Le présent article reprend, avec quelques mises à jour et l'addition d'une sitographie, de larges extraits d'un texte intitulé "L'Orthodoxie doit-elle être byzantine? Les tentatives de création d'un rite orthodoxe occidental", publié il y a cinq ans dans un ouvrage collectif intitulé Regards sur l'Orthodoxie. Mélanges offerts à Jacques Goudet (sous la direction de Germain Ivanoff-Trinadtzaty), Lausanne, L'Age d'Homme, 1997, pp. 191-213 [1]. Religioscope remercie les Ed. L'Age d'Homme d'avoir autorisé cette reprise et en profite pour rappeler à ses lecteurs la production considérable de cette maison, et notamment son apport important à l'édition de littérature slave.
Les Occidentaux qui rejoignent l’Eglise orthodoxe se sentent les légitimes héritiers du christianisme occidental du premier millénaire. Cela pose cependant la question des modalités selon lesquelles renouer avec cet héritage : s’agira-t-il simplement de l'intégrer comme un élément du fondement spirituel de la tradition orthodoxe ou pourra-t-on essayer de retrouver des pratiques spécifiques d’un Occident orthodoxe, voire d’orthodoxiser des pratiques liturgiques occidentales ? Il n’est pas étonnant que certains individus ou groupes aient tenté de trouver une voie orthodoxe occidentale avec ses rites propres. Historiquement, ce phénomène s'est trouvé en interaction avec plusieurs autres développements : l’émergence des préoccupations œcuméniques, l’anglo-catholicisme, le vieux-catholicisme, le mouvement de recherche liturgique, l’émigration russe et la diaspora orthodoxe en général. Nous brosserons ici un tableau sommaire des tentatives de création d’un rite orthodoxe occidental, en nous efforçant de ne pas répéter simplement les études déjà existantes [2].
Orthodoxie et pluralité des rites
Au cours des derniers siècles, les Eglises orthodoxes ont été confrontées en d’autres occasions au problème de la pluralité liturgique. Ce fut contre les réformes du patriarche Nikon visant à calquer les pratiques russes sur celles de l’Eglise grecque que se leva au XVIIe siècle la résistance des vieux-croyants[3]; dès 1800, des vieux-croyants revenus dans la juridiction de l’Eglise orthodoxe russe furent autorisés à conserver leur rite (edinovertsy)[4]. En 1845 et au cours des années suivantes, quelques dizaines de milliers d’Estoniens et de Lettons adhérèrent massivement à l’Eglise orthodoxe et apportèrent dans les paroisses nouvellement créées pour eux certains de leurs usages luthériens, notamment des chants[5]; l’usage de l’orgue aurait même été introduit dans certaines églises orthodoxes baltes ! En mai 1897, 9.000 nestoriens de la région d’Ourmia demandèrent avec leur évêque Jonas à entrer dans la communion de l’Eglise russe et l’union fut solennellement célébrée à Saint-Petersbourg en mars 1898 ; bien que certains ecclésiastiques russes aient été favorables à ce que ces convertis pussent conserver leurs rites — à l’image de la pratique catholique romaine en la matière — , les missionnaires russes envoyés à Ourmia se signalèrent rapidement par des efforts de russification de l’héritage liturgique syriaque oriental des paroisses nouvellement reçues[6].
Enfin, on ne saurait oublier que la présence des groupes uniates mettait, d’une autre façon, l’Eglise orthodoxe face à la question de la pluralité des rites ; d’ailleurs, certains auteurs considèrent la fondation de communautés orthodoxes de rite occidental comme de l’« uniatisme à rebours » et estiment que ces expériences « constituent moins des créations originales que des emprunts conjoncturels et limités au modèle romain »[7] .
Ce ne furent en tout cas pas les patriarcats orientaux qui se trouvèrent à l’origine des communautés orthodoxes de rite occidental : l’initiative vint toujours d’individus ou de petits groupes de convertis (ou candidats à la conversion) occidentaux.
Les évêques « non-jureurs » anglicans au XVIIIe siècle
Le premier cas où la question de l’entrée en communion avec des chrétiens de rite occidental se posa vraiment fut celui des évêques anglicans « non-jureurs », c’est-à-dire ceux qui refusèrent de renier leur allégeance à Jacques II (1633-1701) — qui s’était converti au catholicisme romain et fut renversé en 1688 — et de prêter serment à Guillaume III alors que le souverain auquel ils avaient promis fidélité était encore vivant. Certains persévérèrent dans leur séparation après la mort de Jacques II et quelques-uns entrèrent en correspondance avec les patriarches orientaux en vue d’explorer les possibilités d’une union (mais les non-jureurs n’approuvaient pas tous cette démarche)[8].
Ce contact fut établi grâce à la présence en Angleterre (dès 1712) d’un envoyé du patriarche d’Alexandrie, l’archevêque Arsène de Thébaïde, qui reçut d’ailleurs plusieurs personnes dans l’Eglise orthodoxe durant son séjour sur sol anglais ; il n’était pas le premier ecclésiastique orthodoxe à y venir et une chapelle grecque avait fonctionné pendant quelque temps à Londres au cours du dernier quart du XVIIe siècle. En 1716, un groupe de non-jureurs rédigea des propositions en vue d’un « concordat entre le reste orthodoxe et catholique des Eglises britanniques et l’Eglise catholique et apostolique orientale », puis confia ce texte à l’archevêque Arsène. Celui-ci se rendit à Moscou pour l’apporter au tsar Pierre le Grand, qui s’intéressa au projet et transmit le document aux patriarches orientaux.
La lecture de l’échange entre les non-jureurs et les autorités de l’Eglise orthodoxe[9] révèle un malentendu ecclésiologique fondamental : les Anglais se présentaient sur pied d’égalité en vue d’une union et faisaient des propositions hardies, par exemple la reconnaissance de l’Eglise de Jérusalem comme « véritable Eglise mère » ; ils n’entendaient pas adopter sans restriction la foi orthodoxe, mais ils posaient leurs conditions. Sur le plan liturgique, afin de se rapprocher des patriarcats d’Orient, ils proposaient la restauration de l’ancienne liturgie anglaise, « avec les additions et altérations appropriées ». Ils refusaient par ailleurs d’invoquer la Mère de Dieu et les saints et manifestaient les plus grandes réticences face à la vénération des icônes. La réponse commune des patriarches de Constantinople, de Jérusalem et d’Alexandrie est dépourvue de toute ambiguïté et souligne d’emblée que l’Eglise orthodoxe est toujours demeurée fidèle à la doctrine des Apôtres ; elle refuse d’ouvrir la porte à toute amorce d’un compromis doctrinal avec quelque forme du protestantisme que ce soit. Pour en rester à la question liturgique, les patriarches se montrent très prudents : si l’union est réellement désirée, il ne faudrait pas que les coutumes soient « entièrement étrangères et diamétralement opposées les unes aux autres », ce qui risquerait d’introduire une brisure[10] .
