Certains temples hindous pratiquent les sacrifices d'animaux, à côté d'autres groupes qui y sont virulemment opposés. La visite du roi du Népal en Inde à la fin du mois de juin a ranimé ces controverses: plusieurs groupes de défense des animaux ont protesté contre les sacrifices auxquels le souverain a fait procéder.
L'annonce que le roi Gyanendra du Népal ferait sacrifier des animaux lors de sa visite au temple de Kamakhya (Assam), haut lieu du tantrisme, a causé l'émoi des People for Animals, l'un des groupes les plus actifs pour la défense des animaux en Inde. Selon leur interprétation, de tels sacrifices ne sont pas autorisés par l'Acte de prévention contre les cruautés envers des animaux de 1960: les défenseurs des droits des animaux réclamaient donc que le sacrifice soit empêché ou que ses auteurs soient punis. Des manifestants protestaient devant le temple.
Malgré ces oppositions, le 27 juin 2002, le roi Gyanendra a offert cinq animaux au sanctuaire de la déesse, selon la tradition: un buffle, une chèvre, un mouton, un canard et un pigeon. Selon certains comptes rendus de la presse indienne, pour éviter de créer des troubles, les animaux auraient été sacrifiés après le départ du roi et de la reine Komal. Le temple avait été fermé au public pour la durée de la visite royale.
Les protestations ont suscité l'irritation des responsables du temple. Le secrétaire du Kamakhya Temple Trust a déclaré à l'agence de presse indienne PTI (28 juin 2002) que "la tradition de sacrifier des animaux au plus puissant sanctuaire de Shakti était plus ancienne que l'Acte de prévention contre les cruautés envers des animaux", puisqu'elle remonte à des milliers d'années. L'Acte, affirme-t-il, n'interdit pas les sacrifices d'animaux pour des raisons religieuses. Le secrétaire déclarait par ailleurs ne jamais avoir entendu parler de l'Acte de 1960 avant les protestations accompagnant la visite du roi. Quoi qu'il en soit, "nos Ecritures sanctionnent [ces sacrifices] et nous ne tolérerons aucune interférence à cet égard." La branche régionale de la Vishva Hindu Parishad (VHP), qui proteste contre les abattoirs, s'abstient de tout commentaire au sujet des sacrifices d'animaux, ceux-ci étant effectués en accord avec la tradition du temple.
Le 28 juin 2002, le roi a fait procéder à nouveau à un sacrifice, cette fois-ci au temple de Kali à Kalighat, dans la ville de Kolkata (Calcutta). Une chèvre offerte par le monarque y a été décapitée, mais après le départ du roi, pour éviter toute turbulence.
L'affaire pourrait avoir donné un nouvel élan au mouvement contre les sacrifices d'animaux en Inde. En tout cas, un groupe de militants hindous du Bihar a décidé de lancer une campagne contre les sacrifices d'animaux au temple de Deoghar, dans l'Etat voisin de Jharkhand, indique l'Indo-Asian News Service (IANS, 28 juin 2002). Les militants affirment que les sacrifices d'animaux vont à l'encontre des principes de l'hindouisme. En cas de succès de leur initiative, les activistes hindous du Bihar - dont certains sont par ailleurs associés au mouvement pour la construction du temple d'Ayodhya - se proposent d'étendre leur campagne à l'ensemble du pays.
Jean-François Mayer