Mayr-Lumetzberger (porte-parole pour l'Autriche) dans une lettre ouverte du 11 juillet en réponse à la réaction venue du Vatican.
Jean-François Mayer
Documentation
[En dehors du site de la Women’s Ordination Conference, aucun des liens ci-dessus n’est fonctionnel aujourd’hui; tout en conservant pour mémoire les URL (certains articles peuvent être retrouvés en utilisant Wayback Machine d’Internet Archive), nous avons donc supprimé les hyperliens, à l’exception de celui qui demeure valide – 27.08.2016]
Sur les ordinations sacerdotales de la fin du mois de juin, une page en allemand avec de nombreux liens vers tous les documents importants et différents points de vue sur la question (y compris certains sites en anglais) ainsi que des références bibliographiques – probablement la meilleure collection de documents sur l’affaire et ses développements:
http://www.ikvu.de/frauenordination/
Women’s Ordination – Catholic Internet Library:
http://www.womenpriests.org/welcome.htm
On y trouve notamment la “première réponse” (11.7.2002) des femmes visées par le monitum romain:
http://www.womenpriests.org/called/frauen_e.htm
Le journaliste Werner Ertel et Gisela Forster viennent de publier un livre, “Wir sind Priesterinnen”. Aus aktuellem Anlass: Die Weihe von Frauen 2002, Düsseldorf, Patmos-Verlag, 2002 (208 p.). Sur la controverse que suscite ce livre:
http://www.ikvu.de/frauenordination/patmos-frauenordination.html
Liste d’organisations membres de Women’s Ordination Worldwide (qui a tenu une première conférence internationale au début de l’été 2001 à Dublin):
http://www.wow2001.org/wowmem.htm
Le site très bien structuré de la Women’s Ordination Conference aux Etats-Unis:
http://www.womensordination.org/
Pour une introduction brève au phénomène des évêques indépendants (souvent appelés par les spécialistes episcopi vagantes), on peut lire le livre de Bernard Vignot, Les Eglises parallèles, Paris / Montréal, Cerf / Fides, 1991 (126 p.).