« (...) l’Eglise orientale orthodoxe ne reconnaît qu’une liturgie (...), écrite pas le premier évêque de Jérusalem, Jacques le frère du Seigneur, et ensuite abrégée en raison de sa longueur par le grand Père Basile, archevêque de Césarée en Cappadoce, et après cela abrégée à nouveau par Jean, le patriarche de Constantinople à la langue d’or (...). Il convient donc que ceux qui sont appelés le reste de la piété primitive en fassent usage lorsqu’ils seront unis à nous, afin qu’il n’y ait en ce point aucune discorde entre nous (...). En ce qui concerne la liturgie anglaise, nous ne la connaissons pas, ne l’ayant ni vue ni lue ; mais nous éprouvons quelque suspicion à son égard, en raison du nombre et de la variété des hérésies, schismes et sectes apparus dans ces régions, craignant que les hérétiques n’y aient introduit quelque corruption ou déviation de la Foi juste. Il est donc nécessaire que nous puissions la voir et la lire ; et ensuite soit l’approuver comme juste ou la rejeter comme en désaccord avec notre Foi sans tache. Quand nous l’aurons ainsi considérée, si elle a besoin de corrections, nous la corrigerons ; et si possible, nous lui donnerons la sanction d’une forme authentique. Mais quel besoin d’une autre liturgie ont ceux qui possèdent celle, vraie et sincère, du divin Père Chrysostome (...) ? Car, si ceux qui sont appelés le reste de la piété primitive sont disposés à la recevoir, ils seront plus intimement unis et plus étroitement liés à nous. »[11]
Les échanges de correspondance postérieurs ne permirent pas de résoudre les nombreux points de désaccord, sans parler des interventions de l’Eglise anglicane « officielle » pour décourager les patriarcats orientaux de poursuivre des pourparlers avec un petit groupe de « schismatiques » ; les non-jureurs s’éteignirent lentement.
Le passage cité ci-dessus montre sous quel angle, dès les premières évocations de la possibilité d’un rite occidental, était abordé ce problème qui plaçait les évêques face à un dilemme : ils ne pouvaient pas exclure absolument la possibilité d’un rite autre que byzantin, mais ils pressentaient en même temps des dangers potentiels liés à son adoption.
Le contexte du XIXe siècle
Il fallut attendre le XIXe siècle pour que la question revînt à l’ordre du jour. Le contexte historique y était plus favorable. Dans le sillage de ces commotions que représentèrent la Révolution française et les guerres napoléoniennes, on assista à « une poussée croissante en vue de l’unité spirituelle »[12], renforcée par la conscience que la montée de l’impiété constituait une menace pour tous les croyants. On put ainsi voir, en 1857, des évêques allemands prendre l’initiative d’une association en vue de prier pour l’unité entre « Grecs » et « Latins », et le baron de Haxthausen écrire au métropolite Philarète pour tenter de le convaincre de lancer en Russie une initiative semblable[13]. En Angleterre s’affirmait un intérêt croissant pour l’Eglise et pour la liturgie orthodoxes, qui allait déboucher par la suite sur des initiatives en vue d’un rapprochement. Les « apôtres » de l’Eglise « catholique apostolique » (le mouvement « irvingien »), né dans l’Angleterre des années 1830, se livrèrent à un travail liturgique considérable fondé sur une étude des différentes traditions existantes et élaborèrent un rite eucharistique « de forme romaine, de langage anglican et d’ethos oriental — y compris un certain nombre d’emprunts directs aux liturgies orientales »[14].
Le mouvement vieux-catholique, qui naquit en réaction à Vatican I, affirma dès le Congrès de Munich de 1871 aspirer à rétablir l’union avec « l’Eglise grecque »[15] et le rite eucharistique publié en 1880 par l’évêque Eduard Herzog (Suisse) intégra l’épiclèse, mais en la plaçant avant les paroles de l’institution[16]; pour des raisons à la fois nationales et chrétiennes, le général Alexandre Kiréeff (1832-1910) consacra près de quarante ans d’efforts au rapprochement entre l’Eglise orthodoxe et les vieux-catholiques, voyant dans ceux-ci l’incarnation d’une « Eglise-soeur orthodoxe occidentale » avec laquelle n’existait pas de différence dogmatique et dont il considérait la hiérarchie comme valide[17].
Il y avait aussi une ouverture plus grande aux démarches occidentales de la part de l’Eglise russe, d’habitude la principale interlocutrice à cette époque[18]; les rapports du procureur du Saint-Synode montrent l’attention portée aux manifestations de sympathie pour les traditions liturgiques orthodoxes dans l’Eglise anglicane (on notait que, outre des traductions de textes liturgiques, plusieurs paroisses anglicanes commençaient « à introduire graduellement notre chant liturgique »)[19] et le souci de faciliter aux non-orthodoxes les moyens de se rapprocher de l’Eglise, aussi bien sur le territoire même de la Russie qu’en dehors[20]. Enfin, on n’oubliera pas les cas de conversion à l’Eglise orthodoxe en Occident au XIXe siècle ; celui du Père Wladimir Guettée (1816-1892) est l’un des plus connus[21], mais il y en eut d’autres.
Un pionnier du rite occidental : J.J. Overbeck
Parmi ces convertis, une figure se détache, qui fit de la question du rite occidental un fil conducteur de toute sa vie dans l’Eglise orthodoxe : Julian Joseph Overbeck (1821-1905), d’origine allemande, ordonné prêtre catholique en 1845, passé au protestantisme en 1857 et installé dès cette année-là en Angleterre, où il se consacra à l’édition de manuscrits syriaques (notamment des textes de saint Ephrem le Syrien), puis reçu officiellement dans l’Eglise orthodoxe à Londres en 1869[22]. Détail révélateur : il aurait déjà voulu faire ce pas dès 1865 et date lui-même de cette époque sa rencontre décisive avec la tradition orthodoxe, mais, selon certaines sources, il aurait d’abord voulu obtenir du Saint Synode de l’Eglise russe la reconnaissance de son plan d’Eglise orthodoxe occidentale, ce qui l’aurait conduit à différer sa décision formelle[23].
De sa conversion jusqu’à sa mort, il resta d’une fidélité indéfectible — malgré les déceptions éprouvées par rapport à la réalisation de certains projets. Son ecclésiologie refuse toute « théorie des branches » :
« L’Eglise orthodoxe est incontestablement et sans contredit l’Eglise de la chrétienté indivise, car elle repose sur les sept synodes œcuméniques (...). Aussi vrai que l’Eglise de la chrétienté indivise était seule et unique l’authentique Eglise catholique, à l’exclusion de toute autre, l’Eglise orthodoxe est également seule et unique l’authentique Eglise catholique, à l’exclusion de toute autre.
« Ni l’Eglise romaine ni les confessions protestantes (auxquelles appartient aussi l’Eglise anglicane) ne peuvent donc prétendre être l’Eglise catholique ou des parties de celle-ci. Elles ne sont rien d’autre que des hétérodoxes et se trouvent en dehors de l’Eglise. »[24]
C’est cette logique même qui justifie aux yeux d’Overbeck le rétablissement d’une Eglise orthodoxe de rite occidental : bien que les notions d’« Eglise d’Orient » et d’« Eglise orthodoxe » se recoupent provisoirement, elles ne sont nullement identiques ou synonymes. Il refuse toute idée d’« orientalisation » de convertis occidentaux et se montre très critique à l’égard de l’initiative d’un autre converti, Timothy (Stephen) Hatherly (1827-1905), qui s’efforçait de créer un paroisse orthodoxe de rite byzantin pour des Britanniques. Le plan d’Overbeck pour restaurer l’Eglise orthodoxe d’Occident était tout autre :
« Comment pouvons-nous transformer l’actuelle Eglise occidentale hétérodoxe en une Eglise orthodoxe et ainsi la rendre pareille, dans son essence, à celle d’avant le schisme ? – Eloigne tout ce qu’il y a d’hétérodoxe de l’enseignement catholique romain et des livres d’Eglise catholiques romains, et tu auras, dans son essence, l’Eglise occidentale catholique orthodoxe d’avant le schisme. »[25]
L’idée d’Overbeck était donc de mener un travail d’épuration des rites occidentaux existants : nous allons voir cette idée réapparaître à plusieurs reprises par la suite. Dans son enthousiasme et son élan, Overbeck, fraîchement reçu dans l’Eglise orthodoxe, ne jugeait pas nécessaire de se livrer d’abord à une révision complète des textes liturgiques pour amorcer la fondation d’une communauté orthodoxe de rite occidental : il assurait ses interlocuteurs russes qu’il ne faudrait pas plus de deux mois ! En effet, une fois révisé l’OrdoMissae (travail auquel Overbeck s’était bien entendu déjà livré), il suffirait de revoir progressivement les parties mobiles au fil de l’année liturgique ; quant à l’administration des autres sacrements, elle pourrait provisoirement se faire selon le rite oriental. Overbeck soulignait l’intérêt pastoral de cette démarche : à son avis, des paroisses utilisant la langue locale, mais de rite oriental, ne rassembleraient jamais qu’une poignée de convertis, « tandis que des milliers afflueraient à l’Eglise orthodoxe occidentale, parce qu’elle correspond plus à leur être et à leur nature occidentale »[26]. Sa « Liturgie de la messe catholique-orthodoxe occidentale », publiée en latin et en anglais à Londres vers 1871[27], suit pour l’essentiel le rite romain, mais en y ajoutant l’épiclèse sur le modèle byzantin.
