Considéré comme le probable successeur de George Carey sur le siège de Canterbury, Rowan Williams, actuellement archevêque du Pays de Galles, est considéré comme libéral. La perspective de sa prochaine nomination irrite donc certains milieux anglicans dont les orientations théologiques sont différentes. Dernière critique émise à son égard: il va être reçu au mois d'août comme druide honoraire dans la Gorsedd des Bardes, lors du traditionnel Eisteddfod national du Pays de Galles.
A vrai dire, la nouvelle n'a rien de sensationnel, et l'Eisteddfod n'a rien d'un mystérieux rituel célébré par un groupe secret dans une clairière reculée! Ce rassemblement très populaire attire des foules. Quant à la Gorsedd des Bardes, ses membres s'adonnent - comme il se doit - à des activités culturelles et comptent parmi eux des nombreuses personnes connues. En fait, au Pays de Galles, c'est un honneur de pouvoir y appartenir. Et, même si ses adhérents se revêtent de tenues druidiques telles que les imaginait l'époque romantique, leurs pratiques n'ont rien de païen. "Tant l'Eisteddfod que la Gorsedd sont des célébrations de la culture galloise", a souligné un porte-parole de Rowan Williams (BBC, 19 juillet 2002).
Plusieurs groupes aux références druidiques apparurent dans les Iles britanniques au 18e siècle. La Gorsedd (mot auquel est donnée la signification d'"assemblée") naquit en 1792, à Londres, lors du solstice d'été, à l'initiative d'Edward Williams (1747-1826), qui prit le nom de Iolo Morgwang. Comme l'explique Michel Raoult dans son panorama sur Les Druides. Les sociétés initiatiques celtiques contemporaines (Monaco, Ed. du Rocher, 1983, rééd. 1997), greffa en 1819 son initiative sur les eisteddfodau gallois, devenus "des concours populaires de poésie douteuse". La Gorsedd devint petit à petit un participant coutumier de ces célébrations, qui connurent par ailleurs un renouveau. Dès la création de l'Eisteddfod national en 1860, la Gorsedd y fut associée.
La Gorsedd représente un groupe plus "culturel" que "cultuel", souligne Raoult. Dans son petit ouvrage riche en informations B.A.-BA du Néo-Paganisme (Puiseaux, Pardès, 2001), Christian Bouchet rejoint cette évaluation:
"La Gorsedd de Iolo Morgwang devint une structure culturelle participant au folklore national gallois. On ne peut guère la considérer comme une association néo-païenne, quand on sait que sur dix-neuf de ses 'archi-druides', quinze furent des pasteurs protestants!"
A côté de cela, il existe des groupes druidiques dont l'orientation néo-païenne est affirmée et sur lesquels les deux ouvrages précités donnent plus d'informations.
Néanmoins, déjà peu favorablement disposés envers Rowan Williams, plusieurs membres évangéliques de l'Eglise anglicane estiment que l'Archevêque du Pays de Galles, en revêtant au mois d'août une robe blanche et une coiffure de druide, participera à un rituel "plus proche du shintoïsme que du christianisme" et perdra son temps à des activités qui n'ont guère de rapport avec la promotion de la foi chrétienne. A quoi l'actuel archi-druide, Robyn Lewis, un juriste à la retraite, réplique que la Gorsedd n'a rien à voir avec les druides anglais - tels que ceux qui se rassemblent pour ces cérémonies à Stonehenge - et représente au contraire "une très respectable société" pour "la promotion des arts au Pays de Galles, rien de plus" (Times, 19 juillet 2002).
Jean-François Mayer
Informations sur le Gorsedd des Bardes sur l’Eisteddfod:
https://eisteddfod.wales/the-gorsedd
Plusieurs intéressants articles de 1999 sur l’écho de la “spiritualité celtique” dans des communautés chrétiennes ont disparu, mais restent accessibles grâce à Wayback Machine d’Internet Archive: https://web.archive.org/web/20020617165400/http://www.sgm-nz.org/ArchWint99.htm