Overbeck rêvait du jour où chaque nationalité aurait son Eglise catholique orthodoxe nationale, comme dans les pays d’Orient, sur la fondation d’une doctrine catholique commune et des saints canons[28]. Un moment, il crut que le vieux-catholicisme allait permettre la réalisation de ces espoirs et pensa discerner dans cette réaction face aux abus romains un mouvement d’une importance historique destinée à dépasser celle de la Réforme protestante[29]; il n’ignorait cependant pas les hésitations des vieux-catholiques à faire le pas décisif[30]. Quelques années plus tard, Overbeck avait perdu toutes ses illusions sur le potentiel offert par le mouvement vieux-catholique, qui avait infligé un retard (fatal) à la réalisation de ses propres plans et dont il dénonça dès lors la tendance à l’indifférentisme et à la sous-estimation des différences dogmatiques[31]; loin d’accepter sans réserves tous les dogmes de l’Eglise orthodoxe, les vieux-catholiques s’étaient malheureusement rapprochés de la théorie anglicane des « branches de l’Eglise » : plutôt que de suivre les conseils d’Overbeck qui suggérait de les laisser hors du jeu, les vieux-catholiques avaient voulu inclure les anglicans dans leurs discussions à côté des orthodoxes, ce qui conduisait le vieux-catholicisme à s’assimiler de plus en plus à l’anglicanisme[32].
Face à cet échec, Overbeck se voyait contraint de poursuivre son combat solitaire pour la création d’une Eglise orthodoxe de rite occidental, sur la base d’une pétition qu’il avait rédigée en 1867 et transmise, munie de plusieurs dizaines de signatures, au Saint Synode de l’Eglise russe en septembre 1869 : « Nous sommes des Occidentaux et devons rester des Occidentaux. »[33] Overbeck ne manquait pas de souligner au passage la loyauté des pétitionnaires, qui n’avaient jamais tenu de services religieux séparés, mais toujours participé à ceux de paroisses grecques ou russes dans l’espoir qu’on finirait par répondre à leur attente ; mais les années passaient et les rangs se clairsemaient[34].
Les autorités de l’Eglise russe s’intéressèrent sérieusement au plan d’Overbeck, qui jouissait d’une réelle estime ; mais, pour toute une série de raisons, notamment les perspectives manifestement peu prometteuses et les résistances très fortes du côté de l’Eglise de Grèce, le Saint Synode finit par décider d’abandonner définitivement le projet en 1884. Pourtant, comme le souligne Florovsky, « la question soulevée par Overbeck était pertinente »[35]. Sa position dérangeait cependant ceux qui rêvaient d’un « rapprochement entre Eglises » : cet élément doit souvent être pris en compte pour interpréter correctement l’arrière-plan des réactions qui ont par la suite accompagné les autres tentatives de création de communautés orthodoxes de rite occidental.
Théologiens russes et rite épiscopalien
Une commission de théologiens russes eut à nouveau à s’occuper de la question du rite occidental en 1904, à la suite de questions posées par le futur patriarche Tikhon (qui exerçait alors son ministère aux Etats-Unis) pour savoir si l’on pouvait autoriser l’usage du rite épiscopalien (American Prayer Book) en cas de passage d’une paroisse américaine entière à l’Eglise orthodoxe ? Les théologiens consultés relevèrent le flou entourant certaines doctrines fondamentales dans ces textes et soulignèrent qu’il ne fallait pas seulement prendre être attentif à leur contenu même, mais aussi au contexte ecclésial dans lequel ils avaient été rédigés. Examinant l’un après l’autre les différents points litigieux, la commission faisait observer que certains rites (par exemple celui de l’ordination) n’étaient pas expressément non orthodoxes, mais pouvaient contenir des « indications indirectes » montrant qu’ils reposaient « sur un fondement dogmatique différent »[36]; dès lors, les « insuffisances latentes » du rite ne pouvaient être autorisées sans autre :
« Quand un rite a été compilé avec l’intention spéciale de l’adapter à des croyances protestantes, il ne sera pas déraisonnable, avant d’admettre son usage, de le soumettre à une révision spéciale dans le sens opposé. »[37] « L’examen du Book of Common Prayerconduit à la conclusion d’ensemble que ce qu’il contient présente comparativement très peu qui contredise clairement l’enseignement orthodoxe et ne serait donc pas admissible dans le culte orthodoxe. Cette conclusion ne dérive cependant pas du fait que le livre est réellement orthodoxe, mais simplement qu’il a été compilé dans un esprit de compromis et que, tout en évitant habilement tous les points de doctrine plus ou moins sujets à discussion, il s’efforce de réconcilier des tendances qui sont réellement contradictoires. Par conséquent, à la fois ceux qui professent le protestantisme et leur opposants peuvent de même l’utiliser avec une conscience tranquille. »[38]
Pour permettre leur usage par d’ex-anglicans convertis, ces textes devraient donc d’abord être révisés dans l’esprit de l’Eglise orthodoxe ; la commission recommandait par ailleurs de recevoir le clergé avec une nouvelle ordination conditionnelle. La question semble de toute façon être restée théorique et ne pas avoir connu d’application à ce moment.
Communautés de rite occidental aux Etats-Unis
Au cours du XXe siècle, il y eut aux Etats-Unis plusieurs cas de tentatives de création de communautés orthodoxes de rite occidental, aussi bien dans la juridiction d’Eglises orthodoxes traditionnelles que sous une forme « sauvage » et non canonique. Certaines de ces communautés finirent par être reçues dans une juridiction orthodoxe ; l’un des cas les plus intéressants fut celui de la « Society of Saint Basil », dont la naissance dérivait indirectement de l’action de Mgr Aftimios Ofiesh (1880-1966), devenu en 1917 évêque de Brooklyn et chef de la mission syrienne dans la juridiction de l’Eglise russe en Amérique. Un acte signé en 1927 par le métropolite Platon et plusieurs autres évêques russes en Amérique chargea Mgr Aftimios de jeter les bases d’une Eglise américaine autonome, non liée aux appartenances ethniques, et avant tout destinée à des personnes nées sur sol américain et parlant anglais ; mais le moment n’était assurément guère favorable, avec tous les troubles que connaissait l’Eglise russe ; Mgr Aftimios finit par se marier en 1933[39].
Il avait cependant consacré plusieurs personnes, dont un certain William A. Nichols, qui se trouva en 1931 à l’origine de la « Society of Saint Basil » ; celle-ci fut dirigée par la suite par Alexander Turner, qui réussit à faire recevoir le groupe en 1961 en tant que communauté de rite occidental dans la juridiction antiochienne aux Etats-Unis. En effet, dès 1958, avec l’approbation du patriarche Alexandre III d’Antioche, le métropolite Antoine Bashir avait autorisé l’usage du rite occidental en Amérique du Nord[40].
On ne saurait dire qu’il y eut au cours des années suivantes un mouvement de masse vers le rite occidental aux Etats-Unis, ne serait-ce qu’en raison des réticences de la plupart des évêques. Vers 1970, si l’archidiocèse syrien continuait fermement à le soutenir en expliquant que la pratique liturgique orientale était « étrangère à tout ce que connaissent les chrétiens occidentaux », des voix comme celle du Père Alexandre Schmemann craignaient au contraire que la diffusion du rite occidental ne « multiplie dangereusement les aventures spirituelles dont nous n’avons déjà eu que trop d’exemples dans le passé, et ne puisse qu’entraver le véritable progrès de l’Orthodoxie en Occident »[41].
Pourtant, à côté des paroisses dans la juridiction antiochienne, le Synode russe hors-frontières avait, en dépit de mésaventures encore fraîches en France (nous en parlerons bientôt), établi trois paroisses de rite occidental en 1968, avec pour doyen l’archiprêtre Georges Grabbe. Ces paroisses avaient adopté l’ancien calendrier et une commission avait été établie par le Synode pour définir des lignes directrices à l’usage du rite occidental. S’adressant aux fidèles de la paroisse de rite occidental de Greenwich (Connecticut) en novembre 1968, le Père Georges Grabbe leur expliquait dans quel esprit procéder :
« (...) l’Occident a été séparé de l’Orthodoxie pendant tant de siècles. La vie n’est pas statique. Elle est développement et croissance. C’est pourquoi il est impossible de retourner mécaniquement aux formes de vie chrétienne qui ont existé en Occident il y a plus de mille ans, quand il était encore orthodoxe. Afin d’exprimer à nouveau l’Orthodoxie, les formes occidentales doivent être enrichies par l’héritage de siècles de développement ininterrompu dans la vie de l’Eglise orthodoxe. Son expérience (...) doit devenir votre expérience et être incorporée dans des formes liturgiques occidentales. »[42]
Comme souvent dans les expériences de rite occidental, celle-là se révéla également éphémère. En 1974, sur tout le territoire américain, il ne restait que deux paroisses de rite occidental liées à une juridiction orthodoxe canonique, toutes deux chez les Antiochiens[43].
Comment se fait-il que le mouvement se trouve aujourd’hui en plein essor, au point de compter en 1996 une trentaine de paroisses en Amérique du Nord ?[44] Paradoxalement, il faut en rechercher les raisons dans les dénominations religieuses d’origine des convertis, qui proviennent principalement des rangs épiscopaliens ou catholiques romains et réagissent aux bouleversements liturgiques (et parfois doctrinaux) intervenus dans leurs communautés. Comme le reconnaît le Père Paul Schneirla, responsable du Vicariat de rite occidental dans l’Archidiocèse antiochien, « nous ne menons pas un programme de prosélytisme, mais nous représentons une option pour ceux qui ont déjà rejeté les changements dans leur ancienne dénomination »[45].
La pratique liturgique représente une « forme théologiquement corrigée de culte anciennement utilisé soit par l’Eglise catholique romaine, soit par la communion anglicane »[46] On reste dans la droite ligne des tentatives d’Overbeck au XIXe siècle ou des suggestions faites par la commission de théologiens de 1904. La récente édition du missel publié par le Vicariat de rite occidental contient deux liturgies: la « Messe selon le rite de saint Tikhon » et la « Messe selon le rite de saint Grégoire »[47]. Il s’agit là de patronages symboliques : le premier est une révision de rite anglican, le second une messe tridentine orthodoxisée, proche de la version proposée par Overbeck. A quelques détails près, un catholique romain retrouverait la liturgie préconciliaire, mais célébrée en anglais[48] . Cette reprise pure et simple d’un rite occidental avec quelques éléments orthodoxisés évite l’arbitraire d’une reconstruction liturgique, mais implique en même temps l’intégration de facto d’éléments postérieurs au schisme. Il est révélateur que l’imagerie utilisée dans les publications du Vicariat soit souvent empruntée à des gravures médiévales ou néo-gothiques.
Le Père Alexey Young, prêtre américain qui collabore à plusieurs périodiques orthodoxes d’outre-Atlantique, demanda en 1989, après avoir exercé durant des années son ministère dans une paroisse de l’Eglise orthodoxe russe hors-frontières, à être reçu dans le Vicariat de rite occidental de l’Archidiocèse antiochien, sensible à la fois aux possibilités missionnaires qui paraissaient s’ouvrir et à une forme de « réappropriation » de son propre héritage occidental[49] . En juin 1996, il a donné sa démission de la paroisse de rite occidental où il servait et a demandé sa réintégration dans la juridiction de l’Eglise russe hors-frontières. Il explique :
« J’étais venu à aimer le rite occidental et à comprendre son authentique spiritualité d’avant le schisme ainsi que son caractère viable pour notre époque. (...) Cependant, je quitte maintenant le mouvement de rite occidental — non pas parce que je n’aime pas le rite, mais parce que je crois que le mouvement lui-même au sein de l’Archidiocèse antiochien a échoué. Bien sûr, il continue de croître numériquement (...). Mais la quantité n’assure pas la qualité, et la direction du mouvement a été dans une large mesure inefficace. Dans de nombreux cas, notre clergé et nos fidèles de rite occidental n’ont pas été instruits, préparés ou guidés de façon adéquate. Ils ne comprennent pas l’esprit de l’Orthodoxie ou même leur propre héritage occidental d’avant le schisme. Dans la plupart des cas, ils ont recherché l’union avec l’Eglise orthodoxe avant tout pour préserver un rite aboli dans l’Eglise à laquelle ils appartenaient antérieurement. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour devenir orthodoxe et ce n’est pas une justification suffisante pour que l’Eglise les accueille en son sein. »[50]
Outre la trentaine de paroisses américaines, quelques paroisses de rite occidental dans la juridiction antiochienne virent le jour en Grande-Bretagne. Elles trouvent leur origine dans une initiative appelée « Pilgrimage to Orthodoxy ». En juin 1993, une vingtaine d’ecclésiastiques anglicans se réunirent pour examiner « l’option orthodoxe », face aux menaces de plus en plus nettes d’ordination des femmes dans l’Eglise d’Angleterre. Certains étaient attirés par le rite byzantine, d’autres par le rite occidental. Ils entrèrent en contact avec le Patriarcat d’Antioche (qui avait déjà laissé entendre plus tôt qu’il ne serait pas opposé à recevoir des communautés britanniques de rite occidental[51]) et, en mai 1995, Mgr Gabriel Saliby (vicaire du Patriarche d’Antioche en Europe occidentale) procéda à l’ordination diaconale d’un premier clerc de rite occidental. Cette initiative semble cependant être restée sans grand impact.
Recréer une liturgie d’avant le schisme ?
L’Eglise catholique orthodoxe de France
Jusqu’à ce point, nous avons prêté attention à des tentative d’épuration d’un rite romain ou anglican. L’allusion faite ci-dessus au rite celtique indique une autre voie possible et effectivement suivie par certains partisans d’un rite orthodoxe occidental : essayer de renouer directement, par-delà les siècles, avec l’héritage orthodoxe pré-schismatique. Guettée s’était déjà livré à un essai de restauration d’une liturgie gallicane, qui aurait été célébrée en 1875 à l’Académie de théologie de Saint-Petersbourg (sans que cette initiative ait eu une suite), et c’est en France qu’est née la tentative la plus connue et la plus importante, dans le cadre de l’Eglise catholique orthodoxe de France (ECOF).
Nous ne voulons pas refaire son histoire, qui a été relatée à plusieurs reprises[52], mais il est nécessaire de rappeler quelques étapes de cette aventure liturgique et ecclésiale. La naissance de l’ECOF résulta de la conjonction de deux courants : d’une part, un groupe de catholiques français dissidents à la recherche d’un enracinement ; d’autre part, la volonté de quelques Russes de faire renaître la tradition orthodoxe en Occident.
Le premier courant était rassemblé autour d’Irénée (Louis-Charles) Winnaert (1880-1937)[53], prêtre catholique qui quitta l’Eglise romaine dans le sillage de la crise moderniste et, après avoir desservi passagèrement quelques autres communautés, créa une petite Eglise catholique indépendante, mais souffrait de son isolement.
Le second était la Confrérie Saint-Photius, fondée en 1925 par huit jeunes Russes de l’émigration qui, loin de se replier sur leur exil, voulurent en faire l’occasion de proclamer l’universalité de l’Eglise orthodoxe et d’affirmer que « chaque peuple, chaque nation a son droit personnel dans l’Eglise orthodoxe, sa constitution canonique autocéphale, la sauvegarde de ses coutumes, ses rites, sa langue liturgique » ; dans cet esprit, la Confrérie mit sur pied dès sa première année d’existence une « commission pour la France » qui envisagea la question de la liturgie occidentale dans ses différentes formes[54].
Mgr Winnaert et des représentants de la Confrérie Saint-Photius entrèrent en relation en 1927. Il s’ensuivit une série de contacts avec des hiérarques orthodoxes, avec l’appui de la Confrérie Saint-Photius, qui finirent par déboucher sur le décret du métropolite Serge de Moscou du 16 juin 1936 acceptant de recevoir la petite communauté et l’autorisant à conserver le rite occidental (c’est-à-dire un rite romain modifié) ; « toutefois, les textes des offices devront être expurgés au fur et à mesure des expressions et pensées qui seraient inadmissibles pour l’Orthodoxie », précise l’article 4 du décret. Quant à l’article 9, il indique que « les paroisses réunies à l’Eglise orthodoxe, se servant du rite occidental, seront désignées comme ‘Eglise orthodoxe occidentale’ ». Le clergé portera des vêtements liturgiques occidentaux, mais pourra revêtir les ornements orientaux en cas de participation aux offices orthodoxes du rite oriental.
La petite communauté fut reçue dans l’Eglise orthodoxe en 1937, alors que Mgr Winnaert était déjà gravement malade. Il mourut peu après, non sans avoir demandé l’ordination sacerdotale d’un des membres de la Confrérie Saint-Photius, Eugraph Kovalevsky (1905-1970), pour assurer l’avenir de l’« Eglise orthodoxe occidentale » (qui prit quelques années plus tard le nom d’Eglise orthodoxe de France). Eugraph Kovalevsky devint par la suite (en 1964) évêque sous le nom de Jean de Saint-Denis. Dans la ligne des aspirations qui s’étaient déjà manifestées au sein de la Conférie Saint-Photius, il se livra à une recherche liturgique pour essayer de renouer avec les rites occidentaux antérieurs au schisme et célébra pour la première fois en mai 1945 à Paris la « liturgie selon l’ancien rite des Gaules ».
Dès avant la guerre, une rupture s’était cependant produite dans le groupe de rite occidental naissant. Le Père Lucien Chambault (1899-1965, plus tard devenu moine sous le nom de Denis), recteur de la paroisse laissée par Mgr Winnaert, entra en conflit avec le Père Eugraph Kovalevsky ; il entendait notamment s’en tenir à un rite romain révisé. Il fonda par la suite à Paris un prieuré orthodoxe d’inspiration bénédictine, qui avait des fidèles (d’autant plus que le Père Denis avait acquis une réputation de guérisseur et d’exorciste qui lui amenait de nombreux visiteurs ![55]), mais ne parvint jamais à conserver de façon stable les moines qui venaient y vivre ; la paroisse de rite occidental ne survécut pas plus de deux ans après le décès du Père Denis. Selon les observations de l’archimandrite Barnabas (Burton), qui passa deux années comme novice dans cette communauté (1960-1962), le rite eucharistique occidental qui y était célébré « ressemblait extérieurement à une messe catholique en français et beaucoup de catholiques venaient à la chapelle pour cette raison »[56].
Il en alla tout autrement de l’expérience menée par Eugraph Kovalevsky, qui se poursuit aujourd’hui, en dépit des nombreux soubresauts qui ont marqué son existence : rupture avec le Patriarcat de Moscou en 1953, bref passage dans l’Exarchat russe du Patriarcat de Constantinople en 1953-1954, suivi d’une traversée du désert de plusieurs années hors de toute obédience canonique et sans évêque, puis rattachement à l’Eglise russe hors-frontières en 1959, suivi d’une rupture en 1966 et d’une nouvelle période d’existence indépendante, débouchant sur la réception de l’ECOF dans l’obédience du Patriarcat de Roumanie en 1972 et la consécration d’un nouvel évêque, le Père Gilles Bertrand-Hardy, sous le nom de Germain de Saint-Denis, pour succéder au premier évêque défunt, et enfin rupture avec Bucarest en 1993, qui conduit une nouvelle fois l’ECOF à se trouver en dehors de tout cadre canonique à l’heure où sont rédigées ces lignes. En outre, pour de graves motifs, un grand nombre de clercs de l’ECOF ont estimé n’avoir d’autre choix que de quitter leur évêque ces dernières années, et la question de leur insertion future n’est, à notre connaissance, pas encore résolue à l’heure où nous révisons ce texte (mai 2002).
Nous n’entrerons pas ici dans une discussion sur les raisons qui ont conduit à ces ruptures successives, évoquées dans toute une littérature de caractère souvent polémique ; qu’il suffise de préciser que la cause principale ne paraît pas tant être le choix du rite occidental en lui-même que diverses questions disciplinaires et d’autres problèmes qu’il n’y a pas lieu d’évoquer ici.
L’entreprise de recréation d’un rite occidental en France n’attira donc pas seulement des Occidentaux convertis, mais suscita l’intérêt de milieux de l’émigration russe qui avaient le sentiment que leur exil devait aussi être l’occasion d’apporter quelque chose à l’Occident.
Le Père Eugraph n’était d’ailleurs pas le seul à se consacrer à de telles entreprises durant ces années-là ; évêque du Patriarcat de Moscou en France, Mgr Alexis van der Mensbrugghe, qui avait activement collaboré aux travaux liturgiques de l’Eglise orthodoxe de France avant de s’éloigner de celle-ci, publia sa restauration du rite occidental — non seulement le rite gallican, mais également le rite italique pré-célestinien (la tradition rituelle occidentale comprenant ces deux variantes fondamentales : gallicane et italique), car, « en toute probité historique, le rite gallican, quoique plus archaïque tant par son fond rituel premier que dans son type d’euchologie, ne peut être imposé à l’Italie »[57]. Mgr Alexis van der Mensbrugghe célébra lui-même cette liturgie dans des paroisses italiennes, revêtu d’ornements occidentaux, mais rien ne semble avoir subsisté de ces efforts.
L’œuvre liturgique accomplie a porté sur l’ensemble des offices, et pas seulement sur le rite eucharistiques[58]. Le Père Eugraph baptisa la liturgie selon l’ancien rite des Gaules « Liturgie selon saint Germain de Paris », car les lettres de cet évêque du VIe siècle, découvertes au XVIIIe siècle, représentent un document précieux pour la connaissance de l’ancien rite des Gaules[59]. Bien sûr, « la liturgie de rite gallican célébrée en France au cours du premier millénaire et supplantée par la liturgie romaine après la réforme de Charlemagne n’est (...) point parvenue jusqu’à nous sous forme d’un texte complet. »[60] Dans le travail de restauration entrepris, les textes occidentaux ont été enrichis de certains apports d’origine orientale[61]; les partisans de l’ECOF estiment que cela ne saurait en aucun cas constituer une manifestation d’éclectisme (l’ECOF a été accusée à plusieurs reprises de se livrer de fait à une « création liturgique »), mais qu’il s’agit d’une légitime compénétration des rites. C’est dans un langage poétique que le Père Eugraph décrivait la méthode utilisée pour faire entrer dans les Matines pascales la joie de ce jour, si marquée dans les célébrations orthodoxes:
« Les Matines pascales dans nos églises suivent fidèlement le structure sobre et retenue du rite latin avec ses trois nocturnes. Mais, semblable aux trois pétales d’une fleur pensivement repliée sur elle-même, sous l’action de la joie du Printemps éternel de la Résurrection et comme frappés des rayons du soleil, ces trois nocturnes latins éclatent, s’épanouissent et donnent l’hospitalité aux abeilles divinement inspirées, aux hymnes de Byzance. »[62]
En dehors de la manifeste portée symbolique d’une telle initiative, pourquoi la décision de restaurer un rite plutôt que de choisir le rite byzantin ou le rite romain orthodoxisé ? Les membres de l’ECOF répondent que le premier « n’a jamais été célébré comme rite local organique en Europe occidentale » et représenterait donc « une introduction étrangère sans racines » ; quant au second, il se présente sous une forme fixée par le concile de Trente et modifiée par des réformes successives de souverains pontifes, et l’adopter aurait amené à tomber « dans une réplique de l’uniatisme »[63]. Pour ce qui est des accusations de « reconstitution archéologique », l’ECOF réplique qu’il s’agit plutôt « de la résurgence d’une tradition latente de l’Eglise indivise qui, à partir des premiers évêques de la Gaule et à travers certains courants liturgiques (monastiques et autres), a été providentiellement fécondée par la rencontre avec la tradition orthodoxe » :
« Pratiquement il s’agit d’insuffler à nouveau aux structures liturgiques nées sur le sol français et pouvant actuellement être parfaitement rétablies scientifiquement, la richesse des textes du rite byzantin et de certains textes gallicans retrouvés (...). C’est là une démarche indispensable et naturelle pour une Eglise autochtone. »[64]
Orthodoxie et celtisme
L’ECOF ne représente pas l’unique tentative contemporaine de restauration ou de (re)création d’un rite occidental, mais les autres se sont déroulées plutôt sur les marges du monde orthodoxe. On peut notamment mentionner le Patriarcat de Glastonbury et l’Eglise orthodoxe celtique en France, dont les destins ont été liés durant des années et jusqu’à une date récente. Se réclamant de l’héritage spirituel d’un ex-dominicain, Jules Ferette, qui aurait été consacré en 1866 comme évêque d’Iona par un prélat jacobite, le groupe décida en 1944 de « restaurer les rites liturgiques gallicans de l’Europe occidentale », dont la structure était non romaine « et qui avaient beaucoup en commun avec les liturgies orientales ».
« Le rite de Glastonbury ne prétend pas être une reconstruction de quelque rite gallican spécifique, car cela serait impossible étant donné que de nombreux formulaires gallicans n’existent qu’à l’état fragmentaire ou sous une forme romanisée. Les compilateurs ont donc puisé librement dans tous les rites gallicans et, là où des additions étaient nécessaires (provenant en grande partie du rite byzantin), ont préservé l’ethos gallican et conservé ses coutumes et structures bien que les mots précis soient d’une autre origine. »[65]
Baptisé « Liturgie de saint Joseph d’Arimathie », le rite de Glastonbury se veut donc un rite néo-gallican s’inscrivant dans la même catégorie que la « Liturgie selon saint Germain de Paris »[66]. En France, l’Eglise orthodoxe celtique, alors dans la juridiction du Patriarcat britannique, a également publié des textes liturgiques de rite « celtique » ou « néo-celtique » ; ce groupe trouve sa source dans l’action de Mar Tugdual, de son nom civil Jean-Pierre Danyel (1917-1968), reçu dans l’Eglise orthodoxe de France en 1949, puis qui poursuivit sa route dans le monde des « petites Eglises », tout en menant dès 1955 une vie d’ermite en Bretagne et en cultivant une spiritualité celtique — il a été canonisé par l’Eglise celtique en août 1996.
Il serait trop long d’évoquer ici les péripéties des tentatives de restauration d’une Eglise orthodoxe celtique. Le Patriarcat de Glastonbury n’existe plus, puisque son métropolite britannique a été reçu avec une partie de ses prêtres et de ses fidèles au sein de l’Eglise copte en 1994 ; à cette occasion, le diocèse a abandonné le rite de Glastonbury et, réalisant plus tôt que prévu des projets déjà amorcés, a adopté, avec la bénédiction du Patriarcat copte, la Liturgie de saint Jacques[67]. Le groupe breton et d’autres communautés autrefois dans la juridiction de Glastonbury demeurent en revanche indépendants.
Parmi les essais de restauration de rites anciens, on mentionnera brièvement une autre tentative de restitution du rite celtique sur la base du Missel de Stowe (considéré par les spécialistes comme le document le plus important pour l’étude de ce rite), à l’initiative du Père Kristopher Dowling, qui est à la tête d’une paroisse de rite occidental à Akron (Ohio) [68].
Quant au Monastère de Saint Hilarion à Austin (Texas), il a restauré le rite de Sarum, célébré en Angleterre avant le schisme, et publie des éditions très soignées de ses textes liturgiques[69]; à noter que ce groupe, qui a également des paroisses en Angleterre et en Serbie, a adopté le calendrier julien.
Conclusion
Sans porter ici un jugement, puisque l’objectif de ce panorama est simplement d’informer, quel bilan tirer de tous ces efforts ? Comme « mythe mobilisateur », l’idéal d’un rite orthodoxe occidental ne manque pas d’attrait ; nul doute que nous continuerons à être témoins de tentatives dans ce sens, et nous ne pouvons pas exclure que l’une finisse réellement par prendre racine et durer. Mais cela ne doit pas cacher une autre réalité, numériquement plus importante, celle du développement lent, mais croissant, de paroisses orthodoxes occidentales de rite byzantin, en dépit des affirmations extrêmes de quelques partisans du rite occidental, qui adhèrent à une sorte de nationalisme liturgique et affirment que l’implantation du rite byzantin serait « une impossibilité, voire une aberration »[70]: « le rite oriental, étranger au chemin spirituel de la France, est sans action profonde et peut même parfois faire l’effet d’un narcotique, d’un genre de toxine. »[sic!][71] Le rite byzantin a été marqué par le contexte oriental dans lequel il a mûri, mais cela ne paraît pas présenter un obstacle insurmontable.
Une pluralité des rites poserait en outre la question du rite à utiliser dans des contextes missionnaires, en dehors du monde occidental. En Afrique ou au Bengale, comme dans d’autres parties du monde, ont émergé des communautés orthodoxes locales de rite byzantin. Si le rite occidental devenait plus largement accepté, devrait-il être réservé uniquement à des populations d’origine occidentale, ou son expansion missionnaire serait-elle envisageable ? Dans le contexte de la mondialisation, le rite byzantin paraît destiné à s’imposer de plus en plus comme rite universel. Cela n’exclut pas, au fil du temps et par suite d’un mouvement naturel au sein de l’Eglise locale, des inflexions nationales apportées à certaines pratiques ou le développement de traits particuliers en harmonie avec l’esprit de la tradition orthodoxe.
Il n’est pas sûr qu’il suffise d’ôter quelques siècles de poussière accumulée pour retrouver la tradition orthodoxe. Celle-ci suppose en effet plus qu’une confession de foi orthodoxe. Il ne suffit pas que des anglicans de la High Church ou des vieux-catholiques suppriment le Filioque dans le Credo, reconnaissent uniquement les conciles oecuméniques du premier millénaire et placent des icônes dans leurs églises pour devenir ipso facto orthodoxes, comme le montrent les expériences faites depuis plus d’un siècle.
Sur un plan théorique, la plupart des évêques orthodoxes admettraient sans doute la légimité possible d’autres rites ; dans la pratique, tant des questions de fond que les différentes expériences faites les conduisent à rester, dans leur grande majorité, réticents ou hostiles à la pratique du rite occidental dans leurs diocèses[72].
Jean-François Mayer
Sitographie
-
The Unofficial Western Rite Home Page
Quelques articles et liens en anglais.
[encore accessible grâce à Wayback machine, mais de nombreux liens ne sont plus valides: https://web.archive.org/web/20080118172621/http://spot.colorado.edu/~ashtonm/owpp/westernrite.htm - 30.08.2016] - Western Rite Vicariate - Patriarchate of Antioch
Texte d'introduction, actualités et archives.
http://www.antiochian.org/western-rite
- WesternOrthodox.com
Le site de la paroisse Saint Marc à Denver (Colorado), d'origine anglicane. Site bien conçu, intéressant matériel. L'un des meilleurs sites sur le rite occidental.
http://www.westernorthodox.com/ - Eglise orthodoxe de France
Site officiel de l'ECOF.
http://eglise-orthodoxe-de-france.fr/ - Eglise orthodoxe celtique
Site officiel de l'Eglise celtique.
http://www.orthodoxie-celtique.net/
- St. Hilarion Monastery
Le site du monastère, au Texas - accès à un intéressant matériel relatif aux liturgies occidentales. Le monastère utilise à la fois le rite de Sarum et le rite byzantin. Dans la juridiction du Synode du Métropolite Euloge de Milan (non reconnu par les grandes Eglises orthodoxes).
[Ce site et le monastère lui-même n'existent plus, à notre connaissance, mais il est possible d'accéder encore au contenu du site grâce à Wayback Machine: https://web.archive.org/web/20050702021730/http://www.odox.net/ - 30.08.2016] - Occidentalis - Forum
Forum de discussion en ligne autour du rite occidental. En anglais. Inscription nécessaire. Intérêt particulier pour le rite de Sarum (le responsable du forum appartient au monastère St Hilarion). Les sujets traités sont essentiellement liturgiques.
http://groups.yahoo.com/group/occidentalis/ - Western Rite Orthodox Information
Site actif depuis 2011, qui s'efforce de maintenir un répertoire des liens de paroisses orthodoxes canoniques utilisant un rite occidental.
http://westernorthodox.info/ [addition 30.08.2016]
Notes
[1] Outre les différentes personnes qui ont répondu à nos questions dans le cadre de la préparation de cet article, nous tenons à remercier en particulier Abba Seraphim (British Orthodox Church), qui nous a généreusement ouvert sa bibliothèque, et les Pères Michael Harper et Jonathan Hemmings (Doyenné antiochien britannique) pour l’entretien que nous avons eu avec eux à Londres en juillet 1996.
[2] La meilleure synthèse sur le sujet est probablement celle présentée dans une série d’articles d’Alexis Van Bunnen, « L’Orthodoxie de rite occidental en Europe et aux Etats-Unis. Bilan et perspectives », in Irénikon, LIV/1, 1981, pp. 53-61 ; LIV/2, 1981, pp. 211-221 ; LIV/3, 1981, pp. 331-350.
[3] Cf. Paul Meyendorff, Russia, Ritual, and Reform : The Liturgical Reforms of Nikon in the 17th Century, Crestwood (N.Y.), St. Vladimir’s Seminary Press, 1991.
[4] Cf. Antoine Lambrechts, « Le statut ecclésial des Edinovertsy dans l’Eglise russe du XVIIIe au XXe siècle », in Irénikon, LXIV/4, 1991, pp. 451-467. Sur la situation actuelle desedinovertsy : Irénikon, LXVII/1, 1994, pp. 133-136.
[5] Wilhelm Kahle, Die Begegnung des baltischen Protestantismus mit der russisch-orthodoxen Kirche, Leiden / Köln, E.J. Brill, 1959, chap. 6.
[6] Ernst Chr. Suttner, « Die Union der sogenannten Nestorianer aus der Gegend von Urmia (Persien) mit der Russischen Orthodoxen Kirche », in Ostkirchliche Studien, 44/1, mars 1995, pp. 33-40.
[7] Jean-Claude Roberti, Les Uniates, Paris / Montréal, Cerf / Fides, 1992, p. 107.
[8] Cf. H.W. Langford, « The Non-Jurors and the Eastern Orthodox », in Eastern Churches Review, 1/2, automne 1966, pp. 118-131 ; Germain Ivanoff-Trinadtzaty, L’Eglise russe face à l’Occident, Paris, O.E.I.L., 1991, 1ère partie.
[9] Cette correspondance a été publiée par George Williams, The Orthodox Church of the East in the Eighteenth Century. Being the Correspondence Between the Eastern Patriarchs and the Nonjuring Bishops, London, 1868 (réimpression: New York, AMS Press, 1970).
[10] Ibid., p. 33.
[11] Ibid., pp. 34-35.
[12] Georges Florovsky, « Russian Orthodox Ecumenism in the Nineteenth Century », inCollected Works of Georges Florovsky, vol. 14, Vaduz, Büchervertriebsanstalt, 1989, pp. 110-163 (p. 110).
[13] Cf. « Une correspondance entre le le baron de Haxthausen et André Mouravieff », inIstina, juillet-septembre 1969, pp. 342-369 ; Paul Pierling, Le Prince Gagarine et ses amis, 1814-1882, Paris, Beauchesne, 1996, chap. 10.
[14] Columba Graham Flegg, « Gathered Under Apostles ». A Study of the Catholic Apostolic Church, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 272.
[15] Urs Küry, Die altkatholische Kirche, 2e éd., Stuttgart, Evangelisches Verlagswerk, 1978, pp. 111-116.
[16] Petrus Maan, « The Old Catholic Liturgies », in Gordon Huelin (dir.), Old Catholics and Anglicans, 1931-1981, Oxford, Oxford University Press, 1983, pp. 86-95 (pp. 87-88).
[17] Olga Novikoff, Le Général Alexandre Kiréeff et l’ancien-catholicisme, nouvelle éd. augmentée, Berne, Librairie Staempfli, 1914.
[18] Nicolas Zernov, The Church of the Eastern Christians, London, Society for Promoting Christian Knowledge, 1942, p. 83.
[19] Mémoire présenté à l’Empereur par le Procureur général du Saint-Synode, le Comte D. Tolstoy, sur l’activité de l’administration ecclésiastique orthodoxe depuis juin 1865 jusqu’à janvier 1866, Paris, Au Bureau de l’Union chrétienne, 1867, p. 5.
[20] Ibid., pp. 23-24.
[21] Cf. Jean-Paul Besse, Un précurseur, Wladimir Guettée, du Gallicanisme à l’Orthodoxie, Lavardac, Monastère Orthodoxe Saint-Michel, 1992.
[22] Wilhlem Kahle, Westliche Orthodoxie. Leben und Ziele Julian Joseph Overbecks, Leiden / Köln, E.J. Brill, 1968.
[23] Ibid., p. 21.
[24] J.J. Overbeck, Die Providentielle Stellung des Orthodoxen Russland und sein Beruf zur Wiederherstellung der rechtgläubigen katholischen Kirche des Abendlands, Halle, 1869, pp. 50-51.
[25] Ibid., p. 52.
[26] Ibid., pp. 59-60.
[27] On en trouve la reproduction intégrale dans l’étude de G.H. Thomann, The Western Rite in Orthodoxy : Union and Reunion Schemes of Western and Eastern Churches with Eastern Orthodoxy – A Brief Historical Outline, 3e éd., Nürnberg, chez l’auteur, 1995, pp. 51-74.
[28] J.J. Overbeck, Catholic Orthodoxy and Anglo-Catholicism. A Word about the Intercommunion between the English and the Orthodox Churches, London, Trübner, 1866, pp. 1-2.
[29] J.J. Overbeck, Die Wiedervereinigung der morgen- und abendländischen Kirche. Ein Rückblick auf der Münchener Altkatholiken-Congress, und ein Vorblick auf die zu lösende Aufgabe. Offener Brief an den Grafen Dimitry Tolstoy, Halle, 1873, p. 3.
[30] Ibid., p. 22.
[31] J.J. Overbeck, Die Bonner Unions-Conferenzen, oder Altkatholicismus und Anglikanismus in ihrem Verhältniss zur Orthodoxie. Eine Appellation an die Patriarchen und Heiligen Synoden der orthodox-katholischen Kirche, Halle, 1876, p. 1.
[32] Ibid., pp. 106-107.
[33] Ibid., p. 112.
[34] Ibid., p. 117.
[35] Florovsky, op. cit., p. 134.
[36] Russian Observations upon the American Prayer Book, London, Mowbray, 1917, p. 9.
[37] Ibid., p. 19.
[38] Ibid., p. 34.
[39] Constance J. Tarasar (et al.), Orthodox America, 1794-1976. Development of the Orthodox Church in America, Syosset (N.Y.), Orthodox Church in America, 1975, pp. 194-198.
[40] Michael Trigg (dir.), An Introduction to Western Rite Orthodoxy, Ben Lomond (California), Conciliar Press, 1993, p. 9.
[41] Diakonia, 5/1, 1970, p. 24.
[42] Orthodoxy, XII/1, janvier-février 1969, p. 11.
[43] Diakonia, 10/2, 1975.
[44] Ce nombre a vraisemblablement augmenté depuis, même si nous ne disposons pas de statistiques récentes. Lors d’un passage à Denver (Colorado) en novembre 2001, nous avons découvert dans cette ville trois communautés de rite occidental, deux utilisant une liturgie de tradition anglicane et l’autre la liturgie tridentine en anglais avec quelques adaptations mineures.
[45] P.W.S. Schneirla, « The Twain Meet », in The Word, mai 1993, pp. 3-4.
[46] Patrick McCauley, « What Is Western-Rite Orthodoxy ? », in The Word, mai 1993, pp. 5-6.
[47] Orthodox Missal According to the Use of the Western Rite Vicariate of the Antiochian Orthodox Christian Archdiocese of North America, Stanton (New Jersey), Saint Luke’s Priory Press, 1995, pp. 169-213.
[48] Une édition du « rite de saint Grégoire » contient cependant le texte bilingue latin-anglais, ce qui laisse supposer qu’il peut également être célébré en latin (The Missal. A Service Book for the Use of Orthodox Christians, Los Angeles, Antiochian Orthodox Christian Archdiocese of North America, 1991).
[49] On pourra lire un article du Père Alexey Young expliquant ses motivations dans M. Trigg, op.cit., pp. 5-10.
[50] Lettre personnelle du Père Alexey Young, 4 août 1996. Nous remercions le Père Alexey de nous avoir autorisé à citer des extraits de cette lettre.
[51] Orthodox Outlook, N° 35, avril 1991, p. 5.
[52] En particulier (d’un point de vue favorable à l’ECOF, mais abondamment documenté) le livre de Maxime Kovalevsky, Orthodoxie et Occident. Renaissance d’une Eglise locale. L’Eglise orthodoxe de France, Paris, Carbonnel, 1990.
[53] Vincent Bourne (pseudonyme d’Yvonne Winnaert), La Queste de Vérité d’Irénée Winnaert, Genève, Labor et Fides, 1966.
[54] Sur la Confrérie Saint-Photius, cf. Vincent Bourne, La Divine Contradiction. L’avenir catholique orthodoxe de la France, Paris, Librairie des Cinq Continents, 1975, chap. 7.
[55] Archimandrite Barnabas, Strange Pilgrimage, Welshpool, Stylite Publishing, 1985, pp. 45-47.
[56] Ibid., p. 55.
[57] Missel ou Livre de la Synaxe liturgique approuvé et autorisé pour les églises orthodoxes de rit occidental relevant du Patriarcat de Moscou, Paris, Contacts, 1962, p. 88.
[58] Cf. Vincent Bourne, La Divine Contradiction. Le chant et la lutte de l’Orthodoxie, Paris, Ed. Présence Orthodoxe, 1978, pp. 495-504.
[59] Texte latin et traduction française de ces lettres in Présence orthodoxe, N° 34-35, 3e et 4e trimestres 1976, pp. 17-37.
[60] Mgr Jean de Saint-Denis, « Etude critique des lettres de saint Germain de Paris », inPrésence orthodoxe, N° 20-21, 4e trimestre 1972 et 1er trimestre 1973, pp. 19-30.
[61] Pour une récapitulation des emprunts au rite byzantin, cf. Présence orthodoxe, N° 36, 1er trimestre 1977, pp. 82-90.
[62] Ibid., p. 75.
[63] M. Kovalevsky, Orthodoxie et Occident, pp. 107-108.
[64] Maxime Kovalevsky, Retrouver la Source oubliée. Paroles sur la liturgie d’un homme qui chante Dieu, Paris, Ed. Présence Orthodoxe, 1984, pp. 29-30
[65] Seraphim Newman-Norton, Fitly Framed Together. A Summary of the History, Beliefs and Mission of the Orthodox Church of the British Isles, Glastonbury, Metropolitical Press, 1976, p. 11.
[66] The Divine Liturgy for the Celebration of the Holy Eucharist According to the Glastonbury Rite, Commonly Called the Liturgy of Saint Joseph of Arimathea, 6e éd., Glastonbury, Metropolitical Press, 1979, p. 1.
[67] Abba Seraphim « The Liturgy of Saint James », in Glastonbury Bulletin, N° 93, juillet 1996, pp. 102-202.
[68] Celtic Missal. The Liturgy and Diverse Services from the Lorrha (« Stowe ») Missal, nouvelle éd., Akron, Ascension Western Rite Orthodox Church, 1996.
[69] Cf. Old Catholic Prayer Book, Austin, St. Hilarion Press, 1991.
[70] G. Bornand, « L’Orthodoxie occidentale », in Cahiers Saint-Irénée, N° 12, août-sept.1958, pp. 1-22 (p. 14).
[71] Ibid., p. 12.
[72] Ainsi, en avril 1996, Mgr Antoine de San Francisco (Archevêché grec) a indiqué qu’il reconnaissait certes de clergé de rite occidental d’autres juridictions comme orthodoxe, mais qu’il ne donnait pas son soutien à de telles initiatives, pour des raisons liturgiques (les rites n’ont pas de continuité directe avec ceux de l’Eglise occidentale des premiers siècles, mais sont largement marqués par les débats de la Réforme et de la Contre-Réforme) et pastorales (cela accroît encore la fragmentation de l’Eglise orthodoxe en Amérique et crée de petits groupes liturgiquement isolés). Le clergé antiochien de rite occidental n’était donc pas autorisé à participer à des liturgies dans des paroisses du diocèse en portant des vêtements liturgiques occidentaux, et le clergé du diocèse grec n’était pas autorisé à participer à des célébrations liturgiques de rite occidental. Le P. Charles Connely, recteur de la paroisse de rite occidental de Saint Marc (Denver), a répondu à cette prise de position dans une brochure intitulée Lux Occidentalis (également disponible sur Internet).